Bienheureuse Stephana de Quinzani
Stéphanie de Quinzani (aussi nommée Stéphana, ou encore Stefana de Quizanis), 1457 - 1530 est une tertiaire dominicaine italienne béatifiée par le pape Benoît XIV le 14 décembre 1740.
Vie
Stéphanie de Quizani
Stéphanie est né dans une famille pauvre et très pieuse, à Brescia. Elle dut gagner sa vie comme servante.
Son père, Lorenzo Quinzani devint tertiaire dominicain alors que Stephana était encore très jeune.
Elle visita en sa compagnie le couvent dominicain où elle rencontra le bienheureux Matteo Carreri, qui lui fit le catéchisme.
Il lui annonça aussi qu'elle serait son héritière, chose qu'elle ne comprit pas avant de nombreuses années.
Dès l'âge de sept ans, elle eut des visions de saints dominicains qui la bouleversèrent au point qu'elle fit vœu de pauvreté, chasteté et obéissance.
Carreri mourut alors que Stephana avait 14 ans.
Après sa mort, il lui apparut, et c'est à partir de là qu'elle reçut les stigmates, comme lui les avait reçus.
À quinze ans, elle devint tertiaire dominicaine à Soncino, où elle fonda une communauté dont elle fut la première abbesse.
Elle se lia d'amitié avec Osanna de Mantoue et Angèle Mérici.
Stéphanie avait une dévotion particulière pour Thomas d'Aquin. Pour lutter contre les tentations, elle l'imitait en se jetant sur une charrette remplie d'épineux.
Elle avait une sollicitude particulière pour les plus pauvres, les plus démunis, et pouvait par ailleurs miraculeusement discuter de théologie alors qu'elle n'avait jamais fait d'études. Stéphanie a aussi prédit la date de sa mort.
Après son décès, sa tombe devint rapidement un lieu de pèlerinage, et de nombreux miracles s'y déroulèrent.
Béatification - Fête
- Le Pape Benoît XIV entérina le culte rendu à Stephanie de Quinzani en la béatifiant le 14 décembre 1740.
- Sa fête a été fixée au 2 janvier.
Source :
Elle est née le 5 février 1457, à Orzinovi, petit village situé au-dessus de Brescia.
Son père, Laurent Quinzani, et sa mère Marie Sabina, étaient deux fervents chrétiens.
Ils eurent trois filles : Agnès, Stéphanie et Françoise.
Vers l'année 1463, ils quittèrent Orzinovi, pour venir habiter Soncino.
Notre
Ordre possédait à Soncino le couvent de Saint-Jacques, qui venait
d'être réformé par la célèbre congrégation de Lombardie et renfermait un
grand nombre de religieux éminents en doctrine, en éloquence et en
sainteté. Parmi eux se trouvait le Bienheureux Matthieu Carreri, de
Mantoue, dont les prédications remuaient toute la ville et y avaient
déjà opéré d'admirables fruits de salut.
Ce
fut à lui que s'adressa le père de Stéphanie. Il avait embrassé la
règle du Tiers-Ordre, et allait assez souvent auprès de ce saint
religieux chercher des conseils et des moyens de s'avancer dans la
vertu. Comme il aimait sa petite Stéphanie d'une tendresse
extraordinaire et qu'il eût voulu ne s'en séparer jamais, il l'amenait
facilement avec lui quand il venait voir le serviteur de Dieu.
Le
Bienheureux Matthieu découvrant je ne sais quoi de surnaturel dans
cette enfant, lui témoignait une grande bonté. Il lui apprit la
Salutation angélique, et quelques autres petits exercices propres aux
enfants de cet âge. Un jour, il lui dit qu'en mourant il la ferait « son
héritière. »
L'enfant,
pour lors, ne comprit rien à ces paroles. Mais à la mort du serviteur
de Dieu, elle se sentit frappée au cœur d'une blessure extrêmement
douloureuse.
Au même moment, le Bienheureux lui apparut et lui dit que cette
blessure était l'héritage qu'il lui avait promis. Cette grâce fut tenue
secrète pendant bien des années ; mais le 15 avril 1504, notre
Bienheureuse la déclara à son confesseur.
La
grâce prévenant la nature dans cette enfant de bénédiction, elle fut
capable, à l'âge de 5 ans, de se consacrer entièrement à Dieu. Dès sa
toute petite enfance, elle entendait souvent au fond de son cœur une
voix qui lui criait : « Charité ! charité ! charité ! » comme pour
l'exciter à aimer Dieu toujours davantage.
A
7 ans, pressée de se donner sans réserve à ce divin amour, elle fit les
trois vœux de virginité, de pauvreté et d'obéissance, et y ajouta la
promesse de prendre plus tard, comme son père, l'habit du Tiers-Ordre,
si elle n'entrait point dans quelque monastère.
Ce fut le jour de l'Assomption qu'elle offrit à Dieu ce sacrifice complet d'elle-même.
Notre
Seigneur voulut lui montrer combien il l'avait pour agréable. Il lui
apparut, accompagné de sa très sainte Mère, de saint Dominique, de saint
Thomas d'Aquin, et de sainte Catherine de Sienne : en présence de tous
ces témoins, il l'épousa, et comme gage de cette alliance, il lui mit au
doigt un anneau de grand prix. Plusieurs personnes, ayant examiné cet
anneau, ont assuré n'en avoir jamais vu de plus magnifique.
Après cet insigne faveur, notre Bienheureuse commença à goûter Dieu d'une manière qui lui était inconnue auparavant.
Elle
eut, en particulier, de grandes lumières sur le mystère de la divine
Eucharistie ; et, sa foi lui faisant découvrir son céleste Époux sous
les saintes espèces, elle trouvait des douceurs ineffables en la
présence du Très Saint Sacrement.
Quand
elle priait à l'église, elle aimait à être vis-à-vis du tabernacle ; il
lui semblait qu'alors son esprit se portait droit à Jésus, et
s'unissait à lui avec plus de facilité. Son plus grand bonheur aurait
été de pouvoir communier.
Vers l'âge de dix à onze ans, elle sentit une forte inclination pour les souffrances.
Elle
comprit, dans une grande lumière, que Jésus ayant marché toute sa vie
par cette voie, il ne lui était pas permis, à elle qui était son épouse,
d'en suivre une autre.
Dès
ce moment, elle se prit à demander souvent à Dieu de lui envoyer toutes
sortes de douleurs, et de la tenir jusqu'à la mort attachée à la croix.
Quand elle se remettait devant les yeux tout ce que Notre Seigneur a
souffert dans sa Passion, elle ne se contenait plus : « O mon Époux,
s'écriait-elle, que je souffre, puisque vous-même n'avez fait que
souffrir ! Croix, douleurs de mon Époux, passez maintenant de lui à
moi : étant, par sa faveur, devenue son épouse, j'ai droit à tout ce qui
est à lui, à ses maux comme à ses biens ! »
Étant
allée, vers l'âge de 12 ans, entendre la prédication qui se faisait
dans la principale église de Soncino, pour la fête de saint André, elle
vit, au milieu du sermon, cet apôtre se tenant dans les airs ; il lui
montrait une grande croix, et lui dit ces paroles : « Ma fille, voici le
chemin du ciel : aimez Dieu, craignez Dieu, honorez Dieu, embrassez la
croix, et fuyez le monde. » Cette vision augmenta encore son désir de
souffrir.
Dès
son jeune âge, la Bienheureuse Stéphanie commença à pratiquer de
rigoureuses privations du côté de la nourriture. Elle s'était fait une
habitude de ne jamais satisfaire pleinement son appétit ; on peut dire
ainsi que son jeûne était perpétuel.
Même
à l'époque où, encore jeune fille, elle allait aux champs pour se
livrer aux pénibles travaux de la campagne, ou à l'aire pour recueillir
le grain, elle observait ce jeûne, en ayant soin qu'on ne s'en aperçût
pas autour d'elle.
Depuis
la Toussaint jusqu'à Pâques, elle ne se nourrissait que de petites
galettes cuites sous la cendre, sans être pétries ni levées, toutes
noires, et d'une digestion difficile ; elle conservait, avec cela, son
embonpoint ordinaire, et un visage toujours souriant.
Six ans durant, elle porta un rude cilice sur la chair sans le quitter ni jour ni nuit.
Lorsqu'il fut usé, et qu'elle songea à le renouveler, il se trouva
tellement adhérent au corps, qu'il fallut avec le cilice arracher la
peau.
Fort
longtemps elle porta aussi autour des reins une ceinture de corde,
garnie de trente-trois nœuds, en mémoire des trente-trois années que le
Fils de Dieu a passées sur la terre ; et elle la porta si serrée sur son
corps, que lorsqu'elle vint à la quitter, chacun de ces nœuds avait
creusé dans les chairs une plaie profonde.
Pendant
plus de trente ans, à l'imitation de saint Jérôme, elle se frappait la
poitrine avec un gros caillou, afin d'obtenir miséricorde tant pour
elle-même que pour les pauvres pécheurs.
Presque
tout le temps de sa vie elle suivit l'exemple de saint Dominique, et
prit tous les jours trois disciplines : la première, pour honorer les
souffrances de son divin Époux ; la seconde, pour elle et pour tous les
pécheurs du monde ; et la troisième, pour les âmes du purgatoire.
Que
ne fit-elle pas, afin de conserver toute sa vie une inviolable pureté
de corps et d'esprit ? Tous les partis qui se présentèrent
successivement furent immédiatement rejetés. Notre Sœur n'était point
belle de visage, mais elle avait une magnifique chevelure. Ayant su que
c'était là son principal attrait, elle coupa entièrement ses cheveux,
pour témoigner le divorce éternel qu'elle faisait avec le monde.
Vaincu de ce côté, le démon lui suscita de furieuses tentations afin de la détourner de son dessein.
Après
avoir inutilement employé les créatures pour lui inspirer de l'amour,
il lui suscita d'horribles émotions dans sa chair, remplit son
imagination de fantômes importuns et la tourmenta si étrangement, qu'on
eût dit que tout l'enfer était déchaîné contre elle, pour la faire
succomber.
Mais
cette amante fidèle de Jésus-Christ, qui savait que ces combats ne se
terminent heureusement que par les douleurs qui affligent le corps, se
ressouvenant de la manière héroïque dont le patriarche saint Benoît
avait triomphé des rebellions de sa chair, en se roulant sur de
piquantes épines, se servit du même remède pour surmonter les siennes.
Ayant
aperçu deux charrettes chargées de ronces qui se trouvaient par hasard
dans la cour de la maison de son père, elle s'y précipita une nuit, et,
avec un courage intrépide, se roula sur les épines jusqu'à ce qu'elle
sentit, après s'être mise tout en sang, que l'excès de la douleur avait
entièrement amorti les rebellions involontaires de sa chair.
Après ce rude combat, voyant la victoire gagnée, elle reprit ses vêtements et se retira dans sa petite chambre.
Elle
se prosterna alors contre terre, et pria avec instance saint Thomas
d'Aquin, son cher protecteur, de lui obtenir de Dieu le don de chasteté.
Cette
prière était à peine achevée, qu'elle se sentit mettre une ceinture par
des mains invisibles, qui lui serrèrent le corps avec tant de violence,
qu'elle en poussa les hauts cris.
Les
personnes qui occupaient la chambre voisine, s'éveillant à ce bruit,
accoururent pour savoir ce qui lui était arrivé ; mais voulant cacher
cette grâce, elle leur répondit seulement qu'elle avait éprouvé certaine
douleur qui l'avait forcée de crier.
Elle
raconta, dans la suite, cette faveur insigne à son confesseur, et elle
l'assura que, depuis ce moment, elle n'avait plus connu aucune tentation
contre la pureté, ni senti la moindre émotion humiliante.
Cette
incomparable pureté, la rendant plus capable des faveurs de son divin
Époux, la disposa à la communication la plus intime de toutes ses
souffrances.
Vers l'âge de 15 ans, elle se trouvait à Crema, un jour de Vendredi saint, dans la maison de Jean-François Verdello.
Toute la famille s'était rendue à l'église pour entendre le sermon de la Passion.
Restée seule au logis, elle se mit à contempler les souffrances de son Sauveur.
Dans cette méditation, elle répandit une grande abondance de larmes.
Notre-Seigneur
lui révéla aussi beaucoup de choses concernant sa Passion, et il lui
déclara que désormais elle serait associée à toutes ses douleurs, et que
dans chacun de ses membres elle porterait une partie de ce que lui-même
avait souffert.
Ce fut là le commencement des grandes souffrances de notre Bienheureuse.
Car, à partir de ce moment, outre ses souffrances habituelles, elle a
enduré tous les vendredis, ainsi que les deux jours de l'Invention et de
l'Exaltation de la Sainte-Croix, une partie des douleurs que
Jésus-Christ a souffertes dans sa Passion.
Elle
avait surtout une dévotion particulière aux mystères de l'agonie au
Jardin des Olives, de la flagellation sanglante, du couronnement
d'épines et du crucifiement sur le Calvaire.
Elle en souffrait aussi plus sensiblement les douleurs.
C'était un spectacle navrant de la considérer dans cet état.
On
la voyait dans une sorte d'agonie, pendant laquelle il lui sortait de
tous les pores une sueur mêlée de sang. Puis, on eût dit qu'on la
déchirait de coups de fouet. Les cicatrices qui, en plusieurs endroits
de sa tête, distillaient le sang, avec d'excessives douleurs, lui
étaient comme un couronnement d'épines. Enfin, son corps se trouvait sur
une espèce de croix, par les tortures effroyables qu'elle endurait en
tous ses membres.
Beaucoup
de personnes de qualité et de mérite ont vu ces merveilles avec
étonnement, et en ont rendu des témoignages authentiques.
Son
confesseur, qui a composé sa Vie, assure avoir vu de ses yeux les
sacrés stigmates qu'elle avait aux pieds et aux mains, et les trous de
la couronne d'épines, que les anges lui mettaient sur la tête tous les
vendredis.
Le
marquis et la marquise de Mantoue, un protonotaire, la duchesse de
Cortona, la bienheureuse Sœur Osanna de Mantoue, et un grand nombre
d'autres personnes très pieuses et très doctes en ont pareillement été
témoins, et en ont signé un acte public dont l'original est conservé
dans les archives du Révérendissime Père Général.
Ce
torrent de douleurs ne pouvant éteindre l'ardeur que cette Bienheureuse
avait pour les souffrances, dont elle était insatiable, Dieu lui en
communiqua une d'un autre genre jusqu'alors inouï.
Il
lui semblait avoir, dans la poitrine, comme une roue qui tournait avec
une grande rapidité et lui déchirait et brisait le cœur. C'était le
vendredi qu'elle souffrait cet horrible supplice. Aussi longtemps qu'il
durait, la pauvre patiente ne faisait que crier, et ces cris étaient
parfois entrecoupés décès tendres et amoureuses paroles. « O mon doux
Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ ! O âme de mon âme ! O cœur de mon
cœur ! »
Notre
Bienheureuse n'a pas seulement participé aux souffrances extérieures du
Fils de Dieu, elle a été appelée à expérimenter aussi ses peines
intérieures.
Pendant40 ans, elle a marché dans des ténèbres, des sécheresses, des impuissances et des délaissements terribles.
Tous
les jours, à certaines heures, elle se trouvait sans lumière, sans
goût, sans dévotion, sans amour, et dans des difficultés effroyables de
s'appliquer à Dieu.
Dans
ces moments, elle était soumise à des dépouillements intérieurs, à des
anéantissements, à des soustractions si étranges, qu'elle eût succombé
sous la rigueur de ces épreuves, sans le secours de la grâce qui la
fortifiait, et sans les faveurs extraordinaires que Jésus-Christ
communiquait à cette amante fidèle, et dont il nous reste maintenant à
parler.
La
Bienheureuse aimait Dieu avec tant d'ardeur, que son visage en aurait
paru tout enflammé, si Jésus-Christ, à sa très humble prière, n'avait
empêché que le feu de la charité qui embrasait 'son âme ne parût au
dehors.
Ce
divin Sauveur voulut néanmoins qu'on pût y remarquer la grandeur de son
amour, dans les deux états de consolation et de croix qui partageaient
successivement sa vie, et qui remplissaient son âme de joie ou de
douleur.
Dans le premier état, elle paraissait avec un visage frais et vermeil
et dans un embonpoint qui donnait de l'admiration. Mais quand ce même
amour lui faisait ressentir les douleurs de son divin Époux, elle était
pâle, maigre et tellement défaite, qu'elle portait dans ses yeux et dans
tout son extérieur la véritable image de la mort.
Dieu
relevait, dans son oraison, à de fréquentes extases. Pendant ces
extases, son corps demeurait froid, insensible et sans mouvement ; elle
perdait même la respiration : on eût dit qu'elle était morte. Son
confesseur et plusieurs autres personnes ont souvent entendu alors
distinctement son ange gardien recommander aux assistants d'avoir soin
du corps de la Bienheureuse.
Les
personnes qui demeuraient avec elle ne faisaient autre chose, quand
elles la trouvaient dans cet état, que la relever de terre et la
transporter sur un lit jusqu'à ce qu'elle fût revenue de son
ravissement.
Pendant
ces extases si admirables, Dieu lui révélait les secrets du ciel et de
la gloire des élus. Une fois, elle fut conduite à travers tous les
chœurs des anges et des saints, et connut l'inégalité de leurs mérites
par la différence de leurs rangs. Étant parvenue au chœur des séraphins,
elle vit plusieurs âmes qu'elle avait connues sur la terre. Elle
demanda à son conducteur par quelle vertu ces âmes s'étaient élevées à
ce haut degré de gloire ; il lui fut répondu que c'était par la grande
conformité et parfaite union de leur volonté avec celle de Dieu.
Elle
connut aussi, dans ce même ravissement, que tous les anges ensemble, et
toutes les âmes bienheureuses y comprise la glorieuse Vierge Marie, ne
peuvent aimer Dieu autant qu'il mérite d'être aimé. Tout aussitôt, comme
si un voile lui fût tombé de devant les yeux, elle vit un immense et
très profond abîme d'amour, qui n'était aimé par aucune pure créature.
Alors, comme hors d'elle-même, elle se prit à crier à Notre-Seigneur :
« Ah ! mon Seigneur et Rédempteur, accordez-moi cette grâce, que j'aime
tout cet amour : autrement je ne saurais vivre ! »
Mais
Jésus, souriant, lui fit entendre comment sa volonté étant finie, et
cet abîme d'amour infini, elle ne pouvait l'enfermer dans la capacité
créée de sa volonté finie. Pour la consoler néanmoins, il lui dit que,
si elle avait la volonté d'aimer tout cet amour, il accepterait cette
bonne volonté comme si réellement elle l'aimait ainsi. « Ne pense pas,
ajouta-t-il, que ce grand abîme d'amour reste pour cela sans être aimé ;
car si les créatures ne peuvent l'aimer, il est aimé de moi-même, qui
suis un bien infini. »
Après
toutes ces révélations, la Bienheureuse revenait à elle-même, dit un de
ses biographes, comme une personne qui « de la clarté d'un plein midi
entrerait immédiatement dans les ténèbres d'un plein minuit : si
obscures et ténébreuses lui semblaient les choses de ce monde, en
comparaison des admirables qu'elle avait vues. »
Rapportons encore quelques-unes des faveurs extraordinaires dont fut gratifiée la Bienheureuse Stéphanie.
Étant
un soir en oraison, elle fut prise d'un ravissement. Il lui sembla
qu'un vénérable vieillard la conduisait sur le bord d'une belle
rivière ; on croit que ce vieillard était l'apôtre saint Paul, auquel
elle avait été confiée par Notre-Seigneur, ainsi que nous le dirons
bientôt.
Lorsqu'ils
eurent marché quelque temps le long de cette rivière, ils rencontrèrent
une grande multitude d'anges, dont les uns descendaient du ciel et les
autres y montaient. « O mon Père, s'écria la Bienheureuse, s'adressant
au vieillard, n'est-ce point quelque illusion de Satan ? » – « Non, ma
fille, répartit le vieillard, ce sont des anges, qui vous apprendront le
chemin pour arriver au parfait amour. » Aussitôt elle se prosterna aux
pieds de ces anges, et les conjura de lui enseigner comment elle
pourrait monter au parfait amour de son Époux et se transformer
entièrement en lui.
Un
de ces anges lui répondit : « II y a plusieurs choses qui font monter
une créature raisonnable au parfait amour de Dieu ; mais une des
principales, c'est la vie souffrante toute détrempée dans la douleur et
les amertumes, accompagnée néanmoins et suivie d'actions de grâces et de
résignation à la volonté divine. »
« Quand
l'homme, ajouta cet ange, marche par ce chemin de l'affliction et de la
désolation, l'amertume qui remplit son pauvre cœur le dégoûte
entièrement du monde et des appâts de cette vie. L'homme étant dégoûté
de ce monde, goûte d'un autre côté son Dieu : goûtant Dieu, il s'attache
à lui : s'attachant à lui, il embrasse toutes ses volontés : embrassant
toutes ses volontés, il se conforme entièrement à lui : se conformant
entièrement au bon plaisir de Dieu, il se transforme en lui. Et ainsi
l'affliction est le chemin du parfait amour et de la parfaite
transformation. »
L'ange
ayant dit ces choses, la vision disparut, et la Bienheureuse revint à
elle-même avec un désir plus embrasé que jamais de vivre et de mourir
sur la croix et de ne chercher aucune consolation dans les choses de ce
monde.
Souvent
il lui semblait entendre une voix, comme si elle fût venue à elle du
haut d'une tour élevée, et cette voix lui criait : « Aime Dieu, aime
celui qui t'aime, aime ce bien infini. N'aime point ce monde trompeur,
n'aime point celui qui ne t'aime point. » Nous pouvons penser que cette
voix était celle des anges qui, considérant en elle un cœur si disposé
aux plus vives flammes de l'amour, étaient comme impatients de l'en voir
toute embrasée.
Repassant,
un jour qu'elle était allée à l'église pour se confesser et communier,
ces paroles qui retentissaient si souvent au fond de son cœur, elle se
disait à elle-même : « O mon cœur, si tu veux aimer quelque chose, que
ce ne soit pas ce monde trompeur, mais aime Celui qui seul mérite d'être
aimé. » A ce moment, son cœur fut tellement ému, et il se mit à battre
avec tant de violence, qu'elle fut obligée de sortir de l'église et de
retourner chez elle. En y entrant, elle sentit une odeur qu'elle connut
être miraculeuse. Elle se mit à genoux devant un crucifix, et, toute
baignée de larmes, elle fit cette prière : « Quand donc, mon doux
Sauveur, me donnerez-vous votre parfait amour ? Je ne veux d'autre amour
que le vôtre : je ne veux rien aimer que vous ! » Alors, l'image de
Jésus-Christ se détacha de la croix, et s'en allant à elle, l'embrassa
tendrement, et l'enflamma tellement du divin amour, qu'elle en conserva
l'impression profonde le reste de sa vie.
Notre-Seigneur
voulut un jour l'éclairer sur le mérite de l'obéissance, et lui montrer
combien cette vertu lui est agréable. Elle avait fait, pour son amour,
un abandon absolu de sa volonté entre les mains de son confesseur ;
Notre-Seigneur lui apparut, et lui dit : « Ma fille, parce que tu t'es
généreusement dépouillée de ta propre volonté, pour l'amour de moi,
demande tout ce que tu voudras, et je te l'accorderai. » Cette
Bienheureuse, qui l'aimait uniquement, lui répondit, comme avait fait
autrefois saint Thomas d'Aquin à une semblable demande : « Je ne veux
pas autre chose, mon doux Seigneur, que vous-même. »
Par
suite de sa tendre dévotion envers le Très Saint Sacrement, la
Bienheureuse était dans des désirs continuels de communier, malgré la
rage des démons qui employaient toute leur malice pour l'en empêcher.
Une fois, ils lui causèrent une si grande soif pendant la nuit, qu'elle
se trouva dans des ardeurs insupportables. Mais, par une admirable
tempérance, elle triompha de leur artifice; et le matin, elle se retira
de la sainte Table, après avoir reçu le corps de Jésus-Christ, tellement
éprise de son divin amour et rassasiée par ce pain des anges, qu'elle
demeura quarante jours sans prendre aucune nourriture, comme nous le
lisons de sainte Catherine de Sienne.
Elle
mourut le 2 janvier 1530 à l'âge de soixante-treize ans en prononçant
les paroles du Divin Crucifié dont elle avait été la fidèle imitatrice :
"Seigneur, je remets mon âme entre Vos mains."
Béatification
Le Pape Benoît XIV entérina le culte rendu à Stéphanie de Quinzani en la béatifiant le 14 décembre 1740.
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