Sainte Irène de Cappadoce (9ème s.)
Sainte Irène vivait en Cappadoce, au sein d'une riche et noble famille, après la mort de l'empereur iconoclaste Théophile (842).
Théodora
ayant assumé la régence, elle fit rechercher dans tout l'Empire une
épouse pour son fils, l'empereur Michel III (842-867).
Remarquée
pour sa beauté et la noblesse de ses mœurs par les envoyés de la Cour,
Irène fut envoyée à Constantinople avec sa sœur, qui épousa ensuite le
césar Bardas, frère de Théodora.
Passant
en chemin près du Mont Olympe de Bithynie, elle rendit visite à Saint
Joannice le Grand (cf. 4 nov.), qui la salua en lui prédisant qu'elle
deviendrait Higoumène du monastère de Chrysobalanton.
La
Providence ayant empêché son mariage avec l'empereur, le coeur soulagé
et plein de joie, elle distribua tous ses biens et se retira au
monastère de Chrysobalanton ("Bourse d'or"), fondé par le patrice
Nicétas (Nicolas), près de la citerne d'Aspar, en un endroit où l'on
respirait le bon air, loin des places publiques et des lieux bruyants.
Lors de sa Consécration Monastique, la bienheureuse retrancha, avec sa
chevelure, tout lien qui la retenait au monde, et se livra avec zèle aux
labeurs de l'ascèse, sachant que dans la mesure où le corps est
affaibli, l'homme intérieur se renouvelle et approche de Dieu.
Vêtue d'une seule tunique, qu'elle changeait une fois par an, se
nourrissant de pain et d'eau, elle se soumettait de bon gré, avec joie, à
tout ce qu'on lui prescrivait, ignorant la contestation ou le murmure.
Sa componction permanente réjouissait son cœur et faisait rayonner son
visage, et telle une terre fertile, elle produisait les fruits abondants
des saintes vertus.
Elle
regardait toutes les sœurs comme des reines et se considérait comme
leur servante, s'offrant aux plus vils travaux pour leur rendre service.
Sa bouche ne proférait que les paroles de l'Ecriture ou des Saints Pères, qu'elle méditait constamment.
Alors
qu'elle était depuis moins d'un an au Monastère, ayant lu avec
admiration la vie de Saint Arsène (cf. 8 mai), qui priait depuis le
coucher du soleil jusqu'au matin, elle entreprit de l'imiter.
Et,
avec l'aide de la grâce de Dieu, elle parvint peu à peu à rester
debout, les mains tendues en prière, tout le jour et toute la nuit.
Elle
luttait avec une telle science pour assujettir le corps à la tension de
son âme vers Dieu, qu'aucune machination du démon ne pouvait
l'atteindre.
Quand ce dernier lui suggérait des souvenirs de la gloire et de
l'aisance de la vie qu'elle avait laissée, elle allait confesser ces
pensées à son Higoumène et redoublait son ascèse, et elle en était
aussitôt délivrée.
A
la mort de son Higoumène, elle fut désignée, malgré elle, pour lui
succéder et fut consacrée par le Patriarche Saint Méthode (cf. 14 juin).
Se
souvenant alors de la prophétie de Saint Joannice et estimant de son
devoir de ne pas rechercher ce qui lui plaisait, mais de "porter les
faiblesses de ceux qui n'avaient pas sa force" (Rom. 15:1), elle vécut
désormais comme un ange terrestre, prolongeant ses jeûnes, priant toute
la nuit et faisant d'innombrables prosternations.
C'est
par ces moyens qu'elle attira sur elle la bienveillance de Dieu et
reçut une telle sagesse qu'elle put conduire de nombreuses âmes dans la
voie du Salut.
Elle demandait aux sœurs de ne pas la considérer comme leur maîtresse,
mais comme une d'entre elles, qui avait été placée à leur service.
Avec douceur et patience elle les exhortait à se conduire en toute chose avec l'esprit de l'Evangile.
Repoussant
les vains attraits de la gloire et de l'estime des hommes, pour ne pas
avoir renoncé au monde qu'en apparence, elles devaient mettre leur soin à
garder non seulement la pureté, mais aussi la douceur, vertus
supérieures à la nature, qui sont accordées par le Christ à ceux qui le
prient avec foi.
Quelque
réussite qu'elles aient obtenue, elle recommandait à ses disciples de
la considérer comme un don de Dieu, et de rester dans la componction et
l'action de grâces permanentes.
Elle
leur interdisait, par ailleurs, de prier pour leur santé, car rien
n'est plus utile à l'âme, disait-elle, que la maladie acceptée avec
reconnaissance.
Ayant obtenu d'un Ange le don de clairvoyance, la Sainte était comme un Prophète de Dieu dans son Monastère.
Après
s'être un peu reposée à l'issue de l'Office du matin, elle appelait les
soeurs une par une et, avec art et discernement, elle les aidait à se
présenter pures et sans feinte devant Dieu, en leur révélant leurs
pensées les plus secrètes.
Elle
devint bientôt célèbre dans toute la capitale pour ses vertus et pour
la sagesse avec laquelle elle dirigeait sa communauté, et toutes sortes
de gens, riches et pauvres, petits et nobles, venaient vers elle pour
recevoir ses conseils et se confier à ses prières.
A tous, elle enseignait l'utilité du repentir et de la conversion qui, à tout moment, peuvent nous rendre Dieu propice.
Soutenue par la grâce, elle progressait sans cesse dans l'ascèse et la prière pure.
Pendant le Grand Carême jusqu'à Pâques, elle ne mangeait pas de pain, mais seulement un peu de légumes, une fois par semaine.
La
veille de toute la nuit était devenue pour elle aussi naturelle que le
sommeil chez les autres gens, et elle passait toutes ses nuits, les
mains tendues vers le ciel, absorbée dans de saintes contemplations.
Elle
restait dans cette position quelquefois deux jours de suite, et même
une semaine entière, au point qu'une de ses disciples devait l'aider à
baisser ses bras engourdis.
Une
nuit, une moniale regardant dans la cour, vit Sainte Irène en prière,
élevée miraculeusement au-dessus du sol, et les deux immenses cyprès qui
se dressaient dans la cour du Monastère, avaient incliné leur cime
jusqu'au sol pour ne se relever qu'après avoir été marqués par la Sainte
du signe de la Croix.
Cette prière nocturne était redoutable aux démons, qui redoublaient leurs assauts au milieu de la nuit.
Une fois, l'un d'eux jeta sur elle la mèche enflammée d'une veilleuse.
Les
vêtements d'Irène commencèrent aussitôt à prendre feu. Mais elle
restait inébranlable, et elle aurait été complètement consumée si une
moniale, réveillée par l'odeur de la chair et des vêtements calcinés,
n'était entrée dans sa cellule en forçant la porte.
Au sein de l'épaisse fumée, elle vit avec stupeur la Sainte en flammes, debout et impassible dans sa prière.
Comme
elle la bousculait en s'efforçant d'éteindre les flammes, Irène baissa
les bras et lui dit sur un ton de reproche : « Pourquoi m'avoir privée
d'une telle jouissance par ton intervention intempestive ? Un Ange se
tenait devant moi, en train de me tresser une couronne de fleurs
incorruptibles, telles que l'œil n'en a point vues, et il était prêt à
m'emporter quand tu l'as chassé. »
Et quand sa disciple arracha les lambeaux de tissus collés à sa chair, un merveilleux arôme remplit tout le Monastère.
Une
autre fois, un navigateur venu de Patmos, se présenta au Monastère et
donna à la Sainte trois pommes délicieuses, que l'Apôtre Saint Jean
l'avait chargé de lui remettre.
La première pomme suffit à la nourrir quarante jours, pendant lesquels
sa bouche dégagea une odeur incomparable ; elle distribua la seconde à
la communauté le Jeudi Saint, et garda la troisième comme un précieux
talisman, gage des biens incorruptibles du Paradis.
Grâce
à son esprit prophétique la bienheureuse Irène accomplit un grand
nombre d'autres miracles et prédit en particulier l'assassinat de
Bardas, suivi peu après par celui de Michel III(867), ainsi que la prise
du pouvoir par Basile le Macédonien.
Assistée
par Saint Basile le Grand et Sainte Anastasie Pharmacolytria, elle
guérit des possédés et sauva un de ses parents, que l'empereur méditait
de faire exécuter pour trahison, en apparaissant au souverain,
rayonnante et pleine de gloire.
L'empereur Basile reconnut son erreur, demanda pardon, et par la suite il montra sa bienveillance au profit du Monastère.
Sainte
Irène parvint à l'âge de cent trois ans, en ayant gardé toute sa
fraîcheur et sa beauté corporelle, signe de la beauté de son âme.
Son
Ange Gardien l'ayant avertie un an à l'avance de la date précise de son
décès, le jour venu elle rassembla les soeurs, leur désigna l'Higoumène
que Dieu avait choisie et, après les avoir exhortées à mépriser tout ce
qui est passager afin de vivre pour leur Epoux bien-aimé, elle ferma
paisiblement les yeux et remit son âme au Seigneur.
Inhumée
dans la chapelle du Saint Martyr Théodore, son tombeau exhalait en
permanence un suave parfum, manifestant à tous la faveur qu'elle avait
acquise auprès de Dieu, et jusqu'à nos jours Sainte Irène n'a pas cessé
d'intervenir en faveur de ceux qui l'invoquent avec confiance.
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