Saint Michel des Saints († 1625)
Supérieur des Trinitaires
Saint
Michel des Saints (1591-1625) est un religieux espagnol de l'ordre
des Trinitaires béatifié le 24 mai 1779 puis canonisé le 8 juin 1862.
Biographie
Ancien couvent des trinitaires de Barcelone
Ancien couvent de Valladolid, où repose saint Michel des Saints
Dévotion eucharistique au XVIIe siècle chez les trinitaires (par Juan Carreño de Miranda)
Saint Jean-Baptiste de la Conception, réformateur des trinitaires
Humérus de saint Michel des Saints (maison natale de Vich)
Miquel
Argemir i Mitja est né à Vich (Barcelone), le 29 septembre 1591. Il est
le septième des huit enfants d'Enrique et Montserrat, qui se montrent
des parents attentifs à l'éducation religieuse de leur progéniture : la
famille récite quotidiennement le rosaire, lit les évangiles et se rend,
le dimanche, aux vêpres de la cathédrale.
De
son côté, Michel manifeste très tôt son attrait pour une vie pénitente
et retirée : dès l'âge de six ans, il se serait enfui de la maison pour
séjourner dans une grotte, à Macizo del Montseny, où il méditait sur les
souffrances du Christ.
À l'âge de onze ans, ayant perdu son père et sa mère, il est confié à
un oncle commerçant, avant d'être admis, un an plus tard, au couvent des
trinitaires de Barcelone, où il se distingue par sa dévotion au
Saint-Sacrement.
En février 1606, il est envoyé au couvent Saint-Lambert de Saragosse,
pour y accomplir son noviciat, sous la direction de Pablo Aznar, qui
évoquera, au procès de béatification, l'humilité et le dévouement de son
jeune novice.
Ayant
fait profession le 30 septembre 1607, il fait la connaissance de Manuel
de la Cruz, trinitaire déchaussé, de passage à Saragosse.
Depuis
le 20 août 1599, en effet, la réforme de l'ordre avait été
officiellement reconnue par le pape Clément VIII, et Michel reconnaît
dans l'idéal des trinitaires déchaussés la voie ascétique et mystique
qu'il désire depuis toujours emprunter.
C'est pourquoi, le 28 janvier 1608, il prend l'habit des réformés, à Oteiza (Pampelune), avant de poursuivre son noviciat à Madrid, où il rencontrera saint Jean-Baptiste de la Conception, l'imposant maître d'œuvre de la réforme.
Au terme de cette période, il prononce ses vœux, le 30 janvier 1609, à Alcala de Henares, sous le nom de Miguel de los Santos.
Il est alors envoyé pour six mois au couvent de La Solana, puis à Séville, où il séjourne durant deux ans, non sans de brefs passages à Valdepeñas, Cordoue, Grenade et Socuéllamos.
D'octobre
1611 à juin 1614, il étudie la philosophie à Baeza ; après quoi il se
rend à l'université de Salamanque pour y suivre le cursus de théologie.
Ordonné prêtre à la fin de l'année 1616, il réintègre Baeza, comme confesseur, prédicateur et vicaire conventuel.
C'est
l'époque des grandes grâces surnaturelles : qu'il célèbre l'eucharistie
ou prêche des homélies longuement méditées, il lui arrive de tomber en extase et d'entrer en lévitation, les bras en croix, la tête renversée et le regard fixe.
Le
point culminant de ces expériences sera atteint une nuit, alors qu'il
prie devant le tabernacle, dans un échange mystique de couronnes,
effectué entre le Christ et lui.
De
l'analyse de son vécu spirituel, il tirera deux traités, intitulés La
tranquilidad del alma et El alma en la vida intima, ce dernier écrit en
vers.
Également
passé maître dans l'art des conversions inespérées, il se retrouve
cependant victime des fausses accusations de deux confrères jaloux, qui
le maintiennent onze mois durant dans le cachot du couvent.
Son
innocence ayant été reconnue, le définitoire général de l'ordre, tenu à
Madrid le 24 mai 1622, le désigne comme supérieur du couvent de Valladolid.
À ce titre, il assiste au chapitre général qui a lieu à Tolède, le 13 mai 1623.
Il
en revient nanti de la charge de ministre, avec mission de fonder un
nouveau couvent, pour la construction et la viabilité financière duquel
il peut faire appel à ses prestigieuses relations.
Parmi
ceux qui se confessent à lui, il compte en effet des personnalités
aussi importantes que don Francisco Gomez de Sandoval y Rojas, duc de
Lerma, ou don Enrique Pimentel, l'évêque de Valladolid.
Tandis
qu'il mène à bien cette entreprise, il est atteint par la fièvre
typhoïde et meurt, le 10 avril 1625, au couvent de Valladolid.
Postérité
Les funérailles de Michel des Saints fournissent à la ferveur populaire l'occasion de se manifester.
Entamé
deux ans plus tard, le procès canonique aboutit à la béatification par
Pie VI, le 24 mai 1779, et à la canonisation par Pie IX, le 8 juin 1862.
Michel
des saints est également reconnu patron de la cité de Vich en
Catalogne, où certains lieux liés à sa mémoire font l'objet d'une
vénération particulière, comme sa maison natale (convertie en chapelle
au XVIIIe siècle) ou certains oratoires dans la campagne, où il se retirait pour prier.
Son corps repose toujours dans l'église de l'ancien couvent des trinitaires déchaussés de Valladolid, devenue au XIXe siècle, église paroissiale Saint-Nicolas de Bari.
Spiritualité
Eglise Saint-Charles-des-Quatre-Fontaines
S'inspirant
de l'expérience des carmes déchaussés, la réforme trinitaire offre un
modèle particulièrement rude de sequela Christi.
À
la suite de Jean-Baptiste de la Conception, Michel des Saints opte donc
pour un mode de vie excessivement austère : habit unique et grossier,
jeûne perpétuel, chasteté scrupuleuse, pauvreté radicale, veillées de
prière et mortifications en tous genres.
Les
hagiographes anciens projetteront ce programme sur l'enfance du saint,
non sans évoquer le modèle de saint François d'Assise, parfait disciple
de Jésus crucifié.
En
filigrane, ce patronage renvoie à saint Pierre d'Alcantara, franciscain
de l'Observance, principal initiateur, en Espagne, de l'esprit
déchaussé et confident de Thérèse d'Avila, qui a brossé, à travers
l'effrayant tableau des pénitences de celui-ci, le programme ascétique
des réformés du Siècle d'or espagnol, précisément celui suivi par les
trinitaires déchaussés.
De
plus, le franciscanisme alcantarin s'est accompagné d'une forme
particulière de contemplation, appelée quietud, dans le cadre d'une
mystique affective qui suspend tout exercice de l'imagination et du
raisonnement, pour faire place au seul amour unitif entre Dieu et l'âme.
D'abord illustrée par Francisco de Osuna et Bernardino de Laredo, cette spiritualité sera également pratiqeuée et théorisée par Michel des Saints,
comme en témoigne son premier traité, intitulé La tranquilidad del alma
et rédigé entre 1609 et 1611, dont l'enseignement se retrouve encore
dans l'une des trois lettres conservées de lui.
Cet idéal de quiétude sin sosiego est également perceptible dans l'extrait suivant :
Sin tierra por la tierra caminando,
sin luz con claridad en noche oscura,
sin ojos, y con vista no mirando,
sin sosiego en quietud andar procura;
sin bien el que es mayor va penetrando,
sin báculo y sin arrimo está segura,
y al fin sin ser, con ser y con sentido
con él buscó el alma el bien perdido.
sin luz con claridad en noche oscura,
sin ojos, y con vista no mirando,
sin sosiego en quietud andar procura;
sin bien el que es mayor va penetrando,
sin báculo y sin arrimo está segura,
y al fin sin ser, con ser y con sentido
con él buscó el alma el bien perdido.
Tirés du traité intitulé El alma en la vida unitiva, ces vers préludent, comme dans le Cantico espiritual de Jean de la Croix, à une évocation poétique de la quête intérieure et de l'union humano-divine, qui s'inspire du Cantique des cantiques, modèle classique de la mystique affective, et ce en dix-neufs couplets de huit vers chacun.
Dans
l'historiographie du saint, la spiritualité sponsale s'exprimera
symboliquement par l'échange des couronnes avec le Christ, au cours
d'une nuit de veille devant le Saint-Sacrement : allusion aux offices
nocturnes des trinitaires déchaussés, à l'intimité amoureuse et aux
ténèbres de la foi.
Typique de la Contre-Réforme, l'adoration eucharistique envahit la piété espagnole de la deuxième moitié du XVIe siècle, à travers l'exemple d'un Pascal Baylon ou la réflexion d'un Juan de los Angeles, tous deux franciscains déchaussés.
Suivant
la tradition théologique, expérience extatique et analyse conceptuelle
vont en effet de pair, de sorte que les phénomènes surnaturels qui
accompagnent l'existence de Michel des Saints, sont indissociables de
ses synthèses intellectuelles, en dépit du manque d'originalité de
celles-ci.
De
fait, la critique a reproché aux écrits du saint de sacrifier l'art à
la doctrine : s'ils évoquent bel et bien la noche oscura et le nada
sanjuanistes, ils ne s'élèveraient cependant pas jusqu'au lyrisme
communicatif du réformateur carmélitain.
Même
si le didactisme apostolique, manifesté dans le souci de la
prédication, de la confession et de la direction des âmes, l'a emporté
sur l'inspiration proprement dite, il n'en reste pas moins que le
trinitaire a laissé un témoignage sincère de la conscience profonde
qu'il eut, dès ici-bas, de la vie éternelle dans l'au-delà.
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