Notre-Dame de Bourbourg

Notre-Dame de Bourbourg



Notre-dame de Bourbourg était célèbre longtemps avant le XIVe siècle.
Dès lors les grâces nombreuses qu'on recevait aux pieds de ses autels attiraient déjà la foule des peuples autour de son image vénérée.
Cette célébrité s'accrut encore à l'occasion des miracles opérés en 1383.
Charles VI, roi de France, venait de faire la paix avec les Anglais, qui, sans aucune déclaration de guerre, s'étaient emparés de Bourbourg. Grâce aux soins du duc de Bretagne, la capitulation avait été favorable aux ennemis de la France. Il leur avait été permis de quitter Bourbourg avec armes et bagages. Des conditions si avantageuses mécontentèrent l'armée française ; elle en murmura ; et bien qu'on lui eût accordé le pillage de la ville de Bourbourg, à l'exception des églises qu'elle devait respecter, elle ne s'en tint pas aux maisons particulières. Les soldats se répandirent partout et commirent mille horreurs. Animés sans doute par la haine que venaient de réveiller les guerres de leur province entre Charles de Blois, soutenu par la France, et le comte de Montfort, qu'appuyait l'Angleterre, les Bretons surtout se distinguèrent par leurs excès.
L'un d'eux ayant aperçu, dans l'église paroissiale, dont les portes avaient été enfoncées, l'image de la très-sainte Vierge où brillait une pierre précieuse, monte sur l'autel pour dérober ce joyau ; mais l'image se retourne aussitôt avec violence ; le soldat renversé tombe sur le pavé de l'église où il se fracasse la tête et meurt. Un autre soldat, peu touché de cette mort funeste, porte à son tour sur la sainte image une main téméraire. Aussitôt les cloches sonnent d'elles-mêmes, et le soldat épouvanté n'ose consommer son sacrilège. Cela se passait le 19 septembre de l'année 1383.
Le 26 septembre de la même année, un autre soldat voyant l'image vénérée de Notre-Dame de Bourbourg, et s'imaginant qu'elle était d'or, se prépare à l'enlever comme un riche butin. Il reconnaît bientôt qu'elle n'est que de bois doré ; alors sa cupidité trompée se change en fureur ; dans sa rage, il tire son glaive, et en frappe la sainte image. De la blessure il jaillit du sang ; le soldat impie est renversé ; il meurt dans des convulsions horribles. Le sang, miraculeusement sorti de l'image, fut recueilli par une pieuse femme qui priait non loin de l'autel. Le linge dont elle se servit pour essuyer la plaie, se conserva dans l'église de Bourbourg jusqu'en 1569, époque où les calvinistes ravagèrent le pays, et brûlèrent toutes les saintes reliques qui tombèrent sous leur main sacrilège.
C'est donc de l'année 1385, que date la grande célébrité de Notre-Dame de Bourbourg ; ces miracles en ont été l'occasion.

Un beau génie, malheureusement trop célèbre par les égarements de son incrédulité, a dit, dans un de ses moments lucides : « Dieu peut-il faire des miracles ? Cette question, sérieusement traitée, serait impie, si elle n'était absurde. Ce serait faire trop d'honneur à celui qui la résoudrait négativement que de le punir ; il faudrait l'enfermer. » Rejeter un fait, uniquement parce qu'il serait en dehors des lois de la nature, ce serait donc abdiquer la raison, et tomber dans l'absurde.

Mais, dira-t-on, comment constater un fait miraculeux dont on n'a pas été le témoin oculaire ? — Comme on constate tous les faits historiques, par l'autorité des témoignages et des monuments : les faits ne se prouvent pas autrement.
Or, ces faits miraculeux dont nous venons de parler, ces faits qui, par leur nature, n'ont pu passer inaperçus ; contre lesquels, s'ils eussent été faux, on n'eût pas manqué de protester, et dont il aurait été facile au premier venu de démontrer la fausseté, s'ils avaient été inventés à plaisir, sont appuyés sur des témoignages nombreux ; et ces témoignages forment comme une chaîne non interrompue, au moyen de laquelle on remonte de notre époque à l'époque où ces miracles ont été opérés.
Et d'abord les archives de l'église de Bourbourg en faisaient foi ; on n'avait pas manqué d'en tenir acte au moment de l'événement. Ces archives, il est vrai, sont perdues ; elles ont été dispersées, anéanties par le souffle des révolutions dont la ville de Bourbourg a été souvent le théâtre et la victime. Mais le dominicain Abraham Bzovius, le continuateur des Annales de Baronius, nous a conservé le texte même des archives où il est question de ces miracles. Après avoir parlé d'une manière fort succincte du prodige, il ajoute : "Je crois bon, pour inspirer aux Iconoclastes une salutaire frayeur, de raconter le fait dans tous ses détails, tel qu'il se lit dans les archives de l'église de Bourbourg»
Il se trouve ici, dans l'église principale, une sainte image sculptée pour honorer les couches de la bienheureuse Vierge Marie.
Sa seule vue inspire le respect, à cause de je ne sais quelle expression céleste qui frappe les regards.
Un des soldats de Charles VI, roi de France, Breton de nation, la croyant d'or, tandis qu'elle n'était que dorée, saisit son poignard et l'en frappe avec fureur, comme si elle eût pu être sensible à ses coups. O prodige ! à l'instant même un sang vermeil en jaillit ; la sainte image en fut toute baignée ; on le vit couler comme d'un corps humain qui aurait reçu la même blessure. Cependant une pieuse femme qui honorait particulièrement la sainte Vierge, et qui, pleine de la crainte de Dieu, passait souvent, comme autrefois Anne fille de Phanuel, le jour et la nuit en prière dans l'église, se dirige par hasard vers la chapelle de Marie pour y prier suivant sa coutume. A la vue de ce sang qui coule de l'image vénérée, elle s'arrête un instant immobile. Revenue à elle-même, elle s'approche, et, détachant de sa tête le voile qui la couvrait, elle en essuie la blessure qu'avait reçue la sainte image. Elle ne put cependant pas l'essuyer de manière à effacer tout le sang ; on en découvre encore quelques traces aujourd'hui. De retour chez elle, cette femme eut beau laver plusieurs fois son voile ; jamais elle ne parvint à faire disparaître le sang qu'elle avait recueilli ; il lui eût été plus facile de blanchir la tête d'un nègre que son voile. On le conserve encore aujourd'hui dans le trésor de l'église, et on le vénère comme une relique précieuse. Quant au soldat sacrilège, il n'eut pas plus tôt frappé la sainte image qu'il tomba à la renverse. Après d'horribles convulsions, il mourut misérablement, et il reçut ainsi la digne récompense de son crime. Son cadavre fut traîné hors de l'église ; on l'exposa au milieu de la place pour qu'il fût dévoré par les chiens. Mais contre l'instinct de leur nature, pas un ne le toucha ; ils semblaient en avoir horreur, et le regarder comme une proie indigne d'eux. La main qui avait porté le coup se tenait toujours dressée ; en vain chaque soir la recouvrait-on de terre ou de fumier, le lendemain matin elle reparaissait à découvert. On ne put ni la rompre ni la faire dévorer par les chiens ; elle était là comme un témoignage visible du crime que ce malheureux avait commis. Au bout de deux ou trois jours, le cadavre fut attaché à la queue d'un cheval ; on le traîna hors de la ville, et il fut précipité dans une vieille citerne, non loin du jardin qui appartenait alors à la compagnie des arbalétriers de Saint-George. »
L'historien Froissard, né à Valenciennes en 1333, a été contemporain de l'événement. Après avoir raconté dans sa chronique que Charles VI se trouvait sous les murs de Bourbourg avec le duc de Berry, le duc de Bourgogne, le duc de Bretagne, le duc de Bourbon, le comte de Flandre et le connétable de France, Froissard parle du traité auquel le duc de Bretagne besogna pour les Anglais grandement ; du mécontentement de l'armée et surtout des Bretons. Puis il ajoute : « Le jeudi au matin entra le roi de France dedans Bourbourg, et aussi firent tous les seigneurs et leurs gens. Si commencèrent les Bretons à piller la ville ; et riens n'y laissèrent, n'en une église de sainct Jehan.
En laquelle église un pillard, entre les autres, monta sur un autel, et vouloit à force oster une pierre qui estoit en la couronne d'une image faite à la semblance de Notre-Dame. Mais l'image se tourna : — ce fut chose toute vraie, — et le paillard renversa devant l'autel, et mourut de male mort. Celuy miracle virent moults de gens. Derechef un autre vint qui voulut faire à cest image chose pareille ; mais toutes les cloches sonnèrent à une fois sans ce que nul y meist la main : on ne les y pouvoit mestre, car les cordes estoient retirées et attachées à mont.
Pour ces miracles fut l'église fort visitée de tout le peuple et donna le roy à l'image de Notre-Dame un grand don ; et aussi firent tous les seigneurs ; et celuy jour, y fut bien donné trois cents livres. »
Le religieux de Saint-Denys, et Jean Juvénal des Ursins, dans leur Histoire de Charles VI, Robert Gagnien dans son livre, Rerum Gallicarum annales, Antoine Meyer, dans ses Annales, Le Marchand, dans sa description de la Flandre, Sueyrus, historien espagnol, font mention des mêmes prodiges.
Dans le Calendrier historique de la glorieuse Vierge Marie, composé par Vincent Charron et dédié à Gabriel de Beauveau, évêque de Nantes, on lit, sous la date du 19 septembre : « La ville de Bourbourg ayant été prise par les Français, à tel jour, l'an 1383, un Français entra dans l'église de Notre-Dame à dessein de prendre une belle grosse perle qui était en la couronne de la Vierge sacrée, et s'efforçant de mettre la main dessus, il aperçut l'image de la Vierge que lui tourna le dos, dont il fut si épouvanté qu'il en tomba à la renverse et se rompit le cou. (Page 639.) »
Le même auteur, à la date du vingt-sixième jour de septembre, cite comme autorité Le Marchand ; et il dit : « L'an 1383, les Français ayant pris la petite ville de Bourbourg, arriva quelques jours après, savoir est le 26 septembre au dit an, qu'un certain Breton débordé, entrant dans l'église de la paroisse, et transporté de je ne sais quelle manie, donna quelques coups de poignard au sein d'une image de la Vierge, d'où incontinent saillit du sang abondamment, et le sacrilége tomba roide mort sur la place. Dès-lors cette église a toujours été fort fréquentée du peuple et honorée d'une grande quantité de miracles. (Page 634.) »
Le Père Antoine de Balinghem, dans ses éphémérides de la sainte Vierge, et sous les mêmes dates, cite les mêmes faits.
A ces témoignages déjà si nombreux nous pourrions joindre ceux de Nicolas Harpsfeldius, dans son Histoire des Wiclefistes ; d'Arnoult, dans ses Fleurs et exemples ; de Rainaldi et Sponde, qui sont auteurs, comme Brovius, d'une continuation des Annales de Baronius ; du Père Mallebrancq, dans son histoire De Morinis ; du Père Poiret, dans sa Triple couronne ; du Père Courcier, dans son livre Negotium sœculorum Maria ; du Père Guillaume Gumppemberg, dans son Atlas Marianus ; de George Colvenere, Prévost de Saint-Pierre, à Douay, dans son Calendarium sanctissimœ Virginis Mariœ ; de Christyn et Foppens, dans leurs Délices des Pays-Bas ; du Père Berthier, dans son Histoire de l'Eglise gallicane. Nous nous contenterons de citer encore M. de Barante, dans son Histoire des ducs de Bourgogne, imprimée en 1824 : « Les Anglais, dit-il, partirent emmenant leurs bagages ; cela faisait un grand chagrin aux Bretons, tellement que ceux des Anglais qui tardèrent un peu en arrière n'étaient pas en sûreté. La ville de Bourbourg en souffrit aussi ; elle fut toute pillée ; les Bretons se répandirent même dans les églises. Un d'entre eux monta sur l'autel de l'église de Saint-Jean, pour arracher une pierre précieuse de la couronne de la statue de la sainte Vierge : mais l'image, dit-on, fit un mouvement, et le sacrilége tomba raide mort sur le pavé. Un autre voulut encore prendre ce diamant, aussitôt toutes les cloches sonnèrent. Ces prodiges furent rapportés au roi Charles VI, qui vint en cette église et fit de beaux présents à l'image de Notre-Dame. Autant en firent les principaux seigneurs de l'armée, et toute la foule se porta bien dévotement dans la chapelle. »
Ces témoignages, qui depuis cinq cents ans ont été répétés, admis sans contestation par des hommes sérieux, des historiens graves, sont encore corroborés par une foule de monuments aussi étroitement, aussi nécessairement unis à la réalité de ces faits prodigieux que la conséquence à son principe, l'effet à sa cause. Tous les historiens nous parlent du concours immense de peuple qui se faisait à Bourbourg depuis cette époque 1383. On y accourait de tous les coins de la France. Les grands se mêlaient aux petits, les rois à leurs sujets. Ils étaient attirés par le bruit des miracles et par les grâces nombreuses qu'on recevait dans le sanctuaire de la Vierge.
On institua une neuvaine de prières qui, tous les ans, depuis l'année 1383, se fait dans l'église paroissiale de Bourbourg, en mémoire des miracles opérés par Marie.
Cette neuvaine n'a été interrompue que dans les mauvais jours de notre révolution. Elle commence le troisième dimanche de septembre. Gramaye nous apprend qu'elle commençait autrefois le sept du même mois ; et pendant ces neuf jours les habitants de Bourbourg avaient le privilège de s'approcher les premiers à l'autel pour y déposer leur offrande. On voulait par là les honorer, comme la sainte Vierge avait paru le faire elle-même, en exerçant au milieu d'eux sa puissance d'une manière si extraordinaire.
C'est aussi à l'occasion de ces prodiges que le roi de France, les ducs de Bourgogne, de Bretagne, de Vendôme et de Berry, firent de riches offrandes à Notre-Dame de Bourbourg. « Ils s'efforcèrent ainsi, dit Sanderus, de décliner toute complicité dans le sacrilège commis récemment par le soldat Breton qui avait osé frapper de son glaive l'image vénérée de la Vierge-Mère. Ainsi voulurent-ils éloigner de leur tête la vengeance divine qui devait provoquer un pareil attentat. »
Froissard, De Balinghem et quelques autres ne parlent que de trois cents livres, somme considérable pour ce temps-là. Mais Sanderus nous apprend qu'au moyen des largesses répandues par le roi de France, et les ducs de Bourgogne, de Bretagne, de Vendôme et de Berry, l'église de Bourbourg reçut de grands embellissements. La partie du chœur qui se termine en voûte a été construite à cette époque ; on éleva aussi un jubé, avec une galerie qui s'étendait à droite et à gauche, et qui était fermée par une balustrade à colonnes d'airain.
Sanderus fait encore mention d'un hospice bâti aux frais des ducs de Vendôme, peu de temps après le miracle, vers 1585. Gramaye nous apprend la même chose dans ses Antiquités Belges. Les pèlerins affluaient à Bourbourg de toutes les parties du royaume, pour y honorer l'image de laquelle avait jailli du sang ; et le but que se proposèrent les princes, en élevant cet hospice, fut de procurer, surtout aux pèlerins les moins favorisés des biens de la fortune, un abri où ils pussent passer la nuit. Des laïcs mariés étaient, dans le principe, attachés au service de cet établissement. Bientôt ils absorbèrent pour eux-mêmes les biens qui, dans l'intention des fondateurs, devaient être appliqués aux étrangers, et en 1456, Henri de Lorraine, évêque de Térouane, leur substitua, pour couper court à ces abus, des personnes pieuses du tiers-ordre de Saint-François. C'étaient elles qui, du temps de Sanderus, desservaient encore cet hospice et prenaient soin des malades et des pèlerins.
Le linge qui avait servi à recueillir le sang miraculeux a été conservé avec soin dans le trésor de l'église ; pendant plusieurs siècles il a été vu et vénéré à Bourbourg. Nous l'avons déjà dit, cette précieuse relique n'a été perdue qu'en 1569, à la suite des ravages causés par les Calvinistes de Flandre. Le poignard avec lequel a été commis l'attentat se voit encore de nos jours dans l'église paroissiale ainsi que la statue miraculeuse. La Providence n'a point permis que la ville de Bourbourg fût privée de ce trésor ; j'ai eu le bonheur de vénérer moi-même cette sainte image ; j'ai baisé avec respect la blessure dont elle conserve la trace.
Appuyés sur une tradition si constante, et des témoignages si nombreux, constatés par des monuments dont quelques-uns frappent encore nos regards, ces faits, tout prodigieux qu'ils sont, soutiennent donc l'examen d'une critique sévère, et on ne peut raisonnablement les révoquer en doute.
Les historiens que nous avons cités, parlent, sans les raconter en détail, du grand nombre des miracles qui se sont opérés dans la chapelle de Notre-Dame de Bourbourg. En voici quelques-uns, tels qu'on les lisait dans les archives de l'église.
En 1383 , pendant le sac de Bourbourg par les Français, un soldat ayant forcé le tronc qui renfermait les aumônes de l'église de Saint-Jean, fut renversé. Il se relève et veut sortir de l'église. Au même moment il est comme saisi par une main invisible qui le transporte en un clin-d'œil jusqu'à la voûte ; lancé bientôt avec violence contre terre, il expire misérablement.
En 1461 une malheureuse fille, pour échapper au déshonneur, avait fait périr le fruit de son crime. Après l'avoir étouffé, elle le jeta dans la rivière où il resta dix jours entiers. Retiré de l'eau, et apporté devant l'image miraculeuse, l'enfant recouvra la vie par l'intercession de la sainte Vierge, et reçut ensuite le baptême.
Dans le courant. de l'année 1463, l'épouse de Bauduin Plaghe accoucha d'un enfant mort. Des circonstances douloureuses avaient accompagné cette naissance : la tête de l'enfant était séparée du tronc ; le tronc lui-même avait été horriblement mutilé ; mais ce qui désolait surtout la pauvre mère, c'est que son enfant n'avait pas reçu le sacrement de la régénération. Dans un sentiment profond de cette foi vive qui fait violence au ciel et qui obtient des prodiges, elle eut recours à Notre-Dame de Bourbourg. Elle fit porter devant l'image de la Vierge les restes mutilés de l'enfant, et le miracle de la vision d'Ezéchiel se renouvela. Ces restes mutilés se rejoignirent; l'enfant revint à la vie et fut baptisé.
Il serait impossible de fixer au juste l'époque à laquelle a été sculptée la statue de Notre-Dame de Bourbourg. Elle était en grande vénération longtemps avant 1383 ; c'est tout ce qu'on peut en savoir. Cette image pouvait passer pour un chef-d'œuvre alors que les arts étaient encore dans l'enfance ; elle n'en est plus un de nos jours. L'artiste a voulu honorer le divin enfantement de Marie ; il l'a représentée étendue sur un lit de repos. On remarque sur la poitrine de la Vierge un gros brillant, que je crois de verre ou de cristal, et sur la cuisse gauche, le coup porté en 1383 parle soldat sacrilége. L'enfant Jésus est couché dans sa crèche à la droite de la Vierge-Mère. Au pied du lit saint Joseph se tient debout, les yeux levés au ciel : il porte à la main une banderole sur laquelle se lisent les premières paroles du cantique des Anges : Gloria in excelsis Deo. Tout ce groupe se trouve dans une espèce de chasse ouverte par devant. Cette chasse a été renouvelée il y a peu d'années ; elle est exactement semblable à la première qu'elle a remplacée.
Ce faux brillant est peut-être celui qui tenta la cupidité des soldats. Quelques historiens parlent, il est vrai, d'un brillant qui se trouvait à la couronne de la Vierge ; mais d'autres disent qu'il ornait son cou. On conçoit cette diversité de sentiments pour une circonstance assez indifférente, qui n'altère en rien la substance du fait. Il n'y aurait pas lieu non plus de s'étonner de cette fausse appréciation faite par des soldais, aux yeux desquels, ce qui brillait était or.
On a aussi reproduit fidèlement à l'extérieur les peintures qui ornaient la chasse ancienne ; elles représentent quelques-uns des miracles dont nous avons parlé.
A l'époque de la révolution française, l'image de Notre-Dame fut enlevée de l'église comme tous les objets du culte. Elle fut vendue à l'encan, après qu'on en eut détaché la plaque de vermeil qui recouvrait la plaie miraculeuse, et elle fut achetée 286 livres, dans le courant d'Août 1793, par une pieuse veuve, Mme Antoine Offremant.
Dans cette maison, Notre-Dame de Bourbourg ne manqua point d'hommages ni de respects. Elle ne fut pas seulement vénérée par les membres de la famille, qui venaient puiser aux pieds de la Vierge le courage si nécessaire dans ces jours de terreur et de sang ; quelques autres personnes de confiance furent aussi admises à venir répandre, devant elle, leur cœur désolé. On fit une remarque qui, peut-être, n'aurait pas été faite par une foi moins vive, mais que nous ne devons point passer sous le silence : c'est que du moment où l'image miraculeuse fut reçue dans cette maison, la police, auparavant soupçonneuse et tracassière, cessa ses importunes investigations. Ainsi, en récompense de l'asile qu'ils voulaient bien, et non sans danger, donner à son image, Marie procura-t-elle à ses hôtes le calme et la paix.
Aussitôt que la religion put rouvrir ses temples et réunir encore ses enfants aux pieds de ses autels, on songea à rendre à l'église de Bourbourg celle qui en est l'honneur et la gloire. L'image miraculeuse reparut d'abord, exposée au milieu du chœur, pendant la neuvaine de 1802 ; l'année suivante, le jour de Pâques, elle fut transportée avec solennité à l'église et replacée au-dessus de son autel, dans la nef collatérale de gauche. C'est de là que Marie répand encore aujourd'hui ses bénédictions et ses grâces.





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