Paris Notre-Dame de Bonne Délivrance

Paris
Notre-Dame de Bonne Délivrance


Paris : Notre-Dame de Bonne Délivrance

Parmi les titres que la piété chrétienne, inspirée par la foi et l'expérience des siècles, donne à Marie, il en est un que les pauvres voyageurs de cette vallée de larmes ont besoin de redire souvent : Notre-Dame de Bonne-délivrance.
Tous, en effet, nous naissons esclaves, nous cheminons au milieu des dangers, et nous ne quittons pas la vie sans terreurs pour l'avenir. Peu de moments, par conséquent, où quelque mal n'appelle un secours plus efficace que l'infime secours de la terre.
Rassurons-nous cependant, et bénissons la divine Providence : le Seigneur est admirable dans ses paternelles sollicitudes sur le genre humain.
En nous plaçant sous l'œil d'une Mère toujours attentive à nos misères, il a donné à cette Mère une mission universelle de délivrance, en faveur de ses enfants ; et à ceux-ci, la promesse d'une protection qui ne leur fera jamais défaut, s'ils la réclament dans les conditions nécessaires pour être exaucés.
Que les malheureux fils d'Adam crient donc avec confiance vers Marie : sa tendresse égale sa puissance. Elle aime sa charge de Libératrice, et ce n'est point à moitié qu'elle veut la remplir : c'est bien dans toute l'étendue du mot qu'on les dit bonnes, les délivrances opérées par elle.
Heureux d'avoir l'intelligence et la pratique d'une doctrine si douce au pèlerin désolé, qui soupire après la patrie, nous ne manquons pas de nous tenir en correspondance suivie avec la Mère céleste, cultivant de notre mieux le secret de ces mystérieuses et salutaires communications.
Oui, sans doute, au milieu des fatigues, des angoisses et des tristes servitudes d'une route difficile et périlleuse, la foi redit souvent à l'âme du chrétien de se souvenir qu'il a, dans le ciel, une Protectrice incomparablement bonne, que Dieu exauce toujours.
C'est pourquoi nous n'oublions pas de tourner nos pensées, nos désirs et nos regards suppliants vers les Montagnes saintes, où est assise dans la gloire, la Reine compatissante qui ne cesse jamais de veiller et de secourir.
Familiers, dès notre enfance, avec le plan et l'économie de la rédemption divine, nous connaissons le rôle magnifique assigné à Marie dans l'œuvre de notre salut.
Nous savons aussi que nos requêtes arrivent sans erreur à la Vierge fidèle, et que toujours ses entrailles s'émeuvent, quand une voix en pleurs lui fait entendre, de l'exil, la touchante invocation : Notre-dame De Bonne-délivrance.  
Mais, avec les considérations, développées dans tous les livres composés à l'honneur de la sainte Vierge, il est d'autres moyens très-propres à étendre la dévotion envers elle. Ceux-ci revêtant une forme matérielle, parlent même aux sens, qu'ils élèvent merveilleusement, au profit de notre infirmité.
Par exemple, c'est un précieux surcroît de consolation et d'encouragement d'avoir près de soi une Image vénérée, publiquement consacrée par les bénédictions de l'Église : une Image, qu'une longue tradition de filiale confiance ait environnée de ses hommages et dont Marie soit, pour ainsi dire, habituée à faire l'instrument de ses miséricordieuses assistances.
En effet, à la vue d'un tel Mémorial, qui rappelle de nombreuses délivrances et qui apparaît tout ruisselant des signes de grâces obtenues, l'inquiétude s'apaise, l'espérance renaît, le cœur se dilate, et l'on ose davantage attendre aussi quelque miracle de spéciale protection. Alors la timidité devient hardiesse, sentant plus intimement qu'elle n'est pas seule pour présenter ses demandes ; car elle se trouve en la société de nombreux suppliants déjà exaucés : justes, pécheurs, malheureux de tout âge, de tout état, de toute condition. Là, on emprunte à cette multitude reconnaissante les vrais accents de la piété : on réveille, pour prier avec eux, toute une population de délivrés, qui redisent avec amour leur gratitude, et qui continuent à en étaler les emblèmes, dans un sanctuaire mille fois témoin de la charité de Marie.
 Voilà pourquoi la réimpression de cette Notice sur la Statue miraculeuse, établie dans la Chapelle de Saint-Thomas de Villeneuve, sera une heureuse nouvelle pour un grand nombre de personnes. C'est le rendez-vous indiqué par la sainte Vierge, à tous ceux qui portent un poids, une peine, un chagrin, une souffrance, une inquiétude, dont ils désirent être déchargés.
Beaucoup de ceux qui nous ont précédés dans les rudes sentiers que nous parcourons, sont venus se reposer, corps et âme, aux pieds de cette Image si riche de souvenirs et si chère à leur filiale tendresse. Venons-y nous-mêmes, dans l'esprit et les dispositions que demande l'auguste Mère ; et ce n'est pas en vain, non plus, que nous lui dirons nos besoins, en la saluant du suave nom qu'elle aime : Notre-dame de Bonne-délivrance.

I.
Sur les bords de l'Océan, parmi les rochers solitaires, on voit s'élever la chapelle gothique dédiée à celle qu'on appelle l'Étoile de la mer. C'est cette vierge du rivage natal que le marin implore quand la tempête assaille son bâtiment, et qu'il n'a plus d'espoir dans ses manœuvres, et lorsque, arrivé au port, la reconnaissance le presse d'aller à la sainte chapelle, on le voit s'agenouiller dévotement devant la madone, et déposer à ses pieds son offrande.
Entrez dans l'un de ces humbles sanctuaires, et voyez ces ex-voto sans nombre suspendus aux murailles ; ici un gouvernail, un mât, une voile ; là, une ancre de sauvetage, une planche libératrice.
Tels sont les trophées de la puissance et de la bonté de Marie ! Oh ! combien sont touchants ces asiles de la foi simple et naïve ; ces phares de la délivrance vers lesquels le navigateur dans la détresse tourne ses vœux et ses mains suppliantes !
II.
La terre a aussi ses orages.
Considérez nos cités tumultueuses : voyez Paris, ce champ de bataille entre le génie du bien et du mal ; Paris, point central d'où partent et où aboutissent les tempêtes politiques qui agitent la France et le monde. Que de naufrages sur cette mer orageuse ! Et combien plus touchants sont les sanctuaires élevés à la patronne des navigateurs sur ce redoutable océan des choses humaines !
Oui, Paris possède de glorieux monuments de la protection de Marie. Le plus renommé dans l'histoire est cette antique métropole dédiée à Notre-dame, refuge des peuples dans les calamités publiques ; où, durant le cours de la monarchie, nos rois vinrent si souvent demander à la libératrice de la France les faveurs du ciel et placer leur royaume sous sa providence tutélaire.
Près de là, c'est Notre-Dame des Victoires, titre bien mérité par les conquêtes merveilleuses et touchantes du cœur immaculé de Marie. Dans le quartier orageux des écoles, à l'église Saint-Severin, c'est Notre-Dame de Bonne-Espérance ; à Saint-Sulpice, Notre-Dame de Liesse ou de Joie ; à l'Abbaye-aux-Bois, Notre-Dame des Sept-Douleurs ; puis Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, Notre-Dame de Lorette, et Notre-Dame de Paix au couvent des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, chez les apôtres de l'Océanie.
 III.
Mais, parmi ces sanctuaires, il en est un, autrefois célèbre, et qui, renversé par la tempête révolutionnaire, a été réédifié et consacré, depuis quelques années seulement, à la patronne de la France, qui semble l'avoir adopté pour le lieu de ses faveurs les plus intimes, et comme un asile de plus ouvert à ceux qui souffrent : c'est la chapelle de Notre-Dame de Bonne Délivrance, érigée chez les religieuses hospitalières de Saint-Thomas de Villeneuve.
Solitaire et retiré, ce modeste oratoire ne se ressent nullement de l'agitation qui l'entoure, et le tumulte de la grande cité vient expirer au pied de son enceinte. Semblable à la fleur qui se cache et ne répand pas au loin ses parfums, il n'est pas fréquenté par la foule ; il n'est connu que d'un petit nombre de chrétiens d'élite qui viennent y chercher le repos du cœur, et y respirer la douce odeur de la piété ; mais il est surtout visité par les âmes affligées de peines intérieures et agitées par le vent des tentations. Car, ce que le monde est en grand, le cœur humain l'est en moindre proportion, une mer orageuse sur laquelle s'élèvent souvent de furieuses tempêtes. Or c'est dans ce sanctuaire privilégié que les âmes tourmentées par ces sortes d'épreuves en ont souvent obtenu la délivrance, et que les regards de Marie ont plus d'une fois dissipé les nuages du désespoir. A l'ombre de son autel, décoré par des mains pures, la prière monte plus fervente vers le ciel, et en fait descendre des trésors d'espérance et des consolations surnaturelles. 
Aussi, les affligés et les infirmes se plaisent à s'y réfugier pour y solliciter la guérison de leurs maladies morales et corporelles. Tantôt on y surprend une épouse contristée qui s'efforce, par d'instantes prières, de regagner à Jésus-Christ le cœur d'un mari indifférent ou irréligieux. Tantôt c'est une autre Monique qui, lasse de reprocher en vain à un nouvel Augustin ses précoces égarements, vient réclamer le secours de celle qui a reçu le pouvoir victorieux de changer les cœurs. Quelquefois c'est une jeune âme qui flotte entre Dieu et le monde, et qui demande à Marie, avec une pieuse anxiété, dans quelle voie elle doit marcher, et implore avec larmes la lumière du ciel. Souvent ce sont des femmes âgées qui vivent dans l'hospice voisin, et qui se sont traînées péniblement aux pieds de Notre-Dame de Bonne-Délivrance pour faire brûler un cierge en son honneur, et lui demander la grâce de porter avec résignation les derniers jours d'une existence pénible. Plus loin, c'est un malade qui conjure par ses soupirs plus que par ses paroles la Vierge puissante de lui tendre cette main d'où s'échappent tant de guérisons. En un mot, c'est là que la voix suppliante de ceux qui souffrent aime à se joindre aux doux accents de religieuses ferventes qui psalmodient l'office de la sainte Vierge ou qui récitent les litanies de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, afin d'obtenir de cette consolatrice des affligés un remède à leurs douleurs. Quel est donc le monument merveilleux qui s'offre à la piété catholique dans ce sanctuaire privilégié ? Est-ce un chef-d'œuvre de l'art, objet de l'admiration du siècle ? Non, c'est une statue de pierre taillée avec la plus grande simplicité et mise en couleur par un pinceau naïf et peu savant. Elle représente une Vierge au teint noir, tenant sur son bras gauche l'enfant Jésus, et qu'on invoque sous le titre de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
Cette image  est enrichie de nombreux ex-voto, ce sont des cœurs dorés et argentés, emblèmes des guérisons morales opérées par la consolatrice invisible des affligés, et qui sont un gage authentique de la reconnaissance de ceux dont elle a écouté la prière à l'heure de la tentation.
Or quelle est l'origine de cette statue ? sur quoi est fondé le culte qu'on lui rend ? quels sont les souvenirs qui s'y rattachent ? Telle est l'histoire que nous entreprenons de raconter.
IV.
Il existait avant nos orages politiques une église collégiale située dans la rue Saint-Jacques, vis-à-vis le grand couvent des Jacobins, et qui portait le nom de Saint-Étienne des Grès. Cette église, dont la fondation remonte à la plus haute antiquité, était renommée par un pieux pèlerinage. On y voyait une statue de la Vierge au teint noir, qu'on honorait sous le titre touchant de Notre-Dame de Bonne Délivrance, et qui était devenue l'objet de la dévotion des fidèles par les grâces singulières dont elle était l'instrument. Des ombres épaisses environnent l'origine de cette miraculeuse image ; on croit seulement que la chapelle dans laquelle elle était vénérée fut érigée à la fin du onzième siècle. 
C'était l'époque où toutes les classes de la société mettaient en commun leurs efforts et leurs richesses pour payer à la vierge Marie le tribut de leur amour, et où la construction des édifices sacrés entrepris pour sa gloire était le grand objet de la dévotion des chrétiens. Alors la mère de Dieu versait ses bienfaits sur les peuples animés d'une foi vive, et les peuples, par reconnaissance, lui bâtissaient des sanctuaires. C'est sans doute ce sentiment d'un juste retour pour de hautes faveurs qui éleva l'oratoire de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
Or, en ce temps-là, l'église Saint-Étienne des Grès se trouvait isolée dans la campagne et entourée de vignes. Sa situation solitaire permettait donc au peuple de la Cité de venir satisfaire sa dévotion pour Marie avec plus de ferveur.
Les épouses chrétiennes qui se trouvaient près de leur terme s'y rendaient probablement pour solliciter une heureuse délivrance ; les jeunes mères y apportaient peut-être aussi leurs nourrissons malades, et priaient la mère de tous ceux qui souffrent de les guérir ; les bourgeois de Paris gravissaient sans doute la sainte colline pour confier à la Vierge noire leurs intérêts en péril.
Cependant, il ne nous reste aucun titre de la célébrité de ce pèlerinage dans ces temps reculés ; c'est seulement vers le milieu du seizième siècle que l'histoire nous fournit des documents certains sur ce lieu de dévotion, à l'occasion d'une confrérie fameuse qui y prit naissance.
 C'était le temps où l'hérésie de Luther et le schisme de Henri VIII commençaient à déchirer l'Église. L'esprit d'association, l'une des œuvres du christianisme qui tendent à resserrer les liens de l'unité catholique, s'empara alors des fidèles comme par un instinct providentiel. On sentit le besoin de s'enrôler sous la bannière de celle qui a vaincu toutes les hérésies, pour conserver le dépôt sacré de la foi, pour prévenir les dissensions qu'engendre l'erreur, et pour s'occuper du soulagement des infortunés. Parmi toutes les confréries qui se formèrent alors à Paris, la plus célèbre est celle de Noire-Dame de Bonne-Délivrance, dans l'église de Saint-Étienne des Grès.
 Voici comment un chroniqueur naïf en raconte l'institution :
« S'ensuyvent les ordonnances faites pour l'érection de la confrérie de la charité de Nostre-Dame de Bonne-Délivrance, en l'honneur de Dieu nostre créateur et de la glorieuse vierge , Marie sa très digne mère, et pour entretenir en dévotion singulière tous vrays chrestienset chrestiennes.
« Le dymanche, vingtième jour d'apvril, l'an 1533, messire Jean Olivier, prestre et chanoyne de Sainct-Estienne des Grecs, homme grandement pieux, dévot à Nostre-Dame, de bonnes mœurs et menant une vie fort honnête; et maistre Le Pigny, et Quentin Froissant, gens de bien et fort affectionnés au service de la reyne des anges, tous deux jurés bourgeois de Paris; s'adjoignirent pour commencer l'établissement d'une société saincte, sous le titre de Confrérie royale de la charité de NostreDame de Bonne-Délivrance, dans une chapelle de l'église Sainct-Estienne des Grecs, assyse hors du chœur et le joignant du côté de main gauche en entrant dans icelle église, ayant vue sur la rue Sainct-Estienne et au chevet de la dicte église; le tout sous le bon plaisir de Mgr. le révérendissime cardinal du Bellay, évesque de l'Église de Paris, et par la permission de messieurs du chapitre de Nostre-Dame ; pour y faire leurs assemblées spirituelles, et s'encourager mutuellement à la vertu par des actes de dévotion, pratiquer les bonnes œuvres, et délyvrer les prisonniers.

« Tous ceux et celles qui auront dévotion et se voudront faire enregistrer au registre de ladicte confrérie royale seront participants, à toujours, aux bienfaicts, prières, oraisons et divers servyces qui se feront et se célébreront, en donnant pour l'homme et la femme, le jour de l'entrée, dix deniers tournois, pour chaque semaine de l'an.
« Nul ne sera admis dans cette confrérie royale s'il ne s'est, par une humble confession de ses péchés, réconcilié avec Dieu son créateur, et si en mesme temps il ne promet d'obéir aux supérieurs de la congrégation, et d'assister, selon les règles de la charité, les confrères malades, et faire une aumône pour la délyvrance des prisonniers, etc.. »
Telle fut l'humble origine de la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Délivrance qui devait bientôt acquérir tant de célébrité.
En effet, Marie fut si touchée du zèle de ses trois premiers serviteurs, qu'elle ne tarda pas à montrer combien le sanctuaire de Saint-Étienne des Grès lui était agréable. Ses mains laissèrent découler sur les fidèles qui se faisaient enrôler sous sa bannière libératrice des largesses signalées qui de jour en jour y attirèrent un plus grand nombre de pèlerins. Mais laissons un autre historien de Saint-Étienne des Grès décrire lui-même les progrès de la pieuse institution :
« Cette confrérie royale de la Charité de Notre-Dame de Bonne-Délivrance reçut dès son origine des marques si sensibles de la protection divine, que la collégiale de Saint-Étienne devint en peu de temps renommée par le culte de la sainte Vierge. En effet, à peine en eut-on jeté les fondements, que tout le monde y ac courut de toutes parts.
Elle fit de si grands progrès, que, sans aucuns biens-fonds, cette première société de trois personnes réunit sous une même congrégation plus de douze mille confrères de l'un et de l'autre sexe, qui entretinrent le culte de Marie avec autant d'éclat que d'édification, non-seulement à toutes ses fêtes, mais encore tous les jours de l'année. Qu'est-ce qui lui a donné cet accroissement ? C'est le seul titre de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
Ce seul mot de Bonne-Délivrance y appelle tous les jours tous ceux qui sont en perplexité d'esprit, opiniâtreté de volonté, infirmité de corps, tyrannie des passions, oppression des ennemis, ou dans quelque traverse que ce soit.
La seule prononciation de ce titre royal est comme un cri public, ou signal général pour tous les affligés à se réfugier aux pieds de la sacrée Vierge et se vouer à cette sainte confrérie. Elle est particulièrement le refuge des prisonniers pour dettes ; mais aussi les femmes qui se trouvent près de leur terme, menacées de la mort et voyant leur fruit en danger, font vœu à Notre-Dame de Bonne-Délivrance ; mais c'est surtout le recours de ceux qui se trouvent à l'article de la mort, effrayés des rigoureux jugements de Dieu, de la vision des démons et des tentations du désespoir. C'est pour tous un abri tranquille où l'on vit en paix dans les contre-temps les plus fâcheux de la vie et au milieu des orages de ce monde ; enfin, c'est le rendez-vous de tous ceux qui, plongés dans les ténèbres, désirent voir le soleil de la liberté. » 
 VI.
Cette narration prouve que, dès les premières années de son institution, la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Délivrance avait pris une grande extension. Aussi, le souverain pontife Grégoire XIII, voulant favoriser de plus en plus son heureux développement, lui accorda un bref de confirmation et l'honora de grandes indulgences.
Ces faveurs contribuèrent en effet à lui donner un nouvel accroissement, et attirèrent bientôt sous sa bannière une milice nouvelle et généreuse. En ce temps-là, la jeunesse était portée au culte de Marie par une inclination vive et tendre. Les étudiants des collèges, où tant de bourses étaient données au nom de la sainte Vierge, ne répudiaient pas, comme aujourd'hui, en entrant dans la carrière des sciences, toute pratique du christianisme. Fidèles aux pieuses traditions du foyer domestique auquel la religion présidait alors avec un doux empire, ils ne rougissaient pas de s'enrôler au service de la Reine des vierges, et de mettre sous sa garde l'honneur de leurs premières années. Alors, ils se réunissaient en commun pour dire le chapelet, et se levaient avant le jour pour réciter l'office de Notre-Dame.
La Providence voulut donc que la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Délivrance prît naissance au centre même des écoles de Paris, afin qu'elle fût l'asile de la jeunesse nombreuse qui s'y rendait de toutes les parties de l'Europe pour étudier sous les grands maîtres, et surtout dans le collège des jésuites qui était fréquenté par la fleur des étudiants. 
VII.
Or, parmi ces charmants modèles du jeune âge, on distinguait, en 1578, un enfant de onze ans qui venait d'arriver de Savoie, accompagné de son précepteur, pour achever le cours de ses études. C'est entre les mains des disciples d'Ignace qu'il venait se remettre, parce qu'il avait entendu dire qu'ils étaient envoyés du ciel pour guider les jeunes générations dans le chemin de la vertu et de la science. Le pieux jeune homme, que le lecteur a déjà nommé François de Sales, suivit donc leurs leçons avec toute la distinction de son précoce génie. Mais il ne s'appliquait pas tellement à l'étude qu'il ne réservât une partie considérable de son temps pour les exercices de piété. C'est le sanctuaire de Saint-Étienne des Grès qu'il avait choisi pour s'y livrer avec plus de recueillement et de ferveur. Ses plus délicieux moments étaient ceux qu'il passait aux pieds de l'image miraculeuse de Marie ; c'est là que dans de naïfs épanchements il racontait à sa céleste mère tout ce qui se passait dans son âme innocente ; là qu'il se nourrissait du souvenir de ses bienfaits, et du sentiment de la reconnaissance qu'ils faisaient naître dans son cœur.

Un jour, dans l'un de ces pieux pèlerinages, il se sentit inspiré de se consacrer à la Reine des anges par le vœu de chasteté perpétuelle. Ayant obtenu l'agrément de son guide spirituel, il accomplit cette donation de lui-même au pied de l'autel de Notre-Dame de Bonne Délivrance. "Là prosterné contre terre, dit un historien de sa vie, après avoir longtemps gémi devant Dieu avec une ferveur extraordinaire, il lui offrit le sacrifice de son corps, et le pria d'agréer que, suivant le conseil de l'Apôtre, il renonçât pour toujours au mariage. Il se dédia ensuite à la sainte Vierge qu'il prit pour sa mère et son avocate, et la supplia de lui obtenir les grâces qui lui étaient nécessaires pour garder la continence. »
Il est vraisemblable que c'est à cette époque, sinon dès son arrivée à Paris, que le jeune François de Sales entra dans la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Délivrance. Nous savons par ses écrits qu'il aimait les livrées de ces sortes d'association, même celles des plus humbles hameaux, « J'entre, dit-il, dans toutes les confréries que je rencontre, parce qu'il n'y a rien à perdre et tout à gagner par la communication des prières et des bonnes œuvres. Les prières de ces gens simples me seront bien utiles. J'espère bien que je n'irai pas en enfer ; mais je crains le feu du purgatoire ; je pourrais y rester longtemps, et j'ai confiance que ces bonnes gens m'en tireront par leurs prières. »
 Dès que le fervent congréganiste eut fait vœu de chasteté, il prit la résolution de communier tous les huit jours. Il sentait qu'il avait besoin de se nourrir fréquemment du pain des forts pour résister à ses passions naissantes, et pour soutenir les épreuves qu'il prévoyait devoir rencontrer en avançant dans le chemin de la vie. En effet, la tentation ne tarda pas à l'assaillir ; mais elle se présenta du côté qu'il l'attendait le moins. Comme ce trait d'histoire a contribué à la célébrité du sanctuaire et de l'image de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, nous laisserons un illustre ami de notre aimable saint le décrire dans toutes ses circonstances :
« Parmi les tentations qui éprouvent notre foi, dit l'évêque de Belley, celle qui regarde la prédestination est une des plus pénibles, car c'est un abîme où toute la sagesse humaine est dévorée.
« Dieu, destinant notre bienheureux à la charge et conduite des âmes, a permis qu'il fût rudement tenté de ce côté-là, afin qu'il apprît par sa propre expérience à être infirme avec les infirmes. 
« Comme il achevait ses études à Paris, n'ayant alors que seize ans, le mauvais esprit jeta dans son imagination qu'il était du nombre des réprouvés. Cette tentation fit une telle impression sur son âme, qu'il en perdait le repos, et ne pouvait ni boire ni manger. Il desséchait à vue d'oeil, et tombait en langueur.
« Son précepteur, qui le voyait dépérir tous les jours, ne pouvant prendre goût ni plaisir à rien, lui demandait souvent le sujet de sa mélancolie ; mais le démon qui l'avait rempli de cette illusion était de ceux que l'on appelle muets, à raison du silence qu'ils font garder à ceux qu'ils affligent.
« Il se vit en même temps privé de toute la suavité du divin amour, mais non pas de la fidélité avec laquelle, comme avec un bouclier impénétrable, il tâchait de repousser, quoique sans s'en apercevoir, les traits enflammés de l'ennemi. Les douceurs et le calme qu'il avait goûtés avec tant de contentement, avant cet orage, lui revenaient en la mémoire et redoublaient sa peine. C'était donc en vain, se disait-il à lui-même, que la bienheureuse espérance m'allaitait de l'attente d'être enivré de l'abondance des douceurs de la maison de Dieu, et noyé dans les torrents de ses voluptés. 0 aimables tabernacles de la maison de Dieu ! nous ne vous verrons donc jamais, et nous n'habiterons jamais ces admirables demeures du palais du Seigneur !
« Il demeura un mois entier dans ces angoisses et amertumes de cœur, qu'il pouvait comparer aux douleurs de la mort et aux périls de l'enfer. Il passait les jours dans des gémissements douloureux, et, les nuits, il arrosait son lit de ses larmes.
« Enfin, étant par une inspiration divine entré dans l'Église Saint-Étienne des Grès pour invoquer la grâce de Dieu sur sa misère, et s'étant mis à genoux devant l'image de la sainte Vierge, il pria cette mère de miséricorde d'être son avocate auprès de Dieu, et de lui obtenir de sa bonté, que, s'il était assez malheureux pour en être séparé éternellement, il pût au moins l'aimer de tout son cœur pendant sa vie.
« Voici la prière qu'il récita tout baigné de larmes, et le cœur pressé d'une douleur inexprimable :
« Souvenez-vous, ô très-pieuse vierge Marie, qu'on n'a jamais ouï dire qu'aucun ait été délaissé de tous ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre secours, et a demandé vos suffrages. Animé de cette confiance, ô Vierge ! mère des vierges, je cours et viens à vous : et gémissant sous le poids de mes péchés, je me prosterne à vos pieds. O mère du Verbe ! ne méprisez pas mes prières, mais écoutez-les favorablement, et faites que Dieu m'exauce et me pardonne mes fautes par votre intercession. Ainsi soit-il.
« Il ne l'eut pas plutôt achevée, qu'il ressentit l'effet du secours de Notre-Dame et le pouvoir de son assistance envers Dieu, car en un instant ce dragon qui l'avait rempli de ses funestes illusions le quitta, et il demeura inondé d'une telle joie et consolation, que la lumière surabonda où les ténèbres avaient abondé.»
Telle est la terrible tentation dont François de Sales obtint la délivrance dans le sanctuaire de Saint-Étienne des Grès. Une telle faveur ne pouvait rester secrète. L'heureux jeune homme la publia lui-même avec reconnaissance pour la gloire de sa libératrice, et ce miracle de la bonté de Marie augmenta la renommée de son antique image et lui mérita plus que jamais le titre de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
Aussi, après cet insigne bienfait, notre jeune saint lui voua-t-il un culte plus assidu et plus filial, et, jusqu'aux derniers moments de son séjour à Paris, il en fit le but constant de ses pèlerinages.
VIII.
Au reste, elle était un objet de dévotion pour les plus simples personnages de cette époque, parmi lesquels on doit placer Vincent de Paul et le père Claude Bernard, surnommé le pauvre prêtre.
Ce dernier reçut lui-même à ses pieds une grâce non moins signalée que celle dont fut favorisé saint François de Sales.
Après une jeunesse fort orageuse passée dans la dissipation du plaisir et les désordres qui en sont la suite, touché de la grâce, il commençait à se convertir.
Mais il lui survint, dans la maison où il demeurait, une occasion de rechute, la plus dangereuse à laquelle il eût été jamais exposé, et qu'il ne pouvait éviter que par une prompte fuite. Il court se jeter aux pieds de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, conjure la sainte Vierge de le secourir, et promet, s'il obtient cette grâce, de se livrer entièrement au service de Dieu et du prochain.
Sa prière à peine finie, il se sent exaucé, et, de retour chez lui, il reconnaît que, par une circonstance extraordinaire, évidemment ménagée par la divine Providence, l'occasion a subitement disparu.
Bernard, pénétré de la plus vive reconnaissance, exécute aussitôt sa promesse. Il l'accomplit avec tant de courage et de fidélité, qu'il parvint en peu de temps à la pratique des plus sublimes vertus. Redevable de cette faveur éclatante à la protection visible de Marie, il lui en prouva sa tendre gratitude, non-seulement par un dévouement tout spécial à son service, mais encore en travaillant sans relâche à la faire honorer par tous les moyens que son zèle industrieux pouvait lui suggérer. Celui qui lui servit le plus efficacement à ranimer dans tous les cœurs la dévotion à Marie, fut la prière miraculeuse, aimée de saint François de Sales, et composée, dit-on, par saint Bernard, le souvenez-vous, ô très-pieuse Vierge. Il la fit imprimer en différentes langues, et en distribua plus de deux cent mille exemplaires pendant sa vie.
Depuis cette époque,   les pieux fidèles venaient constamment la réciter à Saint-Étienne des Grès devant l'image la sainte Vierge, qui montra de plus en plus, par des témoignages éclatants, combien ce sanctuaire était cher à son cœur maternel.
 IXSa renommée toujours croissante parvint jusqu'au souverain pontife Clément VIII, qui confirma et augmenta les indulgences accordées par son prédécesseur d'heureuse mémoire à la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Délivrance ; il fut imité par les papes Paul V, Grégoire XV, et Urbain VIII, qui l'enrichirent tour à tour des trésors de l'Église.
A dater de cette époque, ce ne fut pas seulement le peuple et les simples bourgeois qui s'empressèrent d'en faire partie, mais des femmes du monde, des hommes d'armes, des princes et des seigneurs puissants dans le siècle : la piété y associa même plusieurs de nos rois et de nos reines, qui ne rougissaient pas de porter les livrées de la Vierge, protectrice de la France, et d'incliner devant son humble image leurs têtes couronnées. Voici les noms des principaux personnages, qui figuraient sur le registre de cette confrérie vraiment royale, avec la mention des actes de leur munificence, tels qu'ils sont rapportés dans le Livre de cette institution.

« Louis XIII, ayant mis son royaume sous la protection de la reine du ciel, se fit inscrire dans cette confrérie, et de plus il voulut donner des marques de sa libéralité royale par le présent d'argenterie qu'il a fait distribuer aux maîtres et gouverneurs, pour l'ornement de la chapelle.
Anne d'Autriche s'y fit inscrire le 4 mars 1622, et, imitant la piété de ce monarque, a fait présent à la chapelle d'un très-riche ornement complet de velours rouge, de chandeliers d'argent fleurdelisés, d'un bénitier d'argent qui sont existants dans le trésor de la confrérie. Elle y fit inscrire Louis XIV encore enfant, le 13 mars 1643, et la coutume s'est introduite, depuis ce temps-là, d'y associer les enfants de France dès leur naissance.
Gaston, duc d'Orléans, frère de Louis XIII, a été offert à notre bienheureuse mère, et inscrit au nombre des confrères, le 15 octobre 1632.
Le duc d'Anjou et d'Orléans, frère unique de Louis XIV, au mois de mars 1647. A cette occasion, Anne d'Autriche donna une magnifique lampe d'argent du poids de 54 marcs, aux armes du prince.
Le grand Condé se fit inscrire sur le registre royal, le 20 janvier 1648. La princesse de Condé, mars 1650.
Le prince et la princesse de Conti, février 1661.
Marie de Bourbon, fille de France, tante du roi et de la reine d'Angleterre, octobre 1662.
Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV, le 7 août 1665. Elle a offert Louis, dauphin, à Notre-Dame, et l'a fait inscrire dans la confrérie, le 5 juin 1664.
Marie-Christine de Bavière, dauphine de France, aïeule de Louis XV, le 2 février 1684. Elle a fait don d'une lampe d'argent, etc.. »
Ce serait sortir des bornes dans lesquelles nous nous sommes renfermés, que de mentionner tous les personnages de distinction qui se firent agréger à la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Délivrance. Il suffit de dire que les princes les plus illustres de la monarchie ne croyaient pas indigne d'eux d'y inscrire leurs noms, et de se confondre avec le peuple fidèle sous la bannière de Marie.
Leur piété généreuse n'oubliait rien de ce qui pouvait contribuer à embellir son sanctuaire.
Les uns donnaient de riches vêtements et des robes précieuses, pour couvrir la sainte image aux grandes solennités ; d'autres versaient dans le trésor de la confrérie d'abondantes aumônes, qui étaient consacrées à la délivrance des prisonniers pour dettes.
Une quête avait lieu à tous les offices pour cette belle œuvre, et, chaque année, les maîtres et gouverneurs de la confrérie, comme d'autres Pères de la Rédemption, se rendaient dans les diverses prisons de Paris, munis des dons de la charité chrétienne, en faisaient ouvrir les portes aux infortunés, que la misère y avait précipités, et les rendaient à leur famille attendrie et reconnaissante. 
Au reste, le zèle et l'empressement des fidèles de tout âge et de tout rang, pour le sanctuaire de Marie, étaient bien justifiés par la solennité des offices religieux qu'on y célébrait, et dont la multiplicité et la durée effrayeraient aujourd'hui notre tiédeur et notre mollesse mondaine. Nous croyons devoir entrer dans le détail de ces pieuses pratiques, et notamment reproduire la description naïve de la célèbre procession de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, que nous a laissée un historien déjà cité. Le lecteur pourra juger par là quelle était la ferveur de nos pères, et la simplicité de foi de ces temps heureux, et déjà si loin de nous.
  X
ORDRE DU SERVICE DIVIN ÉTABLI DANS LA CHAPELLE DE NOTRE-DAME DE BONNE-DÉLIVRANCE, POUR LES CONFRÈRES ET FIDÈLES CHRÉTIENS.
« Premièrement, sera dict et célébré par chaque dimanche de l'an, après la messe de chœur, une haulte messe solennelle de Nostre-Dame, à diacre et soubz diacre avec chappiers et orgues, excepté les dimanches auxquels adviennent festes doubles et solennelles, auquel cas sera célébré du jour. Et en icelle le célébrant, après l'offrande faicte, dira De profundis; et la dicte messe célébrée dira encore De profundis avec l'oraison pour les trépassés.
« Item, tous les premiers dimanches par chaque moys, à 4 heures de relevée, après vespres et compiles de chœur, se dict un salut solennel où se chantent les vespres de NostreDame, Magnificat, avec encens, une procession à l'entour de l'église où sont chantées les litanies de la saincte Vierge. L'on baille aux chanoynes et anciens maistres chacun un ciprge de confrère allumé. Et après icelle procession, se chante Salve Regina, ou antre hymne selon le temps, Domine, non secundum, VExaudiat et oraison pour le roi, Languentibus et De profundis.
 « Item, sera dict et chanté par chaque dimanche et festes commandées de l'an, vigile à neuf psaumes et neuf leçons incontinent après vespres et complies de chœur dictes; pourveu que mesdicts seigneurs chefciers et chanoynes n'aient obit, auquel cas ces dictes vigiles seront dictes, le lundi matin après matines du chœur.
« Item, sera dict et célébré par chaque lundi de l'an, si feste solennelle n'advient, laudes et haulte messe de Requiem à diacre, soubx diacre et deux chappes. En ce dict jour, l'autel de Nostre-Dame est privilégié pour toute l'année.
" Item, par chaque mardi de l'an sera dicte une haulte messe de saint Roch, avec commémoration de monsieur sainct Sébastien, à diacre et Jouta diacre, Item, outre, le dict jour, sera dicte une messe basse de Nostre-Dame de Pitié, avec De profundis comme dessus.

« Item, par chaque mercredi de l'an, sera célébrée une haulte messe du Sainct-Esprit avec De profundis comme dessus.
« Item, par chaque jeudi de l'an, sera célébrée une haulte messe solennelle du très-sainct sacrement de l'autel.
« Item, outre, le dict jour, sera dicte une messe basse de monsieur sainct Estienne, patron de la dicte église, avec De profundis comme dessus.
" Et ce dict jour, se dict et chante un salut solennel du sainct sacrement, après les vespres de chœur. Item, tous les premiers jeudis du moys, se faict une procession solennelle à l'entour de la dicte église où est porté le Corpus Christi.
" Item, par chaque vendredi de l'an, sera dicte une haulte messe de la saincte croix de nostre Sauveur, De profundis comme dessus, et à la fin sera dicte la Passion.
« Item, par chaque samedi de l'an, sera célébrée une haulte messe solennelle de NostreDame, et à l'issue de la dicte messe, sera dict le Stabat mater.
" Les dictes messes et services à l'intention des dicts confrères et sœurs ; et faut noter qu'à tous et chacun des dicts jours cy- dessus nommés, se dict une messe basse à l'intention de tous les bienfaicteurs de la dicte confrérie royale.
" Item, par chaque feste de Nostre-Dame, sera célébré service et office solennel, en commençant par les premières vespres, matines, deux haultes messes solennelles avec offrande et pain bény, et qui se continue pendant l'octave de la mi-aoust; soir et matin, exposition du très-sainct sacrement de l'autel et prédication.
" Item, le baston d'icelle confrérie royale de la Charité de Nostre-Dame de Bonne-Délivrance sera délivré au nouveau bastonnier et bastionnière, le jour de l'Assomption de NostreDame en aoust, en faisant les services et frais accoutumés.
« Item, les dicts services et offices solennels, en commençant par les vigiles, se font par chaque feste des patrons de la confrérie, c'est à savoir es festes de monsieur sainct Pierre, sainct Jehan-Baptiste, sainct Estienne, sainct Denis, sainct Roch, sainct Sébastien, saincte Geneviève, et madame saincte Barbe.
 « Item, et pour chacun des confrères et sœurs d'icelle confrérie, qui vont de vie à trépas, on faict dire et chanter vespres des morts, vigiles à neuf psaumes et leçons avec laudes et recommendaces, trois haultes messes, la prose Dies irx, dies Ma et Libera à la fin. Il y a quatre cierges ardents aux dépents de la dicte confrérie, et les administrateurs en charge font porter le poêle, appartenant à la dicte confrérie pour servir aux enterremens.
«Item, le premier jour de mai et le 24 aoust, feste de sainct Barthelemy, se fait une procès sion générale et solennelle, laquelle part de l'église Sainct-Estienne des Grecs, à huit heures précises du matin, pour aller dans une paroisse de la ville ou des faubourgs, qui est choisie tous les ans, et où assistent tous les confrères et sœurs, avec un nombreux clergé, et où l'on chante haulte messe solennelle. L'ordre de la quelle procession est tel que s'en suit. »

XI
ORDRE DE LA PROCESSION DE LA SAINTE CONFRÉRIE DE NOSTRE-DAME DE BONNE-DELIVRANCE.
«Premièrement, pendant que monsieur le chefcier, revêtu en la manière qui en suit, assisté de diacre et soubz diacre, tous à genoux au pied de l'autel, chante le Veni creator; devant que de sortir de l'église Sainct-Estienne, il y a un jeune homme, revestu d'une aube de belle toile blanche, bien plissée, ayant un chapelet pendant à sa ceinture, un écusson sur la poytrine, où est l'image de l'assomption de Nostre-Dame, de relief, en broderies, un chapeau (une couronne) de fleurs sur sa teste, nuds pieds, lequel porte une riche bannière de velours cramoisy, ornée de l'image de NostreDame, entourée d'anges, le tout en broderies d'or de relief, parsemé de fleurs de lys d'or et franges de soye et d'or.
« Suit après celui qui porte la croix d'argent doré, enrichie de pierreries,ainsi revestu: orné et nuds pieds, avec deux enfants de chœur, ayant aubes et précédans, portant chacun un grand chandelier d'argent, avec un cierge de cire blanche allumé, et un chapeau de fleurs sur la tête.

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« Puis, le beau baston de la confrérie de Nostre-Dame, ayant deux anges, qui tiennent chacun un cierge allumé, le tout doré de fin or, et la hante couverte de fleurs de lys d'or sur un champ d'azur, porté par un jeune homme revestu d'aube de fin lin, nuds pieds, et le reste ainsi que le premier. Ce baston est accompagné de deux torches allumées, et les porteurs revestus de surplis et tuniques, chacun un chapeau de fleurs sur la teste.
« Marche devant ledict baston un crieur public, revestu d'une riche tunique de velours cramoisy, toute parsemée de fleurs de lys d'or, de relief, et les franges de soye et d'or, ayant un chapeau de fleurs en teste, et tenant en sa main droite une verge et de l'autre un grand bouquet.
« Derrière ledict baston, va la bastonnière vestue de beaux habits, ayant un riche chapeau de belles perles sur la teste.
« Va après une croix d'argent doré, portée par deux anges d'argent, ornée de pierres précieuses, en laquelle il y a du précieux bois de la vraye croix de nostre Sauveur; le pied d'icelle ou soubassement d'argent bien efllahouré.
« Suit une belle image de Nostre-Dame, environnée de rayons de soleil et d'anges avec son piédestal, le tout d'argent.
« Derrière ladiote image, il y a deux jeunes hommes, et aussi deux autres devant icelle, revestus d'aubes blanches bien plissées, ayant chacun un chapeau de fleurs sur leur teste, un chapelet à leur costé, une plaque sur leur poitrine où est 1 image de l'assomption de Nostre-Dame, en broderies de relief, nuds pieds, lesquels portent chacun un gros cierge de cire blanche allumé, pesant 25 livres, et à chaque cierge une couronne, avec un écusson de l'image de l'assomption de Nostre-Dame, comme dessus attaché.
« Après, suit l'image de Monsieur sainct Pierre, laquelle est toute d'argent, tenant une clef d'argent.
« Celle de sainct Jehan-Baptiste, avec un agneau, le tout d'argent.
« L'image de Monsieur saint Roch, avec l'ange et le chien, tout étant d'argent.
a Celle de sainct Sébastien, attaché à un arbre, ayant au-dessus de la teste un ange qui le couronne, le tout d'argent.
« Lesquelles sainctes reliques marchent avec un bel ordre, et avec une distance bien séante, modestie et gravité convenables. Elles sont portées chacune sur un brancard, orné de parements de damas blanc, rouge, verd et jaune, sur les épaules de deux jeunes hommes, revestus d'aubes de fine toile, bien plissées, nuds pieds, et le surplus ainsi que cy-dessus.« Devant icelles vont des bedeaux, revestus l'un d'une belle grande robe violette, l'autre d'une robe mi-partie de blanc et de bleu et le troisième d'une robe mi-partie de bleu et de tanné, ayant des chapeaux de fleurs sur leurs testes, et en leurs mains une verge, avec un grand bouquet de fleurs, et sur le bras gauche chacun une grande plaque d'argent où sont les images de Nostre-Dame et de sainct Estienne, en bosse et de relief d'argent.
« Icelles sainctes reliques sont accompagnées de quantités de torches et de luminaires.
« Chemynent après, en rang de chaque costé, trente jeunes hommes revestus d'aubes de fin lin, plissées modestement et décemment, d'un pas grave, nuds pieds, ayant chacun un chapeau de fleurs dessus la teste, un chapelet au costé, un écusson sur la poitrine où est l'image de l'assomption de Nostre-Dame, de relief, en broderies, et en la main un cierge de cire blanche, ardent, avec un grand bouquet.
« Ensuite est le vénérable clergé, composé d'un bon nombre de gens d'église, revestus de surplis et chappes de damas de diverses couleurs et de velours, allants en deux rangs; et des deux côtés au-dessus marchent messieurs les chanoynes au nombre de dix, et derrière, le révérend chefcier, portant une croix d'or ou reliquaire en la main, revestu de surplis, estole, et d'une riche chappe, et deux chanoynes, l'un faisant le diacre, revestu d'aube, d'estole, et d'un riche précédant, et l'autre le soubz diacre, revestu d'aube, fanon, et d'une riche tunique, qui vont devant lui, tous ayant un chapeau de fleurs en la teste, et un grand bouquet de fleurs en la main, et en ce bel ordre on s'achemyne en quelque église, où là se célèbre la messe par le sieur chefcier, et y fait on la prédication, et puis on revient de mesme en l'église Sainct-Estienne des Grecs.« Suyvent finalement les quatre maistres de la confrérie qui sont en charge, et les autres qui sont hors de charge, ayant chacun un cierge de cire blanche, ardent en la main, avec un grand bouquet de fleurs; puis une grande multitude de peuple d'un et d'autre sexe, en grande dévotion.
« Messieurs de la ville donnent à la dicte confrérie royale, tous les ans, douze grands flambeaux de cire blanche, ornés des armes de la ville; et envoyent aussi plusieurs officiers, archers et gardes de la ville pour maintenir le bon ordre, et empescher la confusion par la foule qui est toujours très-nombreuse (1). »
XII.
Telle était la pompe pleine de naïveté du culte de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
Ces solennités de la foi antique fleurirent jusqu'à l'époque funeste où une audacieuse philosophie jeta le fondement de ses impiétés, c'est-à-dire vers le milieu du dix-huitième siècle. Alors les auteurs de la grande révolution, qui bouleversa plus tard tout l'édifice social et religieux, s'essayaient déjà à en détacher quelques pierres, et, par leurs doctrines, accomplissaient peu à peu cet événement dans les idées et les mœurs de nos pères.
La célèbre confrérie fondée en 1533 devint l'objet de la critique et du dédain de la sagesse Orgueilleuse du siècle, dont l'influence commençait à s'exercer sur ceux qui tenaient les rênes du gouvernement.
En butte à des attaques nombreuses, elle devait succomber sous le poids de la calomnie et des intrigues de ses ennemis. Le parlement de Paris rendit un arrêt qui la supprima, le 6 février 1737, après deux siècles d'existence et de gloire.
Mais il n'était pas donné à la puissance humaine de supprimer en même temps la confiance et l'amour des enfants de Marie pour leur mère.
Le sanctuaire de Notre-Dame de Bonne-Délivrance continua donc à être l'objet de la dévotion des fidèles, et le but de leurs pieux pèlerinages.
On y venait prier sans bruit et sans pompe, comme on le fait aujourd'hui dans son nouveau sanctuaire, et cet hommage de la foi humble et silencieuse n'en était que plus cher au cœur de celle qui mit toute sa gloire dans la perfection et l'excellence des sentiments intérieurs.
XIII.
Mais enfin, arrivèrent les jours mauvais et le triomphe définitif de l'impiété.
La reine des vierges devait être dépossédée des sanctuaires que la foi des anciens âges lui avait élevés; et son image immaculée remplacée sur nos autels par l'idole impure de la raison en délire.
Avant la ruine de Jérusalem, la Providence annonça, par des signes effrayants, les malheurs qui allaient fondre sur la Palestine ; elle en usa de même dans ces derniers temps. Elle fit prédire, par des signes non équivoques, les crimes et les châtiments de la révolution. La métropole de Paris avait été effrayée d'avance à l'annonce delà profanation qui devait désoler son enceinte et jusqu'à son autel On se rappellera toujours le mouvement surnaturel d'un célèbre orateur, le P. Beauregard, jésuite, qui fit retentir les voûtes de Notre-Dame de ces paroles prophétiques :
« Oui, vos temples, Seigneur, seront dépouillés et détruits, vos fêtes abolies, votre nom blasphémé, votre culte proscrit. Mais qu'entends-je, grand Dieu ! Que vois-je ? Aux saints cantiques qui faisaient retentir ces voûtes sacrées en votre honneur, succèdent des chants lubriques et profanes. Et toi, divinité infâme du paganisme, impudique Vénus ! tu viens ici même prendre audacieusement la place du Dieu vivant, t'asseoir sur le trône du Saint des saints, et recevoir l'encens coupable de tes nouveaux adorateurs. »
De son côté, Marie elle-même avertit plus d'une fois ses fidèles serviteurs de se préparer au temps de l'épreuve, et de fléchir la colère du ciel si justement irrité. On vit dans divers lieux ses images répandre des larmes, ouvrir et fermer les yeux, comme pour annoncer que les regards de la miséricorde divine allaient se détourner de son peuple, et le livrer entre les mains des instruments de sa justice. Dans une communauté de Paris, fondée au dix-septième siècle, par Marie-Thérèse d'Autriche, épouse de Louis XIV, pour obtenir du ciel la prospérité du royaume et de la famille royale, une statue de la sainte Vierge, antique objet de dévotion, annonça par ses pleurs les crises les plus sanglantes de la révolution, et spécialement le supplice de l'infortuné Louis XVI.
Ce phénomène surnaturel se manifesta en d'autres contrées. A Ancône, à Rome et dans plusieurs villes d'Italie, on vit, à l'approche des armées révolutionnaires, les images de Marie vénérées dans les églises et sur les places publiques, répandre des larmes abondantes en présence de la multitude consternée.
 Tels furent les signes lugubres qui annoncèrent les dévastations sacrilèges des ennemis de la foi, et l'abomination de la désolation qu'ils traînaient après eux. L'église de Saint Étienne des Grès présentait à leur cupidité un appât trop séduisant pour échapper à leurs fureurs. Elle fut donc dépouillée de toutes les richesses que la foi des princes et des fidèles y avait réunies depuis plusieurs siècles. On enleva l'or, l'argent, le fer, les grilles, les marbres, les boiseries ; on arracha tous les ouvrages de l'art qui décoraient les murs, et ces dépouilles sacrées furent mises en adjudication publique. Puis, l'édifice lui-même, dont la fondation remontait aux premiers siècles du christianisme, tomba avec sa célèbre chapelle sous le marteau des démolisseurs.

XlV.
Cependant, par un privilège qui tient du prodige au milieu de ces dévastations sacrilèges, la statue de Notre-Dame de Bonne-Délivrance fut respectée et sauvée.
La Providence suscita, pour l'arracher aux mains des profanateurs, une veuve chrétienne, qui lui était très-dévote, et qui, dans les derniers temps, S'était consacrée à la propagation de son culte, la comtesse de Carignan Saint-Maurice. Cette pieuse dame, ayant appris que le mobilier de la paroisse Saint-Étienne allait être mis en vente, se sentit inspirée de soustraire l'image vénérée de Marie aux outrages d'une exposition publique. Elle alla donc trouver secrètement, le 16 mai 1791, les officiers municipaux préposés à la garde de l'église, et ayant fait briller à leurs yeux de quoi tenter leur cupidité, elle les décida à lui remettre l'objet précieux, que son cœur convoitait si vivement. Dès qu'elle en fut propriétaire, elle le fit transporter à l'hôtel Traversière qu'elle habitait rue Notre Dame-des-Champs, et qui fait aujourd'hui partie du collège Stanislas,
La dévote comtesse lui dédia dans ses appartements un petit oratoire qu'elle orna avec le plus grand soin, et où l'on célébrait en secret les saints mystères. Elle ne cessait de porter à ses pieds des vœux ardents pour le salut de la France, alors en proie à toutes les horreurs de l'anarchie. De fervents catholiques s'unissaient à elle et venaient souvent en pèlerinage à Notre-Dame de Bonne-Délivrance. Ils étaient soutenus et dirigés par M. l'abbé Bailly, mort depuis évêque de Poitiers, après un épiscopat beaucoup trop court, au gré des peuples confiés à ses soins. Ce digne ecclésiastique s'était réfugié à l'hôtel Traversière, espérant trouver sous la protection tutélaire de Marie un abri contre les fureurs de la persécution. En effet, on rapporte différents traits qui prouvent que la sainte image fut pour la maison de madame de Saint-Maurice ce que l'arche d'alliance avait été pour celle d'Obédedon, un gage de salut et de bénédiction au milieu de la plus grande terreur.  
Cependant la vénérable servante de Marie ne pouvait éviter plus longtemps le sort glorieux réservé à tous ceux pour qui le nom, la fortune et la piété étaient alors autant de crimes dignes de l'échafaud. Elle fut arrêtée comme suspecte et incarcérée dans une maison de la rue de Sèvres, appelée les Oiseaux, et qui avait été transformée en prison supplémentaire. Là se trouvaient détenues plusieurs religieuses hospitalières de Saint-Thomas de Villeneuve, avec lesquelles le malheur et la religion lui firent contracter des liaisons intimes, et spécialement avec la révérende mère Walsh de Valois, supérieure générale de cette congrégation. Cette digne religieuse se faisait admirer de toutes les compagnes de sa captivité par sa fermeté d'âme, par sa patience et son empressement à adoucir, autant qu'il était en son pouvoir, les rigueurs de leur situation. Madame de Saint-Maurice eut une part plus tendre à ses soins charitables, et elle en conçut une reconnaissance qu'elle se promit de satisfaire dès qu'elle aurait recouvré sa liberté. Cet heureux moment arriva plus tôt qu'elle ne pensait. Le 4 octobre 1794, les portes de la prison s'ouvrirent pour elle et pour ses amies d'infortune, et cette faveur inattendue fut attribuée à la protection de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, qu'elle n'avait cessée d'invoquer durant sa captivité.
 Or, à cette époque, la spoliation des maisons religieuses était consommée depuis longtemps. Cependant, par une permission singulière de la Providence, celle des hospitalières de Saint Thomas avait échappé à l'attention des agents de la tyrannie, et les charitables filles qui l'habitaient continuaient, sous le costume séculier, à panser les plaies des pauvres infirmes qui avaient recours à leurs soins. Mais cette heureuse exception semblait ne devoir pas durer. En effet, au commencement de l'année 1795, elles furent dénoncées au club de leur district comme religieuses déguisées, et une motion fut faite pour mettre en adjudication les bâtiments de leur communauté. Déjà les affiches étaient placardées, lorsque madame de Saint-Maurice, apprenant le danger que couraient ses chères religieuses, et sentant que le moment était venu d'acquitter envers elle la dette de la reconnaissance, se détermine à accomplir un grand sacrifice pour détourner l'orage. Elle se jette aux pieds de sa statue chérie, et fait vœu de la donner à la société des filles de Saint-Thomas si Marie daigne montrer sa puissance en conservant à la religion et à l'humanité le chef lieu d'un ordre voué aux soins corporels et spirituels des malades. De leur côté, la mère de Valois et ses filles, informées de cette résolution généreuse qui les pénètre de reconnaissance, commencent elles-mêmes une neuvaine de prières à Notre-Dame de Bonne-Délivrance... Et, quelques jours après, les affiches menaçantes sont arrachées par une main qui est restée inconnue, et l'héritage de la charité chrétienne est sauvé.
 Ainsi, on continua à laisser dans l'oubli les humbles servantes des pauvres, et les lois d'expropriation sacrilège qui avaient frappé tous les monastères de Paris épargnèrent, par un privilège sans exemple, celui des filles de Saint Thomas, dont elles sont encore en possession.

XV.
Enfin des jours de salut allaient succéder aux nuits ténébreuses de l'impiété, et l'aurore de la paix vint consoler la terre. Dès que la sécurité publique permit d'ouvrir les églises et de relever les autels, la pieuse comtesse songea à l'accomplissement de son vœu ; mais il se passa encore quelque temps avant qu'elle se décidât à le réaliser. En effet, l'ancienne chapelle du couvent de Saint-Thomas n'avait ni les proportions ni l'élégance dignes du précieux dépôt qu'elle lui destinait ; elle voulait préalablement qu'on en construisît une nouvelle, et comme les ressources de la congrégation s'étaient épuisées dans les temps désastreux qu'on venait de traverser, elle fut la première à verser une partie des fonds nécessaires pour commencer l'entreprise.
En attendant qu'on pût réunir le reste, elle crut devoir soumettre son projet au souverain pontife Pie VII, et solliciter son approbation. Pour cet effet, elle eut recours au cardinal Caprara, légat du saint-siége en France, et lui remit la supplique suivante :
« Très-saint Père,
Madame de Carignan, comtesse de Saint Maurice, a acquis des officiers municipaux de la commune de Paris la statue de la sainte Vierge, vénérée dans l'église collégiale de Saint-Étienne des Grès de la même ville, détruite au commencement de la révolution.
« C'est devant cette statue de la Vierge que saint François de Sales, faisant ses études au collège des Jésuites de Paris, allait souvent faire ses prières pour obtenir de Dieu, par l'entremise de Marie, le don de continence. Les souverains pontifes Grégoire XIII et Urbain VIII, d'heureuse mémoire, avaient accordé de grandes indulgences à la célèbre confrérie établie en cette église sous le nom de Notre-Dame de Bonne-Délivrance ; tous ces titres et bulles sont perdues, l'histoire seule en fait mention
« Madame de Carignan Saint-Maurice, très saint Père, désirerait placer cette statue, restaurée par ses soins, dans l'oratoire des religieuses hospitalières de Saint-Thomas de Villeneuve, ordre de Saint-Augustin, établies à Paris, rue de Sèvres. Où pourrait-elle être mieux placée qu'au milieu de celles qui sont les plus fidèles imitatrices des vertus de Marie, et qui en ont été protégées d'une manière si singulière ?
 « Mais, très-saint Père, cette bonne œuvre manquerait son but essentiel si elle n'obtenait de Votre Sainteté le sceau de son approbation ; c'est dans cette vue religieuse, et afin de perpétuer à jamais le culte de Marie, que madame de Carignan Saint-Maurice vous supplie, très saint Père, de vouloir bien accorder une indulgence plénière à toutes les personnes qui, aux conditions requises, entendront la messe et communieront dans la chapelle où sera exposée cette statue de la sainte Vierge, à toutes les fêtes solennelles consacrées au culte de Marie, et une indulgence de cent jours en faveur des fidèles qui, tous les samedis de l'année, visiteront cette chapelle et y réciteront la prière connue sons le nom de Memorare.
« Très-saint Père, en accueillant la prière de madame de Carignan Saint-Maurice, vous exaucerez le vœu le plus doux à son cœur, ci lui de propager, autant qu'il est en elle, le culte de Marie.
 « Je suis, avec la vénération la plus profonde, très-saint Père,
de Votre Sainteté,
la plus humble et la plus soumise de vos enfants,
« Carignan Saint-maurice.
« Ce 30 janvier 1805. »
Le cardinal Caprara approuva, au nom de Sa Sainteté, les pieuses dispositions de la comtesse de Saint-Maurice, et accorda par le rescrit suivant la plupart des indulgences qu'elle sollicitait pour le sanctuaire de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
« Le très-saint Père accorde l'indulgence plénière et la rémission de tous les péchés à tous les fidèles de l'un et l'autre sexe qui, vraiment contrits et s'étant confessés, communieront dans ledit oratoire (pourvu qu'il soit approuvé de l'ordinaire et qu'on y ait dressé un autel en l'honneur de la bienheureuse vierge Marie) les jours de la Conception, de la Nativité, de la Purification de l'Annonciation et de l'Assomption de la sainte Vierge, et visiteront dévotement ladite chapelle, chaque année, les jours marqués ci-dessus, depuis les premières vêpres jusqu'au coucher du soleil, afin d'y prier pour la paix entre les princes chrétiens, l'extirpation des hérésies et l'exaltation de notre mère la sainte Église.
 « Sa Sainteté accorde aussi sept années et autant de quarantaines aux fidèles qui rempliront les mêmes conditions aux autres fêtes de la mère de Dieu ; de plus, le souverain pontife, d'après l'usage de la sainte Église, les délivre de cent jours de Pénitence, de quelque manière qu'elle leur ait été imposée, chaque fois qu'ils prieront Dieu dévotement devant ledit autel, le samedi de l'année.
« En outre, veut le très-saint Père, par grâce spéciale, que lesdites indulgences conservent à perpétuité la même valeur que si elles avaient été accordées par lettres apostoliques en forme de bref.
« J. B. Gard. Caprara.
« Paris, le 12 février i805. »
Telles furent les laveurs spirituelles dont le saint-siège enrichit le nouveau pèlerinage de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.

XVI.
Cependant la mère de Valois, malgré le désir qui l'animait d'élever à Marie un nouveau sanctuaire, n'avait pu se procurer les ressources suffisantes pour une telle entreprise. Après un nouveau délai d'un an, madame de Saint Maurice se décida à remplir son engagement. Le 1er juillet 1806, veille de la Visitation de la sainte Vierge, l'une des fêtes patronales de la congrégation de Saint-Thomas, fut le jour fixé pour la cérémonie si longtemps attendue. A quatre heures du soir, la statue miraculeuse de Marie fut transportée de l'hôtel Traversière au couvent de Saint-Thomas de Villeneuve, et madame de Saint-Maurice, avec une piété vraiment généreuse, mais non sans répandre des larmes que lui arrachait un sacrifice qui coûtait beaucoup à son cœur, fit solennellement la remise de son précieux dépôt aux religieuses pénétrées de reconnaissance, et qui répétaient en elles-mêmes ces paroles des anciens d'Israël : Introduisez au milieu de nous l'arche de Valliance du Seigneur et qu'elle s'y repose pour nous donner le salut et la paix. Ensuite l'image bien-aimée fut portée dans la chapelle, pendant qu'on chantait les litanies de la sainte Vierge, et placée sur un autel préparé pour la recevoir, en attendant la construction d'un monument plus conforme aux vœux des religieuses et de la pieuse donatrice.
Là, Notre-Dame de Bonne-Délivrance devint l'objet d'un culte fervent, et le but de nombreux pèlerinages. De dévots fidèles accoururent à son oratoire pour solliciter les largesses de celle dont ils avaient entendu célébrer l'antique bienfaisance ; et les grâces signalées que plusieurs y reçurent firent renaître une dévotion jadis si féconde en merveilles.
Cette restauration inattendue fut un objet d'envie pour une paroisse voisine. Le curé de Saint-Sulpice eût voulu acquérir la précieuse image pour en orner la magnifique chapelle de la Vierge qui est derrière le chœur de son église, et où l'on voyait autrefois une statue en argent qui devint la proie de la révolution; il fit à ce sujet des ouvertures qui né furent point acceptées. D'autre part, les religieuses d'un monastère de la Visitation désiraient vivement posséder au milieu d'elles un objet qui leur rappelait un des traits les plus touchants de la vie de leur saint fondateur : elles proposèrent aux dames de Saint-Thomas de leur donner en argent le pesant de leur statue, ce qui eût produit une somme considérable, attendu qu'elle est en pierre ; mais les heureuses propriétaires ne purent jamais consentir à un échange qui les eût privées de ce qu'elles regardaient comme le plus précieux de tous les trésors.
 La mère de Valois mourut le 23 janvier 1808 sans avoir la consolation de réaliser les projets qu'elle avait formés pour la gloire de Marie. Mais elle légua son zèle et sa piété à la mère de Montgermont, qui lui succéda dans le gouvernement de la congrégation.
Cette digne supérieure s'appliqua, autant qu'il était en son pouvoir, à favoriser la dévotion des fidèles de tout âge et de tout rang qui continuaient à visiter l'image de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
C'est à ses pieds que, quelques années plus tard, une princesse illustre par ses infortunes et par ses vertus vint se prosterner pour conjurer la protectrice de la France d'accorder à une race antique et à jamais glorieuse un rejeton digne d'elle ; et, après que ses vœux eurent été exaucés et qu'elle eut obtenu pour la mère et l'enfant une heureuse délivrance, c'est sur son autel qu'elle fit déposer le don de sa munificence royale.
 Pendant tout le temps de son administration, la mère de Montgermont ne perdit pas un seul instant de vue le projet d'élever à Marie un nouveau sanctuaire. Elle travailla près de vingt ans à réunir les fonds qu'exigeait cette grande et noble entreprise. Déjà elle louchait à l'accomplissement de ses vœux, lorsque la mort vint l'enlever douloureusement à sa congrégation, et lui ravir la jouissance qu'elle s'était promise.
La Providence réservait la gloire de cette fondation à la mère Céleste Sebire, qui fut élue supérieure générale le 2 janvier 1828. Dès qu'elle eut terminé la visite des maisons de son ordre, elle fit tracer le plan du nouveau sanctuaire par un architecte habile, M. Huvé, à qui elle en confia l'exécution.
 
XVII
Avant de démolir l'ancienne chapelle, on transporta la statue de Marie dans un oratoire préparé au milieu de la communauté, et pendant toute la durée des travaux il fut constamment fréquenté par de dévots pèlerins. Mgr. de Quelen, archevêque de Paris, vint lui-même y faire sa station, et comme on était sur le point de poser la première pierre du nouvel édifice, il fut invité à la bénir : il fixa lui-même cette cérémonie au 11 mai 1829, dans le mois consacré à honorer la sainte Vierge.
Tout fut disposé pour qu'elle se fît avec une pieuse solennité. Mgr. de Quelen vint, accompagné de Mgr. de Villèle, archevêque de Bourges, de M. Desjardin, vicaire général de Paris, tous deux amis de la congrégation, de M. le curé de l'Abbaye-aux-Bois, et de plusieurs autres ecclésiastiques. On commença par déposer sous la pierre l'écrit suivant :

L'an de Notre-Seigneur 1829,
d'après le désir de Madame Jeanne-Elisabeth de Montgermont,
précédemment supérieure générale
de la congrégation de Saint-Thomas de Villeneuve,
la supérieure générale actuelle de la même congrégation,
Madame Céleste-Angélique-Julienne Sebire,
a élevé cette chapelle
en l'honneur de la bienheureuse vierge Marie,
sous le titre de Bonne-Délivrance.
C'est devant cette statue,
alors dans l'église Saint-Étienne des Grès,
qu'autrefois
saint François de Sales fit vœu de virginité,
et recouvra aussitôt la paix de l'âme
qu'il n'espérait déjà plus.
Plus tard, au milieu des excès de la persécution,
cette même statue, tirée des ruines de l'église
le 16 mai 1791,
par les soins d'une fidèle servante de Marie,
Madame de Carignan Saint-Maurice,
fut donnée par elle à la pieuse congrégation,
pour en être l'éternelle sauvegarde.
Hyacinthe, Louis de Quélen,
archevêque de Paris et pair de France,
a solennellement béni et placé
la première pierre de cette nouvelle chapelle
le 11 mai de l'an 1829.
Monseigneur ayant béni la pierre, M. Huvé lui présenta pour la sceller la truelle que son père, comme lui architecte du roi, avait offerte à Louis XVI, lors de la fondation de l'hôtel des monnaies. Ensuite le pieux archevêque se rendit à l'oratoire de Marie pour adresser quelques paroles d'édification à la communauté rassemblée. Là, avec sa grâce accoutumée et ce talent d'à-propos qui lui était si naturel, il laissa échapper du trésor de son âme quelques-unes de ces émanations heureuses qui charmaient tous ceux qui en étaient l'objet, et dont le souvenir se conservera toujours parmi les religieuses de Saint-Thomas.
Pendant la construction du monument, on songea à sa décoration intérieure. Plusieurs maisons de la congrégation se disputèrent l'honneur d'y contribuer, et de généreux fidèles déposèrent aussi leurs offrandes aux pieds de Notre-Dame de Bonne-Délivrance.
Mais la mère Sebire désirait surtout enrichir sa nouvelle chapelle des trésors spirituels de l'Église. Dans ce dessein, elle s'adressa au cardinal de La Fare, supérieur général de la congrégation, qui s'était rendu à Rome pour l'élection de Pie VIII, et lui fit remettre une supplique pour obtenir de Sa Sainteté, outre les indulgences accordées à l'ancienne chapelle :
1° Le rétablissement de la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Délivrance ;
 2° La confirmation de la confrérie de la Bonne-Mort ;
3° Une indulgence plénière à tous les fidèles qui, ayant rempli les conditions requises, communieront dans la chapelle chacun des jours suivants : le 29 janvier, fête de saint François de Sales ; le 2 juillet, fête de la Visitation ; le 18 juillet, fête de Notre-Dame de Bonne-Délivrance ; et le 21 octobre, fête de la Présentation de la sainte Vierge ;
4° Une indulgence plénière à toutes les religieuses de Saint-Thomas de Villeneuve, et aux dames pensionnaires du couvent qui communieront dans la chapelle le premier samedi de chaque mois;
5° L'établissement du Chemin de la Croix ;
6° Un privilège à perpétuité au maître-autel pour toutes les messes de requiem.
Le souverain Pontife Pie VIII accorda toutes ces faveurs, à l'exception du rétablissement de la confrérie de Notre-Dame de Bonne-Déli vrance, qu'on ne put obtenir, parce qu'on possédait déjà celle de la Bonne-Mort. Ce fut au crédit du cardinal de La Fare que les religieuses de Saint-Thomas furent redevables de ces richesses spirituelles. Elles attendaient encore beaucoup de ses lumières et de sa haute protection, lorsque sa mort, qui arriva le 9 décembre 4829, peu de temps après son retour à Paris, les priva d'un bienfaiteur et d'un ami dont la mémoire leur sera toujours chère. 
Mais la Providence compensa cette perte par le choix heureux de son successeur. Les suffrages de la congrégation se réunirent pour élire, en qualité de supérieur général, Mgr. de Quelen, qui daigna accepter cette fonction, le 16 mars 1830.
La chapelle dont il avait posé la première pierre était presque entièrement construite. Il se proposait d'en faire l'inauguration le 20 avril suivant, jour fixé pour la translation des religieuses de Saint-Vincent de Paul, et la procession solennelle, s'arrêtant à Notre-Dame de Bonne-Délivrance, aurait déposé quelques instants la châsse du serviteur de Dieu aux pieds de la Reine du ciel. Mais les préparatifs ne purent être terminés à temps. Mario fut cependant associée en quelque manière à l'auguste solennité dont la capitale fut témoin. Plus de trente mille médailles, frappées à cette occasion, des gravures sans nombre, répandues dans toute la France, instruisirent les fidèles du double objet de cette cérémonie et les invitèrent à louer Marie et son serviteur.
 XVIII.
Peu de temps après, la Providence ménagea aux religieuses de Saint-Thomas un événement qui devait concourir d'une manière très-heureuse avec l'inauguration de leur chapelle et ajouter beaucoup au bonheur de cette journée. Au mois de juin 1830, la mère Sebire reçut une lettre anonyme conçue en ces termes :
« Madame,
« Au moment où votre nouvelle chapelle est sur le point d'être terminée, je crois faire une chose qui vous sera agréable, en vous donnant l'espérance de pouvoir y déposer les restes précieux du P. Ange Leproust, religieux augustin, instituteur de votre société. Son tombeau ayant échappé aux fureurs révolutionnaires, vous le trouverez sous la sixième arcade du cloître de l'ancien couvent des Petits-Augustins, connu maintenant sous le nom d'École des Beaux-Arts. On y lit cette inscription: « Le révérend P. Ange Leproust, religieux augustin, ex-provincial, instituteur des filles de « Saint-Thomas de Villeneuve, dont la profession est de servir les malades dans les hôpitaux. Le révérend père mourut le 16 octobre 1697. » Le projet de démolir ce cloître est une circonstance qui vous procurera plus facilement encore le moyen d'obtenir ce que sans doute vous désirez. »

La lecture de cette lettre frappa vivement la mère Sebire, d'autant plus qu'ayant compulsé les archives de la congrégation, elle trouva une lettre qui constatait dans les mêmes termes que l'anonyme l'époque de la mort du P. Ange et le lieu de son inhumation. Cette découverte précieuse fut regardée par les religieuses de Saint-Thomas comme une faveur éclatante du ciel, et combla tous les cœurs de consolation et de reconnaissance.
Mgr. de Quelen, informé de cet heureux événement, fit aussitôt dresser une demande au ministre, afin d'obtenir les restes du P, Ange Leproust, dont il s'honorait, disait-il d'être le successeur ; et il promit d'appuyer cette requête de telle sorte que la translation du précieux corps pût avoir lieu le jour même de la bénédiction de la chapelle qu'il fixa au 5 août, fête de Notre-Dame des Neiges. En même temps il ordonna des prières ferventes dans toutes les maisons de la congrégation pour obtenir de Dieu qu'il daignât bénir ces pieux projets, et manifester publiquement, si c'était pour sa plus grande gloire, la sainteté de son serviteur. Mais le ciel réservait alors à la France de nouvelles calamités qui devaient convertir en amertume profonde les jours de fête et de sainte allégresse que se promettaient le pasteur et le troupeau.
En effet, tandis que tous les cœurs se livraient à l'espérance, la tempête politique de juillet 1830 vint soudainement renverser les projets des amis de Dieu, et refouler au fond des âmes tout élan religieux. Le vénérable archevêque de Paris fut proscrit, sa demeure mise au pillage, et le 5 août, jour fixé pour la bénédiction de la chapelle, il était réduit à errer d'asile en asile pour se soustraire à la fureur d'un peuple égaré.
Il fallut donc renoncer pour le moment à l'espoir de recouvrer la dépouille vénérée du P. Ange Leproust. Ce ne fut que quatre ans plus tard qu'on put en opérer la translation et la déposer dans un caveau où elle repose au pied de la statue de Marie.
 XIX.
Quant à l'inauguration du nouveau sanctuaire, elle ne fut différée que de quelques jours, mais elle dut se faire sans cette pompe et cette solennité extérieure dont la piété eût désiré entourer la Reine des cieux. On se borna à une cérémonie privée. Auparavant on eut soin de constater, par un procès-verbal dressé selon les formes canoniques, l'identité de la statue de Marie avec celle de Saint-Étienne des Grès. Nous réunissons ici les dépositions qu'on reçut à ce sujet, tant avant qu'après l'inauguration.
"Nous soussigné, attestons et certifions : 
1° Que la statue de la sainte Vierge qui était placée dans une chapelle, à gauche du maître-autel, dans l'église Saint-Étienne des Grés, était en pierre, assez grossièrement sculptée, et que la tête, les mains et les pieds, tant de l'enfant Jésus que de sa sainte Mère, étaient peints en couleur noire ;
 « 2° Que nous avons appris, tant par la voix publique que par le témoignage de madame de Saint-Maurice, avec qui nous avons eu l'honneur d'avoir de fréquents rapports, que cette respectable dame avait acheté de la commune de Paris ladite statue ;
« 3° Que nous avons été témoin du don qui en a été fait à la communauté des dames Saint Thomas de Villeneuve, rue de Sèvres, et de la sainte allégresse qu'excita son érection dans l'ancienne chapelle de l'établissement, ainsi que du pieux concours des fidèles qui vinrent avec assiduité vénérer l'image de Marie.
« En foi de quoi nous avons délivré le présent certificat pour servir à constater l'identité de la statue.
« t Ph., évêque de Grenoble, Paris, le 21 mai 1830. »
« Je soussigné, déclare que j'ai vu, un peu avant la révolution, dans l'église Saint-Étienne des Grès, une statue de la sainte Vierge, dont la tête, les pieds et les mains étaient peints en couleur noire.
 « Je déclare, en outre, que la statue qui se trouve maintenant chez les dames de Saint Thomas, rue de Sèvres, me paraît être la même.
« Bertaut, supérieur général du séminaire du Saint-Esprit et des missions coloniales.
Paris, le 30 juin 1830. »
« Je soussigné, curé de la paroisse de Notre Dame de Lorette, à Paris, et vicaire général de Dijon, certifie la même chose que M. Bertaut.
« Leclair, vicaire général.
« Paris, le 1er décembre 1830. »
« Je soussigné, Michel-Marie Barbier, ancien avocat au parlement de Paris, certifie que la sainte Vierge qui est présentement honorée dans l'église de Saint-Thomas de Villeneuve, rue de Sèvres, est la même que celle que j'ai eu le bonheur d'honorer dans ma jeunesse, dans l'église Saint-Étienne des Grès, sous le nom de Bonne-Délivrance, il y a plus de soixante ans. En foi de quoi j'ai signé le présent certificat, que je signerais de mon sang pour plus grande authenticité.

« Barbier.
« Paris, 29 décembre 1830. »
L'identité de la statue étant constatée, on obtint de M. Boudot, vicaire général de Paris, des pouvoirs spéciaux pour procéder à la cérémonie si désirée. Enfin, le samedi 21 août 1830, en présence de la révérende mère Céleste Sébire, supérieure générale, de la mère de la Villebrune, son assistante, et de toutes les religieuses composant la communauté des hospitalières de Saint-Thomas de Villeneuve, le père Cellier, jésuite, assisté du père Nizard, bénit premièrement l'enceinte intérieure de la nouvelle chapelle, puis le maître-autel, sous le titre de Notre-Dame de Bonne-Délivrance; l'autel collatéral à droite, sous le vocable du Sacré-Cœur de Jésus ; et l'autel collatéral à gauche, sous celui de Saint-Thomas de Villeneuve, patron et protecteur de la congrégation.
XX
Ainsi, après trente-neuf ans d'exil, Notre Dame de Bonne-Délivrance rentra en possession d'un nouveau sanctuaire dans la capitale de la France, et offrit son cœur maternel comme un asile tutélaire aux nombreuses victimes de ses révolutions. Élevée sur le maître autel, derrière le tabernacle, l'Image vénérée apparaît à tous les yeux comme une consolation et un gage d'espérance.
Les saintes religieuses qui en sont les gardiennes, fières de posséder une statue renommée par l'antiquité de son culte, et devant laquelle saint François de Sales vint tant de fois s'agenouiller, coulent d'heureux jours sous la protection de Marie, leur mère et leur modèle. Vouées au soulagement des infirmités humaines, elles viennent sans cesse, aux pieds de celle que l'Église appelle le Salut des infirmes, solliciter les grâces nécessaires pour remplir avec courage la carrière laborieuse et sublime qu'elles ont embrassée, étudier le secret de guérir les plaies de l'âme en même temps que celles du corps, et puiser dans le cœur de la plus tendre des mères cette charité compatissante, ce feu sacré de la miséricorde qui les porte à devenir les servantes des pauvres et les mères de l'enfance abandonnée ou souffrante. Attirées par la bonne odeur de leurs vertus et par un attrait puissant qui émane incessamment de l'image miraculeuse de Marie, des troupes de jeunes vierges viennent de tous les points de la France s'initier aux travaux de la vie hospitalière à l'école de la Consolatrice des affligées, et réaliser cette parole de David, que saint François de Sales appliquait à Marie lorsqu'il disait : « Une multitude de vierges se prosterneront après elle ; ces compagnes de l'épouse seront conduites avec joie dans le palais du « roi. Car la virginité de Notre-Dame a cette suréminence au-dessus des anges qu'elle est « féconde, non-seulement en ce qu'elle a produit et porté ce doux fruit de vie, Notre Seigneur, mais encore en ce qu'elle engendre plusieurs vierges, et que c'est à son imitation que tant de filles vouent et consacrent à Dieu leur pureté. Adducentur regi virgines post eam. Afferentur in lœtitia et exultatione... « in templum regis. » (Ps. Xliv).
 XXI
0 vous à qui la Providence a confié un dépôt si sacré ! vierges heureuses, qui possédez dans vos foyers l'arche de la délivrance et du salut! regardez-la comme le plus précieux de tous les héritages, comme une sauvegarde au milieu de tous les dangers, comme le palladium de votre belle institution. Que pourraient contre votre utile et sainte société les persécutions des hommes ? Au milieu de vous s'élève une tour de défense qui vous offre un refuge inaccessible aux fureurs mêmes de l'enfer.
Mais en vous faisant les dépositaires de ce trésor, le ciel vous a donné une grande et sainte mission, celle de détourner par vos supplications ardentes les calamités nouvelles que l'impiété s'efforce de déchaîner contre notre patrie. Conjurez la protectrice de la France de sauver du naufrage son peuple privilégié, et d'arrêter par un miracle de sa toute-puissance auprès de Dieu ce torrent d'iniquités qui menace de nous engloutir. La prière des cœurs purs doit monter jusqu'au ciel ; elle doit être entendue, elle doit être exaucée. Puisse le parfum de cet holocauste arriver jusqu'au trône de la libératrice des nations chrétiennes, et en faire descendre sur nous une rosée abondante de faveurs et de bénédictions divines !
 Et nous, humble pèlerin de Notre-Dame de Bonne-Délivrance, initié aux pieuses traditions, aux touchants souvenirs qui se rattachent à son image miraculeuse, nous avons cru devoir les raconter à nos frères, afin que, gravés dans les cœurs fidèles, ils puissent échapper aux ravages du temps, qui entraîne tout dans l'abîme de l'oubli. Aujourd'hui, d'ailleurs, le culte de Marie renaît de toutes parts avec une force nouvelle. Au milieu de tant d'agitations et de scandales, à la vue des orages qui grondent sur nos têtes, chacun sent le besoin de se replacer sous la protection tutélaire de celle que l'Église a nommée à si juste titre le Secours des chrétiens. Les peuples, effrayés des tempêtes qui les ont fait dévier de la voie de la vérité, et ayant perdu de vue le port de salut, lèvent maintenant leurs mains suppliantes vers cette étoile de la mer dont le navigateur égaré n'implore jamais en vain la lumière. Un retour aussi universel est le gage de la plus légitime espérance, et Marie elle-même semble le seconder par des faveurs extraordinaires. Qui ne connaît, en effet, les merveilles accomplies en France à l'occasion de la médaille miraculeuse, et dans le monde entier, par l'archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires ? Qui n'a pas ouï raconter ces guérisons de l'âme et du corps opérées en si grand nombre par l'intercession de la mère de Dieu ? Tant de prodiges annoncent assez son action miséricordieuse sur le monde. Aussi des écrits sont publiés de toutes parts pour proclamer ces merveilles et justifier par l'histoire des monuments de tous les âges ce développement immense de la confiance des chrétiens de nos jours pour Marie. Nous avons essayé d'y contribuer pour notre faible part en révélant aux âmes éprouvées par la souffrance et la tentation une source trop peu connue de ses faveurs et de ses consolations les plus intimes. C'est une modeste fleur qu'un fils, reconnaissant lui-même de bienfaits sans nombre, dépose aux pieds de sa mère bien-aimée, en la priant de l'accueillir arec un regard d'indulgence, de la féconder et de lui faire porter des fruits abondants et pleins d'une céleste suavité.
 Le 2 février 1844, fête de la Purification de la sainte Vierge.
Source : Livre "Histoire de la statue miraculeuse de Notre-Dame de Bonne-Délivrance vénérée ..." par Desoye




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