Grégorien
(Chant grégorien)
Le chant grégorien est le chant liturgique officiel de l'Église catholique de rite romain. Issu du chant messin (Scola Metensis) répandu en Occident à la fin du XIe siècle, il reste pratiqué régulièrement dans certaines églises et communautés religieuses, spécialement dans les cérémonies plus solennelles de la liturgie du rite romain.
Indépendamment de la liturgie, le chant grégorien est aujourd'hui parfois apprécié pour sa qualité esthétique. C'est un genre musical qui en général, par l'acceptation contemporaine de celui-ci, appelle au calme, au recueillement, à la contemplation intérieure.
Le chant grégorien est un chant sacré anonyme, habituellement interprété par un chœur ou par un soliste appelé chantre. Il est destiné à soutenir le texte liturgique en latin.
On trouve des chœurs d'hommes ou de femmes, les abbayes de moniales au Moyen Âge chantaient le répertoire liturgique au même titre que les abbayes d'hommes.
Il doit se chanter a cappella, c'est-à-dire, sans accompagnement harmonisé instrumental, car toute harmonisation, même discrète, modifie la structure de cette musique.
Il s'agit d'un chant homophone — ou chant monodique — c'est-à-dire, une musique excluant les simultanéités sonores : toutes les voix qui l'exécutent chantent donc « à l'unisson ».
Du point de vue du système mélodique, le chant grégorien est de type modal et diatonique. Les chromatismes en sont généralement exclus, ainsi que les modulations et l'emploi de la sensible. Les différentes échelles utilisées, avec leurs degrés et leurs modes, sont appelées modes ecclésiastiques, ou échelles modales, ou modes anciens — par opposition aux échelles utilisées postérieurement en musique classique tonale.
C'est une musique récitative, qui prend son origine dans le texte, et qui favorise l'intériorisation et la conscience des paroles chantées. Son rythme est très varié, par opposition à la cadence régulière de la musique issue de la Renaissance. Le rythme, qui est une question complexe en chant grégorien, découle des paroles et de la musique, en superposant les deux logiques. Dans les passages psalmodiques ou syllabiques, le rythme vient principalement des paroles ; dans les passages neumatiques ou mélismatiques, c'est la mélodie qui devient prépondérante. Ces deux composantes sont toujours présentes.
Il s'agit d'une synthèse des anciennes traditions européennes, par exemple, les poésies très fleuries en vieux-latin ainsi que les chants romano-franc, synagogal, byzantin. Il est également le fondateur de toute la musique occidentale, tant religieuse que profane.
Notation
Article détaillé : Neume.
Le
chant grégorien dispose d'une notation spécifique, les neumes. Les
neumes les plus anciens apparurent, au moins en 877, au temps de Charles
II le Chauve durant la seconde Renaissance carolingienne. D'abord, ils
manquaient de ligne. La notation actuelle portée quatre lignes date le
XIe siècle, à la suite de l'invention d'un moine italien, Guy d'Arezzo,
dans les années 1030 environ. De plus, ce pédagogue fixa théoriquement
les modes, les tons ainsi que les neumes. De nos jours, les musicologues
pensent que la fonction des neumes avant Guy d'Arezzo était différente
de celle de la notation moderne.
« On pense habituellement que la fonction principale d'une notation musicale doit être l'indication de la hauteur exacte des sons. Mais ce n'est évidemment pas le cas des premières notations. Il est capital de s'apercevoir que la musique représentée par ces notations était déjà connue par cœur pour ce qui concerne la tonalité et le contenu mélodique. Le but de la notation était de rappeler au chantre les détails du phrasé, du rythme, de la dynamique, ainsi que certains raffinements de l'exécution. »
— David Hiley, Plain-chant occidental, un manuel (Oxford, 1993) p.341
-
- Bibliothèque municipale de Laon, Adiutor meus (Graduale romanum), Laon 239 (IXe siècle) : chant par l'Ensemble Gilles Binchois, suivi de ses neumes
La notation n'est pas ce qui en fait la spécificité. Une part, les notations neumatiques peuvent servir à noter des musiques très variées. Ainsi, un certain nombre de chants ambrosiens qui ne possédaient pas de propre système furent conservés au XIIIe siècle, avec des neumes et deux lignes. D'autre part, il est vrai que parfois de nouveaux morceaux de composition en langue véhiculaire plus tardive étaient écrits en manière de la notation ancienne, même au XVIIe siècle en France sous le règne de Louis XIV. En outre, auprès des Anglicans, le premier livre de chant fut publié en 1550 avec des neumes ainsi que leur dernier livre en plain-chant sorti en 2004, toujours en anglais, car il s'agit des mélodies à la base du chant grégorien.
Variété de la notation ancienne
Il existait deux groupes de notations, selon leurs formes de neumes. Si chacune connut respectivement son évolution, celle de Saint-Gall est de nos jours plus appréciée en raison de sa capacité de la précision musicale de laquelle bénéficie la restauration pour l'édition critique.
- système notation point
-
- notation messine ou lorraine (est de la France)
- notation bretonne
- notation aquitaine (sud-ouest de la France, surtout dans le Limousin)
- système notation accent
-
- notation française (entre la Normandie et Lyon)
- notation sangallienne (en Suisse) fac-similé
« elles s'attachent, surtout en ce qui concerne la notation de Saint-Gall, à fixer et à préciser les moindres nuances de l'interprétation musicale à l'aide de tout un jeu d'épisèmes, de lettres et de neumes aux formes très diversifiées. »
— Annie Dennery, Les notations musicales au Moyen Âge (1982), p. 97
- Le chant grégorien à Solesmes : notation écrite, vidéo par Dom Saulnier
Esthétique
Pour
l'esthétique grégorienne, la date de composition importe peu, dans la
mesure où elle en reflète effectivement l'esprit, c'est-à-dire :
- la modalité est le premier élément spécifiquement grégorien. La modalité est en quelque sorte le paysage sous-jacent, dans lequel vient évoluer chaque pièce. Elle se manifeste de manière évidente par les teneurs dans la psalmodie, mais cette notion de teneur (simple ou multiple) structure tout le répertoire du plain-chant ;
- le rythme verbal est également une caractéristique essentielle du grégorien. Le rythme est évidemment verbal dans le style psalmodique et syllabique, mais cette logique verbale se prolonge également dans le style neumatique, et jusque dans les développements mélismatiques où se retrouve encore la dynamique verbale de l'accentuation latine.
Histoire
Origines
Articles détaillés : Chant messin et Chant chrétien.
Légende
Certes, l'on attribuait traditionnellement le nom du chant grégorien au pape Grégoire le Grand, donc au VIe siècle. Il est certain qu'au IVe
siècle à Rome, la schola, groupe de musiciens professionnels et
liturgiques, remplaça les solistes, et qu'il y existait le chant
Vieux-Romain. Selon la légende, le pape Grégoire Ier serait
le premier à réunir ce répertoire ainsi qu'à l'organiser pour la messe,
notamment comme compositeur. Toutefois, de nos jours il existe une
grosse difficulté, en dépit de la qualité de ce pape exceptionnel, car
aucun document ne fut trouvé pour justifier cette légende. Au regard de
la musique, ce saint pape signa un décret en 595, mais il ne s'agit pas
de sujet du chant grégorien. Quoiqu'il existe encore une lettre
authentique de saint Grégoire concernant ses modifications de la
liturgie, dans les livres d'Isidore de Séville et d'Ildefonse, spécialistes des liturgie et musique de l'époque, aucune confirmation ne se trouve.
Assez curieusement, dans le Liber Pontificalis,
les successeurs de saint Grégoire étaient bien mentionnés en tant que
protecteurs ou spécialistes du chant, par exemple, Léon II, Benoît II,
Serge Ier. Notamment, saint Benoît II était ancien chanteur de la schola.
Mais dans ce catalogue chronologique, écrit en 638 concernant saint
Grégoire, l'on voit une lumière : « Il ajouta dans la déclamation du
canon Dies quae nostros in tua pace disponas : il changea le canon de la messe. ».
Un
autre saint Grégoire, évêque Grégoire de Tours, pourrait avoir
contribué à la légende. Comme le roi de Bourgogne saint Gontran avait un
goût de la musique sacrée, à Orléans le 5 juillet 585, saint Grégoire
fit chanter leurs meilleurs psaumes responsoriaux devant le roi, selon
une forte intension de ce roi chrétien.
Dom Saulnier de Solesmes suggère encore un autre personnage. En 791, le pape Adrien Ier
octroya à Charlemagne un texte, livre de prière. Il lui écrivit : « La
Sainte Église catholique reçoit du pape Saint Grégoire lui-même
l'ordonnance des messes, des solennités et des oraisons. » Dans ce cas,
il s'agirait du pape saint Grégoire III, décédé en 741.
Gregorius præsul meritis et nomine dignus
Il
est possible que cette légende soit née d'après la politique de
Charlemagne, vraisemblablement inspirée par la lettre d'Adrien Ier ou d'autres. Car, un petit poème Gregorius præsul (Évêque Grégoire) se trouve dans un certain nombre de manuscrits des livres de chant, entre la fin du VIIIe siècle et le début du IXe siècle, jamais à Rome, mais dans les territoires de l'empire carolingien.
« L'évêque [de Rome] Grégoire digne par le nom comme par les mérites se éleva à l'honneur suprême. Il rénova les monuments des anciens pères et composa [le texte de] ce petit livre d'art musical pour la schola des chantres pour l'année liturgique. »
Étant donné que saint Grégoire Ier
était l'un des personnages occidentaux les plus illustres, l'objectif
était évident : ce livre est celui de la messe authentique de Rome,
texte composé par bienheureux Grégoire.
Sans
doute apparut au moins en 872, déjà, la première légende dans laquelle,
au lieu de l'auteur, saint Grégoire devint compositeur.
Pourtant,
Dom Saulnier conclut : « S'il n'est pas le compositeur du premier chant
liturgique romain ni du chant grégorien, il pourrait très bien être
aujourd'hui le patron céleste de ce chant. »
Naissance du chant grégorien
Alors,
il est vrai que Pépin le Bref ainsi que son fils l'empereur Charlemagne
et Louis le Pieux avaient besoin d'unifier leur empire. Pour la
naissance du chant grégorien, il est assez important qu'à cette
époque-là, la liturgie romaine ait été adoptée en Gaule. Faute de
notation, il fallait absolument les chantres romains, afin de remplacer
les anciens chants liturgiques. C'est pourquoi l'enseignement musical
par eux fut établi à Rouen puis à Metz, et à Metz, une école de chant
romain.
Si l'utilisation des livres romains fut parachevée à la fin de VIIIe
siècle, l'adoptation de nouveau chant romain subit une considérable
résistance. Donc, après que les professeurs romains avaient quitté la
Gaule, les musiciens gaulois commencèrent leur création avec la
tradition musicale gallicane. Car les nouveaux textes selon la liturgie
romaine étaient obligatoires.
En résumé, le chant grégorien de la messe parut vers 765, à Metz, sous l’autorité de l’évêque saint Chrodegang, apparenté à la famille de Charlemagne, comprenant l'Introït, l'offertoire, la communion, et d'autres chants ornés. Saint Chrodegang était en effet le plus grand animateur de la liturgie romaine de l'époque et dans la région. Les chants de l'office en revanche sont plus difficiles à dater, et on les estime à environ 800. D'abord, ce chant s'appelait encore le chant romain mais aussitôt la dénomination chant messin fut donnée. Peu après 800, Charlemagne dans le but d'unifier son empire (la langue, l'administration, l'éducation, et la musique), réunit ses conseillers à Aix-la-Chapelle en Allemagne, siège de l'empire : l'imitatio imperii. L'intérêt d'utiliser le chant romain était politique : l'empereur et le pape s'appuyaient mutuellement. Le répertoire créé, il fut recopié sur un petit nombre de manuscrits, servant d'aide mémoire, et les chantres partirent au travers du royaume (d'abord en Angleterre et en France) enseigner la nouvelle pratique. Avant cela, le répertoire n'avait pu être transmis que par oral, dans les régions les plus reculés, et subissait nécessairement des modifications régionales. Si la pratique plus récente fut transmise de manière plus fidèle, elle en subit tout de même plusieurs altérations locales.
C'est donc au VIIIe siècle que la qualité du chant grégorien fut bien établie, grâce à la Renaissance carolingienne, notamment à un retour de la latinité. En réalité, dans les régions gardant le chant grégorien, les anciens « Barbares » étaient devenus hommes les plus cultivés de l'époque, surtout dans leurs monastères.
Mais faute de notation efficace ainsi que d'évêque qui soit capable d'être musicologue, la cohabitation entre le chant grégorien et l'ancien chant fut prolongée pendant presque cinq siècles. Alors, l'on constate l'apparition de familles musicales différentes ainsi que de particularités locales, notamment celles de neumes, jusqu'à ce que la notation actuelle soit inventée par Guido d'Arezzo au XIe siècle.
La diffusion du chant grégorien s'est largement appuyée sur les institutions monastiques, qui, malgré la constitution et le maintien de traditions mélodiques et d'un répertoire propres, différent du cursus romain spécialement pour l'antiphonaire de l'office, ont contribué à la diffusion du répertoire romain, par la copie et la compilation des textes religieux.
Évolution du chant grégorien
Non
seulement, pour son sacre, Charlemagne se présenta à Rome en 800,
vraisemblablement en y amenant le chant gregorien et son équipe, mais
aussi il protégea ce chant parfaitement romain par son texte liturgique,
mais musique gallicane, dans tout l'empire.
Par conséquent, au début de IXe
siècle, le chant des églises du sud de l'Italie se commença à faiblir.
Il est vrai que Milan résista, en raison de sa tradition puissante du
chant ambrosien, mais partiellement. Il se diffusa également en
Aquitaine.
Au XIe
siècle, remplacé par le chant grégorien, le chant traditionnel de la
péninsule Ibérique disparut. C'étaient les moines de Cluny qui
parachevèrent ce renouvellement.
À
la suite de la contribution de Guido d'Arezzo selon l'intention du pape
Jean XIX, le chant grégorien connut un progrès vers 1030, notamment
concernant la notation. Cette amélioration était définitive, car le
chant oralement conservé devint une musique écrite et transmissible.
Ainsi, à la deuxième moitié du XIe siècle déjà, la notation sur quatre lignes était également utilisée en Gaule.
Au XIIe siècle, le chant grégorien était bien connu dans toute Europe. Toutefois, à Rome, les deux chants coexistaient encore. Les chanoines dans la ville chantaient le chant grégorien alors que la schola, équipe musicale du pape, conservait encore le chant « Vieux-Romain », découvert à Rome en 1890 par Dom Mocquereau de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Dans la ville éternelle, il n'existe pas de manuscrit du chant grégorien attribué avant XIIIe siècle. En effet, le pape Innocent III décida et ordonna, au début du XIIIe siècle, la destruction de vieux livres, en adoptant intégralement le chant grégorien.
Mais pourquoi le chant grégorien put-il remplacer d'autres anciens chants ? Que-ce que c'est la qualité exceptionnelle de ce chant ? Un autre moine de l'abbaye Saint-Pierre nous donne une explication :
« Si vous étudiez un morceau de chant Vieux-Romain, vous ne voyez pas la séparation entre les mots : il y a toujours un petit nuage mélodique à la fin des mots et au début. L'enchaînement des mots est flou. En chant grégorien ce n'est jamais ainsi. À la fin des mots, vous avez souvent une note seule : ce procédé de magnifier la finale, de systématiser aussi l'accent est repris à cette époque dans l' Ars bene dicendi. Les qualités déclamatoires du chant grégorien viennent sans doute de cette insistance de l'époque sur la latinité »
— Dom Daniel Saulnier, Sémiologie : session inter-monastique à l'abbaye Notre-Dame de Maylis (2005)
Avant la Renaissance, il y eut l'expansion du chant grégorien mais peu de modification. C'était dès XVIIe siècle qu'il fut fréquemment et considérablement modifié. Ainsi, Dom Mocquereau s'aperçut qu'il n'y a pas de différence entre un manuscrit d'Ivrée du XIe siècle et celui du XVIIe siècle dans la même région.
Adaptation auprès de nouveaux ordres
Au regard des monastères, les grandes familles religieuses du Moyen Âge donnèrent également mais plus tôt naissance à leur propre tradition musicale grégorienne, souvent la diffusion des particularités musicales des livres de la mère, par exemple cistercienne, cartusienne, dominicaine. En bref, il fallait que chaque ordre cherche et établisse sa propre édition afin de satisfaire leur rite. Toutefois, faute de documents, encore faut-il beaucoup de travaux dans ce domaine. Ainsi, les manuscrits de l'ordre de prémontrés, le Graduel de Bellelay, ne sont pas encore effectivement analysés. De même, le livre des Graduale et prosarium ad usum Cluniacensem, auprès de la Bibliothèque nationale, provoque une grosse difficulté des études, car il possède une composition très complexe, écrite entre 975 et 1100. De plus, un nombre considérable de folios furent perdus.
Au contraire, depuis 2011, l'on connaît clairement les modifications du chant concernant l'ordre de Cîteaux. Certes, auparavant aussi, la réforme chistercienne était toujours mentionnée par les historiens. En effet, l'on dit que les disciplines de cet ordre, notamment son retour vers les règles originales de Saint Benoît donc la simplicité, étaient le contraire du chant ostentatoire. Cependant, dans le contexte de la paléographie, il n'est pas facile à établir cette théorie. En fait, vers 1108, la première réforme fut effectuée en adoptant les l'antiphonaire de Metz et l'hymnaire de Milan. Pour rétablir le rite de Saint Benoît, en remplaçant les livres de Molesme, l'abbé Étienne Harding y envoya ses moines et fit copier les manuscrits les plus authentiques. Néanmoins à Metz, les moines s'aperçurent que la qualité de l'antiphonaire attribué à saint Grégoire était loin d'être satisfaisante. À vrai dire, cet ordre dynamique profitait déjà non seulement de la théorie de Guido d'Arezzo mais également de celle de la musique grecque ancienne. Les nouveaux chants étaient si désagréables que même l'ordre contesta rapidement l'utilisation de ceux-ci. C'est la raison pour laquelle, après le décès de l'abbé Harding en 1134, Bernard de Clairvaux fut chargé de réviser les livres de chant entre 1142 et 1147, précisée par son préface de l'antiphonaire dans lequel il expliquait pourquoi et comment il avait remanié les livres ainsi qu'un document récemment redécouvert, l'antiphonaire de Westmalle. Ce dernier justifie dorénavant scientifiquement ceux que saint Bernard avait effectués. Ainsi, l'abbé de Clairvaux avait écrit : « nous avons conservé le texte de plusieurs répons parce qu'il est saint et tiré des Évangiles, et nous les avons ornés d'un chant aussi beau que convenable, tout en n'employant partout qu'une musique sobre et déscente. » Il est vrai qu'Alicia Scarcez s'aperçut que les couples de répons étaient très bien conservés (603 pièces, soit 95%) et que n'avaient été introduits qu'un peu de nouveaux couples de répons.
Apparition du chant polyphonique
Par ailleurs, l'invention d'Arezzo, indication précise de la hauteur dans la notation, lança la création de la polyphonie. À la suite de la parution de l'Ars Nova, le pape français Jean XXII dut dénoncer son décret Docta Sanctorum Patrum en 1324, afin que le chant grégorien puisse se défendre contre ce mouvement.
« ......... Ce doux son résonne toujours dans la bouche de ceux qui chantent les psaumes quand ils portent Dieu dans leur cœur ; ......... dans cet office diurne et nocturne, ainsi que la célébration des messes, le clergé et le peuple chantent une mélodie distincte et pure sur une teneur choisie, de façon qu'ils aient le goût d'une même élévation et se réjouissent de cette perfection. Mais certains disciples d'une nouvelle école, s'appliquant à mesurer le temps, inventent des notes nouvelles, les préférant aux anciennes. Ils chantent les mélodies de l'Église avec des semi-brèves et des minimes, et brisent ces mélodies à coup de notes courtes. ......... de sorte que, perdant de vue les fondements de l'antiphonaire et du graduel, ils méconnaissent les tons qu'ils ne savent pas distinguer, mais confondent au contraire, et sous la multitude des notes, obsurcissent les pudiques ascensions et les retombées du plain-chant, au moyen desquelles les tons eux-mêmes se séparent les uns des autres. ......... C'est pouquoi, ayant pris conseil de nos frères, nous ordonnons que personne désormais n'ose perpétrer de telles choses ou de semblables, dans les dites offices, particulièrement dans les heures canoniales et la célébration des messes. »
Chant grégorien à la Renaissance
Le
chant grégorien, musique médiévale, fut largement touché par la
Renaissance, grand mouvement du retour à l'antique, surtout dans ce
domaine, à la musique grecque ancienne. Il fut principalement frappé sur
trois fronts.
D'abord,
ceux qui avaient retrouvé douze modes grecs insistèrent que le chant
grégorien qui ne compte que huit tons soit vieilli et démodé. Toutefois,
en 1610, un chanoine de la cathédrale de Tournai Pierre Maillart
établit théoriquement l'autonomie des huit tons du chant grérorien, dans
son livre Les tons ou discours sur les modes de musique ou les tons de l'église,
en analysant les musiques ancienne et contemporaine. Donc, il était
désormais évident que ces tons ne dérivaient jamais des douze modes de
la musique grecque. Il restait encore un problème. Même les moines
bénédictins devaient continuer à utiliser les termes grecs au XVIIe siècle :
« Le premier mode, ou en autres termes le Dorien ... ; Le second (autrement le sous-Dorien) ... ; Le troisième ou le Phyrigien ... »
— Dom Jacques P. Le Clerc et Dom Pierre-Benoît Jumilhac, La science et la pratique du plain-chant, ... (1673)
Ensuite,
il s'agissait des genres, à savoir, les intervalles des tons. Les
néo-grécs de la Renaissance comptaient trois types de genres,
diatonique, chromatique et enharmonique, alors que les huit modes de
l'Église ne comportent qu'un seul intervalle de demi-ton. Car par
l'absence de Si, l'intervalle Si-Ut n'y était pas reconnu. De plus, de
nombreux chants grégoriens ont tendance à éviter le demi-ton tandis que
ce dernier est très souvent utilisé seulement pour l'ornement. Donc, en
dépit de sa beauté, le chant grégorien ne connaît qu'un seul genre,
genre diatonique. Au contraire, la musique polyphonique de l'époque, par
exemple celle de Roland de Lassus et surtout celle de Carlo Gesualdo,
profitait déjà du genre chromatique.
-
Genres intervalle intervalle intervalle intervalle intervalle intervalle intervalle intervalle intervalle intervalle Diatonique demi-ton ton ton Chromatique demi-ton demi-ton trihémiton Enharmonique diésis diésis diton
La troisième contestation était celle du rythme. Inspirée par la musique grecque ancienne, la musique mesurée à l'antique était en train d'apparaître en France. D'ailleurs, l'invention de l'imprimerie contribua immensément à améliorer la connaissance des textes latins. Par conséquent, étant donné que le latin est une langue quantitative et non une langue accentuelle, l'on trouva de plus en plus une incohérence entre des notes du chant grégorien et la quantité syllabique des textes. Dès la fin du XVIe siècle, le chant grégorien était pareillement critiqué avec cette règle de la « quantité ».
Concile de Trente
Après
que le Concile de Trente se termina, il fallait que les livres de chant
soient reformés selon les disciplines du concile. En 1577, le pape
Grégoire XIII chargea à Giovanni Pierluigi da Palestrina et à Annibale
Zoïlo d'éditer de nouveaux livres de chant. La publication officielle ne
fut pas effectuée, mais après la mort de Palestrina, son fils Higino et
d'autres sortirent une version privée en 1594. Finalement, le
Saint-Siège acheva l'Édition médicéenne de 1614 à 1615, auprès de l'imprimerie de Médicis, redécouverte au XIXe
siècle par Franz Xavier Haberl. La caractéristique de la modification
de ce siècle peut être expliquée par les doctrines des humanistes. Aussi
d'après la « quantité » grammaticale, c'est-à-dire le langage parlé,
furent déplacées des syllabes brèves chantées sur des notes longues
ainsi que des syllabes longues chantées sur des notes brèves. De sorte
que furent perdues la pureté et la beauté de l'ancienne version,
notamment la splendeur des lignes mélodiques.
Situation en France avant 1789
Si
la France est l'un des pays les plus importants qui conservent bien la
tradition du chant grégorien, ce dernier dut y subir d'abord une
déchéance au XVIIe siècle, puis dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, un déclin considérable ainsi qu'une quasi-disparition, pendant 150 ans.
À
la suite du Concile de Trente, les livres de chant devaient être
remaniés. Cependant, en France, cette demande provoqua une décadence du
chant grégorien. Au début du XVIIe siècle encore, le concile
ne publia rien. Donc, la publication officielle était difficile, quoique
la disposition des livres fût urgente. L'on commença à corriger et à
annoter les anciens livres. Puis, la publication de l'assemblée se
termina par un lourd échec. Dom Jacques P. Le Clerc était un témoin de
cette dégradation, plus précisément, corrections effectuées dans les
livres publiés à cette époque-là :
« Les Accens qu'ils se persuadent parfaitement bien faire en cette langue estant une pure chimère, et qu'ils prennent pour la quantité latine, une capilotade composée, en sa plus grande partie, des règles du chant et [...] de celles de la grammaire. .........
Le chant n'avoit pas besoin des corrections qu'on y a faites misérablement transformé en un horrible monstre. »
— Dom Jacques P. Le Clerc, Traité du chant ecclésiastique (vers 1665)
Ensuite, au milieu de XVIIe siècle, le chant grégorien en France connut une étape importante. En effet, par un jeune organiste Guillaume-Gabriel Nivers, le chant fut restitué, selon l'intention des religieuses bénédictines, augustines et franciscaines. Car, la modification du chant, notamment l'ornementation par des longs mélismes, était assez fréquente. Même, l'on composait le plain-chant. Grâce à un privilège obtenu en 1657, il publia chez Robert III Ballard en 1658, tout d'abord pour les Bénédictines, Graduale romano-monasticum juxta Missale Paulis Quinti et Antiphonarium romanum juxta Breviarium ainsi que Graduale romano-monasticum destiné aux Franciscaines. Certes, occupé, en tant qu'organiste de l'église Saint-Sulpice de Paris, il dut commencer à abréger les morceaux de mélisme sur une seule syllabe, sans consulter les manuscrits dans les archives.
Mais,
dès 1682, grâce à une collaboration avec deux sous-maîtres de Chapelle
royale, Henry Du Mont et Pierre Robert, il restaurait le « véritable et
authentique chant grégorien, d'après les sources romaines les plus
pures ». En 1683, dans la Dissertation sur le chant grégorien dédiée au Roy,
il essayait plusieurs comparaisons mélodiques. Même s'il considérait
ces variantes comme des altérations, c'est lui qui « inaugura les
premiers pas d'une musicologie ecclésiastique d'un type nouveau, à base
de démarches comparatives et de recherches historiques ».
À
cette époque-là, comment le peuple fidèle pratiquait-il le chant
grégorien? Deux moines bénédictins de la congrégation de Saint-Maur
précisaient :
« ... L'essence du plain-chant consiste dans l'égalité de ses notes [...] les lettres des mots lui sont échues en partage, sans se soucier des accents ny de la quantité dont l'observation luy feroit perdre son égalité. »
— Dom Jacques P. Le Clerc et Dom Pierre-Benoît de Jumilhac, La science et la pratique du plain-chant, où tout ce qui appartient à la pratique est étably ... (1673)
À Versailles, le chant grégorien était effectivement respecté. Surtout, l'année 1685 est marquée par l'édit de Fontainebleau, à savoir révocation de l'édit de Nantes. Il fallait dorénavant que les offices à la cour soient célébrés en latin, sans exception. Sous le règne de Louis XIV, le maître de la Chapelle royale était toujours attribué à un ecclésiastique de haut rang. En conséquence, si la messe basse quotidienne en présence du roi Soleil était composée de trois motets, la grande messe pour le dimanche et les fêtes d'obligation était célébrée en plain-chant. Même après le décès de Louis XIV, l'ecclésiastique était assez puissant. Ainsi, lors du sacre de Louis XV à Reims, célébré le 22 octobre 1722, un motet Te Deum était préparé par Michel-Richard de Lalande. Toutefois, au dernier moment, « vint un ordre de le chanter en plain chant. »
Par
ailleurs, le cardinal Louis Antoine de Noailles, devenu archevêque de
Paris en 1695, fit continuer à imprimer les livres de Nivers, y compris
version définitive d' Antiphonarium romanum en 1701 :
« L'impression des Livres de l'Eglise étant expirez depuis longtemps, cela a donné lieu à quelques particuliers de réimprimer l'ancien chant grégorien [...] sans aucune autorité [...] y ayant inséré des notes irrégulières contre la substance du chant grégorien, changé ou transposé d'autres, de sorte qu'estant remply de quantité de fautes contre les règles de la bienséance ecclésiastique, les Editions différentes de ces corruptions ont causé des discords notables dans les Chœurs en la célébration des Offices divins ; c'est ce qui a obligé plusieurs personnes constituées en dignité d'engager nostre ami & féal G. G. Nivers, compositeur et organiste de nostre Chapelle de musique et de plein-chant, de travailler & disposer une copie, la plus correcte et la plus parfaite qui se puisse faire, dudit ancien chant grégorien sur tous les Livres d'Eglise, pour servir de modèle aux impressions qui s'en pourront faire & garder l'uniformité si recommandable du Chant ecclésiastique. »
— Antiphonarium romanum juxta breviarium sacro-sancti Concilii Tridentini et s. Pii Quinti Pontificis maximi authoritate editum (version 1701 avec le privilège), Préface
De plus, en 1705, l'antiphonaire non noté dit « de Compiègne » (877 ou avant) fut publié par les moines de la congrégation de Saint-Maur, sous la direction de Dom Denis de Sainte-Marthe, en prévoyant le futur fonctionnement de Solesmes.
N'étant
pas content de la restitution de Nivers avec les sources romaines,
l'abbé Jean Lebeuf, quant à lui, cherchait les documents plus anciens.
Ainsi auraient dû être améliorées les restauration et publication du
chant grégorien. Pourtant, son fonctionnement était ambivalent, parce
qu'il était précisément le responsable de l'office néo-gallican qui
affaiblissait le chant grégorien. En fait, entre le Saint-Siège et le jansenisme,
l'archevêque Charles Gaspard Guillaume de Vintimille du Luc, successeur
du cardinal, autorisa des modifications des offices, en sortant son
nouveau Bréviaire en 1736. Non seulement l'église de France traversait
désormais une période difficile mais aussi le chant grégorien devint la
victime du gallicanisme, à savoir les liturgies locales, car des
diocèses de France y compris celui de Paris remanièrent considérablement
leurs Bréviaires et livres de chant.
Après
la Révolution, le déclin de la liturgie était si désastreux que la
tradition du chant grégorien fut rapidement oubliée, jusqu'à ce que la
liturgie ancienne soit retrouvée et rétablie. En effet, c'était le chant
liturgique en latin qui subit sévèrement sa disparition, quoique les
offices aient officiellement été rétablis à partir de Pâques en 1802, le
18 avril.
Restauration du chant grégorien vers la version authentique
Il fallut de longs travaux pour restaurer le chant grégorien. Ce sont surtout ceux des bénédictins de Solesmes qui rendirent possible cette restitution. Après avoir rétabli l'ancien prieuré de Solesmes en 1833, Dom Prosper Guéranger commença à restituer l'ancienne liturgie y compris le chant grégorien. Comme l'abbé Guéranger n'était pas capable d'être maître de musique, le chanoine Augsutin-Mathurin Gontier du Mans l'aidait de sorte que les moines puissent executer convenablement ce chant. Il est important non seulement qu'en 1860, l'abbé Gontier ait soutenu un congrès tenu à Paris mais aussi que son analyse concernant le rythme du chant grégorien puisse avoir affecté la théorie développée par l'abbaye de Solesmes au XIXe siècle.
Peu après, Félix Danjou découvrit une notation vraiment importante du XIe siècle, en 1847, à la faculté de médecine de Montpellier. Il s'agissait d'une notation alphabétique précisant ses neumes. À la suite du découvert de cette version musicale de la pierre de Rosette, la nécessité des études archéologiques dans les archives était désormais sûrement comprise. L'Abbé Théodore Nisard et Louis Lambillotte aussi cherchaient des manuscrits les plus anciens. Et Lambillotte publia en 1851 ses fac-similés du cantatorium de Saint-Gall no 359, daté de nos jours entre 922 et 925, mais son titre restait l'Antiphonaire de saint Grégoire (fac-similé).
« ......... les textes bénédictins s'appuient sur la copie, conservée au monastère de Saint-Gall, de l'antiphonaire de saint Grégoire qui représente le monument le plus ancien, le plus sûr que l'Église détienne du vrai plain-chant. Ce manuscrit dont des fac-similés, dont photographies existent est le code des mélodies grégoriennes et il devrait être, s'il m'est permis de parler de la sorte, la bible neumatique des maîtrises.
»
— Joris-Karl (Charles-Marie-Georges) Huysmans, En Route (1895), tome II, p.310
Puis, les deux moines qui étaient capables d'étudier ce chant arrivèrent à Solesmes, Dom Paul Jausions en 1854, et en 1858, Dom Joseph Pothier. C'était Dom Jausions qui fut chargé par l'abbé et commença à copier des manuscrits les plus anciens à la bibliothèque municipale d'Angers.
Avant
que le fonctionnement de l'abbaye Saint-Pierre ne soit étabi, le
mouvement en faveur de la restauration du chant grégorien était
tellement dynamique en France qu'en 1860 fut tenu à Paris le premier
congrès, congrès pour la restauration du plain-chant et de la musique de l'Église, organisé par Louis Niedermeyer, un enseignant.
Dom Pothier qui avait retrouvé la lecture des neumes cursives fixa les principales règles d'exécution en 1880 dans ses Mélodies grégoriennes, puis en 1883 sortit le Liber gradualis préparé depuis 1868. Il était également, jusqu'à sa disparition, le collabrateur de la Revue du chant grégorien, fondée en 1892 à Grenoble. Le fondateur l'abbé Cyrille Vincent-Martin, décédé en 1896, défendait la doctorine de Dom Pothier, en luttant contre la création de nouveaux plain-chants modernes.
L'année 1882 était marquée par le congrès européen du chant liturgique d'Arezzo, assisté par plusieurs communications de Dom Pothier afin de défendre la restauration du chant. Néanmoins, en dépit du succès de cette conférence, l'abbaye fut condamnée en 1883 par Rome en raison de ses nouvelles tendances. Malgré cela, l'abbé Charles Couturier créa une schola et Dom André Mocquereau fut nommé sa direction.
Dom Mocquereau, disciple de Dom Pothier, fit la première restauration de la mélodie et du rythme. Surtout, en 1889, il fonda la Paléographie musicale, destiné à reproduire par la phototypie les principaux manuscrits de chant conservés dans les bibliothèques de l'Europe. En développant la théorie de Dom Pothier, c'était une méthode qui analyse l'utilisation des différents signes ou neumes primitifs, permettant ainsi de préciser l'interprétation des mélodies grégoriennes. De plus, c'est lui qui sortit le premier fac-similé de l'antiphonaire de Hartker en 1900. Si sa théorie devint aujourd'hui démodée, ses œuvres établirent le rôle incontestable de Solesmes.
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la restauration du chant grégorien commençait aussi à enchanter quelques compositeurs contemporains.
« À mon humble avis, les meilleurs et les plus solides résultats obtenus jusqu'à présent sont ceux du plain-chant grégorien à l'abbaye bénédictine à Solesmes......... »
— Lettre de Franz Liszt à Carolyne de Sayn-Wittgenstein, le 5 juin 1878
De sorte que le fonctionnement de l'abbaye de Solesmes soit finalement apprécié par le Saint-Siège, il fallut une considérable amélioration. D'une part, avec ses nombreuses écritures, Prosper Guéranger avait réussi à résister au gallicanisme depuis le règne de Louis XIV. D'autre part, ses moines révélaient, déchiffraient et exploitaient les manuscrits médiévaux. En fait, le Vatican possédait déjà, depuis 1686, une œuvre monumentale du cardinal Tomasi, celle qui remarquait tous les deux textes complets de l'antiphonaire de Hartker et d'une version ancienne de Rome. En 1901, le pape Léon XIII, toujours défendeur de l'Édition médicéenne faussement attribuée à Palestrina, félicita dans son bref Nos quidem la publication effectué par l'abbé Paul Delatte. Il s'agit de la première approbation officielle. Mais c'était le cardinal Giuseppe Sarto qui soutenait depuis longtemps cette abbaye. Aussitôt devenu le pape Pie X le 4 août 1903, il fit publier sur la musique sacrée le Motu proprio "Inter pastoralis officii sollicitudes" le 22 novembre, fête de Sainte Cécile.
Puis, il dénonça, le 25 avril 1904, la création d'une édition officielle du chant pour l'Église universelle, Édition Vaticane. Pour cet objectif, une commission pontificale présidée par Dom Pothier fut fondée à Rome. Il s'agissait d'une commission de musicologues de toute l'Europe. Cependant, devenu l'abbé de Saint-Wandrill, Dom Pothier manquait de documents. En conséquence, la rédaction fut officiellement confiée à l'abbaye de Solesmes sous la direction de Dom Mocquereau. En raison d'un conflit entre ces deux abbayes, le pape dut enfin renoncer cette commission et demanda à Dom Pothier de sortir le plus rapidement ses éditions.
Le graduel parut en 1908 ainsi que l'antiphonaire en 1912, à la base des versions de Solesmes, mais en omettant les signes rythmiques solesmiens. Toutefois, cet antiphonaire commença, après la première guerre mondiale, à être obsolète. Pie X décida prudemment de faire remanier ces éditions. Le successeur Dom Joseph Gajard réalisa donc un travail très concentré, en effectuant sa documentation considérable. Ainsi furent systhèmatiquement étudiées à nouveau toutes les antiennes dans l'antiphonaire de Hartker de Saint-Gall. Il est vrai qu'il ne s'agit pas des éditions critiques. En respectant essentiellement ces livres, il adopta parfois les manuscrits plus remarquables, au lieu de la majorité. Finalement, il fallut 30 ans après le Motu proprio afin de parachever tous les livres requis. Il s'agissait de la première restitution pure du chant vraiment grégorien, après la nuit obscure « grosso modo » durée du XVIIe au XIXe siècles.
« Nous n'ignorons pas les oppositions que ces mêmes enseignements ont suscitées çà et là. Elles nous émeuvent assez peu ; car, après avoir brillé d'un éclat éphémère, elles disparaissent une à une, et meurent de leur belle mort, souvent même sans qu'il soit nécessaire de les combattre : le bon sens public, après un essai momentané, suffit à les juger. D'où viennent ces jugements favorables ? a) De la base historique inébranlable de toutes nos théories rythmiques ; b) De la beauté musicale du chant grégorien chanté selon l'École de Solesmes. Malgré les défauts inhérent à un nombreux chœur de moines, la mélodie ainsi exécutée ne laisse pas de conquérir l'approbation de nos auditeurs, dont plusieurs sont souvent des artistes de premier ordre. »
— Dom André Mocquereau, Le nombre musical grégorien, tome II, p.v-vi (Avant-propos, 1927)
Encore fallait-il, c'est vrai, que la connaissance générale soit améliorée. C'est la raison pour laquelle Dom Mocquereau avait fondé en 1911 la Revue grégorienne destinée aux musicologues, musiciens, choristes, prêtres et le reste. Cette revue et la Revue du chant grégorien durent cesser leur publication pendant les deux guerres mondiales. Cependant, Dom Gajard rétablit bien celle de la Revue grégorienne en 1946, grâce à une collaboration avec l'institut grégorien de Paris.
Cet
institut, enfin attaché à l'Institut catholique, avait été créé en 1923
tandis qu'au Mans, la Schola Saint-Grégoire était née en 1938 à
l'initiative de Dom Gajard. D'ailleurs, en 1910, Pie X aussi avait fondé
l'Institut pontifical de musique sacrée à Rome. Surtout, en 1952, Dom
Cardine de l'abbaye de Solesmes fut nommé professeur de cet institut où
il enseigna un grand nombre d'élèves, en répartissant pédagogiquement
ses tâches avec eux, jusqu'en 1984. Les études du chant grégorien
connurent, donc également à Rome, un accroissement considérable.
Dès 1954, sortie par Dom Gajard, l'abbaye de Solesmes publie toujours sa revue annuelle Études grégoriennes qui compte 39 tomes en 2012, remplaçant finalement les anciennes revues bimensuelles.
Avant que le IIe
concile du Vatican ne soit tenu en 1962, le chant grégorien était
protégé et recommandé, en particulier, par la constitution apostolique Divini cultus de Pie XI en 1928 ainsi que l'encyclique Musicæ sacræ disciplina de Pie XII en 1955.
Naissance d'une équipe pour l'édition critique
Après la publication de l'Antiphonale monasticum
en 1934, une musicologue Yvonne Rokseth déclara à Dom Gajard en 1938
qu'elle souhaitait que l'abbaye de Solesmes sorte désormais les éditions
critiques.
Puis
en 1947, un musicologue espagnol Higino Anglès fut nommé directeur de
l'Institut pontifical de musique sacrée à Rome. L'année suivante, Mgr
Anglès visita l'abbaye de Solesmes afin de proposer à l'abbé son
projet, d'abord, une équipe qui était capable d'étudier les textes
critiques des neumes, ensuite, la restitution des mélodies du graduel, à
savoir édition critique de celui-ci. À dire vrai, l'abbaye manquait de
personnels. Mais l'abbé Germain Cozien décida finalement d'accepter
cette proposition sans que ses manuscrits ne soient transférés à Rome.
Sans délai, l'équipe de l'édition critique fut formée sous la direction
de Dom Gajard. Ceux qui concernent étaient cinq moines, Dom Cardine, Dom
Froger, Dom Hourlier, Dom Combe et Dom Huglo.
« Rendant hommage aux moines qui, par leurs travaux et la généreuse dispense de leur enseignement, ont participé au rayonnement scientifique de Solesmes, elle (la Paléographie musicale) a plus précisément évoqué les découvertes de Dom Eugène Cardine et de Dom Jean Claire qui, dans les années 1960 - 1990, ont profondément renouvelé la connaissance du chant grégorien, dans le domaine de la sémiologie, de l'interprétation et de l'analyse modale »
— Avant-propos des Actes du Colloque « 1000 ans de chant grégorien » (2011).
Période postconciliaire
Certes, le IIe
concile du Vatican admettait la priorité du chant grégorien pour la
célébration chantée en latin. Néanmoins, à la suite de l'usage des
langues nationales, ce chant fut normalement éliminé de la pratique
liturgique paroissiale, sauf auprès d'un certain nombre d'églises
autorisées.
À vrai dire, c'est le pape Paul VI lui-même qui connaissait paradoxalement l'ambigu de l'usage de la langue courante :
« Ce n'est plus le latin, mais la langue courante, qui sera la langue principale de la messe. Pour quiconque connaît la beauté, la puissance du latin, son aptitude à exprimer les choses sacrées, ce sera certainement un grand sacrifice de le voir remplacé par la langue courante. Nous perdons la langue des siècles chrétiens, nous devenons comme des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l'expression sacrée. Nous perdons ainsi en grande partie cette admirable et incomparable richesse artistique et sprirituelle qu'est le chant grégorien. Nous avons, certes, raison d'en éprouver des regrets et presque du désarroi ; par quoi allons-nous remplacer cette langue angélique ? C'est un sacrifice d'un prix inestimable. Pour quelle raison le faisons-nous ? Qu'est-ce qui vaut davantage que ces très hautes valeurs de notre Église? »
— Extrait d'un discours du pape Paul VI présentant le nouveau rite de la messe, le 26 novembre 1969
Malgré cela, l'abbaye de Solesmes continua à réviser quelques livres du chant en répondant aux vœux du concile. En 1967, elle sortit un Graduale simplex, par Dom Cardine et Dom Claire, puis en 1972, un Ordo Cantus Missæ, ensuite un hymnaire en 1983. Cependant, la préparation d'un nouvel antiphonaire n'est pas encore terminée, car la nouvelle version comptera 2 200 antiennes environ au lieu de 1 000 déjà publiés, afin de rétablir la série des cinq antiennes. Pareillement en avril 1974, des moines de Solesmes assistèrent la messe des obsèques du président Georges Pompidou à l'église Saint-Louis-en-l'Île, avec leur chant grégorien, selon la volonté de ce président.
Mais l'abbaye va toujours plus loin. Elle publia en 1979 le Graduale triplex, une autre version du Graduale romanum remanié et sorti en 1974. Dans cette version, la notation est accompagnée, en noir, de neumes des manuscrits de Laon, grâce à une collaboration avec Marie-Claire Billecocq. Rupert Fischer aussi avait collaboré avec Solesmes pour les neumes reproduits en rouge, issues des manuscrits d'Einsiedeln et de ceux de Saint-Gall. Enrichie par des trésors des bibliothèques, cette version est destinée surtout aux maîtres de chœur, spécialistes et musicologues. En résumé, il faut que la restitution soit scientifiquement effectuée, plus précisément, que l'on chante absolument une mélodie qui fut déjà chantée par les moines carolingiens.
L'année 2003 était le centenaire du Motu proprio du pape Pie X. Le 22 novembre, même jour et fête de la patronne de la musique sainte Cécile, le pape Jean-Paul II publia son chirographe dans lequel il soulignait que « Le chant grégorien continue donc d'être aujourd'hui encore un élément d'unité de la liturgie romaine. », en confirmant sa priorité dans les célébrations chantées en latin, attribuée par le concile.
Il
est vrai que la messe des obsèques de ce pape fut célébrée, le 8 avril
2005, accompagnée du chant grégorien du chœur de la chapelle Sixtine
ainsi que de celui du collège Mater ecclesiæ, et présidée par le cardinal Joseph Ratzinger.
Après être devenu pape Benoît XVI, ce dernier publia, le 7 juillet 2007, le Motu proprio Summorum Pontificum. Cela signifie que l'on peut célébrer désormais la messe en utilisant le chant grégorien dans la forme ordinaire de la messe, comme auparavant, mais aussi dans la forme extraordinaire.
Dans
la même année, le 19 novembre, l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes sortit
la troisième volume du nouvel antiphonaire monastique. L'édition sous
forme informatique est dorénavant disponible. De nos jours, la
restauration de l'antiphonaire est principalement effectuée à la base de
celui de Hartker dans la bibliothèque abbatiale de Saint-Gall, copié
vers 1000. En effet, non seulement ces manuscrits sont les plus anciens,
mais également il s'agit du meilleur antiphonaire, en raison de ses
richesse, cohérence, régularité et précision, d'après les comparaisons
par les spécialistes.
En 2011, le Vatican publia le Graduale novum de dominicis et festis en coédition avec l'édition allemende ConBrio. Cette édition accompagnée des neumes de Laon et de Saint-Galle, tout comme le Graduale triplex de Solesmes, fut achevée par des disciples de Dom Cardine, et est considérée comme version « plus critique que l'Édition Vaticane ».
Pratique du chant grégorien
Latinité dans le chant grégorien
Le
chant grégorien est indissociable de la langue latine, même s'il y a
des quelques termes grecs ou hébreux qui apparaissent dans la liturgie
latine. Il n'existe normalement pas de pièce grégorienne traduite en
langue vernaculaire, hormis quelques mélodies récitatives. Ce lien au
latin explique qu'il n'est guère utilisé dans les liturgies catholiques
courantes, bien que l'on assiste à un regain d'intérêt pour l'usage
liturgique du chant grégorien dans le cadre paroissial de nombreuses
villes : notamment en France, en Italie, en Allemagne, en Autriche, et
dans les pays du Benelux.
En
résumé, comme la qualité du chant grégorien se caractérise de sa
latinité, le chant en langues différentes est essentiellement
impossible. Ainsi, « la notion de valeur a une grande part dans la riche
et mystérieuse beauté du chant grégorien. »
Il
est vraisemblablement utile de citer encore un entretien d'un
professeur de la littérature latine, Paul-Augstin Deproost, également
directeur d'un chœur grégorien.
« ......... on retrouve cependant aussi dans le grégorien un certain nombre de textes en vieux-latin parce qu'ils ont été composés sur cette base. C'est notamment le cas de l'Introït de la messe du jour de Noël « Puer natus est », qui ne correspond pas au texte vulgate d'Is 9, 6. S'il avait fallu modifier le texte, il aurait aussi fallu modifier la musique. Pour les textes non bibliques, notamment les hymnes, le latin utilisé est celui de l'antiquité tardive (du IIIe au Ve siècles). C'est du latin classique à la base, mais qui est très fleuri, avec des recherches rhétoriques ou linguistiques, des formes paradoxales, des litotes etc. Il s'agit d'une poésie très élaborée qui s'inspire des principes rhétoriques de l'antiquité. D'où, bien sûr la difficulté de les traduire pour les non spécialistes. Les hymnes de Saint Ambroise, par exemple, paraissent à première vue très épurés, très classiques, très équiliblés, mais quand il s'agit de les traduire, il faut ajouter des mots et aussi en comprendre le sens théologique. »
Certes,
il faut conserver le texte latin. Néanmoins, Jean-Pierre Noiseux,
directeur de la Schola Saint-Grégoire de Montréal, souligne que cela
n'empêche pas de pratiquer le chant grégorien. De plus, la langue
française est une descendance du latin.
« Certains verront dans le latin un obstacle sérieux à l'utilisation du chant grégorien dans nos paroisses. Pourtant, il ne s'agit pas d'un obstacle insurmontable car le latin, ça s'apprend. ......... Pour les chants de l'Ordinaire, les fidèles connaissent bien l'équivalent français des textes latins et ils mettront peu de temps à comprendre ce qu'ils chantent. etc. »
L’Église et la réforme du chant grégorien
L'intérêt spirituel du chant grégorien dans la liturgie a été exprimé par Pie X au moment de la réforme grégorienne, au tout début du XXe siècle :
« Notre mère la Sainte Église, à qui est divinement confié le soin de former l’esprit des fidèles à la sainteté, s’est toujours heureusement servie, dans ce but si noble, de l’aide qu’elle trouve dans la sainte liturgie. De peur que, en cette matière, la variété ne désunisse les âmes, et, au contraire, pour que l’unité demeure intacte, elle qui donne la force et la beauté au corps mystique du Christ, l’Église s’est toujours efforcée, par des soins assidus, de conserver les anciennes traditions; et si, par la faute du temps, celles-ci sont parfois tombées dans l’oubli, elle s’est toujours occupée de les rechercher diligemment et de les restaurer puissamment.
Le chant sacré doit être compté au premier rang parmi ce qui convient le mieux à la sainte liturgie, lui apporte de la splendeur, lui ajoute de l’efficacité. L’expérience nous apprend, en effet, de quelle façon le chant donne au culte divin une grandeur qui attire merveilleusement les âmes vers les choses célestes. C’est pourquoi en aucun temps l’Église n’a cessé de recommander l’usage du chant, et a cherché assidûment à ce qu’il ne s’éloigne pas de sa dignité primitive.
Pour que ce but soit atteint, il est nécessaire que le chant destiné à la liturgie possède le sens sacré, et puisse être utile aux âmes. Il faut, en premier lieu, qu’il brille de gravité religieuse, alors il sera apte à restaurer véritablement et suavement les sentiments chrétiens dans l’âme. Il doit de plus être catholique —ou universel— c’est-à-dire répondre aux nécessités de toute nation, de toute région, de toute époque ; et enfin, unir la simplicité à la perfection artistique.
Où trouver mieux et plus richement doté, à ce point de vue, que le chant grégorien ? « Il est le chant propre de l’Église Romaine, le seul qu’elle ait reçu de l’héritage des Pères, fidèlement gardé au cours des âges dans ses manuscrits, recommandé comme sien à l’usage des fidèles, et qui, seul, est encore ordonné en certaines parties de la liturgie. » »
— Saint Pie X, Motu proprio Inter pastoralis officii (Tra le sollecitudini) sur la musique sacrée du 22 novembre 1903
Réforme liturgique
Aujourd'hui, le concile Vatican II a proclamé que
« L’Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine. C’est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales par ailleurs, doit occuper la première place. Les autres genres de musique sacrée, mais surtout la polyphonie, ne sont nullement exclus de la célébration des offices divins, pourvu qu’ils s’accordent avec l’esprit de l’action liturgique »
— Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium, §116
Le concile recommande dans ce sens :
« Le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude. Les scholae cantorum seront assidûment développées, surtout auprès des églises cathédrales. Cependant les évêques et les autres pasteurs veilleront avec zèle à ce que, dans n’importe quelle action sacrée qui doit s’accomplir avec chant, toute l’assemblée des fidèles puisse assurer la participation active qui lui revient en propre. »
— Concile Vatican II, Sacrosanctum Concilium, §114
Après la réforme liturgique
En dépit des prescriptions claires du concile Vatican II
sur l'usage du chant grégorien (et du latin), il n'est aujourd'hui
repris que rarement dans les célébrations dominicales paroissiales des
diocèses, bien que l'on y note un timide retour du répertoire grégorien
depuis l'avènement de Benoît XVI, spécialement pour le chant de
l'ordinaire, et plus modérément pour les pièces du propre, chantées par
une schola.
« Comme les réunions entre fidèles de diverses nations deviennent de plus en plus fréquentes, il est bon que les fidèles sachent chanter ensemble, en latin, sur des mélodies faciles, au moins quelques parties de l'Ordinaire de la messe, et surtout la profession de foi et l'oraison dominicale. »
La
célébration de la messe dominicale en plain-chant, selon le Missel de
1962 s’est développée en France dans de nouvelles communautés qui se
sont organisées autour du rite tridentin à la suite de la publication du
Motu proprio Summorum Pontificum en 2007.
Dans les communautés qui observent le rite de Paul VI, certaines parties de l’Ordinaire de la messe – Kyrie, Gloria, Credo, Pater, Sanctus, Agnus Dei – sont parfois chantées en latin sur les airs traditionnels grégoriens, mélangés aux chants liturgiques en langue vernaculaire
Au sein des monastères
En revanche, le grégorien est toujours très largement utilisé dans le cadre de la liturgie monastique catholique de tradition bénédictine : principalement les monastères de la Congrégation de Solesmes (Solesmes, Abbayes Sainte Anne de Kergonan et Saint-Michel de Kergonan, Saint-Wandrille, Fontgombault, Randol, Ligugé, Triors, les chartreux et quelques autres) ainsi que l’Abbaye Saint-Maurice-et-Saint-Maur à Clervaux au Luxembourg, Saint-Benoît-du-Lac au Québec. L'Abbaye Notre-Dame de Quarr fut fondée par la communauté de Solesmes à la suite de son exil en 1901, mais devint sa filiale britannique en 1922. La communauté Saint-Martin, une société de prêtres et de diacres attachée à la célébration solennelle de la liturgie dans une double fidélité à la réforme liturgique et à la tradition latine et grégorienne, le pratique quotidiennement dans sa Maison de formation et régulièrement dans ses paroisses (forme ordinaire du rite romain, dite Paul VI).
L'une des communautés de la congrégation solesmienne depuis 1889, Abbaye Saint-Paul de Wisques, est maintenue par 13 moines ayant leur âge avancé. À la suite de l'appel de Saint-Paul, l'Abbaye Notre-Dame de Fontgombault décida d'y envoyer des moines. Dès 2014, la liturgie grégorienne y sera rétablie, afin de dynamiser à nouveau la vie monastique. Si Fontgombault est l'une des filiales de Solesmes, en fondant plusieurs abbayes, elle-même fonctionne en tant qu'un autre Solesmes.
Le grégorien est aussi la forme habituelle du chant sacré dans les communautés du rite romain monastique dont il fait partie intégrante : ainsi les abbayes bénédictines du Barroux, Abbaye Notre-Dame-de-l'Annonciation du Barroux, l’Abbaye Notre Dame de Bellaigue, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, la Fraternité de la Transfiguration, la Fraternité Saint-Vincent-Ferrier, la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, l'Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, les chanoines réguliers de la Mère de Dieu, l'Opus Sacerdotale, l'Institut des Dominicaines du Saint Esprit, l'Institut de la Sainte-Croix, les Capucins de Morgon, les Dominicaines de Fanjeaux, les Dominicains d'Avrillé, les Petites Sœurs de Saint-Jean-Baptiste… Ces instituts, ainsi que des associations de laïcs, ont maintenu l'existence de chœurs qui perpétuent la pratique du chant grégorien dans son cadre liturgique. De nombreuses autres communautés monastiques continuent de chanter certaines pièces du répertoire grégorien, comme les antiennes, les répons et certaines pièces du graduel ou de l'ordinaire de la messe, tout en adoptant une liturgie vernaculaire pour les autres textes. Au total plus de trois cents lieux de culte en France. De nombreux chœurs, ensembles de solistes et scholae de laïcs chantent régulièrement le chant grégorien dans son cadre liturgique.
En Autriche, l'abbaye d'Heiligenkreuz, abbaye cistercienne et officielle de la maison de Babenberg puis celle de Habsbourg depuis 1133 conserve également la tradition du chant grégorien. Le pape Benoît XVI visita cette abbaye en septembre 2007. L'année suivante, leur nouveau disque connut un grand succès en Angleterre, en se plaçant au 9e rang des classements en une semaine. D'après l'Association internationale des études du chant grégorien, en Autriche et en Allemagne, 16 monastères gardent les offices chantés en grégorien.
Schola cantorum auprès des diocèses
D'ailleurs, comme l'authentique sujet de la liturgie n'est ni l'individu ni le groupe, il faut que la qualité de la célébration soit assurée par l'Église, plus précisément les évêques et leurs diocèses, notamment avec la schola cantorum. C'est pourquoi, le pape Benoît XVI approuva, en avril 2011, l'Instruction universæ ecclesiæ sur l'application du Motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, prêtée par la commission pontificale Ecclesia Dei. En fait, « En raison de l'augmentation du nombre de ceux qui demandent à pouvoir user de la forme extraordinaire, il est devenu nécessaire de donner quelques normes à ce sujet. ». Puis, dans une lettre, le pape souligna le 31 mai 2011, à l'occasion du centenaire de l'Institut pontifical de musique sacrée :
« ... la correcte participation de l'assemblée, une légitime adaptation aux cultures particulières dans le respect du langage universel, le primat de référence du chant grégorien, une mise en valeur attentive aux diverses autres formes expressives du patrimoine culturel de l'Église, la polyphonie et enfin l'importance de la schola cantorum, en particulier dans les églises cathédrales. »
Dans
cette optique on trouve une Schola grégorienne dans les principales
villes de France : Besançon, Bordeaux, Fontainebleau, Lyon, Montpellier,
Paris, Périgueux, Perpignan, Strasbourg, Toulouse, etc.
Soutien par des enseignants
Quoiqu'il
ne s'agisse pas de schola cantorum, des professeurs aussi contribuent à
répartir leur connaissance concernant le chant grégorien avec les
fidèles, en pratiquant la liturgie catholique, notamment pour la messe
dominicale selon le Missel de 1962. Ainsi, le chœur Una cum de
la chapelle Sacré-Chœur de Lindthout à Bruxelles est sous la direction
de Paul-August Deproost, spécialiste de la littérature latine ainsi que
le doyen de la faculté de philosophie, arts et lettres de l'université
catholique de Louvain. Aux États-Unis, il s'agit du chœur Sainte-Anne de
Palo Alto, près de l'université Stanford. Depuis 1963, ce chœur est
toujours consacré au chant grégorien dans la liturgie, y compris la
célébration des obsèques en grégorien. Actuellement c'est William Mahrt
qui le dirige. Il est professeur de Stanford, l'un des principaux
chercheurs de la musique médiévale aux États-Unis, président de
l'Association américaine de musique sacrée.
Chant grégorien et enseignements
Étant
donné que, de nos jour encore, le chant grégorien n'est pas
effectivement connu ni parfaitement compris, le rôle des enseignements
est davantage important. Il existe plusieurs types de formation.
Histoire
École Niedermeyer de Paris
Il semble que l'école Niedermeyer de Paris, fondée en octobre 1853, soit le premier établissement qui ait enseigné le chant grégorien aux élèves. Dans la lettre datée le 15 avril 1857, le fondateur Louis Niedermeyer écrivit : « Pour le plein-chant, nous disons Saint-Grégoire (sic, Saint Grégoire), pour la musique sacrée, nous disons Palestrina, … ». Aussi le chant grégorien était-il quotidiennement enseigné dans cette école consacrée à la musique religieuse. De plus, il organisa, en 1860, un congrès du plain-chant à Paris. L'un de ses professeurs les plus distingués était Camille Saint-Saëns tandis que son élève le plus brillant était Gabriel Faure. Donc, ces deux compositeurs français connaissaient inténsement le chant grégorien.
En
1894, la Schola cantorum de Paris aussi ouvrit ses portes, en devenant
concurrente dans la capitale. Dom Mocquereau de Solesmes lui exécuta
plusieurs conférences de paléographie en 1897.
Enseignement au sein de l'abbaye Saint-Pierre
C'était
surtout Dom Mocquereau qui n'hésita pas à enseigner le chant grégorien
aux jeunes musiciens. En 1901, il lui fallut quitter la France avec sa
communauté.
- 189? : Charles Bordes était jeune maître de chapelle de l'église Saint-Gervais. Il fréquentait considérablement l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes et fonda la Schola cantorum.
- 1894 : Jules Combarieu commença ses séjours à Solesmes. Cette année-là, il envoya à Dom Mocquereau sa thèse de doctorat Les rapports de la Musique et de la Poésie considérées au point de vue de l'expression.
- 1896 : Pierre Aubry était élève de l'École nationale des Chartes. En enseignant à l'Institut catholique de Paris et à l'École pratique des hautes études, il soutenait la Paléographie musicale.
- 1897 : en juillet, l'abbaye accueillit les premiers élèves de la Schola cantorum de Paris dont Déodat de Séverac et René de Castéra, pour les huit jours de cours et vie grégoriens. Dom Mocquereau leur donna 7 ou 8 leçons de paléographie musicale.
- 1899 : en juin, cette fois, toute la Schola cantorum, y compris la voix des enfants, s'y rendit.
- 1901 : Louis Laloy, élève de la Schola cantorum depuis 1899 après celui du Lycée Henri IV et de l'École normale supérieure, visita l'abbaye afin d'approfondir sa connaissance. Il devint professeur du Conservatoire de Paris, notamment secrétaire général de l'Opéra national de Paris.
Dom Eugène Cardine et ses disciples
Le
plus grand enseignant du chant grégorien était toutefois Dom Eugène
Cardine de Solesmes. En tant que professeur de l'Institut pontifical de
musique sacrée à Rome, il y enseigna entre 1952 et 1984. Surtout, ce
pédagogue était capable de charger proprement aux élèves d'étudier leurs
tâches. Par conséquent, plusiers thèses importantes y furent achevées.
Il
y comptait un nombre considérable de disciples distingués parmi
lesquels Marie-Claire Billecocq devint spécialiste du manuscrit de Laon
239, notamment de la restauration de ses neumes, dont bénéficient le Graduale triplex de Solesmes (1979) et le Grauale novum
du Vatican (2011). Ce dernier, le premier tome de sa nouvelle édition
critique, fut achevé par d'anciens élèves de Dom Cardine, sous la
direction de Dom Johannes-Berchmans Göschel, qui lui aussi avait
présenté ses thèses à l'institut en 1974 et en 1976.
De nos jours
Pour des diplômes
En France :
- Metz, Conservatoire Gabriel Pierné : en tant que pratique complémentaire en 3e cycle court [6]
- Paris, Conservatoire national supérieur de musique et de danse : en tant que ministre des Affaires culturelles, Jacques Duhamel créa un enseignement du chant grégorien auprès de ce conservatoire. Depuis 1985, une classe y est assurée pour cette formation dont les études auxiliaires de la paléographie, du latin et de l'histoire de la liturgie, en pratiquant le chant. [7]
- Paris, Ecole du Chœur grégorien de Paris : formation en 2 ans, mais il ne s'agit pas de cursus dans le cadre de conservatoire. [8]
Dans d'autres pays :
- Bâle, Schola Cantorum de Bâle : auprès de cet institut célèbre en Suisse, fondé en 1933, le diplôme est disponible pour un cours en allemand pour trois ans, spécialisé par les musiques entre VIIIe et XVIe siècles, y compris le chant grégorien [9]
Quelques sessions
Au
contraire des enseignements auprès des conservatoires, tous ceux qui
veulent améliorer leur connaissance peuvent, en général, être
accessibles aux sessions saisonnières du chant grégorien, ouvertes à
toutes les générations. Parfois ces sessions sont soutenues par les
enseignants importants, par exemple, ancien professeur de l'Institut
pontifical de musique sacrée à Rome.
En France :
- Bordeaux, Formation chant grégorien, formation à la carte uniquement [10]
- Le Mans, Schola Saint Grégoire [11]
- Mérigny, Centre grégorien Saint Pie X [12]
- Metz, Conservatoire Gabriel Pierné [13]
- Rânes, Stage de chant grégorien [14]
- Toulouse, Institut catholique de Toulouse [15]
- Tours, Stage de plain-chant [16]
En Europe :
- Université des beaux-arts de Folkwang (Allemagne) [17]
- Académie de chant grégorien (Belgique) [18]
- Association internationale des études du chant grégorien (Espagne) [19]
- Association internationale des études du chant grégorien (Italie) [20]
- Schola gregoriana Vilnensis (Lituanie) [21]
- Association internationale des études du chant grégorien (Pologne) [22]
- Fondation Sainte-Catherine (Royaume-Uni), session exclusivement déstinée aux adolescents (de 11 à 18 ans) [23]
- Atelier de chant grégorien (Suisse), dans le cadre du festival international de musiques sacrées à Fribourg [24]
- Schola gregoriana Pragensis (Tchéquie) [25]
Dans d'autres pays :
- Institut grégorien du Canada (Canada) [26]
- Université catholique d'Amérique (États-Unis) [27]
- Schola Cantorum de Montevideo (Uruguay), depuis 1988, des cours et stages de différents durées et niveaux techniques sont proposés [28]
Futur
Le
chant grégorien est le seul à avoir officiellement été promulgué par
l'Église Romaine, et cette primauté fut confirmée par le concile de
Vatican II.
Historiquement, cette Église avait parachevé deux fois la véritable centralisation de sa liturgie, sous le règne de Charlemagne puis par le pape Pie X. Comment ? D'abord, par la création du chant grégorien, ensuite, grâce aux redécouverte et restauration de celui-ci. Certes, de nos jours, la diversité est indispensable. Cependant, qui est-il encore capable de réunir la liturgie dans le monde des variétés ?
Si l'on ne trouva le chant grégorien qu'au Moyen Âge, il est certain que l'église catholique obtint dorénavant une grande fontaine. D'une part, il s'agit bien entendu de la source de la liturgie. Dom Gajard de Solesmes le résuma :
« « Cela dépasse infiniment la musique », me disait, il y a quelques années, à Solesmes même, au sortir de la messe conventuelle à laquelle il assistait pour la première fois, un chef d'orchestre éminent de Paris. Cela dépasse infiniment la musique ! On ne saurait mieux dire. C'est qu'en effet, si beau, si artistique qu'il soit, le chant grégorien n'est pas de l'art pour l'art ; il est tout entier ordonné à Dieu, tout entier prière. On l'a défini très justement : la prière chantée de l'Église. »
« Dans le chant grégorien, art et prière sont inséparables ; ils sont tellement noués qu'on ne peut les dissocier ; impossible de bien chanter sans prier, impossible également de bien prier sans chanter bien. »
Rappelons cependant qu'il s'agit de ceux qu'en 1324 déjà, le pape Jean XXII avait souligné dans son décret Docta Sanctorum Patrum :
« Ce doux son résonne toujours dans la bouche de ceux qui chantent les psaumes quand ils portent Dieu dans leur cœur ; tandis qu'ils prononcent les paroles, leur chant augmente la dévotion envers lui. »
D'autre
part, il est pareillement une source riche de la théologie. Le 12
septembre 2008, le pape Benoît XVI précisa dans l'avion vers la France.
Le chant grégorien sera encore une fontaine :
« J'ai eu réellement un contact très profond, très personnel et enrichissant avec la grande culture théologique et philosophique de la France. Cela a été réellement décisif pour le développement de ma pensée. Mais aussi la redécouverte du grégorien originel avec Solesmes, la grande culture monastique ... et naturellement la grande poésie. ... C'est donc une culture qui a réellement déterminé mon développement personnel, théologique, philosophique et humain. »
Dans d'autres traditions ou domaines
Les Anglicans
Le premier livre de chant anglican The book of Common praier noted
fut publié en 1550. Il s'agit de celui de l'un des compositeurs les
plus importants de l'époque, dans la tradition catholique comme Thomas
Tallis et William Byrd, John Merbecke. Merbecke avait constitué ce livre
à la base du chant grégorien, pour le Te Deum du chant
ambrosien, ainsi que de ses propres œuvres. S'il avait attribué une
syllabe à une seule note, comme les livres de Luther, la publication fut
effectuée d'après la notation ancienne, celle des neumes.
- John Merbecke, Sursum Corda (version anglicane en anglais, 1550) : vidéo, liturgie auprès de Saint-Jean de Detroit en 2011
Toutefois,
la parution du Livre de la prière commune en 1552 qui avait modifié les
textes et l'arrangement affaiblit la popularite du livre de Merbecke,
déjà fréquemment copié. Ensuite, le plain-chant disparut dans l'usage
des Anglicans au XVIIe siècle, à cause de la guerre civile,
notamment touché par la propagande des Calvinistes qui interdisaient
toutes les formes de musique.
Le chant oublié revint cependant à Londres au XVIIIe
siècle, grâce à la chapelle de l'ambassadeur catholique romaine où l'on
chantait le grégorien. D'autre part, un grand nombre de livres pour le
plain-chant furent publiés dès le milieu de ce siècle.
Au début du XIXe
siècle, le mouvement d'Oxford commença à rétablir la liturgie latine
auprès des Anglicans. En raison des sources romaines, l'utilisation du
plain-chant était parfois critiquée jusqu'à ce que le livre de Merbecke
soit redécouvert. Une fois devenu parfaitement légitime dans la
tradition anglicane, le chant grégorien, origine du premier livre de
chant, y est dorénavant apprécié. Aussi furent effectuées dans les
années 1840 plusieurs publications dont l'édition de William Dyce, la
plus utilisée, en révisant le livre de Merbecke. Comme ce dernier
manquait de psaumes, Thomas Helmore publia en 1849 son psautier avec ses
commentaires. Cependant, en dépit de l'intention de Dyce et de Helmore,
le plain-chant était généralement accompagné ou harmonisé aux
paroisses.
À la suite de la restauration en France, en 1888 l'Association du plain-chant et de la musique médiévale
fut fondée outre-Manche, afin de promouvoir les études et la
publication dans ces domaines. En 1895, son premier fac-similé, celui
des manuscrits du graduel selon le rite de Sarum, fut sorti tandis qu'en
1896, elle publia son premier ordinaire de la messe, adapté à la
liturgie anglicane. Sa revue semestrielle est toujours publiée,
actuellement par la Presse universitaire de Cambridge.
Aux
États-Unis aussi, inspiré par la restauration de Solesmes, Charles
Winfred Douglas († 1944) publia un nombre considérable de livres de
plain-chant à la base du grégorien, notamment dans les années 1930. Ses
livres de chant, en anglais, furent sortis non seulement avec la
notation moderne mais aussi celle des neumes. Leur publication se
continua jusque dans les années 1960, car le plain-chant était plus
apprécié et davantage pratiqué aux États-Unis qu'en Angleterre.
Tout
comme le problème de la modification après la Renaissance selon la
théorie de quantité, la version anglaise, une langue vraiment
accentuelle, provoque une forte transformation de la musique. Malgré
cela, afin de continuer l'utilisation du plain-chant, les Anglicans
américains sortirent en 2004 leur nouveau graduel The Anglican use gradual.
Les Luthériens
Se separés au XVIe
siècle de l'Église catholique romaine, les Luthériens conservent un
certain nombre de mélodies grégorienne, si des caractéristiques du chant
grégorien sont perdues. Invité par l'Église évangélique-luthérienne
d'Islande, Dom Saulnier de Solesmes s'en aperçut nettement lors d'un
cours du chant grégorien :
« Quand je suis arrivé à l'office le matin, les premiers jours, j'ai tout reconnu ... il y a eu un : Deus in adjutorium meum en islandais, mais fait pareil. Il y a eu une hymne, celle qu'on chante toutes les nuits à Vigile, on a eu un psaume, c'était le IIIe ton, que nous avons le mercredi soir puis la conclusion de l'office. Étonnant ! »
Comme
la langue allemande est quasiment monosyllabique, Luther n'attribua une
syllabe qu'à une seule note. De sorte qu'il transforma le chant
grégorien en musique vraiment simple.
Par
ailleurs, il recommandait l'utilisation du latin auprès des écoles et
des universités. Par conséquent, le chant grégorien y était encore
chanté alors que dans les temples il était strictement interdit.
Pourtant, étant donné que ce chant est la source de toute la musique occidentale, il existe un bouleversement. Dès le milieu des années 1980, l'ensemble Consortium Vocale, l'un des chœurs officiels de la cathédrale d'Oslo Domkirke où assistent les offices la famille royale et le gouvernement, étudie et pratique le chant grégorien, et surtout sa fonction s'amplifie depuis 1998 sous la direction d'Alexander M. Schweitzer, ancien élève de l'Institut pontifical de musique sacrée à Rome. Le goupe est soutenu par non seulement la cathédrale mais aussi le conseil des arts de Norvège.
L'un des musicologues de ce domaine Jacques Viret, professeur à l'université de Strasbourg, est luthérien. Il acheva sa thèse de doctrat sur la composition mélodique du chant grégorien en 1981, à la Sorbonne, dirigée par Jacques Chailley.
Dans le cadre du festival et du concert
À
côte de l'usage liturgique stricto sensu, de nombreux ensembles vocaux,
tant en Europe que dans d'autres continents, présentent de nos jours le
chant grégorien également sous forme de concerts, d'interventions au
cours de festivals d'art sacré, de veillées de prière, de
concerts-lecteurs et conférences.
En Europe, l'on soutient régulièrement des festivals exclusivement consacrés au chant grégorien :
- Festival de chant grégorien de Watou : tous les trois ans depuis 1981, le XIIe est prévu du 9 au 17 mai 2015.
- Festival international de chant grégorien de Bratislava : le Ve est prévu du 23 au 26 octobre 2014.
Parfois dans le cadre du grand festival aussi, les concerts de ce chant sont accueillis :
- Festival international d'Édimbourg : 2008
- Festival de Salzbourg : prévu le 23 juillet 2013 (Depuis 2012, ce festival adopte l'ouverture spirituelle.)
Mais surtout, il s'agit des concerts auprès des (anciennes) abbayes, des cathédrales, des églises :
- Cathédrale Notre-Dame de Paris : 2010 Ave Maris stella
- Abbaye du Thoronet : 2011 Du chant grégorien aux rencontres de musique médiévale du Thoronet
Et dans d'autres continents :
- Festival estival de musique à la cathédrale Christ Church de Vancouver : ce festival (2011) était particulièrement illustré des Complies en chant grégorien, célébrées à 21h30, toutes les soirées.
- Concert à l'Esplanade Concert Hall, Singapour : 2012 Glimpes of Faith : Gregorian Chants (extrait de la messe catholique traditionnelle)
La
plupart des musiciens qui abordent ce répertoire ont une conscience
aiguë de son caractère liturgique qu'ils s'efforcent de respecter au
plus près, et de mettre en valeur lorsqu'ils chantent le grégorien dans
un cadre extra-liturgique. Ces mêmes ensembles vocaux interviennent
d'ailleurs fréquemment aussi bien dans cadre liturgique qu'en dehors du
contexte liturgique.
Toutefois,
concernant le chant grégorien, il est fortement probable que sa qualité
n'est pas identique. Un spécialiste le sollicitait avec enthousiasme.
Il ne s'agissait pas d'un moine ni prêtre, mais l'un des principaux
défenseurs et promoteurs de la musique contemporaine sous le président
François Mitterrand, ancien élève d'Olivier Messiaen, surtout créateur
de la fête de la musique.
« Je vous supplie, leur dit-il, en substance, je vous supplie de maintenir ou, si nécessaire, de rétablir l'usage du chant grégorien, de le maintenir ou de le rétablir, non dans les concerts, mais dans la liturgie, car liturgique est sa fonction, sa mission. Aidez-nous tous à le vivre ainsi. »
— Discours de Maurice Fleuret à Pont-à-Mousson en 1985, destiné aux musiciens, musicologues, dignitaires ecclésiastiques
Si le chant grégorien risque de mourir sans fonction liturgique, la situation dégrada considérablement pendent ces 30 ans. Après avoir constaté que fut quasiment perdue la connaissance de ses étudiants au regard de la liturgie, même auprès de son université catholique, Paul-Augstin Deproost, doyen de Louvain, considère : « C'est un peu paradoxal, mais c'est exact. Le chant grégorien n'a peut-être jamais été aussi populaire qu'aujourd'hui, mais malheureusement pas dans l'Église. Il est peut-être dans les églises, mais dans le cadre de concerts. » Désormais, il faut donc toutes les manières.
Encore reste-il une autre raison pour la fonction des concerts :
« Nous interprétons le chant grégorien d'une façon tout à fait profane ......... Disons que le nôtre est d'ordre esthétique, et le leur, spirituel. Nous chantons par exemple certains versets très développés comportant de belles envolées lyriques qui ne sont plus utilisés dans la Liturgie depuis des siècles. Les Cisterciens les ont supprimés sans doute parce qu'une beauté trop ostentatoire peut détourner de Dieu. Là je ne suis pas trop d'accord. ......... mais nous n'oublions jamais que nous pouvons chanter ces merveilles grâce à des siècles de tradition monastique. »
— Gabriel Lacascade dans l'entretien lors d'un concert de l'Ensemble Venance Fortunat
L'élimination
des chants très ornés possède une longue histoire et était justifiée
par plusieurs raisons. En 595 déjà, par un décret, le pape saint
Grégoire Ier supprima le chant ostentatoire Vieux-Romain,
chanté en solo après la première lecture. En effet, à cette époque-là,
les diacres avaient tendance à oublier leur devoir, services pour les
pauvres. Aussi saint Grégoire dénonça-t-il : « Le chantre, devenu
diacre, charmait certes les fidèles par sa voix, mais irritait Dieu par
sa conduite. » À la suite de la Renaissance puis de la reforme luthérienne, le concile de Trente au XVIe siècle avait besoin d'une révision complète des livres de chant, en publiant en 1614 l'Édition médicéenne. Après la décadence du XVIIe
siècle, les morceaux de mélismes étaient si difficiles à chanter que
des moniales françaises demandèrent de remanier les livres à
Guillaume-Gabriel Nivers afin de célébrer plus facilement mais plus
correctement leurs offices.
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- Exemple du chant ostentatoire, sicut cedrus Lebani : comparez les quatre dernières notations dans ce site.
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De plus, la restitution du chant grégorien est de nos jours effectuée selon les manuscrits les plus anciens. Donc, de longs mélismes ayant une valeur musicologique, chantés effectivement jadis par les moines, ne peuvent être exécutés qu'au concert.
Par ailleurs, l'on chante aussi la mélodie grégorienne en faux-bourdon depuis le début du XVIe siècle, aujourd'hui également en dehors de la liturgie, par exemple le chœur Greg'Orian.
Principaux groupes interprétant le chant grégorien
Parfois des universités étaient les incubateurs des groupes du chant grégorien ainsi que de la musique médiévale.
En France :
- Ensemble Gilles Binchois : collaboration avec des musicologues ainsi que l'abbaye du Thoronet [29] ; Adiutor meus (bibliothèque de Laon, Laon 239, Graduale romanum)
- Ensemble Organum : fondé en 1982 par Marcel Pérès, siège actuel à l'abbaye Saint-Pierre de Moissac [30]
- Ensemble Venance Fortunat : dirigé par Anne-Marie Deschamps [31]
En Europe :
- Heinrich-Isaac-Ensemble (Allemagne) : il s'agit du chœur de conservatoire de Karlsruhe qui sortit en 2009 un CD consacré aux chants cisterciens
- Grazer Choralschola (Autriche) : fondée en 1992 ; siège à l'université des beaux-arts de Graz
- Vox Clamantis (Estonie) : fondé en 1996 ; collaboration étroite avec le chœur grégorien de Paris
- Il Coro Gregoriano Mediæ Ætatis Sodalicium (Italie) : fondé en 1991 selon les disciplins de Dom Cardine ; uniquement composé des anciennes étudiantes italiennes
- The Hilliard Ensemble (Royaume-Uni) : voir aussi Dans la culture populaire en bas.
- The King's Singers (Royaume-Uni) : ils sont d'anciens membres du chœur King's College de Cambridge, qui sortit son propre CD Gregorian chant en 2005.
- The Tallis Scholars (Royaume-Uni) : s'il s'agit d'un groupe de la polyphonie à Oxford, depuis 1973 ils interprètent le chant grégorien afin de préciser l'origine de l'œuvre.
Dans la culture populaire
- Plusieurs groupes modernes ont fait du « Grégorien-pop ». C'est le cas de Gregorian - Master of Chants-, ainsi que Enigma qui a connu un grand succès dans les années 1990 avec son tube Sadeness.
- L'album Officium sorti en 1994, à la suite d'une collaboration entre The Hilliard Ensemble et Jan Garbarek, compta 1,5 million de vente. Plus de la moitié des mélodies sont à la base du chant grégorien.
- La musique principal de la saga Halo(série de jeux vidéo à succès) commence avec un chant grégorien qui joue la mélodie principal suivi d'instrument et se clôture aussi par le chant grégorien. Dans les autres musiques de la saga, on entend aussi un chant grégorien qui joue d'une autre manière la mélodie principal. La composition est de Martin O'Donnell.
- Certains manga animes comportent des chants de style grégorien, tels que Vision d'Escaflowne avec Escaflowne, Gloria, Death Note pour les différentes versions de Kyrie, Death Note theme, Domine Kira ou encore l'opening de Elfen Lied : Lilium
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