Saints Lucien et Marcien († 250)
martyrs à Nicomédie
Lucien et Marcien, nés dans les ténèbres de l'idolâtrie, étaient passionnés pour l'étude de la magie.
Mais ils se convertirent en voyant l'inutilité de leurs charmes sur une vierge chrétienne, et la défaite des malins esprits par la vertu du signe de la croix.
Ils n'eurent pas plus tôt ouvert les yeux à la lumière de l’Évangile, qu'ils brûlèrent leurs livres de magie, au milieu de la ville de Nicomédie.
S'étant purifiés de leurs crimes par le baptême, ils distribuèrent leurs biens aux pauvres, et se retirèrent dans la solitude, afin que par l'exercice de la prière et par la pratique de la mortification, ils pussent soumettre leurs passions, se fortifier dans les résolutions qu'ils avaient prises pour se mettre plus sûrement à l'abri du danger, et fuir plus facilement les tentations auxquelles on est exposé dans le inonde, jusqu'à ce que leur vertu fût solidement établie.
Lorsqu'ils
eurent passé de la sorte un temps considérable, ils se mirent à prêcher
Jésus-Christ aux gentils, pour les rendre participais de la grâce
qu'ils avaient reçue.
L'édit
de Dèce contre les chrétiens ayant été publié en Bithynie, l'an 250,
ils furent arrêtés et conduits devant le proconsul Sabin.
Comme
celui-ci demandait à Lucien de quelle autorité il prêchait
Jésus-Christ, le martyr lui répondit que tout homme devait faire ses
efforts pour retirer ses frères de l'erreur.
Marcien ne fit pas une profession moins généreuse de sa foi.
Le juge ordonna qu'ils fussent étendus sur le chevalet.
Tandis
que nous adorions les idoles, lui dirent les martyrs, nous avons commis
plusieurs crimes, nous avons donné publiquement dans les abominations
de la magie, sans qu'on nous fît subir aucun châtiment : mais nous
devenons chrétiens, nous remplissons les devoirs de bons citoyens, et
l'on nous applique à des tortures barbares.
Le proconsul les menaçant de les faire souffrir encore davantage, Marcien reprit :
« Nous sommes prêts à souffrir tout ce qu'il vous plaira : mais nous ne
renoncerons point au vrai Dieu, de peur qu'il ne nous précipite dans un
feu qui ne s'éteindra jamais. »
Il eut à peine fini de parler, que Sabin les condamna tous deux à être brûlés vifs.
Ils allèrent avec joie au lieu de l'exécution.
Ils expirèrent au milieu des flammes, en louant et bénissant le Seigneur.
Ils sont nommés dans le martyrologe romain, sous le 26 Octobre.
SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card.
De
même que la nature nous fait voir des roses germer sur les ronces, et
les pommiers fleurir entés sur des épines, ainsi les saintes Lettres
nous apprennent que la grâce a surabondé là où abondait la malice ; où
l'iniquité avait dominé, la justice est survenue, qui en a pris la
place.
Là,
en effet, où l'esprit du mal a séduit et entraîné les pécheurs dans le
crime, la grâce, les amenant ensuite au repentir, leur a ouvert les
portes d'une pénitence salutaire.
Nous
avons commencé par cette réflexion le récit du martyre des saints
Lucien et Marcien ; car tous deux, sur le sol mauvais de leur propre
perversité, ont germé comme des arbres fertiles ; puis, leur âme
aspirant aux nobles actions des saints, on les a vus s'étendre, grandir
et bientôt égaler les cèdres qui croissent au bord des fleuves.
Ils
ont invoqué le Dieu de Jacob, et ils ont mérité d'être justement
appelés du nom d'lsraël ; et cet honneur, ils ne l'ont point obtenu sans
travaux ni combats ; il leur a coûté le sacrifice sanglant de leur
propre corps.
Tous
deux autrefois avaient mené une vie criminelle, sans espérance, comme
on dit, et sans Dieu ; car, engagés dans le culte de divinités sans vie,
ils s'étaient consacrés aux démons de l'impureté.
Et,
non contents de ces erreurs, mais entraînés encore plus loin par leurs
passions aveugles et insensées, ils s'étaient précipités dans bien
d'autres crimes, avec un débordement de mÏurs corrompues qui allaient
les jeter dans la mort éternelle.
Ainsi
ils avaient appris l'art des enchantements, persuadés qu'il leur serait
utile pour satisfaire leurs passions, et ils s'étaient initiés à tous
les mystères de cet art impie que les esprits de l'enfer ont institué,
ou suggéré aux hommes.
À l'aide de ces moyens, et poussés par les démons, qui, eux aussi,
prêtaient leur concours, ils triomphaient de la vertu des femmes,
tiraient d'affreuses vengeances pour les plus légères injures, se
montraient des ennemis acharnés et terribles contre quiconque s'opposait
à eux, corrompant les âmes simples, arrachant la vie aux autres, et
n'épargnant personne.
Les choses en étaient venues à ce point, que le plus grand nombre ne
les voyait pas sans frayeur, et qu'ils avaient peine à trouver quelqu'un
qui osât les aborder et parler avec eux.
Ceux
qui, par hasard, les rencontraient, détournaient aussitôt les yeux,
témoignant ouvertement l'horreur qu'ils éprouvaient à leur seul aspect ;
car leur monstrueuse impiété se peignait d'elle même dans tous leurs
traits, et elle était devenue odieuse et intolérable à toute la ville.
Mais
l'infinie Bonté de Dieu mit enfin un terme à leurs iniquités ; son
Amour pour les hommes ne souffrit pas que ces deux pécheurs
s'épuisassent jusqu'au dernier jour de leur vie au milieu de ces crimes,
qui entraînaient la perte de tant de malheureuses victimes.
Il
usa envers eux de ses grandes Miséricordes, et sa Bonté s'opposant à
leur malice, Il arrêta leurs emportements, les arracha à leur impiété,
et délivra la ville dont ils étaient le fléau. Voici en peu de mots de
quelle manière se fit cette conversion.
Dans cette même ville, vivait une vierge chrétienne qui, renonçant au mariage, avait consacré à Dieu sa virginité.
Son
extérieur était plein de noblesse et de charmes; mais ces charmes
n'étaient rien comparés à la beauté de son âme, fruit de cette foi
sincère qu'elle gardait à son Dieu.
Or, Lucien et Marcien, suivant les habitudes de leur libertinage, s'étaient épris d'un amour criminel pour cette vierge.
Vertueuse
servante de Dieu, elle avait toujours rendu inutiles les efforts qu'ils
faisaient pour l'entraîner à leurs désirs infâmes ; ils espérèrent
cependant réussir par les enchantements et la magie.
Appelant
donc à leur secours les malins esprits, ministres de leurs passions,
ils leur commandèrent de leur amener au plus tôt la jeune fille. Mais
celle-ci triompha des démons, qui ne purent entamer sa foi ni sa vertu;
car cette vierge vraiment chrétienne se couvrait de sa foi et du signe
de la croix, comme d'une armure impénétrable.
Aussi
ces malins esprits, ne pouvant la vaincre, ni par conséquent accomplir
les vÏux de leurs adorateurs, furent forcés d'avouer que l'entreprise
était au-dessus de leurs forces.
Lucien
et Marcien furent vivement affligés de voir leur art vaincu par la
vertu d'une jeune fille ; ils interrogeaient donc ces génies de l'enfer,
et les pressaient de leur apprendre comment eux, toujours si puissants
en toutes choses, avaient été arrêtés dans cette seule circonstance.
Ces
esprits pervers répondirent : "Ce n'est point une peine de vaincre et
de soumettre à notre joug tous ceux qui, engagés dans de vaines erreurs,
ne connaissent pas Dieu; rien n'est plus facile. Mais cette vierge de
Dieu est défendue par un Maître invincible, Jésus Christ, et nous devons
avouer que, ni par la violence, ni par l'artifice, nous ne pouvons
triompher d'elle."
Frappés
de cette réponse inattendue, Lucien et Marcien se sentent saisis tout à
coup de je ne sais quelle terreur dont Dieu pénètre leur âme; et ils
tombent à terre presque sans vie.
Puis, chassant les démons bien loin d'eux, ils commencèrent à songer sérieusement à leur salut.
Un rayon de la lumière céleste descendit dans leur âme, et leur montra la route qui les conduirait de l'erreur à la vraie foi.
Alors,
raisonnant ensemble cet événement qui les intéressait tous deux
également, ils disaient : "Certainement, il sera plus conforme à notre
raison que, Celui qui a vaincu les démons et les a soumis à sa
Puissance, nous Le servions comme le seul vrai Dieu et que nous adorions
Jésus Christ, son Fils. C'est pourquoi, réalisant cette salutaire
pensée, ils résolurent de consacrer le reste de leur vie à la pratique
de la véritable piété.
Aussitôt
donc, ils brûlent leurs livres et tout l'appareil de leur art criminel,
s'étudient à se réformer eux-mêmes sur les règles de l'honnêteté et de
la modestie la plus sévère ; et, cherchant une retraite loin de la ville
et de tout contact avec les hommes, ils s'enfoncent dans des lieux
solitaires et abandonnés, pour y servir Dieu par les exercices d'une vie
austère et expier dans la pénitence les dérèglements et les crimes de
leur conduite passée.
Ils avaient vécu longtemps au milieu de ces mortifications et donné à
tous les preuves les plus touchantes de leur foi au Christ lorsque
enfin, affermis dans la crainte de Dieu et dans leur pieux dessein, ils
crurent que ce serait un crime pour eux de cacher la religion qui les
avait reçus et la vérité qu'elle leur avait enseignée, et ils formèrent
le projet de donner tous leurs soins au service et à l'instruction de
leurs semblables.
Dès
lors, saisissant toutes les occasions, les recherchant même avec zèle,
ils s'efforçaient d'instruire ceux qu'ils rencontraient et de les amener
à connaître et à honorer le vrai Dieu ; mais plusieurs voyaient avec
peine le changement qui s'était opéré en eux ; ils s'en étonnaient comme
d'une chose inouïe et presque incroyable.
On
se demandait comment il avait pu se faire que des malheureux qui
vivaient des profits d'un art infâme, sans cesse s'exerçant aux
opérations de la magie et des enchantements, et dans un commerce
exécrable avec les démons, eussent tout d'un coup commencé à invoquer le
nom de Jésus Christ, et dépouillé des mÏurs criminelles profondément
invétérées, sans craindre les lois et les supplices décrétés contre les
chrétiens.
Le
bruit de cette conversion s'étant donc peu à peu répandu, et la chose
ayant été déférée aux magistrats, Lucien et Marcien furent arrêtés par
les licteurs et conduits au préfet.
Celui-ci
aussitôt les fit étendre sur le chevalet, et les soumit à une question
longue et cruelle, pour les forcer à revenir aux superstitions qu'ils
avaient abjurées et à sacrifier aux idoles.
Mais
les martyrs, ayant obtenu la permission de parler, s'adressèrent en ces
termes au préfet : "Ces tourments, préfet cruel, il eut été juste de
nous les infliger, juste même de nous punir du dernier supplice,
lorsqu'il y a peu de jours encore, nous nous plongions dans toute espèce
de désordres et de crimes, troublant le repos public de la cité,
attentant, par les séductions et la violence, à la pudeur des femmes les
plus honorables. Mais c'est le contraire que tu as fait. Tu nous as
laissés commettre impunément ces monstrueux forfaits ; et maintenant
que, arrachés à cette fange du vice, nous cherchons à pratiquer la vertu
et la vraie piété, tu nous punis cruellement. Au reste, ces
traitements, loin d'exciter nos plaintes, sont au contraire à nos yeux
un grand bienfait de la Bonté de Dieu, et nous Lui en rendons de très
humbles actions de grâces; car, apaisé par notre sacrifice, Il nous
pardonnera les péchés que nous avons commis; et, par la mort que nous
allons souffrir pour son amour, Il nous rendra dignes de cette vie
éternelle qu'Il a promise à ceux qui ont vécu dans la piété et la
sainteté. Achève donc, tyran barbare; accumule sur nous les supplices,
au gré de ta fureur; ce qu'elle pourra inventer, nous ne refuserons pas
de le souffrir."
Irrité
de ce discours, le préfet ordonne qu'on les détache du chevalet et
qu'on les livre aux flammes, persuadé qu'il était que la cruauté des
supplices ne les ferait pas changer.
Mais les martyrs, regardant leur bûcher tout en feu, et les bourreaux
déjà prêts, s'élancèrent joyeux au milieu des flammes ; et, quand ils en
furent entourés de toutes parts, ils commencèrent une hymne d'actions
de grâces au Dieu dont la Bonté infinie les avait rappelés des désordres
impies de leur jeunesse pour les conduire à la couronne du martyre.
Source
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