Notre-Dame du Rosaire (Linselles)

Notre-Dame du Rosaire
(Linselles)

Notre-Dame du Rosaire (Linselles)


Linselles ou Lincelles, village situé à deux lieues de Lille, vers l'Orient, possède aussi un sanctuaire dédié à la Mère de Dieu.

Nous apprenons du Père Buzelin que Notre-Dame de Linselles se rendit autrefois fort célèbre par ses nombreux miracles, et à l'époque où écrivait cet historien, il s'y faisait encore un grand concours. Le Père L'Hermite nous dit aussi que Notre-Dame de Linselles était jadis illustre par les miracles qui emportaient le bruit, et alléchaient les peuples désireux de participer aux trésors du paradis.

On recourait surtout à cette Vierge, dans les temps de sécheresse pour obtenir de la pluie.

Préciser l'époque où ce pèlerinage a commencé d'être célèbre ne serait pas chose possible. Un seul titre, l'acte d'une fondation faite à Notre-Dame de Linselles, par un chanoine de Saint-Pierre, prouve que ce sanctuaire était en honneur dans le XVe siècle ; mais par les mémoires de l'abbé Platel, curé de Linselles en 1714, mémoires conservés dans les archives de l'église, et dont nous devons la communication à l'obligeance de M. l'abbé Guichard, actuellement curé de cette paroisse, nous apprenons que, de temps immémorial, les PP. Dominicains de Lille avaient envoyé un *terminaire a à l'église de Linselles. C'était une tradition constante chez ces religieux que Linselles avait été la première paroisse de campagne où ils eussent prêché après leur établissement dans la ville de Lille. Or, ces religieux ont été établis à Lille vers 1225, par la comtesse Jeanne, et ils n'ont point tardé à venir à Linselles, pour y établir la confrérie du Rosaire, dit l'abbé Platel, et y accréditer, par ce moyen, la dévotion envers l'auguste Mère de Dieu, patronne titulaire du lieu.

* On appelait terminaire le religieux envoyé par chaque couvent pour prêcher dans les lieux de son district. Trévoux.

Cependant, ajoute-t-il, à mon arrivée dans cette cure, que je vis avec plaisir sous la protection de la sainte Vierge, et où je trouvai une confrérie érigée en son honneur, sous le titre du Saint Rosaire, il m'a été impossible de découvrir parmi les quelques papiers conservés en la maison pastorale, aucun mémoire, bulle, ou semblable pièce touchant cette confrérie, quelque envie que j'en eusse.

Le ministre de la chapelle de Notre-Dame, nommé Jacques Delcroix, à qui j'eus recours, et qui exerçait cet office depuis environ cinquante ans, ne put me mettre entre les mains que le registre des confrères et consœurs depuis l'an 1660.

Outre ce registre, j'ai encore trouvé quelques autres monuments du Rosaire dans l'église : ce sont trois gonfalons qui datent au moins de cent ans. L'un représente saint Dominique recevant le Saint-Rosaire de la main de la sainte Vierge ; on voit sur l'autre les âmes du purgatoire, à qui des anges offrent le Rosaire ou chapelet ; sur le troisième la Vierge apparaît environnée de rayons de gloire et d'un grand Rosaire.

L'abbé Platel fait aussi mention de quinze guidons ou bannières, conservés encore de nos jours dans l'église de Linselles. Ils avaient été donnés, au commencement du XVIIe siècle, par quinze familles de la paroisse, à condition que les enfants et les neveux auraient le dévot plaisir de les porter en bel ordre à la procession, aux jours solennels. L'abbé Platel, ecclésiastique fort pieux et fort zélé, si nous en jugeons par la manière dont ses notes ont été rédigées, conclut que la confrérie du Rosaire avait été, à une époque fort reculée, canoniquement instituée dans l'église de Linselles, mais que les pièces relatives à cette érection avaient éprouvé le sort de plusieurs registres de baptêmes et de sépultures, et qu'elles avaient disparu, vers 1648, au milieu des troubles de la guerre dont le pays fut alors le théâtre.

Pour réveiller la dévotion de son peuple envers Notre-Dame du Rosaire, dévotion que le malheur des temps avait rendu languissante, le pieux curé commença par annoncer les indulgences accordées aux confrères du Rosaire, et par répandre de petits livrets traitant de la pratique et des avantages de cette dévotion ; bientôt il eut la consolation de voir refleurir dans sa paroisse le culte de la sainte Vierge, et l'usage du chapelet. Le nombre des communions faites le premier dimanche de chaque mois, et aux jours solennels consacrés à la mémoire du Rosaire, s'accrut tellement, que quatre ou cinq confesseurs n'auraient pas suffi pour satisfaire au pieux empressement des fidèles. Le curé, son vicaire et le Père terminaire étaient obligés de se mettre au confessionnal de fort bon matin, la veille de ces jours, et de consacrer une partie de la nuit à entendre les confessions. Mais écoutons l'excellent curé s'applaudir lui-même des heureux fruits de son zèle.

« La dévotion, dit-il, qui a porté beaucoup de confrères et consœurs du Rosaire à communier au moins une fois tous les mois, a fait, par la miséricorde de Dieu, un bien inestimable à la paroisse. Beaucoup d'autres imitèrent leur exemple ; bien qu'ils ne se fissent pas inscrire sur la liste de la confrérie, ils communiaient cependant plus souvent, tandis qu'auparavant ils eussent peut-être rougi de communier plus d'une fois ou deux chaque année, de peur de paraître trop dévots. Il s'en fallait pourtant de beaucoup qu'ils le fussent assez ; et le jour du jugement fera voir que, sans le puissant secours du dévot et fréquent usage des sacrements, plusieurs d'entre eux ne seraient jamais venus à bout de diverses passions ou habitudes criminelles dont ils avaient eu le malheur d'être les esclaves pendant bien des années. »

Cette ferveur alla toujours croissant, et le zélé pasteur nous apprend les saintes industries que sa piété lui suggéra, pour entretenir les heureuses dispositions de son peuple.

Dans la suite, dit-il, la piété au Rosaire s'entretint, et même s'accrut par divers moyens qui furent employés pour ce sujet. Ainsi je faisais orner la chapelle de Notre-Dame à son plus beau, et j'y chantais solennellement la messe avec l'exposition du très-saint Sacrement, à chaque fête de la sainte Vierge. Le premier dimanche de chaque mois, la procession se faisait, à la suite des vêpres, sous les nefs de l'église, ou à l'entour du cimetière, quand le temps le permettait. On récitait une partie du Rosaire en commun et à haute voix en la chapelle de la Vierge. Lorsqu'un confrère ou une consœur du Rosaire venait à décéder, on chantait une messe pour le repos de son âme, avec une partie de l'office des morts. Aux processions solennelles on faisait marcher en bel ordre quantité de petits garçons et de petites filles, tenante la main ou les guidons des quinze mystères, ou bien des espèces de bannières dont chacune portait quelqu'un des titres honorables que l'Eglise attribue à la Mère de Dieu en ses litanies de Lorette.

Telles et semblables pratiques de dévotion, qu'il fut assez aisé d'introduire ou de faire revivre, accréditèrent considérablement la confrérie du Rosaire en cette paroisse. Il vint même un assez bon nombre de personnes des extrémités de quelques paroisses voisines, surtout de Wervick, qui demandèrent d'être associées à cette confrérie, et qui y furent inscrites dans le registre ordinaire.

En 1733, le nombre montait pour le moins à un mille.

J'eus le plaisir de voir beaucoup d'enfants, tant garçons que filles, au bout d'un an ou deux après leur première communion, venir à ma semonce, se faire enregistrer dans la confrérie pour avoir plus d'occasion de communier une fois tous les mois, et conserver par ce moyen la grâce de leur baptême et leur innocence pendant les années dangereuses de leur jeunesse.

De nos jours le pèlerinage de Linselles est à peu près tombé ; il n'est plus guère fréquenté que par les Belges qui vont servir en même temps deux autres Vierges vénérées en Belgique ; c'est ce qu'ils appellent le pèlerinage des trois Maries. Mais toujours docile à la pieuse impulsion de son pasteur, le peuple de Linselles n'a point dégénéré de ses pères. Il a conservé son tendre attachement au culte de Marie, et sa dévotion au saint Rosaire.

La paroisse de Linselles n'a point perdu son antique image : elle est en bois de chêne et d'un beau travail. Dans ces derniers temps, elle a été toute dorée ; la dorure a peut-être fait perdre au visage de la vierge quelque chose de son expression. Elle est placée dans l'église paroissiale, au milieu de la nef collatérale, dans une petite niche en bois, munie d'un vitrage. Notre-Dame de Linselles a le sceptre en main, la couronne sur la tête, l'enfant Jésus sur le bras gauche ; le divin enfant porte dans sa main le globe terrestre. Noble et touchante représentation de la Vierge Marie ! En effet, elle est reine, elle est mère de Dieu , et par la communication qui lui est faite de la toute puissance de son fils, les destinées du monde sont aussi dans ses mains.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire