Invention de La Croix
Cette fête est appelée l’Invention de la Sainte Croix, parce qu'on rapporte que la sainte croix fut trouvée à pareil jour.
Mais auparavant, elle avait été trouvée par Seth, fils d'Adam, dans le paradis terrestre, comme il est raconté plus bas ; par Salomon, sur le Liban ; par la reine de Saba, dans le temple, de Salomon ; par les Juifs, dans l’eau de la piscine ; et en ce Jour par sainte Hélène, sur le mont du Calvaire.
L'Invention de
la Sainte Croix eut lieu plus de deux cents ans après la résurrection
de J.-C. On lit dans l’évangile de Nicodème (ch. XIX) qu'Adam étant
devenu malade, Seth, son fils, alla à la porte du paradis et demanda de
l’huile du bois de la miséricorde pour oindre le corps de son père afin
qu'il recouvrât la santé.
L'archange
Michel lui apparut et lui dit : « Ne pleure pas et ne te mets point en
peine d'obtenir de l’huile du bois de la miséricorde, car il te sera
absolument impossible d'en obtenir, avant que cinq mille cinq cents ans
soient révolus. Cependant on croit, que d'Adam jusqu'à la passion du
Seigneur il s'écoula seulement 5099 ans. On lit encore ailleurs que
l’ange lui offrit un, petit rameau et lui ordonna de le planter sur le
mont Liban. Mais ou lit, dans une histoire apocryphe des Grecs, que
l’ange lui donna du bois de l’arbre par le fruit duquel Adam avait
péché, en l’informant que sole père serait guéri. quand ce bois
porterait du fruit. A son retour, Seth trouva son père mort et il planta
ce rameau sur sa tombe. Cette branche plantée devint en croissant un
grand arbre qui subsista jusqu'au, temps de Salomon. (Mais il faut
laisser au lecteur à juger si ces choses sont vraies, puisqu'on n'en
fait mention dans aucune chronique, ni dans aucune histoire
authentique.) Or, Salomon considérant la beauté de cet arbre le fit
couper et mettre dans la maison du Bois *.
*
Au IIIe livre des Rois, ch. VII, il est question de cette maison qui.
fut construite par Salomon. Elle reçut le nom de maison du Bois, saltus,
à cause de la quantité de cèdres qui entra dans sa construction.
Cependant,
ainsi que le dit Jean Beleth. (ch. CLI), On ne pouvait le mettre nulle
part, et il n'y avait pas moyen de lui trouver un endroit où il pût être
employé convenablement : car il était tantôt trop long, tantôt trop
court : si on l’avait raccourci dans les proportions qu'exigeait la
place où on le voulait employer, il paraissait si court qu'on ne le
regardait plus comme bon à rien.
En conséquence, les ouvriers, de dépit, le rejetèrent et le mirent sur une pièce d'eau pour qu'il servît de pont aux passants.
Or, quand la reine de Saba vint entendre la Sagesse de Salomon, et
voulut passer sur cette pièce, elle vit en esprit que le Sauveur du
monde devait être suspendu à ce bois, et pour cela elle ne voulut point
passer dessus, mais aussitôt elle l’adora.
Cependant
dans l’Histoire scholastique (liv. III Rois, c. XXVI), on lit que la
reine de Saba vit cette pièce dans la maison du Bois, et en revenant à
son palais elle communiqua à Salomon que sur ce bois devait être
suspendu celui dont la mort devrait être la cause de la destruction du
royaume des Juifs.
C'est
pourquoi Salomon le fit ôter du lieu où il était, et enterrer dans les
entrailles les plus profondes de la terre. Dans la suite on y établit la
Piscine Probatique où lesNathinéens * lavaient les victimes, et ce
n'est pas seulement à la descente de l’ange, mais
*
C'étaient des Gabaonites qui étaient attachés au service du temple
depuis Josué. Cf. Paralipomènes, IX, 2; Sigonius, De Repub. Hebraeor.,
liv. IX, ch. VII.
encore
à la vertu de ce. bois que l’on attribue que l’eau en était troublée et
que les infirmes y étaient guéris. Or, quand approcha le temps de la
passion de J.-C., on rapporte que cette pièce surnagea, et les Juifs, en
la voyant, la prirent pour en fabriquer la croix du Seigneur. On dit
encore que cette croix fut faite de quatre essences de bois, savoir de
palmier, de cyprès, d'olivier et de cèdre. De là ce vers :
Ligna Crucis palma, cedrus, cupressus, oliva.
Car
dans la croix, il y avait le bois qui servait de montant droit, la
traverse,la tablette de dessus, et le tronc où était fixée la croix, ou
bien, selon Grégoire de Tours*, la tablette qui servait de support, sous
les pieds de J.-C. Par là on, peut voir que chacune des pièces pouvait
être d'une de ces essences de bois dont on vient de parler. Or, l’apôtre
paraît avoir eu en vue ces différentes sortes de bois quand il dit : «
Afin que vous puissiez comprendre avec tous. les saints quelle est la
largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur » (Ep. aux Ephés., c.
II, 18). Ces paroles sont expliquées comme il suit par l’illustre
docteur saint Augustin : « La largeur de la croix du Seigneur, dit-il,
c'est la traverse, sur laquelle on a étendu ses mains sa longueur allait
depuis la terre jusqu'à cette traverse en largeur sur quoi tout le
corps de J.-C. fut attaché, moins les mains; sa hauteur, c'est à partir
de cette largeur jusqu'à l’endroit de dessus où se trouvait la tête; sa
profondeur, c'était la partie
* Miracul., liv. I, c. VI.
cachée
et enfoncée dans la terre. Dans la croix on trouve décrites toutes les
actions d'un homme chrétien, qui sont de faire de bonnes oeuvres en
J.-C., de lui être persévéramment attaché, d'espérer les biens célestes,
et ne pas profaner les sacrements.
Ce
bois précieux de la croix resta caché sous terre deux cents ans et plus
: mais il fut découvert ainsi qu'il suit par Hélène, mère de l’empereur
Constantin. En ce temps-là, sur les rives du Danube, se rassembla une
multitude innombrable de barbares voulant passer le fleuve, et soumettre
à leur domination tous les pays jusqu'à l’occident. Dès que l’empereur
Constantin le sut, il décampa et vint se placer avec son. armée sur le
Danube. Mais la multitude des barbares s'augmentant, et passant déjà le
fleuve, Constantin fut, frappé d'une grande terreur, en considérant
qu'il aurait à livrer bataille le lendemain. Or, la nuit suivante, il
est réveillé par un ange qui l’avertit de regarder en l’air. Il tourne
les veux vers le ciel et voit le signe de la croix formée par une
lumière fort resplendissante, et portant écrite en lettres d'or cette
inscription : « In hoc signo vinces, par ce signe tu vaincras. »
Réconforté par cette vision céleste, il fit faire une croix semblable
qu'il ordonna de porter à la tête de son armée: se précipitant alors sur
les ennemis, il les mit en fuite et en tua une multitude immense. Après
quoi Constantin convoqua tous les pontifes des temples et s'informa
avec beaucoup de soin de quel Dieu c'était le signe. Sur leur réponse
qu'ils l’ignoraient, vinrent plusieurs chrétiens qui lui firent
connaître le mystère de la sainte croix et la foi de la Trinité.
Constantin (57) crut alors parfaitement en J.-C. et reçut le saint
baptême des mains d'Eusèbe, pape, ou selon quelques livres, évêque de
Césarée. Mais dans ce récit, il y a beaucoup de points contredits par
l’Histoire tripartite et par l’Ecclésiastique, par la Vie de saint
Silvestre et les Gestes des pontifes romains. D'après certains auteurs,
ce ne fut pas ce Constantin que le pape Silvestre baptisa après sa
conversion à la foi, comme paraissent l’insinuer plusieurs histoires,
mais ce fut Constantin, le père de ce Constantin, ainsi qu'on le voit
dans des historiens. En effet ce Constantin reçut la foi d'une autre
manière rapportée dans la légende de saint Silvestre, et ce n'est pas
Eusèbe de Césarée qui le baptisa, mais bien saint Silvestre. Après la
mort de son père, Constantin, qui n'avait pas perdu le souvenir de la
victoire remportée par la vertu de la sainte croix, fit passer Hélène,
sa mère, à Jérusalem pour trouver cette croix, ainsi que nous le dirons
plus bas.
Voici
maintenant un récit tout différent de cette victoire, d'après
l’Histoire Ecclésiastique (ch. IX). Elle rapporte donc que Maxence ayant
envahi l’empire romain, l’empereur Constantin. vint lui présenter la
bataille vis-à-vis le pont Albin. Comme il était dans une grande
anxiété, et qu'il levait souvent les yeux au ciel pour implorer son
secours, il vit en songe, du côté de l’orient dans le ciel, briller une
croix, couleur. de feu : des anges se présentèrent devant lui et lui
dirent : « Constantin, par cela tu vaincras. » Et, selon le témoignage
de l’Histoire tripartite *, tandis que
* Liv. IX, c. IX.
Constantin
s'étonnait de ce prodige, la nuit suivante, J.-C. lui apparut avec le
signe vu dans le ciel; il lui ordonna de faire des images pareilles qui
lui, porteraient bonheur dans les combats. Alors Constantin fut rendu à
la joie et assuré de la victoire ; il se marqua le front du signe qu'il
avait vu dans le ciel, fit transformer les enseignes militaires sur le
modèle de la croix et prit à la main droite une croix d'or. Après quoi
il sollicita du Seigneur que cette droite, qu'il avait munie du signe
salutaire de la croix, ne fût ni ensanglantée, ni souillée du sang
romain, mais qu'il remportât la victoire sur le tyran sans effusion de
sang. Quant à Maxence, dans l’intention de tendre un piège, il fit
disposer des vaisseaux, fit couvrir le fleuve de faux ponts. Or,
Constantin s'étant approché du fleuve, Maxence accourut à sa rencontre
avec peu de monde, après avoir donné ordre aux autres corps de le
suivre; mais il oublia lui-même qu'il avait fait construire un faux
pont, et s'y engagea avec une poignée de soldats. Il fut pris au piège
qu'il avait tendu lui-même, car il tomba dans le fleuve qui était
profond; alors Constantin fut acclamé empereur à l’unanimité. D'après ce
qu'on lit dans une chronique assez authentique, Constantin ne crut pas
parfaitement d'ès ce moment; il n'aurait même pas alors reçu le baptême;
mais peu de temps après, il eut une vision de saint Pierre et de saint
Paul; et quand il eut reçu la vie nouvelle du baptême et obtenu la
guérison de sa lèpre, il crut parfaitement dans la suite en J.-C. Ce fut
alors qu'il envoya sa mère Hélène à Jérusalem pour chercher la croix du
Seigneur. Cependant saint Ambroise; dans (59) la lettre où il rapporte
la mort de Théodose, et l’Histoire tripartite *, disent que Constantin
reçut le baptême seulement dans ses derniers moments; s'il le différa
jusque-là, ce fut pour pouvoir le recevoir dans le fleuve du Jourdain.
Saint Jérôme en dit autant dans sa chronique. Or, il est certain qu'il
fut fait chrétien sous le pape saint Silvestre, quant à savoir s'il
différa son baptême, c'est douteux ; ce qui fait qu'en la légende de
saint Silvestre, il y a là-dessus, comme en d'autres points, bien peu de
certitude. Or, l’histoire de l’Invention de la sainte croix, telle
qu'on la lit dans les histoires ecclésiastiques conformes en cela aux
chroniques, paraît plus authentique de beaucoup que celle qu'on récite
dans les églises. Il est en effet constant qu'il s'y trouve des endroits
peu' conformes à la vérité, si ce n'est qu'on veuille dire, comme
ci-dessus, que ce ne fut pas Constantin, mais son père qui portait le
même nom : ce qui du reste né paraît pas très plausible, quoique ce soit
le récit de certaines histoires d'outre-mer.
Hélène
arrivée à Jérusalem fit réunir autour d'elle les savants qu'on trouva
dans toute la contrée. Or, cette Hélène était d'abord restée dans une
hôtellerie**, mais épris de sa beauté, Constantin se l’attacha, selon
que saint Ambroise l’avance en disant : « On assure qu'elle fut
hôtelière, mais elle fut unie à Constantin
* Liv. III, ch. XII.
**
Le mot latin stabularia voudrait dire servante de cour. Saint Ambroise
paraît l’indiquer quelques lignes plus loin. Nous avons mieux aimé
donner un féminin au mot, hôtelier, hôtelière est un mot qui a vieilli.
l’ancien
qui, dans la suite, posséda l’empire. Bonne hôtelière, qui chercha avec
tant de soin la crèche du Seigneur! Bonne hôtelière, qui connut cet
hôtelier dont les soins guérirent cet homme blessé parles brigands *!
Bonne hôtelière, qui a regardé toutes choses comme des ordures afin de
gagner J.-C. **! Et pour cela Dieu l’a tirée de l’ordure pour l’élever
sur un trône » (saint Ambroise). D'autres affirment, et c'est l’opinion
émise dans une chronique assez authentique, que cette Hélène. était
fille de Clohel, roi des Bretons ;Constantin en venant dans la Bretagne
la prit pour femme, parce qu'elle était fille unique. Delà vient qui•
l’île de Bretagne échut à Constantin après la mort clé Clohel. Les
Bretons eux-mêmes (attestent; on lit pourtant ailleurs qu'elle était de
Trèves. Or, les Juifs, remplis de crainte, se disaient les uns aux
autres : « Pour quel motif pensez-vous que la Reine nous ait convoqués
auprès d'elle? » L'un d'eux nommé Judas, dit : « Je sais, moi, qu'elle
veut apprendre de nous. l’endroit oit se trouve le bois de la croix sur
lequel le Christ a été crucifié. Gardez-vous bien d'être assez
présomptueux pour le lui découvrir. Sinon tenez pour très certain que
notre loi sera détruite et que toutes les traditions de nos pères seront
totalement. abolies : car Zachée mon aïeul l’a prédit à mon père Siméon
et mon père m’a dit avant de mourir : « Fais attention, mon fils, à
l’époque où l’on cherchera la croix du Christ : dis où elle se trouve,
avant d'être
* Allusion à la parabole du Samaritain de l’Evangile.
** Expression de saint Paul dans l’Epître aux Philippiens, c. III, 8.
mis
à la torture; car à dater de cet instant le pouvoir des Juifs, à Jamais
aboli, passera entre les mains de ceux qui adorent le crucifié, parce
que ce Christ était le fils de Dieu.» Alors j'ai répondu : «Mon père, si
vraiment nos ancêtres ont su que ce Christ était le fils de Dieu,
pourquoi l’ont-ils attaché au gibet de la croix? » « Le Seigneur est
témoin, répondit-il, que je n'ai jamais fait partie de leur conseil;
mais que souvent je me suis opposé à leurs projets : or, c'est parce que
le Christ reprochait les vices des Pharisiens qu'ils le firent
crucifier : mais il est ressuscité le troisième jour et il a monté au
ciel à la vue de ses disciples. Mon frère Etienne, que les Juifs en
démence ont lapidé, a cru en lui. Prends garde donc, mon fils, de n'oser
jamais blasphémer le Christ ni ses disciples. » — « Il ne paraît
cependant pas, très probable que le père de ce Judas ait existé au temps
de la Passion de J.-C., puisque de la passion jusqu'au temps d'Hélène,
sous laquelle vécut Judas, il s'écoula plus de 270 ans; à moins qu'on ne
veuille dire qu'alors les hommes vivaient plus longtemps qu'à
présent. » Cependant les Juifs dirent à Judas : « Nous n'avons jamais
entendu dire choses semblables. Quoi. qu'il. en soit, si: la Reine
t'interroge, aie soin de ne lui faire aucun aveu.» Lors donc qu'ils
furent en présence, de la Reine, et qu'elle leur eut demandé le lieu où
le Seigneur avait été crucifié, pas un d'eux ne consentit à le lui
indiquer alors elle les condamna tous à être brûlés. Ils furent saisis
d'effroi et signalèrent Judas, en disant : « Princesse, voici le fils
d'un juste et d'un prophète qui a connu parfaitement la loi ;
demandez-lui tout ce que (62) vous voulez, il vous l’indiquera. » Alors
elle les congédia tous à l’exception de Judas qu'elle retint et auquel
elle dit : « Je te propose la vie ou la mort; choisis ce que tu
préfères. Montre-moi donc le lieu qui s'appelle Golgotha, où le Seigneur
a été crucifié, afin que je puisse trouver sa croix. » Judas répondit
«
Comment puis-je le savoir, puisque deux cents ans et plus se sont
écoulés et que je n'étais pas né à cette époque ? » La Reine lui dit :
« Par le crucifié, je te ferai mourir de faim, si tu ne me dis la
vérité. » Elle ordonna donc qu'il fût jeté dans tin puits desséché pour y
endurer les horreurs de la faim. Or, après y être resté six jours sans
nourriture, le septième il demanda à sortir, en promettant de découvrir
la croix. On le retira. Quand il fut arrivé à l’endroit, après avoir
fait une prière, tout à coup la terre tremble, il se répandit une fumée
d'aromates d'une admirable odeur; Judas lui-même, plein d'admiration,
applaudissait des deux mains et disait : « En vérité, ô Christ, vous
êtes le Sauveur du monde ! » Or, d'après l’Histoire ecclésiastique, il y
avait, en ce lieu, un temple de Vénus construit, autrefois par
l’empereur Hadrien, afin que si quelque chrétien eût voulu y adresser
ses adorations, il parût adorer Vénus : et, pour ce motif, ce lieu avait
cessé d'être fréquenté et était presque entièrement délaissé, mais la
Reine fit détruire ce temple jusque dans ses fondements et en fit
labourer la place. Après quoi Judas se ceignit et se mit à creuser avec
courage. Quand il eut atteint à la profondeur de vingt pas, il trouva
trois croix enterrées, qu'il porta incontinent à la reine. Or, comme
l’on ne savait pas (63) distinguer celle de J.-C. d'avec celles des
larrons; on les plaça au milieu de la ville pour attendre que la gloire
de Dieu se manifestât. Sur la onzième heure, passa le corps d'un jeune
homme qu'on portait en terre : Judas arrêta le cercueil, mit une
première et nue seconde croix sur le cadavre du défunt, qui ne
ressuscita pas, alors on approcha la troisième croix dit corps et à
l’instant il revint à la vie.
On
lit cependant, dans les histoires ecclésiastiques *, qu'une femme des
premiers rangs de la ville gisait demi-morte, quand Macaire, évêque de
Jérusalem, prit la première et la deuxième croix, ce qui ne produisit
aucun résultat : mais quand il posa sur elle la troisième,, cette femme
rouvrit les yeux et fut guérie à l’instant. Saint Ambroise dit, de son
côté, que Macaire distingua la croix du Seigneur, par le titre qu'avait
fait mettre Pilate, et dont l’évêque lut l’inscription qu'on trouva
aussi. Alors le diable se mit à vociférer en l’air : « O Judas,
disait-il, pourquoi as-tu fait cela? Le Judas qui est le mien a fait
tout le contraire : car celui-ci, poussé par moi, fit la trahison, et
toi, en me reniant, tu as trouvé la croix de Jésus. Par lui, j'ai Bagué
les âmes d'un grand nombre; par toi, je parais perdre celles que j'ai
gagnées : par lui, je régnais sar le peuple; par toi, je suis chassé de
mon royaume. Toutefois je te rendrai la pareille, et je susciterai
contre toi un autre roi qui, abandonnant la foi dit crucifié, te fera
renier dans les tourments le crucifié. »
* Sozomène. — Hist. eccl., l. II, c. I ; — Nicéph. cal., l. XVII, c. XIV, XV ; — Evagr., IV, 26.
Ceci
paraît se rapporter à l’empereur Julien : celui-ci, lorsque Judas fut
devenu évêque de Jérusalem, l’accabla de nombreux tourments et le fit
mourir martyr de J.-C. En entendant les vociférations du diable, Judas
ne craignit rien, mais il ne cessa de maudire le diable en disant : «
Que le Christ te damne dans l’abîme du feu éternel! » Après quoi Judas
est baptisé, reçoit le nom de Cyriaque, puis est ordonné évêque de
Jérusalem, quand le titulaire fut mort. (Belette, c. XXV). Mais comme la
bienheureuse Hélène ne possédait pas les clous du Seigneur, elle pria
l’évêque Cyriaque d'aller au Golgotha et de les chercher. Il y vint et
aussitôt après avoir adressé des prières à Dieu, les clous apparurent
brillants dans la terre, comme de l’or. Il les prit et les porta à la
reine. Or, celle-ci se mit à genoux par terre et, après avoir incliné la
tête, elle les adora avec grande révérence. Hélène porta une partie de
la croix à son fils, et renferma l’autre dans des châsses d'argent
qu'elle laissa à Jérusalem ; quant aux clous avec lesquels le corps du
Seigneur avait été attaché, elle les porta à son fils. Au rapport
d'Eusèbe de Césarée, elle en fit deux freins dont Constantin se servait
dans les batailles, et elle mit les autres à son casque en guise
d'armure. Quelques auteurs, comme Grégoire de Tours*, assurent que le
corps du Seigneur fut attaché avec quatre clous Hélène en mit deux au
frein du cheval de l’empereur, le troisième à la statue de Constantin
qui domine la ville de Rome, et elle jeta le quatrième dans la mer
* Miracul., lib. I, ch. VI.
Adriatique
qui jusque-là avait été un gouffre pour les navigateurs. Elle ordonna
que cette fête de l’Invention de la sainte croix fût célébrée chaque
année solennellement. Voici ce que dit saint Ambroise e : « Hélène
chercha les clous du Seigneur et les trouva. De l’un elle fit faire des
freins ; elle incrusta l’autre dans le diadème : belle place que la tête
pour ce clou ; c'est une couronne sur le front, c'est une bride à la
main : c'est l’emblème de la prééminence du sentiment, de la lumière de
la foi, et de la puissance impériale. » Quant à l’évêque saint Cyriaque,
Julien l’apostat le fit mourir plus tard, pour avoir trouvé la sainte
croix dont partout il prenait à tâche de détruire le signe. Avant de
partir contre les Perses, il fit inviter Cyriaque à sacrifier aux idoles
: sur le refus du saint, Julien lui fit couper le bras en disant : «
Avec cette main il a écrit beaucoup de lettres qui ont détourné bien du
monde de sacrifier aux dieux. » Cyriaque lui répondit : « Chien insensé,
tu m’as bien rendu service ; car avant de croire à J.-C., trop souvent
j'ai écrit des lettres que j'adressais aux synagogues des Juifs afin
que personne ne crût en J.-C. et voilà que tu viens de retrancher de mon
corps ce qui en avait été le scandale. » Alors Julien fit fondre du
plomb qu'il ordonna de lui verser dans la bouche ; ensuite il fit
apporter un lit en fer sur lequel Cyriaque fut étendu et au-dessous on
mit des charbons ardents et. de la graisse. Comme Cyriaque restait
immobile, Julien lui dit : « Si tu ne veux pas sacrifier aux idoles, dis
au moins
* De obitu Theod., nos 47-48.
que
tu n'es pas chrétien. » L'évêque s'y refusa avec horreur. Julien fit
creuser une fosse profonde qu'on fit remplir de serpents venimeux.
Cyriaque y fut jeté, mais les serpents moururent aussitôt. Julien
ordonna alors que Cyriaque fût jeté dans une chaudière pleine d'huile
bouillante. Or, comme le saint voulait y entrer spontanément, il se
signa, et pria le Seigneur de le baptiser une seconde fois dans l’eau du
martyre, mais Julien furieux lui fit percer la poitrine avec une épée.
Ce fut ainsi que saint Cyriaque mérita de consommer son martyre dans le
Seigneur.
La
grandeur de la vertu de la Croix est manifeste dans ce notaire fidèle,
trompé par un magicien qui le conduisit en un lieu où il avait fait
venir des démons, en lui promettant des richesses immenses. Il vit un
Ethiopien de haute stature, assis sur un trône élevé, et entouré
d'autres Ethiopiens- debout, armés de lances et de bâtons. Alors
l’Ethiopien demanda à ce magicien : « Quel est cet enfant ? » Le
magicien répondit: « Seigneur, c'est votre serviteur. » Le démon dit au
notaire : « Si tu veux m’adorer, être mon serviteur, et renier ton
Christ, je te ferai asseoir à ma droite. » Mais le notaire se hâta de
faire le signe de la croix et s'écria qu'il était de toute son âme le
serviteur du Sauveur J.-C. Il n'eut pas plutôt fait le signe de la croix
que toute cette multitude de démons disparut. Peu de temps après, ce
même notaire entra un jour avec son maître dans le temple de
Sainte-Sophie; se trouvant ensemble devant une image du Sauveur, le
maître remarqua que cette image avait les yeux fixés sur le notaire
qu'elle regardait attentivement (67). Plein de surprise, le maître fit
passer le jeune homme à droite et vit que l’image avait encore tourné
les veux de ce côté, en les dirigeant sur le notaire. I1 le fit de
nouveau revenir à gauche, et voici que l’image tourna encore les yeux et
se mit à regarder le notaire comme auparavant. Alors le maître le
conjura de lui dire ce qu'il avait fait à Dieu pour mériter que l’image
le regardât, ainsi. Il répondit qu'il n'avait la conscience d'aucune
bonne action, si ce n'est qu'il n'avait pas voulu renier le Sauveur
devant le diable.
Source :
En savoir plus :
http://calendrier.egliseorthodoxe.com/sts/stsmars/mars06.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Croix
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Croix
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