Notre-Dame Consolatrice des Affligés (Luxembourg)

Notre-Dame Consolatrice des Affligés
(Luxembourg)

 

Depuis longtemps le peuple religieux du Luxembourg désirait voir s'élever, dans le voisinage de la ville, un sanctuaire spécialement consacré à la Mère de Dieu, et il espérait que la réalisation de ce vœu serait pour lui une époque de renouvellement dans la ferveur et le principe des bénédictions les plus abondantes.
Les Pères de la Compagnie de Jésus, en particulier, regardaient un tel établissement comme un moyen très-efficace pour inspirer, non-seulement à leurs écoliers, mais encore à toute la contrée, une tendre dévotion à Marie.
L'un d'eux, le P. Jacques Brocquardt, s'étant offert pour commencer la bonne œuvre, ses supérieurs accueillent avec joie sa proposition et lui donnent toutes les autorisations convenables.
Le Père choisit un des plus beaux sites qui soient aux environs de la ville, à un quart de lieue des remparts ; les propriétaires en font volontiers cession, et l'on en prend possession, en y érigeant une grande croix, le jour de la Présentation de la sainte Vierge, l'an 1624.
La même année, le jour de la Conception, les écoliers du collége de la Compagnie y portent en procession une Image de Notre-Dame, qui, attachée à la croix, devient aussitôt l'objet de la dévotion publique.
L'année suivante, on pose avec les solennités religieuses ordinaires les fondements de la chapelle, et l'on en presse ardemment la construction.
Tout-à-coup un fléau terrible qui répand ses ravages dans toute la province, une peste meurtrière fait suspendre l'ouvrage.
Pour comble de douleur, le P. Brocquardt, que son zèle rendait l'âme de l'entreprise, est lui-même atteint de la contagion, et se voit en peu de jours réduit à l'extrémité.
Il avait reçu les derniers sacrements, et l'on avait perdu toute espérance, lorsque, ranimant ses forces et sa confiance, il invoque Marie, la conjurant de vouloir bien lui permettre d'achever ce qu'il a si heureusement commencé, il fait ensuite vœu d'aller pieds nus de la ville à la chapelle, s'il obtient de sa bonté la grâce de la voir terminée, et d'y faire la première offrande en y portant un cierge, gage de sa reconnaissance.
Marie exauce sa prière.
Le feu qui le dévorait intérieurement se jette au dehors ; le charbon parait au côté droit, et l'inflammation se dissipe si subitement et, si heureusement, que le Père se trouve guéri aussitôt et en état d'agir.
Grande fut la joie de toute la ville, grand son étonnement.
On vit dans cette faveur éclatante le présage de celles que la Mère de miséricorde se préparait à accorder aux fidèles qui auraient recours à sa puissante protection dans le nouveau sanctuaire ; et dès-lors on décida qu'elle y serait invoquée sous le titre de Consolatrice des affligés.
La reconnaissance donnant un nouvel élan à l'activité du P. Brocquardt, il presse l'ouvrage avec une telle assiduité et un tel succès, qu'il voit enfin la chapelle achevée le 5 août 1627.
Cette chapelle est une rotonde de quatre-vingts pieds de circonférence, partagée par six arcades à plafond avec des pilastres de l'ordre dorique, couronnée par une belle voûte, à la naissance de laquelle une corniche fait le tour de la chapelle.
La porte est prise dans l'une des arcades : vis-à-vis s'élève l'autel, et dans le fond la statue de la Mère de Dieu.
C'est une vierge haute de trois pieds, portant l'enfant Jésus sur le bras gauche, tenant un sceptre et une clef d'or de la main droite, le diadème sur la tête, dans une attitude majestueuse qui exprime sa qualité de reine, et avec un air si gracieux et si doux, qu'il est difficile de mieux représenter la Mère et la Consolatrice des affligés.
Le saint sacrifice avait été célébré dans la nouvelle chapelle, dès le 5 août, fête de Notre Dame des Neiges.
Mgr l'évêque d'Azot, suffragant de son altesse électorale, la consacra le 10 mai de l'année suivante.
L'érection du pieux sanctuaire coïncidant avec la cessation du fléau, Marie est regardée comme l'étoile bienfaisante dont les influences salutaires ont dissipé l'air contagieux.
On se transporte en foule au pied de son Image, on lui offre les dons les plus précieux, on sollicite de nouvelles faveurs, on fait des processions, des neuvaines, des communions ; dès son origine, la dévotion à Notre-Dame des Affligés jette le plus grand éclat.
Marie, de son côté, montrait par des témoignages indubitables et frappants qu'elle agréait les hommages que la piété s'empressait de lui rendre en ce lieu.
Voici un des traits les plus remarquables de sa protection.
Une demoiselle de qualité, fille d'Adrien Goudius, procureur-général au conseil du roi à Luxembourg, déjà sujette, dès son enfance, à une triste complication de maux, devint paralytique de la moitié du corps.
Depuis douze ans, elle souffrait des douleurs si aiguës, que son existence était une sorte de prodige.
La paralysie s'étant jetée sur la langue, elle demeura muette l'espace de neuf ans et huit mois.
Enfin, elle en était venue à un tel état, soit d'épuisement, soit d'irritation, qu'elle tombait dans de grandes faiblesses dès qu'on la changeait de situation, et qu'elle souffrait de tout, même de la moindre agitation de l'air.
Cependant dans ce cœur affligé s'élève un vif sentiment de confiance.
Si je puis prier devant Notre-Dame, se dit-elle à elle-même, je serai guérie.
Elle demande par des signes réitérés qu'on la transporte dans le nouveau sanctuaire : mais des motifs de prudence font rejeter ses vœux et ses prières.
On lui rapporte qu'un soldat hérétique, fait prisonnier à la journée de Thionville, a tenu des propos injurieux à la Mère de Dieu, qu'il lui a refusé le pouvoir de faire des miracles et de secourir les misérables.
Elle en est vivement affectée.
Eh bien ! Vierge sainte, dit-elle intérieurement, comme elle l'a déclaré depuis, pour montrer ce que vous êtes et pour confondre les hérétiques, guérissez-moi.
Elle redouble d'instances, et elle s'engage par vœu à visiter deux fois chaque année sa chapelle, pendant l'Octave de la Nativité.
Elle s'adresse ensuite aux hommes, et réitère avec de si vives instances la demande d'être portée à la chapelle, que le médecin finit par y consentir.
On l'y transporte en effet avec des ménagements extraordinaires, le jour de la Nativité, et elle entend trois messes sans ressentir la moindre incommodité.
Encouragée par ce premier succès, elle obtient d'y être reportée le dimanche suivant.
La malade, qui n'avait pu jusque-là se mouvoir, se lève sans le secours de personne, se met à genoux à l'élévation, se tient le reste de la messe dans cette posture, communie, et fait ensuite, en s'en retournant, une partie du chemin à pied.
Le mercredi suivant, fête de l'Exaltation de la sainte Croix, elle parait, pour la troisième fois, à la chapelle, et conjure, avec un redoublement de ferveur, la divine Mère d'achever son ouvrage, et de lui rendre l'usage de la parole, afin qu'elle puisse bénir le Seigneur et confondre ses ennemis.
Elle éprouve ensuite de grandes douleurs, sans laisser cependant de communier et de solliciter très-affectueusement sa guérison, les yeux attachés sur celle dont elle implore le secours.
Pendant qu'elle prie, voilà qu'une lumière éclatante, pareille à un rayon de soleil qui perce tout-à-coup les nues, se répand sur l'autel et environne la sainte Image.
A cette vue, la demoiselle est saisie d'une sainte frayeur, et, levant les mains au ciel, elle prononce d'abord tout bas les saints noms de Jésus et de Marie, puis tout-à-coup elle s'écrie de manière à être entendue de tout le monde : 0 sainte Marie ! La guérison est complète : dès ce moment, elle parle avec autant de facilité que si jamais elle n'eût été muette, et elle ne cesse de raconter avec l'effusion d'une vive reconnaissance ce que Dieu a daigné opérer en elle par l'intercession de Marie.
Ce miracle, examiné et approuvé par l'ordinaire, contribua d'une manière merveilleuse à répandre la dévotion à la Vierge consolatrice.
D'autres faveurs dont celle-ci ne semblait être que le prélude, donnant au cœur un nouvel élan, les pèlerins venaient en foule visiter le pieux sanctuaire : le concours fut tel qu'on en compta, en quatre ou cinq mois, au-delà de 60,000.
Il fallut alors agrandir la chapelle.
On mit la main à l'œuvre, le 10 mai 1040, et l'on ajouta à l'ancien édifice un parallélogramme du même ordre d'architecture, dont la première rotonde ne fut plus que le vestibule.
Des lumières extraordinaires qui s'y firent voir de nuit en différents temps, selon le témoignage juridique de personnes dignes de croyance, prodige semblable à celui qui, selon Tursellin, illustra l'église de Notre-Dame de Lorette, montrèrent que la Vierge avait pour agréable le nouveau sanctuaire qu'on lui avait préparé et qu'elle voulait le rendre vénérable et saint aux yeux des peuples.
Il s'y opéra dans le cours de cette année 1640 une foule de miracles que l'autorité ecclésiastique examina et revêtit du sceau de son approbation.
On ne saurait se faire une idée du développement que prit alors la dévotion à Notre-Dame de Consolation.
Hélas ! le nombre des affligés est si grand sur la terre ! Avec quel empressement ceux qui avaient à gémir sur leurs propres malheurs ou sur ceux de leurs proches ne venaient-ils pas les épancher dans son cœur maternel et chercher dans sa bonté toute compatissante le remède ou le soulagement désiré !
Il n'y avait presque personne dans le pays qui n'y parût à son tour.
La vieillesse s'y traînait à pas lents ; l'enfance y accourait et semblait oublier à ses pieds sa légèreté naturelle : la maladie, les incommodités des chemins, la rigueur de la saison n'étaient point des motifs de se dispenser du pieux voyage ; la ferveur donnait des forces.
Plusieurs y venaient à jeun et de fort loin ; d'autres à pieds nus : on en voyait attendre avec une patience admirable l'instant heureux où, épuisés de lassitude, ils trouveraient dans les sacrements le seul remède et le seul soulagement que désirait l'ardeur de leur dévotion.
Les bourgs et les villes s'y rendaient processionnellement et semblaient rivaliser de zèle pour la gloire de la Mère de Dieu.
Les personnages les plus éminents par leur position sociale se faisaient un honneur et une joie de visiter le pieux sanctuaire, et de l'orner de leurs présents.
La piété avait embelli ce lieu sacré avec une magnificence et une profusion que nous ne saurions croire dans un siècle comme le nôtre, où la foi s'éteint tous les jours et où la charité se refroidit dans tant de cœurs.
Le zèle du P. Brocquardt n'avait, ce semble, plus rien à désirer sur la terre.
Il avait vu le culte de la Mère de Dieu prendre dans toute la contrée de si rapides accroissements, et le ciel le favoriser par des témoignages manifestes de bienveillance.
Cependant le fervent Religieux n'était point encore satisfait ; il savait combien le cœur humain est inconstant et mobile : il voulait donc rendre durable la dévotion que la Providence avait établie par son moyen, et en perpétuer les fruits dans les âges suivants.
Nulle voie ne lui parut plus propre à obtenir cet heureux résultat que l'érection d'une confrérie.
Les hommes passent, les sociétés restent ; il y a d'ailleurs dans toute association une force qui permet d'entreprendre et d'exécuter ce qui effraierait des individus isolés.
Il dresse donc le plan et les statuts de la nouvelle congrégation, sous le nom de Confrérie de la Mère de Jésus, Consolatrice des affligés, et les envoie à Rome, sollicitant leur examen et leur approbation du vicaire de Jésus-Christ, Innocent X, qui occupait alors la chaire de saint Pierre, lui accorde la grâce qu'il réclamait.
Il lui fait expédier un bref daté du 27 janvier 1652, dans lequel, après avoir loué la piété, le zèle et la religion des peuples de la ville et du pays de Luxembourg , il confirme la confrérie et l'enrichit d'un grand nombre d'indulgences.
La faveur accordée par le Saint-Siège donna encore comme un nouvel essor à la dévotion envers Marie.
Les pasteurs des âmes furent les premiers à se faire inscrire et à exhorter leurs ouailles à imiter leur exemple.
Les fidèles le firent avec empressement.
Non-seulement le peuple, mais les personnes de la plus haute distinction demandaient avec instance d'être reçues parmi les confrères : princes, comtes, marquis, barons, officiers-généraux, gouverneurs de provinces, magistrats et dames de la plus haute dignité semblaient regarder le registre de la pieuse association comme un livre de vie, et croire qu'en y inscrivant leurs noms ils se plaçaient parmi les prédestinés et les élus.
La dévotion à Notre-Dame Consolatrice s'étendit bientôt au loin : dans les villes, dans les provinces de Flandre on se procurait avec un saint empressement des images de la Vierge semblables à celle qui était à Luxembourg l'objet d'un culte spécial, on les plaçait dans des chapelles construites à ce dessein, et on leur offrait de pieux hommages.
La Mère de Dieu se vit honorée sous ce titre à Kevelaër, en Gueldre, à Douai, à Aire, à Cambrai, à Valenciennes, à Mons, à Ath, à Maubeuge, à Liége, à Namur, à Hui, etc.
Cependant des circonstances particulières donnèrent à cette dévotion, au pays où elle avait pris naissance, un nouveau degré de ferveur, et en firent comme un culte public et national.
Louis XIV, dans les belles années de son règne et de ses victoires, était sur le point de reprendre les armes contre les Pays-Bas espagnols, et il le fit en effet peu après avec succès.
Dans le cours d'une première campagne, les villes, frontières de la province de Luxembourg, étaient déjà tombées en son pouvoir.
La prise de la capitale lui ouvrait un chemin à de nouvelles conquêtes et lui assurait la possession de celles qu'il avait déjà faites.
Cependant Luxembourg, par un concours de circonstances qui étonnait tous ceux qui ne considéraient que les ressorts humains, était toujours respecté.
Le peuple si pieux de cette province fil honneur de cette protection spéciale du ciel sur lui, à Notre-Dame de Consolation qui, au milieu d'un pays tout en feu, conservait sa capitale tranquille, et bannissait au loin les horreurs de la guerre.
Le conseil du roi s'assemble le 27 septembre 1666, et choisit, par un décret perpétuel, Notre-Dame de Consolation pour patronne de la ville : les magistrats imitent un pareil exemple le 5 octobre, et le clergé dresse sur le même sujet un acte semblable.
Le 10 octobre est fixé pour la promulgation de ces décrets.
Le ciel semble concourir à embellir la solennité qui se prépare : le temps assez mauvais depuis trois jours, change tout-à-coup et favorise les apprêts de la fête.
L'Image de la Vierge est portée en procession au bruit de l'artillerie des remparts et au son de toutes les cloches de la ville, de la chapelle où elle réside habituellement dans l'église du collège, et elle y est placée sur un autel magnifiquement orné.
Le jour suivant, on décerne une sorte de triomphe à la Mère de Dieu.
Les fidèles qui font profession de lui rendre, eux aussi, un culte spécial, seront bien aises d'en voir ici le tableau.
Dès le matin, les cloches avaient rempli de leur son bruyant et joyeux toute la ville.
Sur les neuf heures, le Gouverneur et tout ce qu'il y avait de plus distingué parmi les citoyens se rendent dans l'église du collège où le saint sacrifice est offert avec la plus grande solennité.
Un orateur sacré monte en chaire et développe les avantages que la cité doit se promettre du choix qu'elle fait de Notre-Dame de Consolation pour sa patronne et termine en se consacrant avec ses auditeurs et toute la ville à cette puissante médiatrice.
Aussitôt après, le prélat officiant, accompagné d'un nombreux cortège de ministres sacrés, se rend devant l'Image vénérée.
Là, les deux principaux magistrats, le genou en terre, présentent au célébrant dans deux bassins de vermeil les clefs de la ville, et le Receveur offre de même une table d'argent où l'acte solennel qui se fait en ce jour est gravé et doit se transmettre aux âges futurs.
Le Prélat reçoit ces clefs au nom de Marie, et les dépose sur deux crédences couvertes d'un drap d'or où l'on voyait les armes du Gouverneur et de Luxembourg relevées en broderie : il place de même au pied de l'Image l'inscription gravée sur la table d'argent.
Au même instant, les cloches de la ville et le canon des remparts se font entendre : les cœurs sont saisis d'un saint enthousiasme ; des larmes de dévotion coulent des yeux des assistants et rendent témoignage de l'impression que fait sur eux une si touchante cérémonie.
L'après-midi était destiné à quelque chose de plus pompeux encore ; il fallait contenter un peuple avide de voir et d'honorer sa Reine et donner à la fête un théâtre plus vaste que l'enceinte d'un temple.
On transporte avec toute la pompe d'un vrai triomphe l'Image de la Vierge de l'église du collège à sa chapelle.
Les écoliers, rangés sous des étendards sacrés et chantant les louanges de Marie, ouvraient la marche.
Suivait un char de triomphe, traîné par des chevaux richement enharnachés.
Sur ce char paraissait, dans un trône magnifique, celle qui faisait l'objet de la fête, sous la figure d'une reine, le sceptre à la main et la couronne sur la tête, avec un manteau chargé de broderie d'or.
A ses côtés étaient assis deux anges dont l'un portait un étendard avec ces mots en lettres d'or : Maria Mater Jesu ; et l'autre, ceux-ci : Consolatrix afflictorum.
Au pied du trône était la ville de Luxembourg couronnée de tours à l'antique, revêtue d'un manteau ducal, chargée de ses armoiries et tournée vers la Vierge sainte en posture de suppliante.
A ses côtés on voyait deux Génies, dont l'un lui montrait l'écusson de la ville, et l'autre lui présentait des clefs dans un bassin d'or.
D'autres personnages allégoriques, ornaient encore ce triomphe : et dans ce temps de touchante simplicité, on ne craignait point de les emprunter à la Mythologie. Mars, enchaîné derrière le trône de la Reine triomphante, était assis sur un trophée d'armes, et deux Victoires sur le devant du char annonçaient par les inscriptions qu'on lisait aux banderolles de leurs trompettes le sujet du triomphe.
Sur l'une était écrit : Ob cives servatos ; et sur l'autre : Patrona civitatis Luciliburgensis.
A la suite du char venaient la Congrégation des messieurs, les bannières des paroisses, les corps de métiers avec des torches de dix livres, les religieux de tous les ordres établis dans la ville, le clergé nombreux de Luxembourg.
Ils précédaient la Statue miraculeuse portée sous le dais par les Jésuites et escortée par les magistrats et leurs officiers en grande tenue.
Des flambeaux sans nombre, des nuages d'encens, les armoiries de la ville, l'inscription gravée sur la table d'argent, ajoutaient à la splendeur de la cérémonie.
Pour professer publiquement que l'honneur rendu à la divine Mère revenait à son Fils, le saint Sacrement, porté solennellement par l'abbé de Munster, terminait la procession.
Le dais était accompagné du cortège nombreux et imposant de prêtres revêtus de leurs ornements sacrés, de gardes sous les armes, du Gouverneur de la ville, d'un groupe de seigneurs et de dames de distinction, et d'une multitude si considérable de peuple que les rues et les places pouvaient à peine la contenir.
Le premier reposoir que rencontra la procession, fut celui de l'hôtel de ville. II embrassait dans son ensemble et ses décorations toute la façade. Au-dessous d'une volute qui portait ces mots, indication du sujet : Succurre misera, s'élevait une estrade qui remplissait tout l'espace d'entre les deux tours, le long de la galerie.
Là, Notre-Dame était assise, avec un air de souveraine, environnée de quantité d'Anges.
Des personnages allégoriques, des Génies, représentant les citoyens, paraissaient à genoux devant elle, lui tendaient les mains, dans l'attitude de la frayeur.
Ils imploraient son assistance contre les ennemis qui les menaçaient de toute part. Mars en furie, le glaive en main, à la tête d'une troupe de guerriers armés, était prêt à fondre sur eux. D'un autre côté, la Peste, la Famine, l'Indigence, suivies de monstres hideux, présentaient leurs torches ardentes aux Génies alarmés. En même temps, de l'une des tours se faisait entendre un bruit confus de tambours, de trompettes et de timbales, qui sonnaient la charge, et de l'autre partaient incessamment des feux et des coups de tonnerre.
Un second reposoir tout en action comme le précédent, ouvrage des dames de Luxembourg, ornait la grande rue.
Le sujet en avait été emprunté aux divines Ecritures, et on l'avait exécuté sans mélange de mythologie.
L'emblème général se lisait dans ces mots, exposés en grands caractères aux yeux de la multitude : Da miki populum meum, pro quo obsecro.
Les personnages représentés étaient le roi Assuérus, assis sur son trône, au milieu de ses gardes et d'une brillante cour, qui tendait son sceptre à la reine Esther ; la Reine évanouie laissant pencher languissamment sa tête sur le sein d'une de ses suivantes, quantité de personnes consternées se donnant mille mouvements pour la soulager. Tout le monde était étonné de l'ordre et de la grâce qui régnaient dans cette scène muette.
Après quatre stations à des autels dressés d'espace en espace, la procession parvint à la chapelle.
L'entrée en était ornée d'un arc de triomphe à trois cintres.
Sur celui du milieu était un très-beau cartouche rappelant le sujet de la cérémonie, et sur les deux autres, les armes du roi, du gouverneur et de la ville.
La multitude immense qui honorait le triomphe de Notre-Dame de Consolation remplissait une grande étendue de terrain autour de la chapelle.
Là, dans le respectueux recueillement que lui commandaient la foi et la piété, elle prit part à la bénédiction solennelle qui se donnait dans l'intérieur ; elle adressa les prières les plus ferventes à la Reine des cieux, se dévouant à son culte avec un saint enthousiasme.
On y laissa la table d'argent destinée à rappeler aux générations futures le souvenir de cette grande journée, et la procession rentra dans la ville avec l'ordre parfait qu'elle avait tenu en se rendant au sanctuaire vénéré.
La piété est ingénieuse, elle sait parler aux yeux un langage muet, qui fait de bien plus vives impressions que celui qui frappe les oreilles.
Le peuple immense qui rentrait dans la ville fut agréablement surpris du changement qui s'était opéré aux deux reposoirs principaux, dont les décorations symboliques avaient charmé ses regards.
La scène d'Esther fléchissant Assuérus, représentée sur celui qu'on devait rencontrer le premier au retour, avait fait place à un autre sujet, tiré pareillement de l'Ecriture, et qui annonçait à la ville fidèle qu'elle avait obtenu l'objet de ses demandes.
On voyait reproduite sur la même estrade la chaste Judith, avec son glaive qui venait de délivrer Béthulie : près d'elle, sa servante tenait la tête du malheureux Holopherne. Une Victoire élevée couronnait l'illustre héroïne. Le pontife Ornas et les habitants de Béthulie venaient au-devant de leur libératrice, les uns avec des corbeilles de fleurs qu'ils répandaient en son honneur, les autres avec des parfums ou des instruments de musique ; tous étaient dans l'ivresse de la joie, tous la comblaient de louanges et de bénédictions. Le titre de l'action était indiqué par ces mots : Tu lœtitia Israël. Cette scène muette était encore l'ouvrage des dames de Luxembourg.
Devant l'Hôtel-de-Ville la scène était aussi bien changée.
Le personnage allégorique qui représentait la ville, était tranquillement assis sur les degrés du trône de son auguste souveraine qui le couvrait de son manteau royal, et les citoyens figurés par les Génies, debout et couronnés de fleurs, avec un air d'allégresse et de confiance, jouissaient des avantages de la douce protection de leur nouvelle patronne ; tandis que l'on voyait d'un côté Mars et toute sa troupe saisis de frayeur et terrassés sur les débris de leurs armes ; et de l'autre, la Peste, la Famine et les Furies renversées confusément les unes sur les autres. Les airs triomphants et les cris de joie qui se faisaient entendre des deux tours, formaient un beau contraste avec l'épouvante de ces monstres. Les voix soutenues par les instruments ne cessaient de répéter : Maria, Mater Jesu, Consolatrix afflictorum, Patrona civitatis Luciliburgensis.
La procession étant rentrée dans l'église du collège, la solennité se termina parle chant au Te Deum et la bénédiction du très-saint Sacrement. La fête cependant fut continuée pendant huit jours sans que la ferveur de ce bon peuple se ralentît jamais.
On regarda comme un effet de la protection de la Vierge sainte la découverte qui se fit peu de temps après d'une conspiration qui devait faire passer la ville sous le joug d'une domination étrangère, et la fin édifiante du principal conspirateur, qui eut recours à Notre-Dame de consolation et accepta le supplice qu'il méritait avec une parfaite résignation.
Tout le monde comprenait à Luxembourg qu'il fallait s'attendre à une guerre ouverte, et l'on n'omettait aucune des précautions que peut fournir l'art militaire.
Mais on comptait encore plus sur la protection de la Vierge sainte que sur les moyens humains.
L'Image miraculeuse fut transportée dans la ville, et exposée dans l'église du collège, où elle fut pendant huit jours l'objet d'une dévotion spéciale.
L'armée ennemie, campée ou en marche dans le voisinage, en voulait toujours à Luxembourg.
Cependant il semblait qu'à mesure que l'on priait dans la ville, les desseins les mieux concertés des ennemis échouaient.
L'on regarda en particulier comme un trait bien marqué de la protection de Notre-Dame sur la ville, que tandis qu'on lui faisait un service solennel sur la fin de décembre 1667, une pluie soudaine tomba avec une telle abondance, qu'elle changea en rivières les plus petits ruisseaux ; de sorte que l'ennemi qui venait surprendre la place par l'endroit qu'il savait être le plus faible, dut s'arrêter en chemin, ne pouvant pas passer la rivière d'Alser extraordinairement enflée.
Les succès prodigieux des armes ennemies tenaient toujours la ville en émoi et la portaient sans cesse à recourir au Ciel avec une ferveur nouvelle.
Une clef d'or de la grosseur de celle des portes lui avait déjà été offerte avec des cérémonies solennelles. Au commencement de janvier 1668, on fit une neuvaine où les militaires surtout consolèrent et édifièrent les citoyens par le spectacle de leur religion.
Ces prières ne furent point stériles ; la paix fut conclue pendant l'hiver, les armées congédiées l'été suivant.
Nous ne dirons pas qu'on fit honneur à Notre-Dame de consolation d'un si heureux événement ; nous ne nous arrêterons pas à décrire les fêtes que l'on célébra pour lui en rendre grâce ; d'après ce qui précède, on peut s'en faire une idée.
Les deux années qui suivirent sont encore célèbres dans les fastes de Notre-Dame de Consolation.
A la demande du clergé et des magistrats, l'évêque d'Azot, suffragant et vicaire général du prince électoral, archevêque de Trèves, ratifia les actes dressés pour obtenir que Rome confirmât le choix que la ville avait fait de Notre-Dame Consolatrice pour patronne spéciale.
La grâce fut obtenue et consignée dans un décret émané de la Congrégation des Rites, le 24 novembre 1668.
En conséquence, l'archevêque de Trèves ordonna par un mandement du 8 octobre 1669 qu'on célèbrerait tous les ans à Luxembourg la fête de Notre-Dame, patronne de la ville, le second dimanche d'octobre.
Ces décrets de Rome et de Trèves causèrent une joie qu'il serait impossible de décrire.
On les publia cette même année le second dimanche d'octobre avec tout l'appareil des cérémonies et l'enthousiasme qu'on avait déployé le jour où Marie fut déclarée patronne et celui où la clef d'or lui fut offerte.
Il arriva vers cette époque un évènement qui donna comme une nouvelle sanction à la dévotion dont Notre-Dame Consolatrice était l'objet, et aux prodiges qu'elle opérait en faveur des malheureux.
Une sorte d'esprit fort se raillait de la simplicité des bonnes gens qui croyaient tout ce qu'on disait des guérisons miraculeuses opérées dans la sainte chapelle.
On eut beau lui faire remarquer les preuves dont ces faits étaient accompagnés ; rien ne peut le faire revenir de ses préventions.
Dieu eut pitié de lui, il le frappa d'un mal sérieux à la jambe gauche ; les douleurs étaient si violentes et si continuelles qu'elles le mettaient hors de lui-même.
Il reconnut la main d'où partait le châtiment, et crut qu'il n'y avait point de remède plus efficace que de recourir à Notre-Dame.
Il le fit avec un vif regret des blasphèmes qu'il avait proférés, et promit de se rendre en pèlerinage à la chapelle miraculeuse.
La guérison du corps suivit de près celle de l'âme.
Il n'eut pas plus tôt invoqué la consolatrice des affligés, qu'il se sentit soulagé et peu après guéri.
Il vint ensuite à Luxembourg pour s'acquitter de sa promesse, et déclara juridiquement tout ce qui lui était arrivé, attribuant le mal dont il avait été atteint à la juste vengeance de Dieu, et sa guérison à l'intercession de Notre-Dame.
Il confirma sa déposition par une attestation que lui avait donnée un prélat témoin de ses discours scandaleux, et de la maladie qui les avait suivis de fort près.
La dévotion à Notre-Dame Consolatrice prenait toujours une nouvelle extension.
Toutes les villes du duché de Luxembourg et du comté de Chiny, excitées par une sainte émulation, voulurent en 1677 imiter la capitale et choisir chacune en particulier la même patronne.
La résolution en fut prise le 6 octobre par les trois états de la province et exécutée le 20 février de l'année suivante avec le plus grand éclat.
Bientôt les différentes paroisses de chaque ville voulurent aussi se mettre sous la protection de Notre-Dame comme les villes venaient de le faire.
Tous les habitants de chaque ville en particulier donnèrent leur suffrage, sans exception.
La requête appuyée par l'archevêque de Trèves et le prince de Liége fut favorablement accueillie à Rome, et le pape accorda le 22 mai 1679 une indulgence plénière pour toute l'octave de fêtes qu'on allait célébrer à la promulgation du décret et pour la mémoire anniversaire qu'on en ferait dans la suite.
La fête du patronage de Notre-Dame Consolatrice fut fixée au premier dimanche de juillet.
On y accourut non seulement des endroits les plus reculés de la province, mais encore de Trèves, de Metz, de Thionville, etc.
Impossible de décrire la magnificence des processions, des chars de triomphe, des arcs, des portiques, des trophées, des scènes et de tout l'appareil extérieur que ce bon peuple déploya pour témoigner de ses sentiments envers celle qu'il choisissait d'une manière spéciale pour sa souveraine et sa patronne.
On admira surtout la parure et les ornements de la Statue miraculeuse.
La princesse de Chimay, épouse du gouverneur de Luxembourg, n'avait rien épargné pour la décorer d'une manière qui répondit à sa tendre piété et à son dévouement sans bornes.
Les diamants qui formaient sa couronne étaient estimés plus de cent mille livres.
Mais ce qu'il y eut de plus remarquable, c'est le bel ordre, l'esprit de foi, la ferveur qui régnait dans un si prodigieux concours de peuple.
L'évêque d'Hiérapolis, suffragant de Trèves, à la tête du clergé, le prince de Chimay, avec tous les officiers du premier ordre, les membres du conseil du roi, les principaux magistrats, les députés des dix-huit villes de la province s'étant réunis dans l'église du collège, on y lut les lettres de confirmation obtenues de Rome.
L'orateur prononça ensuite la formule par laquelle toutes les villes et toutes les paroisses du duché de Luxembourg et du comté de Chimay prenaient Notre-Dame Consolatrice pour leur patronne spéciale.
Les assistants, touchés jusqu'aux larmes, s'unissaient de tous les sentiments de leurs cœurs aux paroles de la formule.
Au signal donné par une musique bruyante et par la triple décharge des armes de deux cents congréganistes apostés devant l'église, le bruit des canons et des cloches, en répandant au loin la nouvelle de éprouver à qui fixait l'attention de toute la province, fit l'événement la multitude incroyable qui remplissait la place et les environs de l'église, les mêmes transports, la même émotion que la formule prononcée dans le lieu saint avait excités dans l'auditoire.
Mais, comme l'observe sagement l'ancien historien de Notre-Dame Consolatrice, ce qui donna le plus beau lustre à cette solennité, ce fut le nombre prodigieux des personnes qui approchèrent des sacrements.
Les confesseurs y suffisaient à peine : dans la seule église des PP. Récollets on en compta jusqu'à trente continuellement occupés à entendre ceux qui se présentaient ; et il se distribua pendant l'Octave plus de quarante mille hosties.
Dans les temps qui suivirent, cette dévotion se soutenait toujours, et continuait à produire des fruits abondants de grâce et de salut.
L'historien de la chapelle attestait, en 1724 , que cent ans après que la dévotion à l'Image miraculeuse avait été introduite, on avait la consolation de voir encore, parmi le peuple de la province de Luxembourg, la même ferveur, la même confiance, le même empressement à honorer son auguste patronne, qu'on avait vus dès le commencement.
Un second éditeur qui a conduit l'histoire du sanctuaire vénéré jusqu'en 1769, ajoute qu'on remarquait toujours la même confiance dans les peuples envers celle qu'ils avaient choisie pour patronne, la même générosité dans les offrandes qu'ils lui faisaient.
Citons les paroles par lesquelles il termine le second livre :
« Pendant tout le cours de l'année, sa sainte chapelle est très-fréquentée. On y vient de toutes parts implorer sa protection. Les trois autels ne suffisaient point au grand nombre des prêtres qui y viennent célébrer : on a été obligé d'en ajouter un quatrième.
C'est surtout pendant l'Octave que le concours est également prodigieux et édifiant. Il faut en avoir été le témoin pour s'en former une juste idée. L'église du collège, où la veille on transporte avec pompe l'Image miraculeuse, ne se désemplit pas. Chaque jour plusieurs villages entiers, ayant leurs pasteurs à leur tête, s'y rendent en procession, le chapelet à la main, et il se dit ordinairement, pendant cette Octave, treize à quatorze cents messes. Tous les confesseurs de la ville ne suffisent point à la foule des pénitents. Le nombre des communions est presque incroyable. Il n'y avait auparavant indulgence plénière que le dimanche dans l'Octave. La trop grande multitude des communiants a engagé le souverain Pontife à l'accorder pour chacun des jours de l'Octave que l'on choisirait à cet effet.
« Il est encore des pèlerinages fréquentés : mais quelquefois les divertissements y succèdent aux exercices de dévotion. Dans celui-ci, nul divertissement. Point de danses, point de festin, point de jeu. La seule piété que l'on voit avec attendrissement peinte sur le front des pèlerins les amène.... »
On n'est point étonné de la dévotion des peuples envers Notre-Dame de Luxembourg, quand on lit le détail des prodiges de miséricorde par lesquels elle se plaisait à récompenser la confiance de ses serviteurs. L'historien de la chapelle en raconte un très-grand nombre, opérés dans l'espace de sept à huit ans, de l'an 1639 jusqu'en 1647, en les faisant précéder de l'attestation donnée par l'évêque d'Azot, suffragant et vicaire général de l'archevêque de Trèves.
Depuis ce temps-là, ajoute-t-il, les miracles se sont tellement multipliés, et ont été si connus de fout le monde, qu'il n'a pas jugé qu'il fût nécessaire de les écrire ; ce qui excite, et avec raison, ses regrets et ses plaintes.
Cependant son zèle et ses recherches lui ont fait découvrir des traces et des témoignages d'une multitude d'autres faveurs prodigieuses qu'il joint au récit précédent.
Nous nous contentons d'en citer deux exemples, le premier arrivé dans la première période indiquée, c'est-à-dire de 1639 à 1647, le second en 1719.
Une demoiselle de Luxembourg, nommée Catherine Voltkringer, était accablée d'infirmités.
Des fluxions malignes, un refroidissement de cerveau, un mal de tête continuel, accompagnés de vertiges, des maux d'oreilles et d'affaiblissement d'yeux, la goutte aux pieds et aux mains, une contraction de nerfs, des coliques fréquentes et une gravelle habituelle la tourmentaient depuis quarante ans, sans qu'elle trouvât d'autre adoucissement à cette complication de douleurs que celui que lui fournissaient sa résignation et sa patience.
Elle avait eu recours aux médecins ; plus de dix docteurs avaient épuisé les secrets de leur art sans pouvoir vaincre la maladie : la cure en était réservée à Notre-Dame de Consolation.
Comme on reportait un jour l'Image miraculeuse de l'église du collège à la chapelle, la malade attirée par la pompe avec laquelle se faisait la cérémonie, distingua, quoiqu'avec peine, la statue révérée.
Pénétrée de douleur de ne pouvoir se joindre à la procession et la suivre avec la foule empressée, elle dit à Dieu avec une naïveté qui lui est si agréable, parce qu'elle est le caractère d'une âme toute à lui :
« Souveraine Majesté et bonté de mon Dieu, vous savez combien je désire d'assister au triomphe de la très gloriouse Mère de votre Fils, mon Sauveur ; mais puisque je n'en ai pas les forces, je vous offre du fond de mon cœur, la ferveur, la dévotion et la joie de ce grand monde que je vois assemblé pour lui faire cortège, et je ne m'en réjouis pas moins que si j'en pouvais faire autant à la bénite Mère de Dieu.
Elle n'a pas plus tôt fait cette prière, qu'elle se sent fortement inspirée de suivre la procession, ne doutant point que la Vierge sainte ne lui obtienne les forces nécessaires pour contenter sa dévotion.
Elle essaie donc de se mettre en mouvement et le succès secondant ses efforts, elle arrive, quoique avec bien de la peine, jusqu'à la chapelle.
Au retour sa foi est mise à une terrible épreuve.
Tous ses maux l'attaquent à la fois avec une étrange violence.
Mais sa protectrice la soutient dans cette circonstance.
La malade est persuadée que cette crise est le dernier assaut que lui livre la complication de maux et d'infirmités à laquelle elle a été si longtemps en proie.
Et, en effet, revenue au logis, elle se trouve délivrée de toute douleur et dans une santé parfaite.
Qu'on juge de l'étonnement de tout ce qui l'approche.
Ses domestiques peuvent à peine en croire leurs yeux.
Mais ce qui mit le sceau à la grâce reçue, et ce qui en fut le couronnement, c'est que la santé fut constante et que la Vierge Consolatrice ne fut pas moins bénie et glorifiée pour la conservation du bienfait qu'elle l'avait été pour l'avoir accordé.
Ce fait, qu'on ne saurait expliquer naturellement, est un de ceux qui furent rigoureusement examinés par ordre de Mgr d'Azot et publiés avec son autorisation.
Celui qui va suivre a quelque chose de plus extraordinaire encore.
Une demoiselle de Boudresie en Lorraine, nommée Jeanne Jolivet, et âgée de 31 ans, avait été frappée d'une attaque d'apoplexie qui, s'étant tournée en paralysie, l'avait rendue percluse de tous les membres du côté gauche, avec une affreuse contorsion du pied, qui était tout tourné en dedans.
Depuis environ dix-huit mois, elle était dans ce triste état, ne pouvant monter ou descendre quelques marches qu'avec un secours étranger et mettant plus d'une heure à se traîner, à l'aide de béquilles, jusqu'à une église peu éloignée.
Les médecins ayant déclaré qu'il n'y avait point lieu d'espérer que les remèdes naturels et humains lui rendissent la santé désirée, la malade avait fait vœu de se faire transporter à la chapelle de Notre-Dame de Consolation près de Luxembourg.
Elle résolut au mois de mai de l'année 1719 d'accomplir son engagement.
Elle part donc le 12 assise ou plutôt couchée sur un cheval et accompagnée de quatre personnes sans cesse occupées de la soutenir, pleine de courage et de confiance en l'intercession de la Vierge toute-puissante, au point de dire dans le trajet : Je m'en vais à cheval, et j'espère revenir à pied.
Le lendemain 13, samedi dans l'octave de la grande solennité de Notre-Dame de Consolation, elle arrive vers les six heures du matin à l'église des jésuites, où, selon la coutume, la statue miraculeuse était exposée à la vénération publique.
Elle se traîne dans l'église, avec le secours des personnes qui l'ont accompagnée.
Elle entend la messe, se confesse en se tenant debout, et reçoit ensuite la sainte Eucharistie dans la même posture, son incommodité ne lui permettant pas de se mettre à genoux.
Elle entend encore quatre autres messes, et sort enfin de l'église à l'aide de ses béquilles, sans avoir reçu aucun soulagement, mais aussi sans avoir rien perdu de sa confiance.
Vers les trois heures elle retourne dans le lieu saint, et continue de prier la consolatrice des affligés.
Aux litanies qui se disent après six heures, immédiatement avant la bénédiction du Saint Sacrement, elle éprouve des frissons et une sueur qui se répand par tout son corps.
Bientôt elle s'aperçoit que la chaleur vitale se communique à tout le côté gauche, qui était comme mort auparavant ; les forces lui sont revenues ; le mouvement est rendu au bras, à la jambe, à tout le côté paralysé : son pied, de tordu et recourbé en dedans, se trouve parfaitement redressé et dans sa situation naturelle.
Quelle joie ! quel transport ! elle tombe à genoux, elle s'humilie, elle baise la terre pour adorer Dieu, et se levant sans peine, elle marche droite et sans béquilles jusqu'au balustre qui environne la statue miraculeuse, où, le cœur inondé de joie, elle rend avec larmes ses actions de grâces à sa bienfaitrice.
Laissant ensuite ses béquilles à côté de l'autel, en témoignage du bienfait reçu, elle sort de l'église pleine de vigueur et de santé, accompagnée d'un peuple ravi qui crie au miracle.
Le lendemain, jour de l'octave, où l'on rapportait processionnellement et avec grande solennité la statue miraculeuse de l'église des jésuites à sa chapelle, on voit cette bonne fille suivre pieds nus et un cierge à la main, le triomphe de sa bienfaitrice.
Après avoir fait avec serment aussi bien que les personnes qui l'ont accompagnée dans son pèlerinage, une déposition solennelle de ce qui précède, entre les mains du magistrat de la ville, elle retourne sans peine à pieds nus, comme elle l'avait voué, à son village de Boudresie, distant de sept à huit lieues, et elle se trouve, à son arrivée, moins fatiguée du pied gauche nouvellement guéri que du pied droit.
C'est à Notre-Dame de Luxembourg que le chef de bataillon Dieudonné Potot obtint une faveur qui avait été mise comme condition à son entrée dans la carrière ecclésiastique.
Blessé d'un coup de feu à Manheim, en 1796, et conduit aux portes de la mort, il avait eu le bonheur de se rétablir assez pour marcher avec des béquilles.
En 1809, il se fit transporter à Notre-Dame de Luxembourg, pour y demander sa guérison. 
Aux approches de la cité, à la vue des tours de l'église où se conserve l'Image miraculeuse, le pèlerin éprouve une sensation inconnue, un irrésistible désir de marcher sans appui.
Il obéit à cette voix intime, et marche aussitôt et sans peine jusqu'au pied de l'autel de sa bienfaitrice, où il laisse ses béquilles pour gage de sa subite guérison. 
Plus tard, il entreprenait un second pèlerinage au même sanctuaire, y portant un cœur en vermeil pour remercier la Vierge sainte des grâces qu'il avait obtenues par sa médiation.
Promu au sacerdoce, chanoine de Metz, et enfin religieux de la Compagnie de Jésus, il fut l'âme d'un grand nombre de bonnes œuvres, et s'endormit dans le Seigneur, le 2 mai 1837, joyeux d'avoir vu commencer le beau mois de Marie, dont il avait, de son lit de mort, aidé à régler les exercices.
En savoir plus :

Neuvaine a l'honneur de Notre-Dame de Luxembourg invoquée sous le titre de Notre-Dame de Consolation ou Consolatrice des Affligés




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