Bienheureux Jean Duns Scott († 1308)
Frère mineur, théologien
Jean Duns Scot, par Joos van Wassenhove,
Rome, Palais Barberini
Jean
Duns Scot (vers 1266 à Duns - 1308 à Cologne), dit aussi John Duns
Scotus en anglais, Johannes Duns Scotus en allemand, surnommé le
« Docteur subtil » (Doctor subtilis), est un théologien et philosophe écossais, fondateur de l’école scolastique dite scotiste.
Il
fut la fierté de l'ordre franciscain, et influença profondément
Guillaume d'Ockham, de la même manière que Thomas d'Aquin le dominicain
fut admiré de son ordre.
L'école scotiste et l'école thomiste seront constamment en conflit, suivant les rivalités des deux ordres mendiants.
La
philosophie scotiste est complexe. Duns Scot oppose à la doctrine
thomiste de l'analogie de l'être sa propre doctrine de l'univocité de
l'être : le concept d'étant se dit de la même manière pour tout ce qui
est, y compris Dieu.
La différence entre Dieu et les créatures n'est pas une différence
d'être comme chez Thomas d'Aquin ou Maître Eckhart, elle tient à ce que
Dieu est infini et la créature finie, sur un même plan ontologique.
D'autre part, Duns Scot élabore une métaphysique de la singularité basée sur le concept d'individuation.
L'éthique de Jean Duns Scot met l'accent sur la volonté personnelle et la charité, dans la lignée d'Augustin et Bonaventure.
En
théologie, le docteur franciscain est surtout connu pour son
angélologie, ainsi que pour sa théorie de l'Immaculée conception de
Marie, critiquée par les Dominicains.
On lui donne à ce propos un autre surnom, le « Docteur marial », qui avait également été attribué à Bernard de Clairvaux.
Il est reconnu bienheureux par l'Église catholique et fêté le 8 novembre.
Biographie
Philosophe et théologien franciscain (1266-1308). Né en 1266 (ou fin 1265) à Duns, en Écosse, d'où le surnom de Scotus.
Il entre chez les franciscains en 1280 et il est ordonné prêtre le 17 mars 1291.
Commencée
dans les collèges de son ordre, sa formation est complétée à
l'université d'Oxford, où il reçoit, vers 1291-1293, l'enseignement de
Guillaume de Ware.
Il
ne semble pas qu'il ait étudié à Paris, mais il connaît la logique
parisienne grâce aux manuscrits en circulation et à l'enseignement de
Simon de Faversham.
C'est en effet entre 1290 et 1300 qu'il a dû composer ses œuvres de logique.
Bachelier
sententiaire, il commence sa carrière à Oxford vers 1300-1301, avec le
commentaire des Sentences de Pierre Lombard ; un abrégé de ce cours nous
est parvenu sous le titre de Lectura.
Mais
c'est en 1300 ou 1302 qu'il aurait entamé, sur la recommandation du
provincial franciscain d'Angleterre, son enseignement à l'université de
Paris.
Il
se consacre à un nouveau commentaire des Sentences, lequel a été
conservé sous forme de notes prises par les auditeurs : ce sont les
Reportata parisiensia.
En 1302, Duns Scot assiste à la question disputée sur la louange de Dieu.
C'est son maître, Gonzalve d'Espagne, qui est en position de disputant, et l'objectant n'est autre que Maître Eckhart.
Cette
controverse oppose le volontarisme du futur ministre général des
franciscains, à l'intellectualisme du célèbre dominicain rhénan.
Eckhart
rapporte la dispute dans un sermon : « J'ai dit dans l'école que
l'intellect était plus noble que la volonté, bien qu'elles appartinssent
l'une et l'autre à cette lumière. Un maître a dit alors dans une autre
école que c'était la volonté qui était plus noble que l'intellect […] ».
En
juin 1303, Duns Scot doit quitter la France, parce qu'il a refusé de
signer une pétition appelant, à l'initiative du roi de France Philippe
le Bel, à la réunion d'un concile contre le pape Boniface VIII.
Aussi retourne-t-il probablement à Oxford, où il reprend son enseignement.
À
l'initiative de Gonzalve d'Espagne, devenu entretemps Ministre général
de l'Ordre, il regagne Paris vers la fin de l'année 1304, le nouveau
pape, Benoît XI, ayant levé les interdictions qui pesaient sur
l'université.
En
1305, il est fait docteur, et en 1306-1307, maître régent, c'est-à-dire
directeur des études du studium franciscain, maison de formation
rattachée à l'université.
Fin
1307, il est envoyé à Cologne et y reçoit la charge de lector
principalis pour l'implantation franciscaine dans cette ville.
C'est là qu'il meurt, le 8 novembre 1308, laissant inachevée l'Ordinatio, troisième commentaire des Sentences.
Sa
tombe est toujours visible dans l'ancienne église des frères mineurs.
Vénéré par l'ordre franciscain pour sa défense de l'Immaculée
Conception, puis dans le diocèse de Nole (Italie), Duns Scot a été
béatifié en 1993.
Il a laissé un grand nombre d'œuvres, dont la chronologie est cependant difficile à établir précisément.
Philosophie
La
philosophie de Duns Scot doit être resituée dans un environnement
intellectuel très complexe : celui de la scolastique après 1277.
Dans les trois premiers quarts du XIIIe siècle,
les maîtres universitaires avaient découvert avec enthousiasme le
corpus aristotélicien (traduit en latin), et proposé des sortes de
synthèses entre la philosophie et la foi chrétienne, au niveau de la
méthode et/ou de la doctrine : c'est l'époque des Sommes, dont la plus
connue est celle de Thomas d'Aquin.
Cependant,
si, au départ, on pouvait espérer que la pensée profane viendrait
étayer et confirmer rationnellement la pensée religieuse, vint un moment
où l'on se mit à craindre que le corpus aristotélicien ne prenne le pas
sur la révélation chrétienne.
Aristote
et certains commentateurs arabes n'affirmaient-ils pas que la nature
avait doté l'homme de la capacité d'atteindre au bonheur, à savoir la
contemplation du divin (le "premier moteur") par l'intellect ? Et que
penser des positions philosophiques clairement incompatibles avec la
doctrine chrétienne ? Poignantes interrogations, dont les condamnations
de 1277 se firent l'écho : cette année-là, l'évêque de Paris, Étienne
Tempier, condamnait 219 thèses de maîtres artiens (= de la faculté de
philosophie) et pourchassait le spectre de ce que l'on a appelé
l'averroïsme latin.
Un
coup d'arrêt était ainsi donné à l'aristotélisme, dont allait profiter
le courant rival : ce néoplatonisme dont on redécouvrait alors les
œuvres, mais dont la pensée était déjà connue entre les lignes de saint
Augustin ou d'Avicenne.
La scolastique a ainsi été tenue de se réorganiser entre aristotélisme critique et augustinisme avicennisant.
Telle
fut la tâche de la génération intermédiaire entre Thomas d'Aquin et
Duns Scot, dont les figures dominantes restent à Paris Henri de Gand et
Godefroid de Fontaines, et dans l'ordre franciscain Pierre de Jean
Olivi.
Telle fut également la tâche de Duns Scot, et il entendit la mener dans la fidélité à la tradition franciscaine.
C'est
pourquoi il s'oppose à l'intellectualisme, c'est-à-dire une vision
métaphysique qui, parce qu'elle exalte l'intellect humain, se voit
souvent marquée par une pensée de la nécessité, de l'émanation, de la
généralisation, voire du destin.
Le
contrepied de cela, c'est une métaphysique qui met au premier plan la
volonté (d'où l'étiquette de volontarisme), entendue comme l'autonomie
rationnelle de l'individu, dont la liberté est à l'œuvre dans un monde
contingent.
Cette
formule, Duns Scot la déploie tout au long de sa philosophie, dont
certains aspects vont être ci-dessous exposés, à travers
l'épistémologie, la théorie de la connaissance et la métaphysique.
Épistémologie
Raison et révélation
Duns
Scot, comme une grande partie des philosophes scolastiques, sépare
nettement philosophie et théologie, mais recourt souvent à l'une pour
éclairer l'autre.
On
peut dire que la pensée de Duns Scot est préoccupée de tirer toutes les
conséquences rationnelles du dogme de la liberté de la création divine.
Mais,
rejetant tous les raisonnements censés expliquer les plans divins par
des arguments tirés de l'idée de nécessité, il affirme le caractère
contingent des lois instituées par Dieu : « Non quaerenda ratio quorum
non est ratio. » (on ne doit pas chercher la raison de ce dont il n'y a
pas de raison).
Sa méthode a ainsi pu paraître purement critique à l'égard de la raison et être une forme de scepticisme.
Comme
la majorité des scolastiques, Duns Scot pense que Dieu peut être
cherché par la raison, même s'il y a une révélation, car croire ce n'est
pas comprendre.
Brièvement dit, il y a donc une science de Dieu, et la connaissance que nous pouvons en avoir comporte plusieurs degrés :
- au plus haut est la connaissance de Dieu dans son essence, mais elle ne se trouve qu'en Dieu ; c'est la théologie parfaite ;
- vient ensuite la théologie des anges et des bienheureux qui est un don de Dieu ;
- vient ensuite la connaissance que nous pouvons en avoir par notre entendement, et que Duns Scot divise en deux :
- la théologie humaine qui s'appuie sur la révélation ;
- la philosophie qui se passe de l'autorité de l'Église et des livres saints.
La théologie humaine a besoin des connaissances profanes, mais elle leur reste pourtant supérieure par la nature de son objet.
Ainsi les sciences sont-elles subordonnées à la foi.
La philosophie relève de la théologie et doit s'accorder avec les Saintes Écritures, bien qu'elle en soit indépendante.
Connaissance en soi et par rapport à nous
Duns
Scot définit la science comme l'intuition complète de l'objet de cette
science, i.e. la connaissance de son essence et des conséquences qui
découlent de ce principe.
Mais c'est une connaissance qui n'est pas pour nous possible, et il distingue alors la science en soi et la science pour nous.
Il y aura donc deux méthodes scientifiques bien distinctes :
« Le
propre de la métaphysique est de fonder ses divisions et définitions
sur l'essence, puis de faire des démonstrations par la considération des
causes essentielles absolument premières. Mais c'est le propre de la
métaphysique en soi. »
Cette connaissance a priori n'est pas possible, car :
«[…]
par suite de la faiblesse de notre entendement, c'est en partant des
choses sensibles et moins connues en elles-mêmes que nous venons à la
connaissance des choses immatérielles qui sont en soi plus connues et
devraient être en métaphysique prises comme les principes de la
connaissance des autres choses. » (Questions sur la Métaphysique)
Nous
ne pouvons donc partir de la notion de Dieu pour en déduire tout le
reste. Rien ne nous est naturellement connu avant l'expérience qui nous
vient des sens (il n'y a pas d'idée innée, ni d'intuition de l'absolu),
et toute connaissance sera ainsi a posteriori.
Division des sciences
Il
divise les sciences en deux suivant leur objet : d'une part les
sciences qui portent sur des êtres (mathématiques, métaphysique,
physique qui sont les sciences théorétiques d'Aristote) ; d'autre part
les sciences qui ont pour objet les formes de la pensée et les lois du
langage (logique, rhétorique, grammaire).
Dans
la logique, il distingue la logique formelle (qui est une science, i.e.
une théorie des démonstrations nécessaires) et la logique pratique (qui
est un art de la discussion sur ce qui est probable).
Théorie de la connaissance
La méthode scolastique s'inspire d'Aristote.
Or,
celui-ci distinguait la sensation, qui n'existe pas sans les organes
corporels (elle est donc commune à tous les animaux) et l'intellect qui
en est indépendant (du moins dans l'interprétation scolastique du
philosophe) et n'appartient qu'à l'homme.
Cette distinction est reprise dans la scolastique. L'étude de ces facultés pose les problèmes suivant pour la connaissance :
- quel est le rôle de l'intellect dans la connaissance ?
- quelle connaissance l'âme a-t-elle d'elle-même ?
- quelle connaissance avons-nous de Dieu ?
- quel rapport y a-t-il entre notre intellect et Dieu en tant que principe ?
La sensation
Duns Scot admet l'existence de cinq sens externes (sièges et sujets de la sensation) et d'un sens commun interne.
Il
rejette le sens appréciatif de certaines théories selon lesquelles ce
sens est une faculté inférieure à l'entendement, et qui ferait sentir
sans juger ce qui est utile et ce qui est nuisible.
Il semble en outre parfois confondre en un seul sens le sens commun, la
mémoire (car le temps n'est pas perçu par les sens) et l'imagination
(car l'imagination complète parfois les sensations).
Les cinq sens se distinguent par leur organe ; chaque sens fait connaître des contraires du même ordre.
Quant
au sens commun, cause et racine des sens particuliers, et qui a sa base
dans le cœur et sa terminaison dans le cerveau, il a pour objet les
sensibles propres et les sensibles communs, telles que la grandeur et la
figure.
Il
nous fait ainsi connaître les différences des sensibles d'ordres
différents. Duns Scot emploie l'image du centre du cercle : le centre
reçoit les informations de chaque sens qui sont à la périphérie.
Pour Duns Scot, la sensation n'est pas entièrement passive ; elle a une certaine activité (De anima, 7).
En
effet, s'il faut qu'un organe soit d'abord modifié pour qu'il y ait
sensation, il peut y avoir des modifications sans sensations quand
l'activité de l'âme est suspendue ou tournée d'un autre côté.
Il faut donc que l'âme agisse avec la cause de la modification d'un organe pour que se produise une sensation.
Dans
la scolastique, ces modifications des organes sont des impressions
d'espèces sensibles, dont Duns Scott distingue trois sortes (De Rerum
Principio, 14) :
- l'apparence attachée à l'objet ;
- l'espèce entre l'objet et l'organe ;
- l'espèce formée dans l'organe.
Cette
théorie doit tout d'abord être distinguée de la théorie des émanations
de Démocrite et d'Épicure ; en effet, l'émanation est produite par les
mouvements des atomes, et sur ce point Aristote ne se prononce pas.
En
revanche, la scolastique admet que la sensation soit produite par un
changement dans le milieu entre l'objet et l'organe ; la connaissance
n'est ainsi pas directe.
Duns
Scot semble cependant admettre la possibilité d'une connaissance sans
milieu intermédiaire dans le cas du toucher (et cela, au contraire
d'Aristote).
Il
reste que la sensation nous fait connaître directement les qualités des
choses telles qu'elles sont, mais cette connaissance a besoin de
l'entendement.
L'intellect
« L'intellect
a des opérations propres qui le distinguent de la puissance sensitive :
ces opérations sont la conception universelle, l'analyse et la
synthèse, le raisonnement. » (In ium. sent. 3, 6).
L'intellect nous fait donc concevoir les espèces et les genres, les principes et les liens entre nos idées.
L'objet
adéquat de l'intellect est l'être en général, i.e. que toutes nos
pensées se ramènent aux catégories de l'être, car tout ce que nous
pensons (genre, espèce, individu, rapport, qualité) sont des êtres ou
des modifications de l'être.
Mais
il ne nous fait rien connaître sans le secours des sens, de même que
sans la possession de l'intellect et la réflexion sur ses opérations,
nous n'avons pas la science mais seulement des sensations par lesquelles
nous ne pouvons pas nous élever à la question de la vérité et de la
réalité d'une chose sentie.
Réduit à la sensation, à un état animal, nous sentons mais ne jugeons pas :
« Savoir c'est percevoir la vérité d'une chose ; tel n'est pas le rôle du sens, mais seulement de la raison. » (Ibid.)
Ainsi
l'intellect reconnaît-il la vérité ; mais, en outre, c'est par lui que
nous acquérons la certitude sur des choses particulières. L'intellect
exerce alors un contrôle sur les sens pour éviter l'erreur :
- en comparant les données des sens, et en les rectifiant ;
- en jugeant d'après des principes (causalité, contradiction, etc.) ce qui est possible ou impossible.
L'intellect
découvre donc dans les sens ce qui est certain ; et, en conséquence,
selon Duns Scot, il peut connaître directement les particuliers.
« De
grands hommes se sont trompés » sur ce point (i.e. Thomas d'Aquin), en
affirmant que l'intellect a pour objet de connaissance immédiat
l'universel dégagé de l'espèce sensible, et en suivant Aristote selon
qui le particulier n'est connu que par les sens.
Selon
Thomas, pour déterminer ce qui individualise un être, il faut le
caractériser des termes qui sont des genres (tel individu est un homme,
il est théologien, il est ceci et cela, etc.), jusqu'à ce que nous
soyons obligés de distinguer deux individus par leurs espèces sensibles.
Or, pour Duns Scot, cette distinction par les espèces sensibles est
justement un jugement de l'intellect ; c'est l'intellect qui juge de la
vérité des données des sens, donc les espèces sensibles ne nous font pas
connaître les individus.
Les universaux
L'intellect
conçoit les choses générales ; mais comment arrivons-nous à ces
connaissances ? La connaissance des universaux implique une
généralisation et la connaissance des lois : ainsi connaissons-nous à
part l'idée d'animal et les qualités qu'on lui rattache.
Duns
Scott rejette l'idée que nous puissions connaître les universaux par un
principe supérieur ou une sorte de révélation surnaturelle ; mais il
rejette également l'idée que l'universalité puisse venir des sens (car
ils ne saisissent que la présence d'un objet).
Il
faut alors distinguer deux rôles de l'intellect, un rôle par lequel il
produit l'universel, et un rôle par lequel il le connaît.
Autrement dit, il faut distinguer un intellect actif et un intellect possible.
L'intellect possible est la pensée en acte ou en puissance, et l'intellect actif est ce qui cause la pensée.
L'intellect est alors un habitus principiorum, un état des principes, ce que va expliciter la théorie des espèces intelligibles.
L'espèce intelligible
De
cette division de l'intellect en agent et possible découle en effet
l'idée de l'existence des espèces intelligibles. L'espèce intelligible
est définie comme le produit de l'intellect agent en transformant les
données des sens ou de la mémoire.
Alors
que l'espèce sensible est dans l'âme et dans l'organe, l'espèce
intelligible est dans l'âme, et elle est « une forme nouvelle que revêt
l'intelligence. »
L'universel
est donc créé et pensé ; ce qui vient alors à l'intelligence, après
avoir reçu des images, c'est une forme qu'elle se donne à elle-même et
qui précède logiquement la pensée, et qui y subsiste quand la pensée
n'est plus en acte.
Mais
ce qui subsiste n'est pas une idée (car on saurait qu'on l'a), c'est
une réalité supérieure à la pensée et à la représentation, dans la
mesure où, au contraire de la pensée, elle est permanente.
Métaphysique
L'univocité de l'être
Article détaillé : Univocité de l'être.
Duns Scot a théorisé la notion d'univocité de l'être. Il s'en sert contre Henri de Gand. Il la définit ainsi :
« [...] je dis que Dieu n'est pas seulement conçu dans un concept analogue au concept de la créature, c'est-à-dire [un concept] qui soit entièrement autre que celui qui est dit de la créature, mais dans un certain concept univoque à lui et à la créature. »
L'être a selon Duns Scot la même signification, qu'il s'applique à la substance ou à l'accident, à Dieu ou aux créatures.
C'est une différence de degré qui distingue Dieu des créatures, il est infini alors qu'elles sont finies.
Ainsi,
explique l'historien de la philosophie Émile Bréhier, « [Duns Scot]
paraît parfois douter que l'intelligence humaine puisse aller des êtres
sensibles jusqu'à Dieu, en vertu de la seule notion d'être ».
Le problème de l'individuation
Duns
Scot invente le concept d'individuation ou « eccéité » : il critique
les philosophies qui donnent trop d'importance au mode d'être général et
qui ne peuvent expliquer l'existence d'individus singuliers.
Sa
cible principale, d'après Paolo Virno, est l'hylémorphisme :
c'est-à-dire la théorie qui définit tout être comme un composé de
matière et de forme, la matière assurant l'individuation de par son
indétermination originelle, et la forme assurant la détermination de la
matière.
Cette théorie est une radicalisation de l'ontologie aristotélicienne, et on la trouve par exemple chez Thomas d'Aquin.
Scot s'y oppose, et refuse d'admettre que la matière, indéterminée, puisse individuer des êtres.
Ce ne saurait non plus être le rôle de la forme, qui est toujours générale.
La
cause de l'individualité serait donc l'eccéité, ou individuation : ce
qui fait que Socrate est l'individu Socrate, c'est sa « Socratéité »
elle-même.
Il n'y a pas d'autre cause de l'individuation à chercher que
l'individuation elle-même : aucune autre cause ne saurait expliquer
l'existence d'individus singuliers.
Pour
démontrer sa thèse, Scot utilise le paradigme angélologique : comment
peut-il y avoir des anges singuliers et différenciés, si l'ange n'est
que pure forme (c'est-à-dire dépourvu de matière individuante, et
déterminé de manière générale uniquement) ? Il y a là une
contradiction : la composition de matière et de forme est insuffisante
pour expliquer l'individualité des anges.
Il
faut donc postuler un principe antérieur à la composition de forme et
de matière, et ce principe est l'individuation ontologique.
Paolo Virno retrace une continuité philosophique entre Duns Scot et Gilbert Simondon :
leur position commune serait, selon le philosophe italien, un refus de
l'universel et de l'individu à la fois, au nom de l'individuation comme
processus.
En
effet, l'universel désigne l'effacement total de la singularité,
l'indifférenciation absolue ; et l'individu désigne une entité figée,
statique, au contraire de l'individuation ou devenir-individu, qui
désigne la véritable singularité.
Cette
interprétation est proche de celle de Gilles Deleuze, et apparente Duns
Scot à la gauche philosophique : la notion d'individuation (ou encore
« transindividuation », « individuation collective », selon la
terminologie de Simondon) s'oppose ici à la notion libérale d'individu
comme source limitée et déterminée de la propriété privée et du droit.
Le concept d'eccéité sera repris et critiqué par Leibniz, qui était de tendance anti-scotiste.
En effet, d'après Yvon Belaval, Leibniz donne une interprétation épistémologique du principe d'individuation, tandis que la version de Scot était ontologique.
Les preuves de l'existence de Dieu
Selon Duns Scot, la théologie humaine a besoin des autres sciences, mais elle leur reste pourtant supérieure par la nature de son objet. Ainsi les sciences sont-elles subordonnées à la foi.
La philosophie relève de la théologie et doit s'accorder avec les Saintes Écritures, bien qu'elle en soit indépendante.
Que peut alors la raison naturelle pour connaître Dieu ? Puisque Dieu seul se connaît sub ratione deitatis, nous avons besoin de démonstrations.
Nous pouvons connaître qu'il y a un Dieu, c'est-à-dire un être infini et nécessaire, mais cette connaissance n'est pas la connaissance de l'essence.
Nous savons que Dieu est, nous ne savons ce qu'il est.
La
connaissance de l'essence de Dieu nous ferait connaître a priori son
existence ; en l'absence de cette connaissance, nous devons raisonner a
posteriori, c'est-à-dire que nous ne formons l'idée de Dieu que d'après
le témoignage des sens, et c'est en remontant de l'effet à la cause que nous pouvons fournir la preuve de son existence.
Ce raisonnement commence par la question de savoir s'il y a quelque être infini : utrum in entibus sit aliquid actu existens infinitum. Nous avons en effet l'idée d'un être infini, mais c'est une notion formée à l'aide d'autres notions.
Dieu
devra alors être conçu comme cause efficiente : puisque le néant ne
peut rien produire, et qu'une chose ne peut se produire elle-même, tout
ce qui est produit est produit par autre chose ; et cet autre chose,
parce que l'on ne peut remonter à l'infini, doit être par elle-même et
n'être pas produite.
Ainsi
chaque être est-il dans une série et causé par autre chose que soi,
mais en dehors de cette série, il y a une cause efficiente d'une autre
nature.
La série contingente des êtres suppose un être nécessaire.
Cette cause première est également la fin suprême, en effet :
- ce qui agit par soi-même, agit en vue d'une fin ;
- la fin précède donc l'action ;
- comme il ne peut y avoir de fin suprême précédant la cause première ;
- la cause première et la fin suprême sont une seule et même chose.
D'autre part, Duns Scot propose également une preuve par l'idée de nature éminente.
Il en déduit que Dieu est nécessaire et un, qu'il possède intelligence et volonté et qu'il est infini.
En effet, un être qui est par soi ne peut être produit ni détruit ; c'est un être nécessaire.
Cet
être ne peut qu'être unique, car par quoi pourraient se différencier
deux êtres nécessaires si ce n'est par quelque accident qui contredirait
leur nature ? Il ne peut donc y avoir deux natures éminentes.
L'infini
Article détaillé : Infini#Jean Duns Scot.
Postérité
Le philosophe Jean Pic de la Mirandole, admirateur de Duns Scot à la Renaissance
Duns Scot est admiré et sa pensée est institutionnalisée au Moyen Âge, faisant de nombreux disciples d'une même école (scotiste), opposée aux principaux courants de son temps, notamment le thomisme et le nominalisme
(ce dernier connaîtra d'ailleurs un progrès notable sous l'égide d'un
disciple hétérodoxe de Duns Scot, le philosophe et logicien franciscain Guillaume d'Ockham, qui privilégie le dialogue avec son maître pour développer sa propre pensée dans ses œuvres).
La pensée scotiste est ridiculisée à la Renaissance par les principaux intellectuels de l'époque, par exemple Érasme, à l'exception de Pic de la Mirandole.
Ainsi, le surnom de « docteur subtil » attribué à Duns Scot est à double sens.
Il désignait à l'origine une pensée rigoureuse et fine ; à la Renaissance il désigne l'excès de subtilités vaines et obscures.
Rabelais
moque le scotisme, notamment à la fin du chapitre XII de Gargantua, où
« Maître Jean d'Écosse » sert de caution à l'opinion que « la béatitude
des héros et semi-dieux est en ce qu'ils se torchent le cul d'un
oison ».
Délaissée par les Modernes, à l'exception de Leibniz, qui se mit à l'école du scotisme dans sa jeunesse intellectuelle, la philosophie scotiste ressurgit chez des philosophes contemporains très différents.
Peirce
s'en réclame pour fonder une métaphysique « scientifique », à partir de
la compréhension de l'être comme genre logique ou concept général,
faisant de Scot un précurseur du pragmatisme.
Heidegger lui consacre sa thèse de doctorat, considérant Scot comme un des penseurs qui finalisent au Moyen Âge l'ontothéologie, c'est-à-dire la réduction de l'Être à Dieu comme étant suprême et général.
Deleuze
lit Scot comme un penseur anti-théologique : la doctrine de l'univocité
de l'être (l'étant est commun à Dieu et aux créatures) serait une arme
contre la conception analogique et transcendante de Dieu (Dieu est Être
de manière suréminente, sans commune mesure avec l'ensemble du créé).
Duns Scot anticiperait ainsi la philosophie immanentiste de Spinoza ; il remplacerait le couple de la théologie (sacra doctrina) et de la philosophie (conçue comme ancilla theologiae, servante de la théologie) fondée sur l'analogia entis par une ontologie unique, dépliant l'être et la pensée sur un même plan d'immanence.
Il a été béatifié le 20 mars 1993 par le pape Jean-Paul II, à Rome
(plus précisément, il s'agit de l'annonce solennelle d'une
« confirmation de culte » : le Pontife romain autorise solennellement à
lui rendre un culte avec le titre de bienheureux qui lui était donné
depuis des siècles sur des bases plus ou moins bien fondées).
Œuvres
- Avant 1295:
- Parva logicalia
- Quaestiones super Porphyrii Isagogem
- Quaestiones in librum Praedicamentorum
- Quaestiones in I et II librum Perihermeneias
- Octo quaestiones in duos libros Perihermeneias
- Quaestiones in libros Elenchorum
- Parva logicalia
- Quaestiones super libros De anima (1295-1298?)
- Quaestiones super libros Metaphysicorum Aristotelis (Questions sur la Métaphysique, avant et autour de 1300)
- Notabilia Scoti super Metaphysicam (notes sur les livres II-X e XII de la Métaphysique d’Aristote, découvertes en 1996)
- Lectura (sur les Sentences de Pierre Lombarde)
- Livres 1 et 2 (1300-1301)
- Livre 3 (1303-04)
- Livre 4 (perdu)
- Ordinatio ou Opus Oxoniense (texte revu par Duns Scot de Lectura, livres 1 e 2 été 1300-1302, livres 3 e 4 1303-1304)
- Collationes oxonienses (1303-04 ou 1305-08)
- Collationes parisienses (1302-07)
- Reportatio parisiensis (Paris, 1302-07)
- Quaestiones Quodlibetales (édition par Felix Alluntis dans Obras del Doctor Sutil, Juan Duns Escoto, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1963)
- Tractatus de Primo Principio (1307-08)
- Theoremata (date incertaine)
Traductions françaises
- Traité du premier principe (Tractatus de primo principio), traduit du latin, sous la direction de Ruedi Imbach, par Jean-Daniel Cavigioli, Jean-Marie Meilland, François-Xavier Putallaz, Cahiers de la Revue de théologie et de philosophie, no 10, Lausanne, 1983, 110 p., (notice BnF no FRBNF34808392).
- Extraits de Lectura in Sententiarum (Commentaire du livre des sentences de Pierre Lombard) (vers 1293 ?)
- La théologie comme science pratique (Prologue de la Lectura), introduction, traduction du latin et notes par Gérard Sondag, éditions J. Vrin, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », Paris, 1996, 232 p., (ISBN 978-2-71161289-5).
- La Cause du Vouloir suivi de L'Objet de la Jouissance, trad. François Loiret, Paris, Belles Lettres, 2009, XCV - 121 p. Extraits de Lectura, livre II, distinction 25.
- Signification et vérité. Questions sur le Peri hermeneias d'Aristote, trad. G. Sondag, Éditeur : Vrin, Collection : "Translatio", 19 janvier 2009.
- Extraits de l' Ordinatio (Ordonnancement) ou Opus oxoniense (Œuvre oxonienne) (vers 1300) :
- Prologue de l'Ordinatio, PUF, coll. "Épiméthée", 1999.
- L'image, Vrin, 1993. Ordinatio I dist. 3, pars 3, qu. 1-4.
- Sur la connaissance de Dieu et l'univocité de l'étant, trad. O. Boulnois, PUF, coll. Épiméthée, 1988. Ordinatio I, dist. 3, pars 1.
- Le principe d'individuation (De principio individuationis) (vers 1300), Vrin, 2005, trad. G. Sondag. Ordinatio II, pars 3, d 1, qu. 1-7.
- Philosophes médiévaux des XIII° et XIV° s., Paris, 10/18, p. 167-206
- La puissance et son ombre, Paris, Aubier, 1994, p. 267-285.
- Pluralité des formes et unité de l'être, trad. A. de Muralt, in Studia philosophica, XXXIV (1974), p. 64-92.
- Questions sur la métaphysique d'Aristote, Volume I (Livres I à III), trad. O. Boulnois, PUF, coll. Épiméthée, 2017.
Bibliographie
Travaux biographiques
La
très probablement légendaire inhumation prématurée de Duns Scot a été
réfutée par des franciscains du dix-septième siècle, notamment :
- Luke Wadding, notice Authoris Vita dans Ioannes Duns Scotus, Opera omnia, t. 1, Lyon, 1639, p. 15-16. Se lit aussi dans les Annales Minorum du même Wadding (rééd. Quaracchi, 1931, t. 6, p. 124-131).
La première attestation connue de ce thème (vers 1400) a été publiée dans :
- K. J. Heilig, « Zum Tode des Johannes Duns Scot », Historisches Jahrbuch, t. 49, 1929, p. 641-645. Pour une discussion de cet article, voir Abate, Giuseppe, « La tomba del ven. Giovanni Duns Scoto (…) », Miscellanea francescana, Rome, 45 (1945), p. 29-79, qui renvoie à Collectanea Franciscana, t. 1, 1931, p. 121.
Philosophie de Duns Scot
(par ordre alphabétique)
- Olivier Boulnois, Duns Scot. La rigueur de la charité, Éditeur : Le Cerf, Collection : Initiation, 20 janvier 1998.
- Laurent Cesalli, Le réalisme propositionnel : sémantique et ontologie des propositions chez Jean Duns Scot, Gauthier Burley, Richard Brinkley et Jean Wyclif, éditions J. Vrin, coll. « Sic et non », Paris, 2007, 476 p., (ISBN 978-2-7116-1856-9). – Texte remanié d'une thèse de doctorat en philosophie, soutenue en 2003 devant l'université de Genève.
- Odile Gilon, « Indifférence de l'essence et métaphysique chez Jean Duns Scot », éditions Ousia, Bruxelles, 2012, 568 p., (ISBN 978-2-87060-164-8).
- Étienne Gilson, Jean Duns Scot, Introduction à ses positions fondamentales, Vrin, « Vrin-Reprise », Paris, 700 p., (ISBN 978-2-7116-0288-9).
- André Hayen, « Deux théologiens : Jean Duns Scot et Thomas d'Aquin », Revue philosophique de Louvain, vol. 51, no 30, 1953, p. 233-294.
- Martin Heidegger, Le Traité des catégories et de la signification chez Duns Scot, Paris, Gallimard, 1970.
- Mary Beth Ingham, Initiation à la pensée de Jean Duns Scot (trad. française de Scotus for Dunces. An Introduction to the Subtle Doctor, par Y. Soudan), Éditions Franciscaines, janvier 2009. 342 p., 13,5 x 18 cm. (ISBN 978-2-85020-235-3).
- François Loiret, Volonté et Infini chez Duns Scot, Paris, Kimé, 2003 (ISBN /2-84174-297-0).
- Gérard Sondag, Duns Scot : La métaphysique de la singularité, Librairie Philosophique Vrin, Collection : Bibliothèque des philosophies, 4 avril 2005.
- Paul Vignaux, Philosophie au Moyen Âge : précédé d'une introduction nouvelle, suivi de Lire Duns Scot aujourd'hui, éditions Castella, Albeuve, 1986, 276 p., (ISBN 978-2-88087-025-6)
- Jean Duns Scot ou la Révolution subtile, entretiens et présentation, par Christine Goémé, coédition : Fac éditions et France-Culture, Paris, 1982, 102 p., (ISBN 978-2-903422-10-3).
Réception par la postérité
- Marie-Luce Demonet, Les philosophes obscurs: traits et ombres scotistes à l'époque de Rabelais, dans: Jean Dupèbe et al. (éds.), Esculape et Dionysos, Mélanges en l'honneur de Jean Céard, Genève, Droz, 2008, p. 26-47.
- François Loiret, Duns Scot au regard de la philosophie contemporaine: Blumenberg et Arendt, Laurentianum, 51, Fasc. 1-2, 2010, p. 155-190.
- Jacob Schmutz, « L'héritage des subtils cartographie du scotisme de l'âge classique », Les Études philosophiques, vol. 1, no 60, 2002, p. 51-81.
Source :
Frère Mineur originaire d’Écosse, philosophe et théologien, Jean Duns Scot est considéré comme le plus grand théologien de l’Ordre des Frères mineurs, vénéré par tous les frères franciscains.
Son culte a été solennellement reconnu par le pape Jean-Paul II, le 20 mars 1993.
Sa vie
Les données biographiques concernant Jean Duns Scot sont assez rares et parfois conjecturales.
Cependant,
par divers recoupements, on peut raisonnablement reconstituer son
parcours, à partir de la date de son ordination qui est connue, le 17 mars 1291.
On situe sa naissance en 1265 ou
1266, probablement à Maxton-on-Tweed, près de Melrose, mais plusieurs
villages revendiquent l’honneur de lui avoir donné le jour, comme Duns,
près de Berwick qui pourrait être le berceau de sa famille.
Les Duns, gentilshommes écossais, étaient proches des Franciscains qu’ils avaient aidés à s’établir en leur donnant un terrain.
On connaît un frère Hélie Duns, gardien de Dumfries (Écosse) et l’on pense que Duns Scot entra chez les Frères mineurs de cette ville, vers 1280, avant d’entreprendre son cursus théologique à Haddington.
Il
rejoint ensuite le Studium general d’Oxford (ou de Cambridge ?) pour y
obtenir la maîtrise es arts, puis la licence de théologie, peut-être
lors d’un premier séjour à l’université de Paris (1291-1296), sous la régence de Gonzalve de Bilbao (connu aussi sous le nom deGonzalve d’Espagne).
En
se basant sur les statuts de l’université qui indiquent la durée des
différentes étapes d’une carrière d’enseignant, on pense que Jean Duns
fut lecteur biblique vers1296-1298, puis bachelier des Sentences, un an après.
Ensuite il obtint la maîtrise d’enseignement qu’il exerça probablement à Oxford (ou partiellement à Cambridge).
De 1301 à 1303, il est à Paris, au studium général du Grand Couvent, où il commente le Livre des Sentences pour obtenir le Doctorat.
Ici se situe un épisode tout à son honneur : ayant refusé de souscrire l’appel du roi Philippe IV le Bel contre le pape Boniface VIII,
il est contraint de s’exiler précipitamment et il se retrouve à Oxford,
sous la houlette du maître Guillaume de la Ware qui exerça sur lui une
réelle influence.
Mais Gonzalve d’Espagne, devenu ministre général de l’Ordre, qui se souvient de son brillant élève, le fait revenir à Paris, en 1304, où il devint Maître Régent du studium général franciscain.
De cette époque datent plusieurs de ses œuvres, probablement les « Quodlibet ».
En 1307, le chapitre général de Toulouse auquel il assista, le transfert au couvent d’études de Cologne (Allemagne), peut-être parce qu’il était attaqué, à Paris, en raison de sa doctrine sur l’Immaculée conception de Marie.
Mais peu de temps après, le 8 novembre 1308, il meurt à Cologne à l’âge de 42 ans, et est enterré dans cette ville, dans l’église des Frères Mineurs.
Dès son trépas, il fut vénéré dans l’Ordre franciscain, et en 1701, le diocèse de Nole, en Italie, obtint l’autorisation de célébrer annuellement son culte. - Le 20 mars 1993, en la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape Jean-Paul IIa reconnu le culte en l'honneur du Bienheureux Jean Duns Scot.
Il figure au sanctoral liturgique de la Famille franciscaine.
Malgré
une vie aussi courte, Jean Duns Scot produisit une œuvre assez
abondante, mais surtout très féconde par l’influence qu’elle exerça
ensuite dans l’Ordre des Frères mineurs, mais aussi dans la philosophie
et la théologie subséquentes.
La
pensée contemporaine s’intéresse à nouveau à Jean Duns Scot comme un
initiateur d’une lecture exigeante et critique de la tradition
philosophique antérieure, et certains des thèmes qu’il a explorés, comme
la notion d’infini, le concept d’individualité, sa théorie de la
connaissance, la revendication de la liberté de la personne, alimentent
les débats philosophiques d’aujourd’hui.
Le corps du bienheureux Jean Duns Scot repose à Cologne (Allemagne) dans
la Minoritenkirche, proche de la Cathédrale, dans un sépulcre moderne
en pierre, où l’on a reproduit l’épitaphe de son premier tombeau :
« L’Écosse me vit naître, l’Angleterre m’a accueilli, la France m’a
enseigné, et Cologne me garde. »
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