Notre-Dame de Grâce (Arles)

Notre-Dame de Grâce
(Arles)

 

La foi commençait à faire briller sa lumière sur le monde, à dissiper les ténèbres qui le couvraient, à réchauffer des cœurs flétris par l'égoïsme, glacés par l'impiété ; et les premiers rayons de cet astre vivifiant tombaient sur l'antique Gaule où devaient s'opérer tant de merveilles de grâce et de salut.
Les disciples des Apôtres annoncèrent à nos pères la doctrine évangélique, s'établirent au milieu d'eux et formèrent dans plusieurs de nos provinces des chrétientés ferventes.
De toutes ces églises qui font remonter leur origine aux temps apostoliques, nulle n'a des titres d'antiquité plus incontestables que celle d'Arles, regardée à bon droit comme la première église des Gaules ; nous l'apprenons du pape saint Zosime, qui en 417 écrivait aux évêques des Gaules :
« Il est juste de ne pas déroger aux anciens privilèges de la métropole d'Arles, à laquelle saint Trophime a été envoyé d'abord par le saint siège, et qui est comme la source d'où ont coulé dans toutes les Gaules les ruisseaux de la foi. »
Bien plus, c'est du prince des Apôtres, de saint Pierre lui-même qu'elle reçut son premier évêque.
Nous avons pour garant de ce fait, disent les auteurs de l'Histoire de l'Eglise gallicane, une tradition si ancienne et si universellement reçue, qu'on ne pourrait la contredire sans témérité.
C'est sur ce principe que le pape saint Zosime fonde les privilèges qu'il accorde à l'église d'Arles.
C'est le motif de la requête que les évêques de la province d'Arles présentèrent à saint Léon, pour le supplier de rendre à cette métropole les privilèges qu'il lui avait ôtés.
Toute la Gaule sait, disent-ils, et la sainte Eglise Romaine ne l'ignore pas, qu'Arles, la première ville des Gaules, a mérité de recevoir de saint Pierre saint Trophime pour évêque, et que c'est de cette ville que le don de la foi s'est communiqué aux autres provinces des Gaules. »
Près de la ville d'Arles, sur une colline agréable, se trouvaient les Champs-Elysées, que le peuple nomme encore Elischamps. Les païens tenaient beaucoup à être enterrés en ce lieu qu'ils avaient couvert de monuments.
Les habitants des provinces voisines, ceux de la Gaule Narbonnaise, faisaient transporter en ce lieu leurs morts de distinction.
Les corps confiés au cours du Rhône, arrivaient à Arles et étaient déposés dans de superbes tombeaux. Les urnes, les patères, les lacrymatoires, les lampes, les médailles et les autres antiquités trouvées en si grand nombre en ce lieu, qui enrichissent aujourd'hui les principaux musées de l'Europe, donnent la plus grande idée de la vénération que les païens avaient pour les Champs-Elisées d'Arles et de la profusion avec laquelle ils les ornaient.
Selon les historiens d'Arles, une des premières occupations de saint Trophime fut de sanctifier ce lieu et de le changer en un cimetière où l'on enterrât les nouveaux chrétiens.
On veut même que saint Trophime y ait fait construire une chapelle en l'honneur de la Mère de Dieu encore vivante.
C'est ainsi que les habitants de Saragosse et le peuple de l'Aragon, pour ne pas dire de toute l'Espagne, font remonter à saint Jacques-le-Majeur l'origine de Notre-Dame du Pilar, bâtie aussi en l'honneur de la Vierge sainte, avant quelle eût quitté la terre.
A l'appui de leur opinion, les fidèles d'Arles allèguent une inscription, trouvée au dix-septième siècle, dans cette chapelle.
Elle est gravée sur un marbre noir et laisse lire ces paroles : Sacellum dedicatum Deiparœ adhuc viventi, (Chapelle dédiée à la Mère de Dieu encore vivante.) Cette inscription fut portée à Rome, et devint un des ornements du riche cabinet du cardinal François Barberin.
On peut contester l'antiquité de ce monument ; mais on ne peut nier que la chapelle, ne soit très-ancienne.
C'est là, dit-on, que saint Trophime, mort entre les bras de ses disciples, l'an 94 de l'ère chrétienne, après un épiscopat de 36 ans, fut enterré, selon le désir qu'il en avait témoigné.
Cette chapelle porta bientôt le nom de saint Genès, noble martyr d'Arles, qui mourut pour Jésus-Christ vers la fin du troisième siècle, parce que ce saint fut enterré dans les catacombes ou dans l'enceinte souterraine de cette église.
C'est aussi dans cet antique sanctuaire que furent déposées en 429 les dépouilles mortelles de saint Honorat, d'abord fondateur du célèbre monastère de Lérins, dans l'île qui porte son nom, à deux lieues d'Antibes, et ensuite élevé, malgré les répugnances et les combats de son humilité, sur le siège épiscopal d'Arles.
L'an 627, saint Virgile fil agrandir ou reconstruira l'antique chapelle, qui prit dès-lors le nom de Saint-Honorat, sans doute parce que le sanctuaire élevé en l'honneur de la Mère de Dieu, n'en faisait qu'une faible partie.
Là furent enterrés, outre saint Trophime, saint Genès, saint Honorat, plusieurs saints prélats et grand nombre d'autres serviteurs de Dieu, qui pendant leur vie avaient illustré et édifié l'Église d'Arles, tels que saint Hilaire, saint Concorde, saint Aurélien, saint Eonius, saint Virgile, saint Rotland, sainte Dorothée, etc..
Cette église souffrit beaucoup, dans le huitième siècle, de la fureur des Sarrasins.
Honteux de la défaite qu'ils avaient essuyée auprès de Tours, où Charles-Martel écrasa la plus grande partie de leurs innombrables bataillons, ils se réfugièrent et réunirent les débris de leurs troupes dans les provinces du Midi.
Les fervents religieux de Lérins, occupés à chanter nuit et jour les louanges de Dieu, ressentirent les premiers effets de leur cruauté.
Cinq cents d'entre eux furent immolés.
Les Barbares fondirent bientôt sur la ville d'Arles, abattirent la plupart des magnifiques édifices romains qu'elle possédait, renversèrent une partie de l'église de Saint-Honorat, avec d'autres chapelles et monastères situés dans l'enceinte d'Elischamps.
Charlemagne, dont la mission était de dompter partout les barbares, et de concourir à tout ce que la religion entreprenait de son temps, pour le bonheur des hommes, restaura cette église, l'agrandit et la dota d'une manière digne de sa piété et de sa magnificence.
Cinq siècles plus tard, par l'effet de quelque accident dont l'histoire n'est point parvenue jusqu'à nous, cet antique sanctuaire tombait en ruines.
Un évêque zélé que le ciel avait placé sur le siège d'Arles, Michel de Morières, résolut de le rétablir.
Il écrivit donc, l'an 1203, une lettre adressée à tous ses frères les évêques et archevêques de l'Eglise de Dieu, aux princes et peuples catholiques, réclamant leur coopération et les excitant à contribuer par leurs libéralités à restaurer l'église de Saint Honoré et à relever les murs de l'antique et vénérable cimetière d'Elischamps.
Cette lettre est un illustre monument du respect qu'on avait pour ces lieux consacrés par la piété et par la mémoire de tant de saints dont ils conservaient les glorieuses dépouilles.
Nous y trouvons aussi plusieurs traits qui nous les rendent deplus en plus vénérables.
Le prélat nous apprend que saint Trophime, ayant conçu le dessein de changer les Champs-Elysées en un cimetière chrétien, avait invité les disciples et les imitateurs des Apôtres à s'unir à lui pour donner plus d'éclat à la bénédiction qu'il voulait en faire ; que six évêques s'étaient rendus à l'appel, Paul Sergius de Narbonne, Maximin d'Aix, Saturnin de Toulouse, Fronton de Périgueux, Martial de Limoges, Eutrope d'Orange ; que le Fils de Dieu daigna se montrer visiblement à eux et qu'en sa présence le cimetière fut consacré.
Il parle de la chapelle de la Mère de Dieu comme d'un monument élevé par saint Trophime, à l'endroit où le Sauveur s'était montré à ses serviteurs.
Cette chapelle avait été dans la suite comme enclavée dans l'église de Saint-Honorat.
Après avoir dit que saint Trophime avait choisi ce lieu pour sa sépulture, et qu'une multitude comme infinie de chrétiens illustres avaient été enterrés dans le même endroit, il ajoute que cette église a été honorée des concerts des Anges, comme on le lit dans la vie de saint Quinide; et que, même de son temps, des hommes recommandables par leur religion témoignaient avoir entendu en ce lieu les concerts des esprits célestes.
Ce dernier fait, cité par le prélat dans sa circulaire aux évêques et aux fidèles, est consigné dans la vie de saint Quinide, mort évêque de Vaison, vers l'an 578.
Sa mère, qui portait déjà dans ses flancs cet enfant de bénédiction, s'était transportée à Arles pour y honorer la mémoire de saint Genez dans l'église qui portait alors son nom.
Dans l'ardeur de sa foi, elle ne craignit point de se rendre de nuit à l'entrée de l'église pour y offrir au ciel de nouvelles prières.
Tout-à-coup les concerts des Anges frappèrent ses oreilles ; la porte du lieu saint s'ouvrit.
Elle entra, et investie d'une lumière surnaturelle qui la plongeait dans une sorte de ravissement, elle entendit un Ange de Dieu lui annoncer les grandes destinées de l'enfant qu'elle portait dans son sein.
Plusieurs siècles après, la milice des cieux avait fait comprendre aux fidèles d'Arles combien ce lieu était saint, agréable aux Martyrs et à leur Reine, comme nous l'avons entendu tout-à-l'heure affirmer à Michel de Morière, sur la déposition de témoins dignes de foi qui vivaient de son temps.
Le sanctuaire, consacré à la Reine des cieux et à ses illustres serviteurs Genès et Honorat, sortit donc de ses ruines ; ou plutôt il fut restauré et embelli de nouveau, car le ciel n'avait pas permis qu'il fût entièrement détruit par les Goths et les Sarrasins, qui, dans leurs funestes irruptions, avaient renversé tant de monuments sacrés et profanes dans nos provinces.
L'illustre prélat, dont le zèle avait conçu et exécuté le plan de cette restauration, et dont la vie entière avait été une suite de services rendus à la religion, Michel de Morière termina saintement sa carrière mortelle en 1217.
Cette église éprouva encore plus tard la fureur des Calvinistes, et ce fut, à ce qu'il parait, dans la nouvelle restauration que nécessita ce nouveau désastre, qu'elle fut réduite à de bien moindres dimensions ; elle ne fut guère en étendue que le tiers de ce qu'elle avait été.
Les Capucins s'étant établis à Arles en 1584, on leur donna l'église de Saint-Honorat pour célébrer l'office divin.
Ils l'occupèrent jusqu'en 1677, où ils s'établirent à Trinquetaille, de l'autre côté du Rhône.
Mgr de Laurent, archevêque d'Arles, mit en leur place les Minimes, dont le zèle et la ferveur firent refleurir la dévotion.
Nous trouvons qu'à cette époque une très-belle statue de marbre blanc, qui représentait la Reine du ciel, ornait la chapelle de Notre-Dame de Grâce.
Le tombeau de saint Trophime servait d'autel à cette chapelle.
Le corps du saint y avait reposé jusqu'en 1152, époque à laquelle Raymond de Montrond, archevêque d'Arles, en avait fait la translation à l'église métropolitaine. Les Minimes avaient orné cet autel, ou ce tombeau vide, d'une incrustation de marbre, enrichie de trois belles figures, dont celle du milieu représentait le Sauveur offrant d'une main l'Evangile à Geminus Paulus, gouverneur des Gaules, et le bénissant de l'autre.
Le maître autel était dédié à saint Honorat, et le corps du saint évêque en avait fait le principal ornement jusqu'à la fin du quatorzième siècle, où l'on en transféra une partie à Toulon et l'autre à Lérins.
Devant le maître autel se voyait une double ballustrade en marbre toute composée de débris des superbes tombeaux qui couvraient l'antique Necropole d'Eliscamps.
A l'un des bouts de cette balustrade, était l'escalier par lequel on descendait dans la crypte de l'église, riche d'un grand nombre de tombeaux en marbre du plus grand intérêt, et dont on n'a plus aujourd'hui conservé que le souvenir.
Mais, ce qui va plus directement à notre but, la chapelle de la Mère de Dieu était, à cette époque, un sanctuaire cher à la piété et fréquenté par le concours des fidèles.
L'historien de l'église d'Arles, d'accord avec d'autres monuments, dit expressément, en parlant de l'époque à laquelle il écrit (1691) : « Elle est en grande vénération, et elle est fort visitée par les habitants de cette ville : ils y reçoivent tous les jours de grandes grâces par l'intercession de la Mère de Dieu. »
Notre-Dame de Grâce était le vocable sous lequel on se plaisait à réclamer son secours.
Pendant la tourmente révolutionnaire, ce pieux et vénérable édifice dut sans doute sa conservation à son caractère si marqué d'antiquité, aux nombreux souvenirs qui s'abritaient sous toutes ses pierres : ce respect toutefois n'alla pas jusqu'à le garantir de la spoliation qui atteignait tous les monuments sacrés épargnés par le marteau destructeur.
Il perdit, entre autres objets précieux, son plus riche ornement, sa belle statue de la Vierge.
Heureusement , ce trésor n'a point été englouti dans le naufrage qui a fait disparaître pour toujours tant de merveilles enfantées dans des siècles de foi par les beaux arts et la piété ; il se trouve aujourd'hui dans la chapelle du fond de l'église de Saint-Trophime.
Le culte de vénération et d'amour que cette Image de Marie recevait à Saint-Honorat, l'a suivie dans sa nouvelle demeure : c'est autour d'elle que se réunit la congrégation de la paroisse de Saint-Trophime, ancienne métropole d'Arles ; c'est à ses pieds que les fidèles se plaisent à présenter de préférence leurs hommages et leurs vœux.
Cette Image a, par elle-même, de quoi provoquer leur culte et leur pieux élan.
Elle est d'un beau marbre blanc, d'une hauteur d'environ 2 mètres, y compris le socle.
La Vierge sainte est représentée tenant l'Enfant Jésus sur le bras gauche.
Vues de près, les figures ont beaucoup d'expression : la grâce et la bonté dominent dans celle de la Mère ; les traits de l'Enfant Sauveur respirent la douceur et l'amabilité. Quoiqu'il semble y avoir dans les formes et les draperies quelque chose de trop massif, l'ensemble cependant est plein de piété et inspire la confiance.
La population d'Arles, toujours fidèle aux traditions et aux exemples de ses pères, se montre sans doute toujours attachée au culte de Marie, qu'elle vénère dans ses Images : pas une paroisse qui ne lui ait dédié au moins une chapelle, où elle lui offre des hommages particuliers.
Une de ces paroisses lui est spécialement consacrée, Notre-Dame la Major, pour ne rien dire d'un grand nombre d'églises, de communautés religieuses qui florissaient autrefois dans son sein, et qui, pour la plupart, avaient pris pour vocable un des titres ou des mystères de la Mère de Dieu.
A Notre-Dame de la Major, les fidèles ont sous les yeux un objet qui leur parle éloquemment de la Vierge sainte, et qui reçoit d'eux un culte bien marqué de vénération et d'amour ; c'est un tableau de Mignard, vrai chef-d'œuvre représentant la Vierge de saint Luc.
Ce qui frappe surtout dans ce tableau, c'est l'expression que l'artiste a su donner aux figures. Celle de Marie est admirable ; plus on la regarde, plus on y découvre je ne sais quoi de surhumain : c'est un mélange de sagesse, de discrétion, de modestie grave, de douceur noble, l'expression fidèle d'un beau idéal, dont le modèle semble avoir été pris dans les cieux. L'Enfant Sauveur, avec toute l'amabilité, toutes les grâces de son âge, a la maturité de l'homme : dans son regard se révèle la plénitude de la sagesse qui habite en lui.
Mais quelque sincères et quelque empressés que soient les honneurs que rend le peuple d'Arles à la Mère de Dieu, il faut avouer que ce culte est loin d'égaler aujourd'hui, par sa ferveur et par l'élan de la dévotion qui Ranime, ce qu'on raconte d'une époque plus heureuse.
La raison en parait être l'état de délabrement dans lequel le temps et les révolutions ont fait tomber le sanctuaire de Notre-Dame de Grâce.
Le concours à Saint-Honorat, les hommages dont la piété entourait la statue de la Vierge, les prières qu'on aimait à répandre à ses pieds, le lieu même qui, selon l'antique tradition si chère aux habitants d'Arles, avait été consacré à la Vierge encore vivante par un des disciples des Apôtres, leur premier évêque, et où leurs pères avaient demandé et obtenu tant de faveurs ; tant de gloire et de souvenirs, dont le premier anneau se rattachait à l'origine même du Christianisme, faisaient du culte de Notre-Dame de Grèce un culte national, une tradition de famille, une dévotion toute imprégnée de naïfs et délicieux sentiments, toute pénétrée de je ne sais quel parfum d'antiquité et de suave piété.
Il a perdu sa spécialité, ses charmes et son attrait, depuis que l'église de Saint-Honorat, la plus antique peut-être du royaume, a non-seulement cessé de servir aux exercices du culte religieux, mais qu'elle est tombée dans un état de dégradation qui la rend semblable, selon une expression de l'Ecriture, à la cabane élevée dans une vigne au temps des fruits et abandonnée, la récolte une fois faite, à toutes les intempéries des saisons.
Et cependant elle est si intéressante, même dans cet état de délabrement et de ruine, cette vieille église de saint Honorat avec sa chapelle de Notre-Dame de Grâce, qu'on ne conçoit pas comment elle a pu être ainsi livrée aux outrages du temps, aux portes d'une ville où l'on sait apprécier les monuments de l'antiquité, et à une époque où l'on crie au prodige quand un archéologue a tiré de dessous quelques décombres un chapiteau grimacier ou quelques débris de figure aux formes raides et communes du moyen âge !
La vue extérieure de l'église Saint-Honorat est piquante sous tous les aspects, dit un juge compétent. Elle doit principalement cet avantage à son clocher dont la forme est élégante et peu commune. Sur un stylobate qui dépasse le toit de l'église, s'élève une tour octogone à deux étages, percée sur cha que face d'une arcade accompagnée de pilastres.
Le second étage est en retraite sur le premier, et la calotte qui le couvre laisse elle-même en saillie tout l'entablement.
Cet ensemble est d'un effet charmant, et, comme les ouvertures sont grandes par rapport à la masse qui se trouve percée à jour de tous les côtés, elle a un air extraordinaire d'élégance et de légèreté.
Rien de plus curieux aussi que l'intérieur de l'édifice ; au point de vue religieux et artistique, c'est une vraie relique.
Agrandi, dévasté, restauré à diverses époques, il réunit tous les âges et tous les caractères de l'architecture : c'est comme un livre où chaque siècle, en passant, a écrit sa page ; une galerie, où il a déposé son tribut marqué au coin de sa bigarrure particulière.
L'ensemble présente un composé de chapelles et d'églises encaissées ou entassées l'une sur l'autre, et dont la première remonte au berceau même du christianisme.
Chaque pierre comme chaque muret chaque tombe a son langage ; chaque débris révèle à l'archéologue le secret de son époque.
Nous le disons avec un sentiment profond de douleur, encore quelques années, quelques jours peut-être d'abandon, et ce curieux monument aura disparu sans retour dans la poussière et les décombres que la main du temps y amoncèle avec une si effroyable activité.
Déjà l'on ne le visite qu'avec crainte et précaution, parce que les voûtes entr'ouvertes présentent de toutes parts un aspect menaçant.
La chapelle de Notre-Dame de Grâce en particulier a le besoin le plus urgent de réparation.
Les peintures à fresque représentant les principales circonstances de la vie de la sainte Vierge, sont presque effacées par l'humidité des murs et par les traces de la pluie qui tombe du sommet de la tour ouverte à tous les vents et à toutes les tempêtes.
Nous savons que pour le cligne pasteur sur la paroisse duquel se trouve cet antique édifice (M. le curé de Notre-Dame), nulle aurore ne se lèverait plus belle et plus riante que celle où il lui serait donné de voir commencer à réparer l'injure des temps et la triste conséquence des révolutions humaines ; où des travaux intelligents conserveraient ce qui est encore debout, et, interrogeant ce qui git au milieu des ruines, referait peu-à-peu les pages de cet ancien monument.
La belle statue de Notre-Dame de Grâce serait alors replacée dans son premier sanctuaire, au milieu des ossements sacrés des vieux pontifes qui firent jadis briller le flambeau de la foi dans la contrée et de tant de chrétiens au cœur généreux qui surent pratiquer avec fidélité les enseignements de cette foi, ou qui la défendirent courageusement jusqu'à l'effusion de leur sang.
Les populations retrouveraient si vite le chemin battu par leurs pères ! La chaîne des souvenirs et des traditions se rattacherait si facilement aux pieds de la Vierge sainte ! Les bienfaits de la Reine de Miséricorde, comme une source dont le cours a été détourné et perdu durant quelques années,s'échapperaient de son cœur maternel avec tant d'abondance ! Elle parlerait si éloquemment des vanités du monde, elle inspirerait si efficacement le mépris de tout ce qui passe, au milieu de la demeure des morts, parmi les décombres de tant de monuments que le temps a jetés autour de son Image dans un pêle-mêle qui confond l'opulent et l'indigent, le citoyen et l'étranger, le païen et le chrétien, et qui attend, pour se débrouiller, le son de la trompette éclatante qui appellera tous les hommes au tribunal du Souverain Juge !
Marie cependant, comme une tendre mère qui protége le sommeil de ses enfants, veillerait sur la tombe de ceux qui lui furent dévoués et qui, descendant dans la longue nuit, prononcèrent son nom.
Mais pour remplir de tels vœux et réaliser de telles espérances, il est évident que les ressources ordinaires ne suffisent pas.
Le mal est si grand ! Un demi-siècle d'abandon a fait tant de ravages ! L'antique foi avait couvert le sol de la chrétienté et surtout de notre patrie de tant de monuments pieux ou se reflétaient de belles lumières, s'imprimaient de grandes pensées, se couvraient d'une enveloppe visible de si nobles sentiments ! Après les ravages du temps et surtout ceux de l'hérésie et de la révolution, il n'en reste qu'une faible partie et notre siècle qui se dit si intelligent, si puissant, si libéral, peut à peine de sa main glacée par l'indifférence soutenir et préserver ce peu qui reste d'une ruine totale.
Puisse donc l'antique foi se réveiller dans les cœurs des enfants, leur inspirer de rétablir l'œuvre de leurs pères et de rendre à Marie un sanctuaire où elle se plaira toujours à être Notre-Dame de Grâce et de Miséricorde !
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