Notre-Dame de Rocamadour

Notre-Dame de Rocamadour

 

La Vierge noire de Rocamadour

But d’un pèlerinage fameux, déjà fréquenté l’an 1166, la Vierge noire de Rocamadour est une madone miraculeuse dont la tradition fait remonter l’origine au juif Zachée, chef des publicains de Jéricho, et qui domine l’autel de la chapelle de la Vierge construite en 1479.
C’est une statuette de bois, noircie par le temps, enveloppée dans une robe de lamelles d’argent qui en consolide les débris vermoulus. 
D'après Fulcanelli, « la célébrité de Rocamadour remonte au légendaire ermite, saint Amateur ou Amadour, lequel sculpta en bois une statuette de la Vierge à laquelle de nombreux miracles furent attribués. On raconte qu’Amateur était le pseudonyme du publicain Zachée, converti par Jésus-Christ ; venu en Gaule, il aurait propagé le culte de la Vierge. Celui-ci est fort ancien à Rocamadour ; cependant, la grande vogue du pèlerinage ne date que du XIIe siècle. »
Cette vierge noire est réputée pour avoir une intercession efficace, et dans le livre d'or de la chapelle, on peut lire des témoignages d'intercession (ou pris comme tels) comme par exemple « Sainte Vierge, je suis venu vous prier trois fois pour avoir un enfant. Je viens d'accoucher de triplés. Merci ».

Le pèlerinage de Rocamadour

L'épreuve finale du pèlerinage consistait à gravir à genoux les 216 marches conduisant à la cité religieuse (qui comprend sept églises, et douze autres que les restaurations du XIXe siècle n'ont pu relever). 
Enfin parvenus à l'intérieur des sanctuaires après cette ascension, les pèlerins laissaient en ex-voto divers objets.
Les plus connus restent les fers de condamnés libérés de leurs chaînes, les bateaux de marins sauvés et reconnaissants, ou les plaques de marbre gravées et accrochées au mur de la chapelle aux XIXe siècle et XXe siècle.
L'insigne des pèlerins est la sportelle.
Bien plus que présentant les reliques du corps d'Amadour, le succès du site vint des miracles de la Vierge noire dont la cloche miraculeuse signalait par son tintement le sauvetage en mer de marins.
Cette reconnaissance du monde des marins valut à Notre Dame de Rocamadour d'être vénérée dans plusieurs chapelles comme au Finistère ou au Québec. 
L'Église encouragea également ce pèlerinage par l'attribution à perpétuité d'indulgences plénières aux personnes qui recevraient les sacrements de la pénitence et de la communion à Rocamadour. 
Les plus célèbres sont celles des grands pardons, lorsque la Fête-Dieu arrive le jour de la Saint Jean-Baptiste (24 juin). Les jours de grands pardons où l'indulgence plénière est accordée, plus ou moins 30 000 personnes se pressent à Rocamadour.
Outre les détails concernant le pèlerinage et les pèlerins, le Livre des Miracles de Notre-Dame de Rocamadour, dont le manuscrit daterait de 1172, renferme nombre de renseignements sur la vie au Moyen Âge, mille traits de mœurs sur les hommes et les femmes de cette époque, tout un vécu populaire, qui font l'histoire. 
Outre les circonstances qui ont entouré l’essor tout à fait exceptionnel du pèlerinage, Jean Rocacher évoque les points essentiels que contient ce texte : signification du miracle dans la mentalité médiévale, aspects médicaux, spiritualité et doctrine mariale, intérêt historique signalé entre autres par des événements précis tels que l’ordalie imposée à l’infante de Navarre, Sancha, épouse de Gaston V de Béarn. 
Il existe une réédition du Livre des Miracles de Notre-Dame de Rocamadour présentée et annotée par Jean Rocacher (professeur émérite à l’Institut catholique de Toulouse), avec une préface de Régine Pernoud, chez l'éditeur Le Pérégrinateur.
Les tribunaux ecclésiastiques, et parfois les tribunaux civils, ont fréquemment imposé le pèlerinage de Rocamadour. C'était une grande pénitence, infligée surtout aux hérétiques albigeois qui passaient pour haïr la Mère de Dieu. 
Mais les pèlerinages n'étaient pas toujours un but d'actions pieuses : les seigneurs, les consuls des villes aimaient à se placer sous la protection de Notre-Dame pour conclure un traité ou signer une charte.
Rocamadour possède un pèlerinage très ancien à la Vierge Marie sous l'apparence d'une Vierge noire dont le corps était autrefois couvert de plaques d'argent, puis d'un manteau, comme Notre Dame du Puy ou Notre Dame de la Daurade à Toulouse. Cette statue est dans l'une des chapelles dans les sanctuaires à pic, sur les gorges de l'Alzou

L'épée Durandal plantée dans la muraille de Rocamadour

C'est aussi ici que selon une version, l'épée de Roland, Durandal, aurait été transportée par l'archange saint Michel.

Enfin nous arrivons au grand pèlerinage du Quercy, Notre-Dame de Rocamadour, dans le canton de Gramat. 
Ce pèlerinage, le plus curieux peut-être et le plus pittoresque du monde entier, est situé au haut d'une énorme montagne, sur les flancs de laquelle s'élèvent diverses maisons, superposées les unes aux autres. 
L'ensemble de ces habitations forme la ville de Rocamadour, avec sa rue unique, qui monte en diagonale, depuis la base jusqu'au sommet.
Au-dessus de la ville, apparaît assise sur un roc escarpé l'église de Rocamadour, surmontée d'une couronne de rochers plus élevés encore, qui semblent, en se recourbant, la couvrir de leur ombre tutélaire, quoiqu'ils ne soient plus comme autrefois l'asile de fervents solitaires, heureux de vivre là au-dessus du monde et plus près du ciel ; enfin, sur la plate-forme la plus haute, sont semées les ruines d'un ancien castel, du haut duquel les guerriers catholiques protégeaient, dans les temps de crise religieuse, la chapelle de Marie. 
Aux portes de Rocamadour, commence le magnifique escalier qui conduit à l'église du pèlerinage ; le pieux pèlerin en franchit, à genoux et en priant, les deux cent soixante-dix-huit degrés, réduits aujourd'hui à deux cents. 
Arrivé vers la centième marche, on trouve, sur une plate-forme, les habitations des chanoines, qui, au nombre de quatorze, se dévouaient, dans cette solitude, au culte de Marie ; de là gravissant un nouvel escalier, on découvre, dans le fond, le portail de l'église Saint-Sauveur, qui était l'église du chapitre, à gauche douze sanctuaires construits dans le roc, en l'honneur des douze apôtres, dont, hélas ! il ne reste plus que des décombres ; et à droite la chapelle de la Vierge, dont le rocher lui-même commence la voûte, et où l'on honore sa statue miraculeuse, statue petite et noire, représentant l'Enfant Jésus sur les genoux de sa Mère. 
Avant les ravages de l'impiété et de l'hérésie, quatorze lampes d'argent pendaient de la voûte, et de magnifiques offrandes enrichissaient la chapelle : aujourd'hui, quelques pauvres tableaux ont remplacé ces splendeurs.
Tel est le pèlerinage si fameux de Rocamadour. Mais quelle en est l'origine ? Quelles en sont les gloires ? Quelles en ont été les vicissitudes ? Trois grandes questions dont l'examen est saisissant d'intérêt, au point de vue de la foi, comme au point de vue de l'histoire. 

D'abord, l'origine de Rocamadour se confond avec l'origine même du christianisme dans les Gaules, c'est-à-dire qu'elle remonte jusqu'au premier siècle de l'Église chrétienne, selon l'expression de Pie II lui-même dans sa bulle de 1463, où il appelle le monastère de Rocamadour « un monastère » très-ancien, fondé dès l'origine de notre sainte mère l'Église. 

En effet, tous ceux qui ont étudié les antiquités de Rocamadour sont unanimes à reconnaître que les rochers, où est aujourd'hui ce célèbre sanctuaire, furent habités, dans le principe, par un saint solitaire, lequel, selon plusieurs auteurs, ne fut autre que le vertueux Zachée de l'Évangile ; que là, par son amour de la retraite au milieu de ces rochers, il mérita le nom d'amateur de la Roche, qui se traduit, dans le langage du pays, par celui de Roc-Amadour ; que là encore, inspiré par son amour pour la sainte Vierge, il bâtit, en son honneur, la petite chapelle qui existe à la place où on la voit aujourd'hui, sauf les changements qu'ont nécessités les dégâts du temps et des hommes ; qu'il eut pour ami saint Martial, l'apôtre des Gaules, lequel le visitant souvent, consacra la nouvelle chapelle avec son autel ; qu'enfin l'image de la sainte Vierge honorée à Rocamadour remonte à la même époque que la chapelle elle-même, puisque celle-ci ne fut bâtie que pour la recevoir. 

D'un autre côté, c'est un fait maintenant acquis à l'histoire, que saint Martial fut disciple de saint Pierre, et envoyé par lui dans les Gaules pour évangéliser les pays situés entre le Rhône et l'Océan ; d'où il suit que le pèlerinage de Rocamadour remonte jusqu'au premier siècle, puisque saint Martial a vécu et est mort dans ce siècle.
Ce pèlerinage, si célèbre par son antiquité, le devint encore plus par les reliques de saint Amadour, qui s'y conservaient dans une parfaite intégrité. 

En 1562, les huguenots eurent beau les livrer aux flammes, le feu les respecta : le capitaine Bessonie eut beau essayer de les briser avec un marteau de forgeron ; on en déroba à sa fureur au moins une notable partie ; et quoique, en 93, on les ait profanées de même, on conserve encore, dans un reliquaire, des ossements à demi brûlés, mêlés avec une poussière semblable à de la cendre noire, et, dans un second reliquaire, plusieurs ossements non endommagés par le feu, ainsi que le foie du saint solitaire, qui, loin de s'être corrompu, a conservé l'élasticité d'une chair vivante.

Aussi sont-elles incomparables, les gloires de Notre-Dame de Rocamadour !
Cette église, disait Martin V dans sa bulle de 1427, est si miraculeusement protégée, que la multitude des fidèles a coutume de s'y rendre, de toutes les parties du monde, par le sentiment d'une grande dévotion.  

En 778, le fameux Roland, neveu de Charlemagne, y vint offrir à la sainte Vierge un don d'argent du poids de son épée ; et, après sa mort, on y porta son épée même. 

En 1170, Henri II, roi d'Angleterre, y vint acquitter un vœu qu'il avait fait dans une grave maladie. 

A la suite de ces princes, Simon, comte de Montfort, y conduisit, en 1211, les soldats allemands qu'il avait pris à son service, et qui voulurent honorer la Mère de Dieu dans un sanctuaire si illustre, avant de retourner dans leur pays. 

Le légat du Pape, Arnaud Amalric, qui fut plus tard archevêque de Narbonne, y passa l'hiver entier de la même année. 

Les évêques de Tulle et de Cahors venaient tous, au moins une fois dans le cours de leur épiscopat, se recommander à la Vierge de Rocamadour.

Il n'y avait pas jusqu'aux étrangers les plus éloignés et aux plus hauts personnages, qu'on ne vît quelquefois braver les dangers et les fatigues d'un long voyage pour visiter ce saint lieu. 

Nous y voyons saint Engelbert, archevêque de Cologne, deux fois pendant son épiscopat, tout prince et électeur de l'Empire qu'il était. 

Nous y voyons saint Louis, accompagné de ses trois frères, de la reine Blanche et d'Alphonse, comte de Boulogne, qui fut plus tard roi de Portugal.
Le quatorzième siècle nous y montre de même, en 1324, Charles le Bel, la reine son épouse ; Jean, roi de Bohême, et quelques années après, le fils aîné de Philippe de Valois, Jean, duc de Normandie. 

Au quinzième siècle, et particulièrement en 1445 et 1451, les pèlerinages à Rocamadour deviennent encore plus fréquents. 

En 1463, Louis XI y fait ses dévotions ; et les peuples, non moins zélés que les rois et les princes, s'y rassemblent en tel nombre, que, quelquefois dans un seul jour, on voit plus de trente processions monter dévotement les marches qui conduisent à la sainte chapelle. 

Au seizième siècle, même affluence. 

En 1546, la foule fut même si grande que toutes les campagnes des environs étaient couvertes, comme un grand camp, des tentes des cabaretiers, et que plusieurs de tout âge et de tout sexe furent étouffés dans la presse. 

Ces dangers ne diminuèrent point le concours des pèlerins : on y voit, en 1564, la ville de Gramat, et, en 1538, l'abbaye de Terrasson au diocèse de Sarlat, frappées, l'une d'une peste terrible, l'autre d'une mortalité qui faisait périr les bestiaux, jointe à une sécheresse qui menaçait tout le pays de la famine, venir religieusement acquitter le vœu fait à la Vierge de Rocamadour, à laquelle elles se proclamaient redevables de leur délivrance.
A toutes ces gloires, nous pouvons ajouter que Rocamadour était comme un centre glorieux, où venaient se réunir les personnages les plus illustres et s'accomplir les plus célèbres événements. 

Là, les évêques de Cahors faisaient souvent leur résidence et recevaient les hommages des grands seigneurs leurs vassaux ; là, l'archevêque de Bourges chargé par Grégoire IX de nommer un évêque à Albi, mandait les chanoines de cette dernière ville et procédait à l'élection. 

Là, fut signé, en 1230, au nom de Louis VIII, père de saint Louis, le traité de paix pour la répression des brigands qui désolaient la contrée : là, les principaux seigneurs du Quercy se rassemblèrent pour demander, par Marie, l'extirpation des Albigeois, et, peu d'années après, cette secte n'existait plus ; là, enfin Simon, archevêque de Bourges, officiait pontificalement et conférait les ordres.

Aussi, on ne se contentait pas de visiter une église si illustre ; on lui faisait encore des dons considérables. 

Odon, comte de la Marche, lui donna, en 1119, la forêt de Montsalvy, libre de tout impôt ; la vicomtesse de Béarn, fille du roi de Navarre, lui fil présent, en 1170, d'une riche tapisserie, tissue péniblement de ses propres mains ; et Alphonse IX, roi de Castille, lui consacra, en 1181, les terres de Fornellos et d'Orbanella. 

En 1202, Sanche VII, roi de Navarre, lui cède deux rentes importantes, à condition qu'un cierge brûlera, jour et nuit, à perpétuité, devant son autel, et vingt-quatre cierges de demi-livre, à chacune de ses fêtes. 

En 1217, Erard de Brienne et son épouse fondèrent deux cierges destinés également à brûler, nuit et jour, dans le même sanctuaire. 

En 1218, Savaric, prince de Mauléon et seigneur de Talmont, donna la terre de Lisleau avec plusieurs autres présents. 

Dans les années suivantes, nous trouvons des donations semblables faites par les ducs de Lorraine, les comtes de Toulouse, les comtes de Beaufort, par la comtesse de Montpensier, Pons de Gordon, le vicomte de Turenne ; par le pape Clément V lui-même et par le roi Charles VI ; enfin par des personnes de toutes les conditions et de toutes les fortunes, jalouses de témoigner, chacune selon ses moyens, leur dévouement à la Vierge de Rocamadour. 
Toutefois, ce n'était encore là que la moindre partie des gloires de la célèbre chapelle. 

Les privilèges dont la dotèrent les papes, les évêques et les princes, furent pour elle une bien autre illustration. 

Depuis les commencements du quatorzième siècle, les souverains pontifes lui concédèrent la faveur du grand pardon, c'est-à-dire d'un jubilé solennel, chaque année où la Fête-Dieu coïnciderait avec la Nativité de saint Jean-Baptiste. 

De plus, Alexandre III l'autorisa à recevoir la sépulture de quiconque voudrait y être enterré, défendant, sous la menace des peines ecclésiastiques, de s'opposer à cette dernière volonté. 

Grégoire XI déclara cette chapelle exempte de tout interdit, afin que, toujours et à toute heure, on pût y célébrer publiquement l'office divin et y administrer les sacrements. 

L'évêque de Tulle, en 1328, obligea les transgresseurs des statuts qu'il donnait à son diocèse à payer en amende vingt livres de cire à la chapelle de Rocamadour ; et Charles le Bel ne fit grâce aux habitants de quelques villes de France révoltées, qu'à la condition d'y envoyer cent pèlerins. 

Nous voyons, en 1399, Notre-Dame de Rocamadour si respectée, que, malgré les guerres qui désolaient le Quercy, on pouvait sans crainte en faire le pèlerinage. 

Amis et ennemis, Anglais et Français, tous respectaient les pèlerins porteurs de la pièce de plomb où étaient gravées d'un côté l'image de la Vierge et de l'autre celle de saint Amadour ; et les quêteurs de ce sanctuaire avaient le droit d'aller partout recueillir des aumônes. 

Enfin dans ces derniers temps, et depuis un siècle seulement, Notre-Dame de Rocamadour a reçu du saint-siège des privilèges plus grands encore que par le passé. 

Clément XII, en 1739, lui avait accordé, pour sept ans, les indulgences attachées aux sept autels de la basilique de Saint-Pierre, et ses successeurs avaient renouvelé, tous les sept ans, la même faveur. 

Pie VI, en 1778, concéda ce privilège à perpétuité ; et Grégoire XVI, en 1834, y ajouta une indulgence plénière pour les fêtes de la Nativité et de l'Assomption, ainsi que diverses autres indulgences partielles.

Tous ces privilèges, aussi bien que les dons et les visites dont Rocamadour a été l'objet, s'expliquent par les innombrables miracles qui s'y sont opérés depuis le commencement de la sainte chapelle jusqu'à nos jours.

Malheureusement les archives qui en contenaient les détails authentiques ont péri dans la triple dévastation qu'ont fait successivement subir à Rocamadour les Albigeois, les protestants et les révolutionnaires de 93 ; toutefois les historiens nous en ont conservé assez pour nous édifier sur cet intéressant sujet. 

Robert du Mont, à l'année 1180, assure qu'en 1166, après la découverte du corps de saint Amadour, il se fit des miracles nombreux et inouïs  jusque-là, par la puissance de la bienheureuse Marie.  

Hugues Farsit, qui avait fait un recueil de cent vingt-sept miracles opérés à Rocamadour, atteste que la Vierge Marie opère en ce lieu toutes sortes de prodiges selon la volonté et la supplication de ses suppliants.  

Puis il ajoute : « La très-sainte Vierge a choisi comme son lieu de prédilection l'église de Rocamadour ; elle l'honore par de fréquents miracles et la rend illustre par-dessus presque toutes les églises de l'univers. » 

« Là, dit Bertrand de la Tour, se sont toujours opérés des miracles. La dévotion remise en vigueur, les peuples accourant en foule, les dons multipliés à l'infini, les boiteux redressés, les paralytiques remportant leurs lits sur leurs épaules, les aveugles rendus à la lumière, les sourds entendant, les démoniaques délivrés, les muets parlant, la multitude ravie en admiration, tout atteste le pouvoir de Marie. Pour confirmer ces prodiges, on voit suspendue au toit de l'oratoire une petite cloche sans corde, qui plusieurs fois a sonné d'elle-même pour annoncer quelque miracle, et surtout la délivrance des naufragés qui dans la tempête invoquent Notre-Dame de Rocamadour. » 

— Le même auteur continue : « Voyez, dit-il, ces chaînes, ces habits, ces linges, ces suaires, ces images de cire... Voyez ces lampes d'argent et d'or, ces colliers, ces boucles d'oreilles, ces joyaux de tout genre, enrichis de perles et de diamants, qui pendent de la voûte devant l'image de la glorieuse Vierge ; contemplez ces calices, ces burettes, ces vases, ces chasubles, ces dalmatiques, ces chapes, ces tapisseries et tous ces ornements divers consacrés à la Mère de Dieu par les rois, les princes, les nobles et les fidèles de toute condition et de tout sexe ; tout cela est bien suffisant, si vous consultez votre raison, pour vous apprendre que, par le secours de la bienheureuse Vierge invoquée en ce lieu, tous ont obtenu les faveurs qu'ils sollicitaient. »

Ce que les historiens racontent, les orateurs de tous les siècles le proclament et les poètes le célèbrent. 

Un des plus célèbres cantadours du treizième siècle, Gauthier de Coincy, en a fait un poème divisé en quatre livres.

Odo de Gissey cite, entre autres, quatorze exemples du tintement spontané de la cloche miraculeuse, annonçant la délivrance des naufragés ; et il dit avoir lu de ses propres yeux l'acte authentique qui constatait ces faits, ou en avoir été témoin oculaire, il assigne même la date précise de chacun d'eux, savoir : le 10 et le 13 février 1385, le 20 juillet 1435, le 14 octobre 1436, le 5 mai 1454, le 5 mars 1542, le 11 et le 22 octobre 1543, le 3 février 1544, le 31 mai 1545, le 15 février et le 18 mars 1549, enfin au mois d'avril 1551 et le 3 août 1554.

Au miracle des naufragés sauvés des flots on peut ajouter la victoire remportée le 16 juillet 1212, par Alphonse IX, roi de Castille, contre les Sarrasins, dans la plaine de Las Navas de Tolosa, près de la Sierra-Morena.
Attaqué par cent quinze mille cavaliers, sans compter l'infanterie qui était innombrable, Alphonse avait vu son avant-garde écrasée, sa seconde ligne en déroute, les templiers et les chevaliers de Calatrava mis hors de combat ; il allait périr lui-même, lorsque tout à coup il lève l'étendard de Notre-Dame de Rocamadour, que lui avait apporté le prieur du couvent sur l'ordre de la sainte Vierge : à cette vue, tous les guerriers fléchissent le genou, et s'élancent ensuite pleins de confiance contre leurs terribles ennemis. Ils les taillent en pièces, en tuent plus de cent mille et perdent a peine trente des leurs.

Combien d'autres traits de la protection de Notre-Dame de Rocamadour ne pourrions-nous pas citer encore ? Ici, c'est une masse de rochers se détachant de la montagne, renversant la maison avec fracas sans même en blesser les habitants, qui se recommandent à la Vierge de Rocamadour. 

Là, c'est un cavalier désarçonné, traîné par son coursier fougueux, et sauvé d'une mort naturellement inévitable ; ce sont des centaines de personnes arrachées à des périls imminents, des malades de tout âge et de toute espèce d'infirmités, rendus à la santé, des morts même revenus à la vie.

Cependant une église où il se faisait tant de prodiges de bonté en faveur des hommes, ne fut point respectée des hommes, comme elle aurait dû l'être ; et de même que la vertu du juste lui attire souvent ici-bas la persécution des méchants, les miracles qui s'opéraient à Roca madour lui valurent plus d'une fois la haine des impies. 

En 1183, lorsque cette partie de la France était au pouvoir des Anglais, Henri le Jeune, révolté contre Henri II, son père, roi d'Angleterre, vint sous prétexte de pèlerinage à Rocamadour, pilla l'oratoire, enleva même les plaques qui couvraient le corps de saint Amadour, et y exerça, selon le mot d'un ancien historien, une barbarie de bête féroce. 

Si, dans le siècle suivant, de nombreuses offrandes vinrent réparer les pertes du célèbre monastère, un de ceux qui auraient dû le protéger et le défendre, Hélie, abbé de Tulle, le dilapida, à ce point qu'il fallut, par un acte qui existe encore, engager tous les biens de l'église de Rocamadour, pour pourvoir au service de la chapelle et à l'entretien du personnel. 

Privé une seconde fois de toutes ses ressources, ce sanctuaire fut bientôt remis en sa première splendeur par la piété des peuples. 

Mais voilà qu'en 1368, les Anglais viennent l'assiéger, et l'oratoire allait être pillé de nouveau, si les habitants n'eussent capitulé pour éviter ce malheur. 

Deux siècles plus tard, les Français, devenus calvinistes, firent ce que n'avait pas fait l'armée anglaise. 

Le 3 septembre 1592, ils prirent Rocamadour, brisèrent les croix, les images et statues des saints, pillèrent tous les ornements, les reliquaires, les pièces diverses d'argenterie, les cloches, les offrandes et les ex-voto de l'église, jusqu'aux lames d'argent qui recouvraient la châsse de saint Amadour, dont ils broyèrent le corps à coups de marteau, enfin jusqu'au plomb même qui formait le toit de la sainte chapelle, dans laquelle ils ne laissèrent rien d'intact que l'image miraculeuse de Marie.

Quand ce torrent destructeur fut passé, la piété des fidèles s'empressa de réparer de si grands désastres, et la sainte chapelle avait déjà recouvré quelque chose de son ancien éclat, lorsque la révolution de 93 vint, encore une fois, la dépouiller de ses offrandes et la réduire dans le plus déplorable état. 

Depuis cette époque, Rocamadour n'a plus que des murailles dépouillées, des autels sans éclat, des ornements simples et pauvres, et, tout autour, des bâtiments à moitié démolis, des pierres éparses, des herbes immondes croissant sous ces voûtes qui servaient autrefois de passage aux monarques de la terre et aux princes de l'Église. 

Un seul trésor lui reste, c'est la confiance, le dévouement des peuples qui accourent comme autrefois à l'antique pèlerinage.

On y compte jusqu'à quarante mille pèlerins pendant l'octave de la Nativité. 

Vingt-six confesseurs ne peuvent suffire à l'empressement de la foule, et la table sainte reçoit au moins, chaque année, quinze mille fidèles.

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