Saint Syméon le Fou et Jean (6ème s.)
ermite, son compagnon
Syméon d'Émèse (ou Syméon d'Édesse, ou Syméon le Fou) est un ermite chrétien syrien du VIe siècle (contemporain de l'empereur Justinien).
Son histoire est brièvement évoquée par Évagre le Scholastique, qui narre trois anecdotes le concernant (Histoire ecclésiastique, IV, 34), mais surtout racontée par un évêque et hagiographe du VIIe siècle, Léontios de Néapolis (l'actuelle Limassol, sur l'île de Chypre).
Hippolyte Delehaye a qualifié la Vie composée par Léontios d'« une des plus curieuses productions de l'hagiographie ancienne ».
Dans l'histoire de l'hagiographie chrétienne, Syméon d'Émèse est le plus ancien exemple explicite et développé de la figure du « Fol-en-Christ » (en grec « σαλός »).
C'est
un saint de l'Église orthodoxe (fêté le 21 juillet dans le calendrier
julien, soit le 3 août dans le calendrier grégorien) et de l'Église
catholique (fêté le 1er juillet).
Biographie
Léontios de Néapolis dit détenir ses informations d'un certain Jean, diacre de la cathédrale d'Émèse, qui avait bien connu le saint.
La Vie
qu'il a transmise paraît formée de deux parties bien distinctes : une
première consacrée à la vocation religieuse de son personnage et à sa
longue vie d'ermite en Palestine, avec de nombreux discours qui sont des
sermons de type traditionnel ; et une seconde consacrée à la vie de
Syméon à Émèse, succession de trente-et-une anecdotes souvent
pittoresques racontées dans une langue de coloration populaire.
Le
contraste entre ces deux morceaux a été diversement expliqué, mais peut
correspondre aux règles de l'hagiographie de l'époque.
Première partie
Selon
ce récit, Syméon était issu d'une riche famille d'Édesse, ayant le
syriaque pour langue maternelle, mais ayant aussi reçu une instruction
scolaire en grec.
Il se rendit à Jérusalem pour assister à la fête de l'Exaltation de la Vraie Croix (célébrée chaque année le 14 septembre).
Il était alors un jeune homme, célibataire, orphelin de père, n'ayant pour parenté que sa mère, qui l'accompagnait.
Pendant la fête il noue amitié avec un compatriote nommé Jean, âgé de
vingt-deux ans, orphelin de mère, accompagné de son vieux père et de sa
toute nouvelle épouse.
Prenant
ensemble le chemin du retour, ils passent par Jéricho et aperçoivent
les monastères qui s'élèvent dans la vallée du Jourdain.
Touchés
tous deux par la grâce, ils abandonnent leurs proches avec leurs
chevaux sur la route et gagnent un couvent consacré à Abba Gérasimos.
Ils y sont pris en charge par le supérieur, un saint homme nommé Nikon,
qu'ils persuadent par leur ardeur de les tonsurer, et quelques jours
plus tard ils se retirent tous deux dans un ermitage situé près de la
rivière Arnon (l'actuel Wadi Mujib).
Ils
y mènent une vie de « brouteurs » (βοσκοί), s'y encouragent l'un
l'autre à l'ascèse, Syméon combattant son désir de retrouver sa vieille
mère en mauvaise santé, et Jean cherchant à oublier sa jeune et belle
épouse.
Mais
quelque temps plus tard ils voient en songe que la mère de Syméon est
morte, puis que la femme de Jean s'est faite religieuse, puis est morte à
son tour.
Ils passent ensemble vingt-neuf ans dans le désert.
Au
bout de ce temps, Syméon annonce à Jean qu'inspiré par Dieu il a décidé
de quitter l'ermitage pour aller « se moquer du monde ».
Jean
pense à une nouvelle ruse du Malin pour l'égarer et le supplie de
rester, mais la résolution de Syméon est inébranlable : accompagne-moi,
dit-il à son compagnon, ou laisse-moi partir. Jean fait un bout de
chemin avec Syméon et vit leur séparation comme un déchirement.
Syméon fait d'abord un pèlerinage à Jérusalem, auprès du Saint-Sépulcre,
où il passe trois jours et expose dans une prière son idéal de sainteté
cachée et méprisée au milieu des hommes, puis gagne la ville d'Émèse (l'actuelle Homs), à laquelle il est étranger.
Seconde partie
À
l'entrée de la ville, il avise un cadavre de chien sur un tas
d'immondices ; dénouant la corde lui tenant lieu de ceinture, il
l'attache à une patte de l'animal, et entre en courant dans la ville,
traînant le cadavre après lui ; les enfants d'une école voisine le
prennent en chasse en criant et le frappent.
Le
lendemain, un dimanche, il entre dans l'église au début de l'office
avec une réserve de noix et se met à viser les chandelles pour les
éteindre ; poursuivi par les fidèles, il monte sur la chaire et bombarde
les dames de l'assistance avec ses noix ; chassé vers la sortie, il
renverse les étals de pâtissiers qui étaient installés là et se fait
alors rosser presque à mort.
Un marchand de denrées alimentaires
lui propose un emploi, mais en une journée il distribue tout le stock
sans prendre aucun argent et fait lui-même une ventrée de graines de
lupin ; son patron d'un jour le chasse après l'avoir roué de coups. Mais
le soir venu Syméon, qui ne s'est pas éloigné, veut brûler de l'encens
pour accompagner sa prière ; il prend à main nue, sans rien sentir, du
charbon ardent dans le four du commerçant, et la femme de celui-ci, qui
le surprend ainsi, en est effrayée.
Il
mène ensuite dans la ville la vie d'un bouffon à la conduite souvent
scandaleuse, évoquant parfois celle de Diogène de Sinope : habitant une
hutte près de la ville, exerçant apparemment ici et là de petits
emplois, il fréquente les mendiants et les femmes de mauvaise vie,
passant d'ailleurs aux yeux des gens pour un débauché.
Sa
conduite est souvent extravagante : il fait ses besoins en public là où
ça le prend, y compris sur la place du marché ; un jour que le diacre
Jean, constatant son manque d'hygiène, lui propose de venir prendre un
bain, il éclate de rire, ôte ses vêtements et s'en fait un turban ; le
diacre, effrayé de le voir aller nu dans la rue, veut le retenir, mais
le saint file droit vers les bains réservés aux dames, où il entre
« comme en présence du Seigneur de Gloire » ; les femmes présentes se
ruent sur lui, le frappent et le chassent.
Un
jour qu'un notable se scandalise de le voir, lui un moine, entre deux
courtisanes, il rit, se déshabille, et danse nu devant lui.
Tout le monde le prend pour un fou, sauf le diacre Jean, qui l'a percé à jour.
En
fait, il accomplit dans la ville toutes sortes de miracles et de
bienfaits surnaturels, des exorcismes notamment, mais c'est le plan de
Dieu et sa propre volonté que personne ne puisse voir sa sainteté ni lui
attribuer aucun bienfait, mais au contraire que tous le méprisent.
Fréquentant
en permanence des prostituées et des femmes légères, il est tourmenté
dans sa chair, et doit en appeler par la prière à l'assistance de son
ancien maître Nikon, qui lui apparaît pour lui faire une onction sur le
nombril ; mais il se moque de ce que pensent les gens.
Il chasse les démons de multiples façons, possède le don de prophétie et de seconde vue, apparaît en songe, sans se faire reconnaître, aux démons de multiples façons, possède le don de prophétie et gens qu'il veut aider ou sauver de leurs vices.
Il obtient la conversion au christianisme orthodoxe d'hérétiques
monophysites (le couple de marchands évoqué plus haut) et de Juifs,
seulement par la pression de ses pouvoirs surnaturels, d'ailleurs, et
non par une quelconque prédication (les marchands se convertissent car
ils ont peur de lui comme d'un « sorcier »).
Il fait apparaître ou multiplie miraculeusement de la nourriture, tel
Jésus-Christ, incitant ainsi des pauvres à réformer leur vie.
Il sauve son ami le diacre Jean, accusé de meurtre, de la pendaison, et
celui-ci, libéré, le surprend en prière, les mains tendues vers le ciel
et des boules de feu s'en élevant, mais Syméon le menace de damnation
s'il révèle la vérité à qui que ce soit.
Il reste en communion spirituelle avec l'autre Jean, son frère ermite,
qui a encore progressé en sainteté par une autre voie et qui demande
parfois de ses nouvelles aux pèlerins qui lui rendent visite, et lui
fait passer des messages par ces intermédiaires qui sont bien surpris de
voir cet ascète très admiré considérer le fou d'Émèse comme un saint
qui lui est supérieur.
À la fin certaines de ses connaissances, s'inquiétant de ne plus le voir depuis deux jours, le retrouvent mort dans sa hutte.
Deux
hommes s'emploient à transporter le corps, sans aucune cérémonie, dans
un lieu où on enterrait les étrangers, mais alors qu'ils passent devant
la maison d'un Juif qu'il avait converti, celui-ci entend, par grâce
spéciale, les chœurs célestes qui accompagnent la dépouille de leurs
chants ; il se précipite et tient à enterrer le corps de ses mains.
Le
diacre Jean, prévenu, et d'autres personnes arrivent trois jours après
et veulent déterrer le corps pour organiser une digne cérémonie ; ils
creusent, mais le corps a disparu (ce qui évoque le corps de
Jésus-Christ, disparu lui aussi trois jours après avoir été inhumé).
Alors
tous « s'éveillent comme d'un songe », prennent conscience de ce qui
s'était passé du vivant de Syméon, et se racontent les uns aux autres
les miracles qu'ils n'avaient pas su percevoir.
Source :
Saints Syméon et Jean étaient originaires de Syrie et vivaient sous le règne de Justinien : Jean, âgé de vingt-deux ans, venait juste de se marier, et Syméon, de deux ans plus âgé, n'avait pour seule famille que sa vieille mère.
S'étant
liés d'amitié lors d'un pèlerinage aux Lieux saints, entrepris à
l'occasion de la fête de l'Exaltation de la Croix, ils décidèrent de
continuer ensemble leur périple.
Quand
ils parvinrent dans la région de Jéricho, Jean dit à son compagnon que
les hommes qui habitaient dans les monastères près du Jourdain étaient
semblables aux Anges de Dieu et, montrant du doigt la route qui y
menait, il dit : « Voilà la route qui mène à la vie. » Désignant ensuite
la grande route publique, il ajouta : « Et voici le chemin qui mène à
la mort. »
Après
avoir prié et tiré au sort le chemin qu'ils devaient prendre, ils se
rendirent au monastère de Saint Gérasime, avec grande joie et en
oubliant tout attachement au monde.
L'higoumène du Monastère, le bienheureux Nicon, avait reçu une
révélation concernant l'arrivée des deux jeunes gens, et ils le
trouvèrent à la porte, pour leur souhaiter la bienvenue et les exhorter
au renoncement, en prophétisant quel serait leur mode de vie futur.
A leur demande, Nicon les tonsura immédiatement et les revêtit du Saint
Habit monastique, les introduisant à une vie nouvelle par ce second
Baptême.
Craignant
toutefois de perdre le zèle divin qui brûlait en leur cœur et la
gloire lumineuse qu'ils avaient vue resplendir sur l'Habit monastique,
ils décidèrent, deux jours plus tard, de quitter le Monastère et de se
séparer de tout homme, pour vivre dans le désert, abandonnés à la
Providence.
Es
prirent donc la route en direction de la mer Morte et s'arrêtèrent en un
endroit du désert, nommé Arnonas, où ils trouvèrent les installations
et quelques provisions laissées par un ermite, mort quelques jours
auparavant.
Mais
dès qu'ils commencèrent leurs combats ascétiques dans la solitude, ils
furent assaillis par le souvenir de leurs proches : Jean à l'égard de
son épouse et Syméon de sa mère. Pressés par ces pensées et par
l'épreuve de l'acédie, ils étaient près d'abandonner la lutte, mais,
chaque fois, le souvenir de la gloire qu'ils avaient vue resplendir
au-dessus de l'Habit monastique et l'apparition en songe de leur père
spirituel, leur donnaient le courage de persévérer. Ils demeuraient dans
des cellules séparées d'environ un jet de pierre, et quand ils étaient
accablés par les tentations ou par l'acédie, ils se retrouvaient pour
prier ensemble.
Ils se racontaient alors leurs visions, et se réjouissaient d'avoir été
délivrés par Dieu de la préoccupation de leurs parents pour persévérer,
nuit et jour, dans la prière sans distraction.
Ils firent ainsi de tels progrès, qu'en peu d'années ils furent jugés dignes des visites de Dieu et du don des miracles.
Au
bout de trente ans passés dans le désert, exposés aux rigueurs du
climat et aux innombrables machinations du diable, Syméon, ayant atteint
la bienheureuse impassibilité par la vertu du Saint-Esprit qui habitait
en lui, proposa à son compagnon de quitter le désert, afin de sauver
d'autres hommes en tournant le monde en dérision par la puissance du
Christ.
Jean,
croyant qu'il était victime d'une illusion démoniaque, l'admonesta et
lui rappela la promesse qu'ils s'étaient faite mutuellement de ne jamais
se séparer.
Mais aucun argument ne put vaincre la résolution de Syméon et,
comprenant qu'il s'agissait d'une inspiration divine, Jean le laissa
partir, après lui avoir fait promettre qu'ils se reverraient avant de
quitter cette vie.
Syméon
se rendit d'abord en pèlerinage à Jérusalem d'où, après avoir prié
pendant trois jours sur les Lieux Saints, il partit pour Émèse, décidé à
feindre la folie pour accomplir son ministère de salut.
Il fut ainsi le premier à embrasser cette ascèse périlleuse de la folie pour le Christ(2).
Appliquant
littéralement les paroles de l'Apôtre : « Que celui qui veut être sage
devienne fou en ce monde-ci, pour qu'il devienne sage » (I Cor. 3:18),
tout son propos était de sauver les âmes, soit par des procédés risibles
et des artifices calculés, soit au moyen de miracles qu'il
accomplissait en s'offrant à la dérision et au mépris, soit par des
instructions et des paroles prophétiques qu'il prononçait en
contrefaisant la folie.
Dans
tout cela il s'efforçait de rester caché et inconnu des hommes, afin de
fuir leur louange et leurs honneurs, de manière à vivre dans le monde
comme au désert.
Il
fit son entrée dans la ville en traînant, attaché à sa ceinture, le
cadavre d'un chien qu'il avait trouvé sur un tas de fumier, et poursuivi
par les enfants de l'école qui se moquaient de lui.
Le
lendemain, qui était un dimanche, il entra dans l'église et se mit à
éteindre les cierges en lançant des noix sur les flammes.
Comme on voulait le chasser, il monta à l'ambon et bombarda les femmes avec ses noix.
Finalement jeté dehors, il renversa les tables des pâtissiers, qui le rouèrent de coups.
Un
marchand de beignets le prit en pitié et lui proposa de tenir son
échoppe, mais Syméon se mit à distribuer gratuitement la marchandise aux
passants et à manger goulûment les beignets, car il était à jeun depuis
une semaine.
Averti par sa femme, le marchand chassa le Saint en le frappant.
Le soir venu, Syméon, prenant des charbons ardents à pleine main, y fit
brûler de l'encens, mais dès que la femme du marchand s'en aperçut,
feignant de s'être brûlé, le bienheureux plaça les braises dans son
manteau qui resta lui aussi inconsumé.
Par la suite, il provoqua la conversion du marchand, qui était disciple de Sévère d'Antioche, en expulsant un démon.
Syméon
se mit ensuite au service d'un cabaretier qui se montrait cruel et sans
pitié à son égard, bien que les facéties du Saint aient augmenté sa
clientèle.
Un jour, il châtia violemment Syméon, qui venait de briser une chopine de vin.
Mais quand il vit lui-même le serpent qui avait déposé son venin dans
le récipient détruit par le Saint, il brisa tout le reste de la
vaisselle, en essayant de tuer le reptile.
Dès
lors considéré comme un Saint par son patron, Syméon feignit de vouloir
déshonorer la femme du cabaretier qui, alerté par les cris de son
épouse, chassa le Saint en le frappant.
L'homme
de Dieu vivait en pleine ville, impassible, et comme délivré des soins
du corps et des conventions de la pudeur : faisant ses besoins en
public, entant nu, ses vêtements enroulés sur la tête, dans le secteur
du bain public réservé aux femmes, dansant avec les actrices qu'il
tenait par la main ou jouant avec les prostituées, sans ressentir le
moindre mouvement charnel et en gardant l'esprit imperturbablement
occupé à l'œuvre de Dieu.
Il utilisait ce stratagème pour se familiariser avec ces femmes de
mauvaise vie, et il leur proposait en secret une forte somme si elles
gardaient la chasteté.
Quand
il apprenait que l'une de ses "amies" était retombée dans la luxure, il
la châtiait, soit par une maladie, soit en permettant à un démon de la
tourmenter.
Il avait aussi reçu le charisme de l'abstinence et passait tout le Grand Carême sans rien manger ; mais parvenu au Grand Jeudi, il s'asseyait à l'étal d'un pâtissier et dévorait des gâteaux au grand scandale des bien-pensants.
D'autres fois, après avoir passé la semaine à jeun, il mangeait de la viande en public.
Un
jour, il se mit à jeter des pierres sur les passants qui voulaient
s'engager dans une rue hantée, les sauvant ainsi de la perdition.
Une
autre fois, il frappa de strabisme des fillettes qui s'étaient moquées
de lui, puis il en guérit certaines en leur baisant les yeux, mais
laissa les autres dans cet état, car il avait discerné qu'autrement
elles seraient tombées dans la débauche.
Le
dimanche, il se tenait à la sortie de l'église en mangeant des
saucisses, qu'il avait enroulées en chapelet autour de son cou, comme
une Étole de Diacre, et en tenant dans la main gauche un pot de moutarde
avec laquelle il badigeonnait la bouche de quiconque se moquait de lui.
C'est
aussi en enduisant de moutarde les yeux d'un paysan, qui avait été
frappé de cécité à la suite du vol des chèvres de son voisin, qu'il le
guérit.
Une
fois, il paralysa la main d'un jongleur en lui lançant une pierre, puis
le guérit en lui apparaissant en rêve et en lui faisant promettre
d'abandonner son métier.
Une
autre fois, il se mit à frapper les colonnes de l'école avec un fouet,
prédisant ainsi le tremblement de terre qui allait bientôt détruire la
ville d'Antioche (588) ; et le séisme survenu, aucune des colonnes qu'il
avait frappées ne s'écroula. Avant une épidémie de peste, il alla
embrasser les enfants qui allaient en être victimes, en leur souhaitant
bon voyage.
Il
entrait souvent dans les maisons des riches, pour y faire ses
bouffonneries habituelles et feignait d'embrasser les servantes.
L'une d'elles ayant accusé le Saint de l'avoir mise enceinte, Syméon
prit soin de la femme pendant sa grossesse, mais elle ne put mettre
l'enfant au monde tant qu'elle n'eut pas révélé le nom du vrai père.
La sollicitude du Saint Fou s'étendait sur tous, et en particulier sur
les possédés, dont il guérit un grand nombre par sa prière, après avoir
feint d'être comme eux.
Un
artisan juif le vit un jour entouré de deux Anges ; il voulut révéler
son secret, mais Syméon lui apparut en songe et lui scella la bouche.
La même chose arriva à tous ceux qui découvrirent sa vertu : ils se trouvèrent dans l'impossibilité de la publier.
Par
tous ces actes prophétiques et par les harangues qu'il faisait en
public en simulant la folie, Saint Syméon — qui s'adressait toujours aux
hommes en les traitant de "fous" ou d'"insensés" — dénonçait les crimes
des uns, les vols et l'impudicité des autres, en sorte que par ce moyen
il parvint à mettre fin dans presque toute la ville d'Émèse à
l'habitude du péché.
Ne
possédant rien en ce monde, il passait toutes ses nuits en prière dans
une cabane branlante, d'où il sortait, au matin, après avoir baigné le
sol de ses larmes pour le salut de ses frères ; et il faisait alors son
entrée en ville, la tête couronnée d'une branche d'olivier et en tenant à
la main un rameau, dansant et criant : « Victoire pour l'Empereur et
pour la ville ! »
Il signifiait par ces mots, la victoire acquise par l'intellect et par son âme dans le combat de la prière.
Il
avait aussi obtenu de Dieu que ses cheveux et sa barbe ne poussent
point, tout le temps qu'il passerait à Émèse dans son ministère, si bien
qu'il était privé du respect que provoque l'apparence des moines.
Il
ne parlait de manière sensée qu'avec le Diacre Jean, dont il avait
guéri le fils et qu'il avait délivré d'une accusation calomnieuse de
meurtre.
Un
arôme délicieux sortait alors de sa bouche, mais il menaçait son
interlocuteur de terribles tourments dans la vie future, s'il dévoilait
son secret.
Lorsqu'il
eut accompli sa course, deux jours avant de quitter cette vie, Syméon
raconta toute sa vie au Diacre et lui révéla que, conformément à la
promesse qu'ils s'étaient faite en se quittant, il avait vu en vision
son compagnon, Jean l'ascète, avec une couronne sur la tête portant
l'inscription : « Couronne de la patience au désert ».
Et
celui-ci lui avait répondu qu'il porterait, quant à lui, les couronnes
de toutes les âmes qu'il avait sauvées par ces facéties.
Après
avoir exhorté le Diacre à la miséricorde et à ne jamais approcher du
Saint Autel avec dans le cœur des mauvais sentiments contre quelqu'un,
il prit congé de lui. Il se retira dans sa cabane et, ne voulant pas
même devenir objet d'admiration par sa mort, il se glissa sous un tas de
bois qui s'y trouvait habituellement, de sorte à faire croire qu'il
avait péri écrasé.
Comme au bout de deux jours ses familiers ne l'avaient pas vu en ville, ils se rendirent à la cabane et le trouvèrent mort.
Croyant
qu'il avait été victime d'un accident, ils ne prirent même pas soin de
lui faire la toilette funéraire et allèrent l'enterrer, sans cierges ni
psalmodie, dans le cimetière réservé aux étrangers.
Quand
le cortège passa devant la maison d'un verrier juif, qui avait été
converti par Syméon, celui-ci entendit une psalmodie telle qu'on ne peut
en entendre de pareille sur la terre, chantée par une foule immense
mais invisible.
Frappé de stupeur, il regarda par la fenêtre et vit seulement deux hommes qui transportaient la dépouille de l'homme de Dieu.
Il
s'écria alors: « Bienheureux es-tu, Fou, car privé de l'accompagnement
d'une psalmodie humaine, tu as les Puissances célestes qui t'honorent
par leurs hymnes! »
Et il descendit pour aller l'enterrer de ses mains.
Quand le Diacre Jean apprit la mort du Saint, il se rendit au cimetière et ouvrit la tombe.
Mais
il la trouva vide, et il en déduisit que le Seigneur avait glorifié son
serviteur en le transférant dans la gloire avec son corps, avant la
Résurrection.
C'est
alors seulement que les habitants d'Émèse comprirent qu'un nouvel
apôtre avait vécu parmi eux, pour leur procurer le Salut tout en restant
caché.
1). Leur admirable Vie a été composée par Léonce de Néapolis (VIIe s.), auteur de la vie de St Jean le Miséricordieux.
2). Cf. St André le Fou pour le Christ, 28 mai, note 5.
2). Cf. St André le Fou pour le Christ, 28 mai, note 5.
Patron des marionnettistes.
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