Adrienne von Speyr
Laïque, médecin, écrivain et mystique née le 20 septembre 1902 à La Chaux de Fonds en Suisse.
Adrienne est derrière ses parents
Elle est élevée dans le protestantisme puis se convertit en 1940.
Deux ans plus tard, elle reçoit les stigmates du Christ et les vit intensément tous les vendredis.
Elle manifeste des visions et des extases.
En 1944, elle crée la communauté Saint-Jean avec Hans Urs von Balthasar.
Sérieuse et enjouée, douée d'une vitalité et d'une énergie exceptionnelle, elle se révèle capable d'un abandon absolu entre les mains de Dieu et de son confesseur.
Elle est souvent malade et devient aveugle en 1964.
Elle dicte alors plus de 60 livres sur la spiritualité, dans un flot et une clarté de pensée extraordinaires.
Après une agonie de plusieurs années, elle meurt le 17 septembre 1967.
Les stigmates
Dans Adrienne von Speyr et sa mission théologique
(p. 28), le P. Balthasar mentionne brièvement la stigmatisation
d'Adrienne von Speyr : c'était en juillet 1942. Pour Adrienne, ce fut
"un motif de terrible angoisse, tant elle redoutait que d'autres
remarques le phénomène. Malgré ses mains bandées, beaucoup ont vu ces
plaies qui n'étaient pas grandes. Ce fut surtout pour elle une cause
d'humiliation et presque de honte : comment était-il possible qu'elle,
la pécheresse, la rejetée, pût ainsi mériter d'être reliée à la Passion
du Christ? Dans les années qui suivirent, à sa prière instante, l'aspect
visible des plaies s'effaça, pour réapparaître parfois aux jours de la
Passion; mais la douleur est telle qu'Adrienne s'étonne qu'on ne voie
pas, par exemple, le sang qu'elle sent couler de la couronne d'épines sur son front".
Ailleurs
le P. Balthasar note encore plus brièvement que la stigmatisation fut
"une chose particulièrement dure" pour Adrienne. Le phénomène fut
soudain et totalement inattendu; il remplit A. d'une "confusion sans
bornes et la plongea dans des angoisses horribles; ici encore, c'est
auprès de son confesseur qu'elle chercha un refuge" (L'Institut
Saint-Jean, p. 72).
Pour en savoir davantage, il faut ouvrir ici à nouveau le Journal du P. Balthasar (Nachlassbände 8-10). Ci-dessous simplement quelques échantillons des pages qui en parlent.
* * * * * * * * * * *
1. 10 juillet 1942
Le soir à 20 H 30, Adrienne me téléphone à Salin. Voix tremblante,
presque éteinte d'angoisse : il s'est passé quelque chose d'effroyable.
Sa main gauche a été percée... Après onze heures du soir, je vais encore
la voir. Elle est éperdue d'angoisse, elle est à genoux par terre, en
larmes, elle tremble. Au début, n'arrivent que des exclamations d'où je
déduis de quoi il s'agit exactement : elle est remplie d'une confusion
sans borne parce que la contradiction est si insupportable. Elle implore
:"Vous devez m'aider à ne plus pécher". Je ne peux pas lui rappeler le
rapport de la plaie avec le Christ. C'est justement cela qu'elle ne
supporte pas. Elle sait naturellement très bien ce qu'il en est. Mais
justement le regard en direction du Christ la renvoie à elle-même et à
son indignité. Quand je lui dis : "Vous n'avez pas le droit de tant
penser à vous", elle répond :"Si, c'est justement maintenant que je le
dois. L'autre chose, je n'en suis pas capable maintenant".
Puis elle raconte avec hésitation comment c'est arrivé. Toute la
journée, elle avait eu une angoisse unique pour X. Le soir, pendant
l'orage, elle s'était couchée un instant sur le divan pour se reposer.
Alors sa main fut tout à coup percée. Elle sursauta, vit un peu de sang à
l'extérieur et à l'intérieur, le lécha. Puis, un très court instant,
une joie indescriptible la traversa jusqu'au plus intime. Mais aussitôt
le rideau se ferma et l'angoisse inonda tout à nouveau. La plaie faisait
très mal. Elle saigna l'équivalent d'un dé à coudre. Elle fit un rapide
pansement qu'elle défit rapidement à mon arrivée (Dans un premier
temps, elle cacha sa main : il n'y avait que très peu de sang sur la
gaze. La plaie à la surface de la main était très petite, presque
imperceptible, elle ne saignait plus. Dans la paume de la main, à peine
visible. Mais elle faisait très mal à l'intérieur). Je cherchais à la
tranquilliser un peu; pourtant nous savions tous les deux le genre de
commencement que cela signifiait pour quel genre de choses. Quand je la
quittai, elle ne pouvait toujours pas prier, d'angoisse et de honte.
C'était la main gauche qu'elle voulait offrir pour B... Nous disons
ensemble le "Suscipe" et "Anima Christi".
2. Samedi 11 juillet 1942
Le soir, J.F. est là, et K.B. Je vais chez elle dans l'après-midi.
Sa main droite est bandée. Elle a été percée peu de temps auparavant
dans la salle de bain. Le soir, les pieds. Pendant que nous jouons de la
musique, elle se tord de douleur. C'est une soirée terrible, entre la
musique de Mozart et la croix... Je rentre chez moi avec K.B... Durant
cette soirée, A. avait les mains bandées. J.F. pensa involontairement à
une stigmatisation...
3. 12 juillet 1942
Dimanche après-midi, J.F. s'en retourne. Je peux enfin parler avec
A. en tête-à-tête. Angoisse et honte sont les seules choses qu'elle
éprouve. Elle se sent comme au pilori, réellement "marquée". Entre-temps
quelque chose comme de la haine et de la révolte contre ceux qui l'ont
amenée là. En regardant ses plaies à la main, à l'intérieur et à
l'extérieur : "Maintenant vous m'avez enfin conduite jusque là. C'est là
que vous vouliez m'amener depuis toujours. Et vous êtes content que ce
soit allé si loin. Tout le monde me regarde maintenant. Et je suis tout à
fait seule et vous le laissez seule dans cette honte. Il ne me sert à
rien de parler avec vous". Devant les plaies, elle n'éprouve que de
l'horreur : le sang qui en coule (il y en a peu) n'est pas son propre
sang. Il lui semble si étranger. La douleur, surtout à la main gauche,
est insupportable; elle va et vient et ne cesse de se faire tout à coup
poignante. Elle peut décrire exactement le clou, le genre d'arêtes qu'il
a, etc. Où il passe entre les os. Il perce violemment; la tout petite
plaie qui est visible n'est aucunement comparable à la douleur. Les
pieds également font mal. Mais elle peut quand même marcher. Elle a les
deux mains dans un grand pansement par peur qu'elles ne se mettent à
saigner en présence d'invités. De temps en temps elle oublie, puis elle
voit soudainement ses mains en faisant un mouvement, s'effraie et les
cache derrière son dos. A la gare, elle veut faire signe de la main à
l'ami dont le train démarre, elle lève la main et s'effraie à nouveau :
c'est chaque fois faire à nouveau l'expérience qu'elle est proscrite.
"La lèpre", dit-elle.
4. Juillet 1942
... Elle doit porter des gants. Le lundi, elle porte des gants pour
s'occuper de ses clients, oublie un instant ses plaies, retire ses
gants. Une femme, catholique, cause avec elle. Tout d'un coup elle fixe
longuement ses yeux sur les deux mains et reste muette. A. avait mis ses
deux mains l'une à côté de l'autre. Elle prit peur et chercha à les
cacher comme si rien ne s'était passé...
Plus tard, de temps en temps, les plaies se font presque invisibles.
Ce n'est que si on connaît l'endroit qu'on peut remarquer un petit
point rouge. Leur apparition et leur disparition sont totalement
imprévisibles...
5. Août 1942
Je suis absent jusqu'au 18 août... En rentrant, j'apprends l'apparition
de la plaie au front. De nouveau beaucoup d'angoisse. A l'hôpital, les
Soeurs chuchotent. On voit les mains d'A. quand elle les désinfecte à
l'alcool. Les plaies sont alors cuisantes, mais sans correspondance avec
la douleur intérieure...
W. rentre chez lui; le deuxième jour, il découvre les plaies des
mains. Cela ressemble à des stigmates! ... Sur son ordre, elle lui
montre ses mains...
... La nuit après qu'elle eut montré ses mains à W., elle se leva
très agitée pour ouvrir la fenêtre. C'était très tôt le jour de
l'Assomption de Marie. Elle était perplexe sur le fait qu'on puisse voir
les plaies sans les comprendre comme signe de la grâce...
6. 20 août 1942
A. connaît une forte angoisse du fait que la plaie au front pourrait
rester nettement visible. La main gauche fait toujours très mal. La
plaie grandit peu à peu et laisse apparaître au bord une sorte de
lèvre...
7. 22 août 1942
A. est appelée à la police : une jeune fille a été victime d'un
accident. Un policier la reçoit en disant : "Ô docteur, vous êtes
vous-même blessée!" Les pieds saignaient à travers ses bas sans qu'elle
l'eut remarqué. Elle s'en effraya beaucoup car c'était la première fois.
Elle ausculta la jeune fille et l'emmena avec elle à l'hôpital. Là elle
voulut faire une suture. Alors ses mains commencèrent à saigner. (Cela
était déjà arrivé à plusieurs reprises à la consultation : elles
saignaient justement quand A. travaillait, souvent avec des gants en
caoutchouc transparents, ce qui causait de grandes taches bien
visibles). De là, elle va à sa consultation. Elle avait oublié que ses
bas étaient encore pleins de sang. Cet oubli lui semble un signe que
Dieu ne veut pas que tout soit anxieusement caché...
8. Août 1942
Les douleurs à la main, très particulièrement la main gauche, sont
insupportables. C'est un perçage de la main, comme si le clou n'arrivait
pas à passer tout simplement. Cela va infiniment lentement, comme au
ralenti. Comme si quelqu'un voulait passer son doigt à travers sa main
en appuyant et en perçant. Cela s'accompagne d'une souffrance toute
"morale", pleine d'angoisse. La couronne également la fait souffrir la
plupart du temps toujours au même endroit.
9. Septembre 1942
Les plaies des mains saignent maintenant souvent et de manière très
différente. Une fois la gauche seule. Puis de nouveau la droite seule.
Souvent lentement et continuellement. Puis formant des sortes de boules
de sang qui tombent quand elles ont atteint une certaine grosseur...
10. Octobre 1942
La nuit, son front saigne à nouveau. L'oreiller est plein de
taches... Les taches sur le front sont grandes et nettes. Elle a de
l'angoisse de rencontrer les gens. Mais à midi tout a de nouveau
disparu...
11. Novembre 1942
Un dimanche, vers minuit, A. a eu une conversation avec sa cousine
Md. qui vit chez elle depuis quelque temps. A. s'était levée une fois
encore et n'avait pas fait attention au fait qu'elle était nu-pieds. Md.
regarda tout à coup ses pieds : l'un saignait fort, l'autre était
cicatrisé. Elle demanda effrayée : "Qu'est-ce que c'est?" A. chercha à
éluder la question, mais elle était elle-même effrayée. Md. n'insista
pas. En fait, il y quelque temps, les plaies des pieds avaient été
totalement ouvertes. Presque toute la longueur du dos du pied était
ouverte et faisait très mal. Puis les plaies se refermèrent peu à peu,
elles sont maintenant plus petites...
En savoir plus : http://www.abbaye-stpaul-wisques.com/index.php?option=com_content&task=category§ionid=8&id=18&Itemid=38
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