Les dévotions des églises du Nord Raismes

Les dévotions des églises du Nord
Raismes


Chapelle de Raismes "Notre-dame de bonne espérance"
A quinze kilomètres de là, et à deux environ de la place principale du beau village de Raismes, près de Valenciennes, dans un jardin attenant à une petite maison à droite, près du fossé de la grande route qui conduit de Valenciennes à St.Amand et à Lille, existait encore, il y a peu d'années, un second monument commémoratif de la bataille de Denain, monument qui portait le double caractère de la piété religieuse et de l'amour de la patrie, et qui pour cela même méritait d'être respecté. C'était une chapelle, dans le style antique, exécutée à jour avec délicatesse et élégance.
Sur un socle de grès de deux mètres de hauteur, s'élevait un piédestal triangulaire, supportant sur chaque angle une colonne de deux mètres quarante centimètres, d'ordre dorique. Les trois colonnes étaient couronnées d'un entablement du même ordre, et surmontées d'une statue de l'Espérance, appuyée sur son ancre, haute d'un mètre vingt-cinq centimètres.»

Un arbre sculpté étendait ses branches entre les colonnes, et à cet arbre était attachée une image de la Vierge, tenant l'enfant Jésus dans ses bras. Les trois colonnes, l'entablement, la statue de l'Espérance étaient de pierre bleue de Tournay, ainsi que l'arbre et la Vierge, et le monument avait de hauteur 7 mètres 890 millimètres ( 24 pieds). La madone qu'on invoque dans le pays est une Notre-Dame de Bonne-Espèrance, habitante d'un bois voisin dit la petite forêt de Raismes. Ce serait à tort qu'on se tourmenterait, comme on l'a fait pour tant d'autres, pour découvrir à celle-ci, une origine dans les siècles du culte des bois, des arbres ; cette origine est encore plus surprenante, puisque c'est le protestantisme qui a donné lieu au culte de Notre-Dame de Bonne Espérance du bois de Raismes.
Le 5 août 1620, quelques écoliers des Jésuites de Valenciennes étant allés dans cette forêt, s'arrêtèrent dans un endroit ouvert et essarté, distant de 3 kilomètres de la ville, au milieu duquel se trouvaient deux beaux chênes. Cet endroit avait servi aux prêches des calvinistes ; les écoliers creusèrent un des chênes, y placèrent une image de la Sainte-Vierge, à laquelle ils donnèrent le nom de Notre-Dame de Bonne-Espérance, et introduisirent la coutume d'aller faire des prières en commun dans un lieu, d'où quelques années avant, on avait chassé les pauvres réformés, parce qu'ils l'avaient aussi choisi pour y faire des prières en commun. Cette dévotion fut imitée par beaucoup d'autres personnes, on vit y arriver jusqu'à des communautés religieuses en masse ; il y avait des jours où l'on comptait sur place plus de 4000 pèlerins. En conséquence des guérisons qui s'opérèrent là, et dont le nombre allait toujours croissant, (que ne pouvaient pas alors les Jésuites !) on bâtit près du chêne, porte-image, une église qui fut consacrée le 10 septembre 1629.
Philippe duc d'Arschot, seigneur du lieu, donna ensuite cette église qu'il avait fait bâtir aux RR. PP. Carmes qui y furent installés le 5 octobre 1633, y établirent un noviciat et y ont fait valoir jusqu'en 1789, sans interruption, le pèlerinage de Notre-Dame de Bonne-Espérance.
Or, il n'y a pas de doute que la Vierge sculptée sur l'arbre du monument de Raismes, n'ait été une répétition de la Madone de Bonne-Espérance, et cette jolie chapelle, une succursale du pèlerinage, car c'est vis-à-vis l'avenue qui conduit droit à l'église des Carmes, qu'elle avait été élevée en 1713 ; c'était dans l'intervalle qui séparait la chapelle de l'église, suites deux côtés de cette superbe avenue, longue de 59 pas, large de 34 mètres, et ombragée de six rangées d'arbres qui se trouvaient établies à des distances égales, six petites stations où étaient sculptés les principaux traits de la vie de la Vierge Marie, aboutissant à une septième, construite derrière le chœur de l'église ; c'était enfin aux Carmes que la garde de cette petite Vierge avait été confiée, ainsi que nous l'apprend une inscription d'un assez mauvais goût qui a été copiée sur place par mon respectable ami, M. Debavay.
 Domina honx spei, Josephus clector clevat
et
Iteliglosis lionîp sprianU pic ctistodirnrfa tradita est
Prœtereumlo cave ne silealur ave.
Passant n'oublie pas de saluer Marie.
1713.

L'arbre de pierre et la vierge avaient disparu du monument depuis 1793, et on doit s'étonner que le marteau révolutionnaire n'ait pas aussi effacé, à la même époque, le manteau et les couronnes ducales que j'ai encore vus en 1813 sur les trois angles coupés du chapiteau, et au-dessus desquels était le monogramme de Joseph Clément et du duc de Bavière.
Le monument de Raismes n'avait pas toujours été, comme en dernier lieu, placé au-dehors du fossé de la route sur la droite des voyageurs qui sortaient de Valenciennes. Dans le principe, il était sur l'accotement même de la chaussée à gauche, et n'a changé de position que vers le milieu du siècle dernier, quand on a redressé une partie de cette grande communication. En échange du terrain qu'il a fallu prendre aux riverains, pour y placer la nouvelle chaussée, on a cédé celui de la partie délaissée et la chapelle a suivi ce dernier.
Deux très-gros tilleuls l'ombrageaient à l'époque de la Révolution, une forte haie existante encore aujourd'hui qui en offusquait la vue et la statue païenne qui était restée seule après la disparition de l'arbre et de la Vierge, auront été sa sauvegarde pendant ces jours sévères où tout signe de culte moderne était proscrit. Il n'est pas moins étonnant que ce monument ait échappé aux destructions de la guerre dont le pays a été pendant plusieurs mois le théâtre en 1792 et 1793 , puisqu'il avait reçu un coup de boulet qui avait fracassé l'entablement et ébranlé tout l'édifice. Il était réservé au vil et sordide intérêt de détruire, au bout de 101 ans d'existence (sur la fin de 1814), ce que le prosélytisme révolutionnaire le plus fougueux et deux invasions des étrangers avaient respecté.
 Voici à quelle occasion avait été érigé ce joli monument.
Au moment où éclata, en 1701, la guerre pour la succession à la couronne d'Espagne, Maximilien-Emmanuel, électeur de Bavière, avait épousé la fille de l'empereur Léopold, et Marie-Anne-Christine-Victoire de Bavière était unie au Dauphin, fils de LouisXV. Cette double circonstance, autant que le désir d'épargner à ses sujets les horreurs d'une guerre cruelle, avait déterminé Joseph-Clément, leur frère, électeur de Cologne à demander la neutralité ; mais l'empereur l'ayant forcé à se déclarer, il le fit en faveur de Philippe V, petit-fils de Louis XIV, qui avait été appelé à la couronne d'Espagne, par le testament de Charles II, et il reçut garnison française dans toutes ses places.
Maximilien-Emmanuel, duc de Bavière, à qui Charles II, roi d'Espagne, avait donné le gouvernement-général des Pays-Bas, se déclara aussi pour le petit-fils de Louis XIV, et fit entrer des troupes françaises dans les Pays-Bas.
L'empereur commit les premières hostilités ; il éprouva des revers dans le commencement ; ses troupes furent battues en avril 1703, par Maximilien-Emmanuel qui s'empara aussi de Ratisbonne où il venait d'être mis, ainsi que son frère, au ban de l'empire.
L'année suivante fut fatale à la France, par la perte de la bataille d'Hochstett ; l'électeur de Bavière et celui de Cologne furent chassés de leurs états qui devinrent la proie des vainqueurs ; leurs sujets éprouvèrent toute la rapacité et la barbarie que la vengeance peut inspirer.
L'électeur de Bavière se réfugia à Bruxelles ; celui de Cologne vint à Lille.
Mais cette place ayant ensuite été cernée par les ennemis de la France, l'électeur de Cologne obtint, le 18 août 1708, la permission d'en sortir et de se retirer à Valenciennes, où il demeura jusqu'au 24 décembre 1714.
 Cependant dès l'année 1712, le gain de la bataille de Denain lui avait donné l'espoir de rentrer dans ses Etats ; il voulut perpétuer la mémoire de cet heureux événement par un monument, et ce monument est l'espèce de chapelle à jour que je viens de décrire.
Ce n'est pas le seul monument que ce bon électeur ait laissé de la joie que lui fit éprouver l'issue de la bataille de Denain. En 1712, tandis que Villars faisait investir Douai et le fort de Scarpe, des fêtes brillantes étaient données au village de Raismes, dans une vaste prairie, aux vainqueurs et aux vaincus, et l'électeur fit frapper, pour conserver le souvenir de ces fêtes, un médaillon que je possède. D'un côté, est le buste de l'Electeur avec cette légende : Josephus Clemens, archiepiscopus Coloîiiensis, etsancti Romani imperii elector Bavariœ dux : dans le revers, on voit la Fortune foulant d'un pied le globe du monde, et dans le lointain, à l'ombre d'un bosquet, une vaste table entourée de convives, et qui est servie par des faunes, avec cette légende : Ludere pertinax.
S'il est vrai que des médailles d'or, d'argent et de bronze aient été placées sous les fondations du monument de Raismes, il n'y a pas de doute que celle-ci n'en soit une. On y aura joint aussi celles que l'Electeur avait également fait frapper durant son exil ; la première à l'occasion de sa promotion à la prêtrise et de sa première messe chantée chez les Jésuites, à Lille, le 1er janvier 1707, à laquelle Maximilien, son frère, communia de sa main. Le médaillon présente, d'un côté, le buste du prince, avec cette inscription : Joseph, demens., arch. col. et S.R. I. Elect. Bav. dux. Sur le revers, est la Religion, tenant une croix ; à côté d'elle est une table, et sur cette table, un calice portant une hostie, et sur le pied du calice, deux mains qui se joignent, avec cette légende qui est un chronographe : Pia fralrum concordia ; on lit dans l'exergue .• Sacrorum primitiœ insulis.
Sur une troisième médaille frappée à l'occasion de la consécration du Prince, comme archevêque de Cologne, faite par les mains de M. de Fénélon, archevêque de Cambrai, dans l'église collégiale de St.-Pierre à Lille, en mai 1707, sont représentées une mitre, une croix et une crosse d'évêque, sur lesquelles le St.-Esprit descend ; l'inscription porte : Veni dator numerum : sur le revers, dans le champ, est une couronne de laurier qui renferme cette inscription, en forme de chronographe : Consecrutio C/ementis, archiepiscopi Coloniensis.
 Enfin, en 1714, avant de rentrer dans ses États, il annonça à ses sujets l'oubli du passé, par une médaille où l'on voit d'un côté sa tête avec la même inscription ci-dessus, et sur le revers, un lion portant la couronne ducale, avec ces mots : Sulditis Clemens ; dans l'exergue on lit : 1714
La paix d'Utrecht, conclue en 1713, assura aux Electeurs de Bavière et de Cologne le duché de Luxembourg et le comté de Namur qui n'avaient pas été pris par les alliés, pour en jouir jusqu'à ce qu'ils fussent rétablis dans leurs États et dignités. Ils le furent l'année suivante, en vertu du traité de Rastat ; mais l'électeur de Cologne ne partit de Valenciennes que le 24 décembre 1714 au grand regret des habitants dont il était chéri, et qui auraient bien voulu le garder au milieu d'eux. Ce prince, qui touchait une forte pension de Louis XIV, était magnifique, généreux et bienfaisant ; à Valenciennes, il avait une cour nombreuse et bien choisie, une grande musique et un théâtre, où l'on donnait jusqu'à des opéras. Il laissa aux habitants son portrait peint par Vivien, que l'on voyait encore en 1789, à l'hôtel-de-ville, et resta si sensible aux témoignages d'attachement et de respect qu'il avait reçus durant son séjour en cette ville, qu'il n'en perdit jamais la mémoire et que, huit ans après l'avoir quittée, il écrivit, de sa propre main, aux Prévôts-Jurés et Echevins, une lettre datée de Bonn, le 13 juin 1722, que M. Debavay a consignée en 1788, dans le journal du Hainaut et du Cambrésis, pour leur faire part de deux événement qui étaient un sujet de satisfaction pour lui, savoir l'élection à la coadjutorerie faite par son Chapitre de Cologne, en faveur de son très-cher neveu, le Prince et évoque de Munster et de Paderborn, et la conclusion du mariage de son très cher neveu, le Prince électoral de Bavière avec l'archiduchesse Amélie.
On n'a pas conservé avec moins d'intérêt, à Lille, jusqu'à la fin du siècle dernier, le souvenir du séjour que l'électeur Joseph-Clément a fait dans cette ville. Il y avait surtout pris la communauté des dames Bernardines de l'Abbiette dans une telle affection, qu'à sa mort, arrivée en 1723, il leur légua ses entrailles qui furent reçues avec une grande démonstration aux portes de la ville par les autorités civiles et militaires et déposées solennellement dans la chapelle Notre-Dame de Lorette de l'église de l'Abbiette, qu'il avait fait ériger à ses frais en 1708, à la place du tableau du Maître-Autel.
Source : Livre "Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique"
En savoir plus : http://nd-bonne-esperance.cathocambrai.com/page-160741.html




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