Bienheureux Pierre l'Ermite († 1115)
Prédicateur itinérant
Pierre l’Ermite (°1053 - † 1115) ou Pierre L’Hermite ou Pierre d’Amiens ou Pierre d'Achères est un religieux français du XIe siècle,
qui prêche la croisade après l’appel d’Urbain II au concile de
Clermont et qui prend ensuite la tête d’une des principales croisades
populaires de 1096.
Il échappe au massacre des croisés de Civitot, rejoint la croisade des
barons, la suit jusqu’à Jérusalem, mais disparaît au moment de la prise
de la ville.
C'est un bienheureux catholique fêté le 8 juillet.
Biographie
Né
vers 1050, il serait le fils de Renauld L'Ermite,prétendument de la
Maison d'Auvergne, et d'Alide de Montaigu, de la Maison de Picardie.
Il
aurait été, avant de rentrer veuf dans les ordres, marié à Béatrix de
Roussy, de la Maison de Normandie, avec laquelle il aurait eu deux
enfants : Pierre et Ailide.
Ils
seraient, selon une fable sans aucun fondement sérieux, à l'origine de
la famille de L'Hermite, encore existante de nos jours, et dont auraient
notamment fait partie Louis Tristan L’Hermite, sinistre ministre de
Louis XI, Jacques L'Hermite (1582-1624), navigateur qui a donné son nom
aux Îles Hermite du Cap Horn et François Tristan L'Hermite (1601-1655),
écrivain et membre de l'Académie Française. Mais ces trois "illustres" l'Hermite sont-ils parents entre eux ?
Une jeunesse sujette à caution
Le surnom de Pierre d’Amiens attribué par quelques chroniqueurs milite en faveur d’une origine autour de cette ville, à défaut de la ville elle-même.
Au XIXe siècle,
les historiens le considèrent comme issu d’une famille noble, comme un
chevalier ayant longtemps guerroyé et qui se serait ensuite repenti et
aurait décidé de vivre en ermite.
Mais les études critiques modernes ont montré qu’à part la citation
très imprécise d’Albert d’Aix, cette affirmation n’est absolument étayée
par rien.
De toute manière aucun de ces anciens historiens n’a pu donner un nom à la famille dont serait issu Pierre l’Ermite.
De
même, on lui attribue un pèlerinage à Jérusalem effectué en 1093, au
cours duquel il aurait constaté les persécutions exercées à l’encontre
des pèlerins et qu’il aurait rapporté au pape, l’incitant à lancer son
appel aux croisades, mais René Grousset qualifie cet épisode de
« légende à rayer définitivement de l’histoire ».
La croisade populaire
Le 27
novembre 1095, le pape Urbain II, qui a déjà reçu les envoyés de
l’empereur byzantin Alexis Comnène au concile de Plaisance six mois
auparavant, lance un appel solennel à la Chrétienté pour inciter ses
barons à partir en expédition pour délivrer les Lieux Saints.
L’idée
de la croisade prend tellement bien que des prédicateurs parcourent les
campagnes pour haranguer les foules dont un grand nombre décide de
partir, que l'historien Jacques Heers a appelé les « fous de Dieu ».
Ceux-ci, associés à la diffusion de l'appel pontifical, drainaient de
larges auditoires auxquels ils prêchaient la réforme des mœurs.
L’un
des prédicateurs les plus connus est Pierre l’Ermite, qui commence sa
prédication dans le Berry, puis l’Orléanais, la Champagne,
la Lorraine et la Rhénanie, emmenant dans son sillage quinze mille
pèlerins, encadrés par quelques chevaliers dont Gautier Sans-Avoir.
Arrivé
à Cologne le 12 avril 1096, il continue de prêcher auprès des
populations allemandes, tandis que Gautier Sans-Avoir conduit les
pèlerins en direction de Constantinople.
Les
travaux historiques commencent à se développer sur les premières
persécutions contre les Juifs lors des croisades « allemandes ».
L'historien Jean Richard note :
« Une
récente étude de l'historien Jean Flori a mis à nouveau l'accent sur
l'originalité de la croisade, telle qu'elle fut prêchée par ces
prédicateurs, en ce qu'elle ne suivait pas uniquement les lignes tracées
par Urbain II dans son discours de Clermont, notamment en introduisant
dans leurs prêches une note antijuive qui allait se traduire par les
exactions dont les juifs de Rhénanie et de la vallée du Danube ont été
les principales victimes. »
Contrairement
à d’autres prédicateurs comme Gottschalk, il ne semble pas que Pierre
l’Ermite ait appelé à persécuter les Juifs, mais il use des terreurs
créées par les massacres commis dans d’autres régions pour obtenir des
communautés juives des régions qu’il traverse le ravitaillement et le
financement des croisés.
Ayant
persuadé un certain nombre d’Allemands de partir, il quitte Cologne à
la tête d’environ douze mille croisés le 19 avril 1096 et traverse
le Saint-Empire et la Hongrie en suivant le Danube.
Une
contestation, probablement à propos de l’achat de vivres, dans la ville
de Semlin, près de la frontière entre la Hongrie et l’empire
byzantin déclenche des bagarres, la ville est prise d’assaut et quatre
mille Hongrois sont tués.
Les croisés n’échappent à la colère du roi Coloman de Hongrie qu’en se sauvant dans le territoire byzantin.
Méfiants,
les Byzantins cherchent à canaliser cette foule, n’y parviennent pas et
évacuent Belgrade qui est aussitôt mise à sac.
Ce pillage ainsi que celui des faubourgs de Nish montrent que Pierre l’Ermite ne maîtrise déjà plus sa troupe.
Malgré
ces heurts, l’empereur Alexis Comnène fait bon accueil aux croisés et
leur conseille d’attendre la venue des barons à Constantinople, mais
comme les Croisés pillent les faubourgs de la ville, il leur fait
traverser le Bosphore et leur attribue le camp de Civitot.
Ne
parvenant pas à discipliner les croisés qui choisissent d’autres chefs
et commencent à faire des incursions en territoire turc, Pierre l’Ermite
repart vers Constantinople pour demander conseil à l’empereur.
Les croisés remportent quelques succès face aux paysans turcs et à des
garnisons faibles et peu nombreuses, mais sont massacrés lorsque le
sultan Kılıç Arslan Ier revient avec son armée.
Des vingt-cinq mille croisés installés à Civitot, seuls trois mille
réussissent à être évacués à Constantinople où ils retrouvent Pierre
l’Ermite.
Les
barons arrivent à Byzance au cours du printemps 1097 et après
négociations, franchissent le Bosphore et mettent le siège devant Nicée.
Pierre l’Ermite les y rejoints avec les rescapés de la croisade populaire.
La ville se rend aux Byzantins le 26 juin 1097.
Puis la croisade continue son chemin à travers l’Anatolie, défait à nouveau les Seldjoukides àDorylée (1er juillet 1097) et atteint Antioche le 21 octobre 1097.
Ce
siège, l’un des plus durs de la croisade en raison de sa durée (près de
huit mois) et des difficultés de ravitaillement est la cause d’un
certain nombre de défections, comme celle du comte Etienne-Henri de
Blois.
Pierre l’Ermite lui-même perd espoir et déserte, avec Guillaume Ier, dit « le Charpentier » (en), vicomte de Melun.
Mais Tancrède
de Hauteville, craignant une désaffection générale, ne l’entend pas
ainsi, poursuit les deux fugitifs et les ramène de force aux abord
d’Antioche où Bohémond de Tarenteleur inflige une virulente
admonestation.
La ville d’Antioche est prise le 2 juin 1098, mais elle est assiégée le
lendemain par une armée de secours commandée par Kerbogha, atabeg de
Mossoul.
Les
croisés manquent de vivres, n’ayant pas eu le temps de reconstituer les
réserves, mais la découverte de la Sainte Lance par un pèlerin
provençal du nom de Pierre Barthélemy redonne espoir aux croisés.
Ils
sont tellement sûrs d’eux qu’ils envoient Pierre l’Ermite accompagné
d’un certain Herlouin, qui parlait la langue arabe et servait
d’interprète, en ambassade auprès de Kerbogha pour lui demander de lever
le siège.
Devant le refus de ce dernier, les croisés attaquent le camp de Kerbogha et défont son armée.
Après
la victoire, les croisés restent de longs mois à Antioche et ne
repartent en direction de Jérusalem que le 13 janvier 1099.
Pierre
l'Ermite les accompagne et sa dernière apparition se fait sur le mont
des Oliviers le 8 juillet 1099 lorsqu'il harangue la foule des croisés
avant la prise de Jérusalem.
La ville est prise le 15 juillet 1099. Ensuite il n'y a pas de certitude sur son sort.
Faits légendaires
Une
légende fait cependant réapparaître le personnage à Huy en 1100, où il
fonde le monastère de Neufmoustier et où il finit ses jours en 1115.
Cette
légende trouve son origine dans les écrits de Jacques de Vitry qui
trouva commode, pour convaincre les gens originaires de l'évêché de
Liège du bien-fondé d'une participation à la croisade contre les
Albigeois, de manipuler un peu l'histoire et de faire naître quelques
personnages héroïques issus du Pas-de-Calais en bord de Meuse.
Et pourtant l'obituaire de l'abbaye de Neufmoustier à Huy note en sa page du 8 juillet 1115 que ce jour voit "la
mort de Dom Pierre, de pieuse mémoire, vénérable prêtre et ermite, qui
mérita d'être désigné par le Seigneur pour annoncer, le premier, la
sainte Croix" et le texte poursuit par "après la conquête de la terre Sainte, Pierre revint au pays natal" et aussi que "il fonda cette église ... et s'y choisit une sépulture convenable".
On peut donc raisonnablement y voir plus qu'une légende sans fondement.
Une autre "légende" est donnée au XIVe siècle par le trouvère français Jehan-le-Bouteiller, qui chante la mémoire d’un dict Pierre l'Hermite deschendant d'un comte de Clairmont par un sieur d'Herrymont qui épousera une de Montagut.
Les
parents de Pierre l'Ermite seraient donc Renauld d'Hérimont et Aleïdis
de Montaigu (Aleïdis est signalée à Huy dans l'obituaire de
Neufmoustier, déjà cité, comme la mère de Dom Pierre, possédant une maison à Huy).
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