Dédicace de la Basilique du Latran à Rome
La
basilique Saint-Jean-de-Latran (San Giovanni in Laterano) est l'une des
quatre basiliques majeures de Rome, édifiée sur le mont Latran.
Son titre exact est basilique du Très-Saint-Sauveur et des saints Jean Baptiste et Jean l'Evangéliste, au Latran.
Premier
édifice monumental chrétien construit en Occident, à partir de 320,
elle est l'église cathédrale de l'évêque de Rome, le pape.
Tout
comme le palais du Latran qui lui est contigu, elle est la propriété du
Saint-Siège et bénéficie à ce titre du privilège d'extraterritorialité.
Elle est considérée comme la « mère » en ancienneté et dignité de toutes les églises de Rome et du monde.
Elle
porte le titre, inscrit sur le fronton, de « omnium urbis et orbis
ecclesiarum mater et caput », qui signifie « mère et tête de toutes les
églises de la ville et du monde ».
Première église à être publiquement consacrée — le 9 novembre 324 par le pape Sylvestre Ier — elle prit progressivement (à partir du XIIe siècle)
le nom de basilique Saint-Jean par association à son important
baptistère voisin, dédié à saint Jean-Baptiste, le plus ancien de Rome.
Pendant plus de dix siècles, les papes (évêques de Rome) résidèrent dans le palais du Latran voisin.
Dans les murs de la basilique se réunirent plus de 250 conciles, dont les cinq conciles œcuméniques du Latran.
Ses immenses portes d'entrée en bronze proviennent de la Curie Julia, réinstallées là au milieu du XVIIe siècle.
Historique
Baldaquin
Le plafond de la basilique
La basilique constantinienne
Le lieu doit son nom à la demeure d'une grande famille de patriciens, les Laterani.
Sur la colline du Latran, au début du IVe siècle, on trouve les écuries de Maxence, où tenait garnison la cavalerie de cet empereur.
Après la victoire de Constantin Ier,
celui-ci fait don du site à l'évêque de Rome, et les travaux sont
lancés pour la construction d'un lieu de culte chrétien. Ce n'est pas un
temple qui est alors construit, mais une basilique.
La
basilique est consacrée sous le titre de Basilique du Très Saint
Sauveur en 324 (ou 319 selon d'autres sources) par le pape Sylvestre Ier.
Le
bâtiment, long de 110 mètres, est alors la plus grande église
chrétienne (Saint-Pierre, consacrée en 328, est alors beaucoup plus
petite).
Dès l'origine est construit à proximité le palais épiscopal, où réside le pape.
Au
nord-ouest, derrière l'abside, a également été érigé un baptistère,
dédié à saint Jean-Baptiste, où une fois l'an, à Pâques, les néophytes
reçoivent le baptême.
La
basilique se caractérise par un plan rectangulaire simple divisé par
des files de colonnes qui définissent quatre bas-côtés et une nef
centrale plus large venant buter sur le transept, ce qui lui donne une
forme de croix.
Le tout (le vaisseau central et les bas-côtés) porte le nom de nef.
Ce type de plan basilical, caractéristique de l'architecture paléochrétienne s'inspire du modèle romain de la basilique civile.
Les
dix-neuf colonnes séparant la nef centrale étaient en granite rouge,
tandis que les vingt-et-une colonnes séparant les bas-côtés étaient en
granite vert.
A l'entrée de la basilique, un vaste hall qui a pour avantage principal d'accueillir des foules nombreuses.
La
nef centrale, plus haute que les bas-côtés et couverte par un toit à
double pente, se terminait par une abside semi-circulaire, décorée de
mosaïques.
Les bas-côtés étaient couverts d'un toit plat percé de baies en demi-lune.
Le décor était constitué de peintures murales et de placages de marbre précieux et coloré.
De
nos jours à Rome on peut observer la physionomie de ce type de grande
basilique antique à la basilique Sainte-Marie-Majeure, construite au Ve siècle et très bien conservée, à l'église Sainte-Sabine, elle aussi construite au Ve siècle
et qu'une heureuse restauration moderne a débarrassé de la plupart de
ses ajouts baroques, ainsi qu'à la basilique Saint-Paul-hors-les-murs,
reconstruite en respectant fidèlement la conception architecturale
d'origine.
Difficile Moyen Âge
Ce monument a subi de nombreux outrages au cours des siècles. La basilique subit des dégâts lors des sacs de Rome, par Alaric Ier en 410, puis Genséric en 455.
À partir du VIe siècle, on commence à la désigner sous le nom de Saint-Jean, nom du baptistère voisin.
Un tremblement de terre la détruisit en l'an 896.
Elle est alors entièrement restaurée par le pape Serge III au Xe siècle.
Lorsqu'au début du XIIIe siècle
débute l'aventure franciscaine, le pape voit en songe un petit homme en
brun s'affairer à soutenir la basilique bien fragilisée : le lendemain,
il reconnait le petit homme de son songe dans François d'Assise venu
lui présenter son projet de fondation d'un ordre mendiant.
Le
magnifique cloître roman, avec des colonnes aux multiples formes,
typique de l'art roman italien, et avec décors d'opus sectile de pierres
polychromes de style cosmatesque, est construit aux XIIe et XIIIe siècles.
L'abside
du cœur de la basilique conserve également une superbe mosaïque et des
marqueteries de marbre cosmatesques de cette période.
Vue du cloître du Latran
La cuve centrale du cloître
Colonnes torsadées incrustées de décors cosmatesques
Un lion en ronde-bosse à la base du cloître
Frise d'opus sectile cosmatesque du cloître
La basilique fut à nouveau très endommagée par un terrible incendie dans la nuit du 6 mai 1308 sous le pape Clément V.
Celui-ci lance les travaux de restauration terminés sous le règne de son successeur Jean XXII.
Elle
fut encore endommagée par un séisme en 1349, puis par un autre incendie
en 1361, et à nouveau restaurée par Urbain V qui confia les travaux à
l'architecte Giovanni Stefani.
C'est à cette époque que le plafond à caisson remplace la charpente en bois.
Lors du retour des papes à Rome, avec Martin V en 1417, ceux-ci ne peuvent pas s’installer au Latran en trop piètre état.
Toutefois le pape lance immédiatement une campagne de restauration. Il sera enterré dans la basilique.
La renaissance : le grand remaniement
L'édifice actuel est un grand remaniement du XVIIe siècle :
en effet, à la suite de la construction de la Basilique Saint-Pierre,
la cathédrale du pape avait bien besoin de retrouver son lustre.
La
nef et l'aménagement intérieur sont dus à l'architecte Francesco
Borromini, réalisation à la demande du pape Innocent X à l'occasion du
Jubilé de 1650.
L'architecte aurait désiré reconstruire totalement, mais il lui fut imposé de préserver le plafond du XIVe siècle.
Son
poids étant trop important pour les fines colonnes antiques, Borromini
les réunit deux à deux et fit 10 piliers monumentaux.
La façade extérieure, monumentale, est construite en travertin en 1734, par l'architecte Alessandro Galilei.
Celui-ci s'est très nettement inspiré de la façade de Saint-Pierre de Rome.
Les portes centrales en bronze sont initialement les portes de la Curie romaine du IVe siècle.
Elles sont déplacés du Forum au Latran, lors de cette restauration.
La période contemporaine
La
dernière restauration majeure date du pontificat de Léon XIII : le
presbytérium étant trop petit, il fit déplacer l'abside d'une vingtaine
de mètres vers l'ouest, ce qui impliquait de déposer et remonter la
mosaïque monumentale du XIIIe siècle.
Malgré toutes ces vicissitudes, les restaurations successives ont gardé à la basilique sa structure initiale.
Sa
taille actuelle correspond à peu de chose près à l'édifice de l'année
324 : les ajouts se limitent à la façade (et son atrium), aux chapelles
latérales et à l'allongement du chœur.
Toutefois,
l'apparence n'est plus du tout constantinienne : seule la peinture de
Dughet représentant l'intérieur de l'église peut donner une idée de
l'intérieur avant 1650.
Vue de l'abside
Elle fut, ainsi que le palais du Latran attenant, le siège de cinq conciles :
- Latran I (1123) ;
- Latran II (1139) ;
- Latran III (1179) ;
- Latran IV (1215) ;
- Latran V (1512).
Elle accueille les sépultures de trois papes : Martin V, Clément XII et Léon XIII.
Liens avec la France
Chanoines honoraires
Article détaillé : Chanoine.
Inscription
sur la base de la statue d'Henri IV sous le portique du transept droit,
mentionnant l'attribution du titre de chanoine d'honneur
Le président de la République française, comme successeur des rois de France, est chanoine honoraire de la basilique.
En 1482, Louis XI avait accordé des droits au chapitre du Latran sur l'abbaye de Clairac en Aquitaine (aujourd'hui département du Lot-et-Garonne).
Mais l'essor du protestantisme dans la région empêchait ce dernier de percevoir ces revenus.
Le
22 septembre 1604, Henri IV confirme le chapitre dans ses droits et
fait en sorte qu'il soit en mesure de toucher les revenus de l'abbaye
qui lui sont dus.
En
contrepartie, le chapitre fait ériger une statue à l'effigie du roi
dans la basilique Saint-Jean-de-Latran, réalisée par Nicolas Cordier.
Il attribue au roi de France le titre de « premier et unique chanoine honoraire » du chapitre de la basilique.
Par
ailleurs, il fait célébrer annuellement une messe pour la prospérité de
la France le 13 décembre, jour anniversaire de la naissance d'Henri.
En 1729, Louis XV augmente les revenus du chapitre de deux prieurés dépendant de l’abbaye de Clairac.
La Révolution française supprime ces droits en 1791. Louis XVIII,
Charles X et Napoléon III les restaureront sous forme d'une rente, qui
sera définitivement abolie en 1871.
Aujourd'hui
encore, le chapitre nomme l’un de ses membres « abbé de Clairac » ; en
2018, il s’agit de Mgr Louis Duval-Arnould, ancien responsable des
archives du Latran.
En
mai 2016 s’est tenu à Clairac un colloque universitaire, co-organisé
par la Société académique d’Agen, les Archives départementales de
Lot-et-Garonne et la mairie de Clairac, « Clairac et son abbaye », suivi
par plus de 200 personnes, dont les Actes ont été publiés par la
Société académique.
Les traditions de la messe du 13 décembre et du titre de chanoine honoraire décerné au chef d'État français ont perduré depuis.
Il était toutefois négligé par les présidents de la République jusqu'à René Coty.
Depuis
le début de la Cinquième République, les présidents Charles de Gaulle,
Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac sont allés prendre discrètement
possession de leur stalle.
Par contre, Georges Pompidou et François Mitterrand n'ont pas fait le même geste, tout en acceptant le titre de chanoine.
La
cérémonie d'intronisation de Nicolas Sarkozy est à l'origine d'une
polémique sur la laïcité à la suite d'un discours où il confirme les
racines chrétiennes de la France et fait un éloge de la foi.
Il prononce entre autres les phrases suivantes :
« Un
homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la
République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui
espèrent. »
Mais
aussi : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de
la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais
remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en
approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice
de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l'espérance. »
Plus
récemment, François Hollande a suivi la démarche de son prédécesseur
socialiste, François Mitterrand, en acceptant le titre du Saint-Siège
sans se rendre au Vatican pour une quelconque cérémonie d'intronisation.
Le président aurait accepté « par tradition » selon ses termes.
Le président Emmanuel Macron reçoit, comme Nicolas Sarkozy, son titre de chanoine dans la basilique le 26 juin 2018.
Contrairement
à la rumeur, ce titre ne confère pas au président de la République
française le droit de pouvoir entrer à cheval dans l'enceinte de la
basilique.
Hommage aux victimes de la misère
Dalle
en l'honneur des victimes de la misère inaugurée le 15 octobre 2000 par
le cardinal Roger Etchegaray, sur le parvis de la basilique
Un
autre lien avec la France est à souligner : la présence, sur le parvis
de la basilique, d'une réplique de la dalle en l'honneur des victimes de
la misère, inaugurée à Paris, sur le parvis des droits de l'homme, place du Trocadéro, le 17 octobre 1987, par le père Joseph Wresinski.
La réplique romaine a été inaugurée le 15 octobre 2000, dans le cadre de l'année du Grand Jubilé.
Elle reprend, en italien, le texte de la dalle originale, auquel a été ajoutée une citation du pape Jean-Paul II :
« Jamais plus l'exclusion, la discrimination, l'oppression, le mépris des pauvres et des petits. »
La Journée mondiale du refus de la misère y est célébrée chaque année, le 17 octobre.
Architecture
Le transept
Commencé vers 1594, le transept est dû à Giacomo della Porta et à Giuseppe Cesari.
Un
orgue est placé sur les deux côtés, à gauche l'orgue du Saint Sacrement
et à droite l'orgue de Luca Blasi, le plus ancien de Rome.
On
y retrouve des épisodes de la vie de Constantin peints par Orazio
Gentileschi, Cesare Nebbia, Giuseppe Cesari et Paris Nogari.
Les chapelles
- La chapelle Corsini : située à gauche de la nef, la chapelle est commandée par la famille Corsini à Alessandro Galilei, consacrée en 1735 et dédiée à saint André Corsini.
- La chapelle Torlonia : surmontée par une voûte à caisson de Quintiliano Raimondi.
- La chapelle Massimo : Fautina Massimo obtient en 1564 le droit de Pie IV de construire une chapelle pour sa famille. C'est Giacomo della Porta qui la réalisa entre 1564 et 1570.
Le cloître
Le cloître fut restructuré au XIIIe siècle sous le pontificat de Grégoire IX et confié à la famille de marbriers Vassaletto.
La margelle du puits au centre date de l'époque carolingienne.
Le baptistère
Séparé de la basilique et commencé au début du IIIe siècle, le baptistère a été remanié sous Sixte III dans sa forme actuelle octogonale soutenue par huit colonnes en porphyre.
Le baptistère
Plafond du baptistère
Vue d'ensemble
Les statues d'apôtres de saint-Jean-de-Latran
Saint André (Camillo Rusconi)
Saint Pierre (Pierre-Étienne Monnot)
Saint Jacques le Mineur (Angelo de Rossi)
Saint Thaddée (Lorenzo Ottoni)
Saint Simon (Francesco Moratti)
Saint Matthieu (Camillo Rusconi)
Saint Philippe (Giuseppe Mazzuoli)
Saint Barthélemy (Pierre Le Gros le jeune)
Saint Jean l'évangéliste (Camillo Rusconi)
Saint Paul (Pierre-Étienne Monnot)
Jacques de Zébédée (Camillo Rusconi)
Saint Thomas (Pierre Le Gros le jeune)
Tombeaux et reliques
- Chefs (reliques de tête) de saint Pierre et saint Paul de Tarse transférés le 2 mars 1370 par le pape Urbain V dans le ciborium de la basilique.
- Reliques du bienheureux Innocent V
- Tombeau du pape Léon XIII
- Tombeau du pape Sylvestre II
- Tombeau de Martin V
Peintures
Francesco Trevisani réalisa pour la basilique Le Prophète Baruch vers 1718.
Archiprêtres
Les statues du Christ, de saint Jean Baptiste, de saint Jean l'Évangéliste et des docteurs de l'Église
Comme pour les trois autres basiliques majeures, la fonction d'archiprêtre de Saint-Jean de Latran est assurée par un cardinal.
Depuis 1970, ce titre, attaché à la cathédrale de Rome, est traditionnellement donné au cardinal-vicaire de Rome.
Liste depuis 1896 :
- Francesco Satolli (1896-1910)
- Pietro Respighi (1910-1913)
- Domenico Ferrata (1913-1914)
- Basilio Pompilj (1914-1931)
- Francesco Marchetti Selvaggiani (1931-1951)
- Benedetto Aloisi Masella (1954-1970)
- Angelo Dell'Acqua (1970-1972)
- Ugo Poletti (1973-1991)
- Camillo Ruini (1991-2008)
- Agostino Vallini (2008-2017)
- Angelo De Donatis (depuis 2017)
Fête de la dédicace
La
« cathédrale de l'évêque de Rome », est considérée dans l'Église
catholique comme la « mère et tête de toutes les églises » du monde
chrétien.
La
fête de la dédicace de la basilique du Latran, célébrée tous les 9
novembre est pour les catholiques un signe d’unité avec l'église de
Rome.
Galerie
Statues au sommet de la façade
La nef centrale de Francesco Borromini
La coupole de l'abside
Transept sud avec le bas-relief de Curzio Vanni
Détail du plafond
Chapelle Corsini
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