Vulgate
saint Jérôme
La Vulgate (du latin vulgata, qui signifie « rendue accessible, rendue publique », lui même de vulgus, qui signifie « la foule ») désigne la version latine de la Bible, traduite par saint Jérôme, entre la fin du IVe et le début du Ve siècle directement depuis le texte hébreu.
En ceci, elle s’oppose à la Vetus Latina (« vieille bible latine »), traduite du grec. Le fait de puiser directement aux sources judaïques, dans la langue supposée de Jésus, lui donne aux yeux des chrétiens latins, un « plus ».
Force est de constater, cependant, que la différence entre la Vetus Latina et la Vulgata sont relativement cosmétiques, stylistiques.
En 1456, Gutenberg réserve à la Vulgate l'honneur d'être le premier livre imprimé.
Les traductions latines de l'Ancien et du Nouveau Testament
Au IVe siècle,
les traductions latines des textes de la Bible, réalisées à partir de
la version grecque et caractérisées, à l'origine, par leur littéralisme
(elles seront désignées par la suite sous le terme générique de Vetus
latina, vieille latine ; il en existe deux types de variantes :
africaine, la plus ancienne, et européenne) finissent par devenir fort
diverses en qualité et en précision à cause de la multiplication des
manuscrits ; c'est pourquoi le pape Damase commande à Jérôme une version
plus uniforme et plus fidèle. Dans une lettre adressée à Damase, Jérôme
exprime ses doutes à propos de l'accueil que recevra cette révision :
« vous voulez qu'avec les matériaux d'un ancien ouvrage j'en refasse un
nouveau (…) quel est l'homme de nos jours, savant ou non savant, qui, se
décidant à prendre en main notre ouvrage, et voyant discréditer le
texte dont il se sert habituellement et dans lequel il a appris à lire,
ne se récrie aussitôt, et ne me traite de faussaire, de sacrilège ? »
Selon Pierre Nautin, spécialiste de la littérature patristique, plusieurs des lettres entre Jérôme et Damase auraient en fait été écrites par Jérôme après la mort de Damase. Et d'après Glen L. Thompson, de nombreuses fausses lettres, censées avoir été échangées entre Damase et Jérôme, ont circulé entre le VIe et le VIIIe siècle.
Jérôme commence la traduction du Nouveau Testament en 382 et celle de l'Ancien Testament en 385. Faisant face à des difficultés d'interprétation, il se rend en Palestine pour consulter les docteurs juifs, spécialistes du texte hébreu. Son désir est de retrouver la veritas hebraica par-delà l'héritage grec. Il lui faudra plus de quinze ans pour mener son travail à bien. Il achève son œuvre vers 405.
Le travail de saint Jérôme
Saint
Jérôme traduit l’Ancien Testament à partir d’un original hébreu proche
du texte massorétique, à Bethléem entre 392 et 405. Il n’a
vraisemblablement pas traduit les livres deutérocanoniques, à
l'exception de ceux de Tobie et de Judith, puisque ces livres ne font
pas partie du canon hébraïque. La traduction latine des livres de la
Sagesse, Siracide, les deux livres des Maccabées, ou Baruch ne doit rien
à Jérôme et reflète d'anciennes versions d'inégale valeur.
Pour les Évangiles, la Vulgate de Jérôme, faite à Rome, entre 382 et 384 reprend les manuscrits grecs. Les autres livres du Nouveau Testament ne lui doivent rien : leur version latine est attribuée de façon très vraisemblable à ses contemporains, dont Rufin le Syrien qu'il a bien connu à Bethléem.
Le Psautier de la Vulgate, dit « gallican » parce que très utilisé en Gaule, est attribué à Jérôme. La traduction en a été effectuée à Bethléem sur la base du texte grec de la Septante d'Origène. La traduction effectuée sur le texte hébreu par Jérôme est postérieure et n'a jamais fait l'objet d'une utilisation liturgique. Elle ne s'est donc pas imposée lors de l'édition réalisée à Tours à la fin du VIIIe siècle, par Alcuin.
Le texte de Jérôme est une version parmi d’autres, du texte biblique. Sa Vulgata n’est pas forcément celle qui sera retenue par la suite. Ainsi, pour utiliser le texte d'un passage très connu de ceux qui assistent à la Messe de minuit, le Codex Bezae, antérieur à la Vulgate, a « Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae voluntatis » alors que la version de Jérôme préfère « Gloria in altissimis Deo, et in terra pax in hominibus bonæ voluntatis ». Une autre innovation, dans le Pater : Jérôme introduit le terme « supersubstantialem panem » (« pain supersubstantiel ») en lieu et place du texte antérieur et actuel « quotidianum panem » (« pain quotidien »).
La réception de la traduction de Jérôme à l'époque
Cette
façon de recourir aux traditions rabbiniques pour établir le texte de
la Bible chrétienne a été désapprouvée par certains à son époque, par
exemple par Rufin d'Aquilée et Augustin d'Hippone qui pensaient qu'il
fallait suivre la Septante, selon l'usage, devenu prédominant dans le
christianisme après la prédication de Paul de Tarse, des Églises issues
des milieux juifs hellénisés et païens. Leslie Hoppe, docteur en
religion enseignant les études de l’Ancien Testament à Chicago, rapporte
dans le St Anthony Messenger, que le travail de Jérôme de Stridon a
produit des remous à son époque. Sa traduction « irritait les oreilles
de ses contemporains (…) parce que son idée de la traduction différait
de celle en vigueur à l’époque (…) On attendait des traducteurs qu’ils
fassent une traduction aussi littérale que possible (…) tout le monde
n’apprécia pas ses efforts. Son travail fut présenté comme teinté de
judaïsme ». Ses adversaires l'accusèrent d’avoir traduit les textes
comme un profanateur ou un falsificateur et d'avoir suivi les Juifs7.
Les versions successives
Épître de Jérôme dans la Bible de Gutenberg
Dès le VIIIe siècle, les copies manuscrites recommencent à s'écarter du texte de Jérôme. Alcuin, abbé de Saint-Martin de Tours, sur la demande de Charlemagne, effectue un travail de restauration, qui sera mené à son terme par Théodulfe, évêque d'Orléans.
Plus tard, au XVIe siècle, confrontée à la montée de la réforme protestante qui favorise la traduction (en allemand, français, etc.) du texte latin pour qu'il soit compris par chaque croyant, l’Église catholique ressent la nécessité de réaffirmer la suprématie de l'original : « Le sacro-saint synode (…) dispose et déclare que cette édition ancienne de la Vulgate qui a déjà été approuvée dans l'Église par le long usage de tant de siècles, doit être tenue pour authentique dans les lectures, disputes, prédications et exposés publics ». Suite au concile de Trente, Clément VIII fit arrêter la publication de la Bible vulgate préparée par Sixte Quint en 1590 et promulguer une version révisée en 1592, beaucoup plus éloignée du texte médiéval, dans un souci de plus grande proximité avec les versions grecques et hébraïques de la Bible. C'est la Vulgate Sixto-Clémentine qui fera autorité dans l'Église catholique romaine jusqu'au concile Vatican II.
Au XXe siècle, le pape Pie XII requalifie comme simplement juridique la suprématie du texte latin : « Si le concile de Trente a voulu que la Vulgate fût la version latine « que tous doivent employer comme authentique », cela, chacun le sait, ne concerne que l'Église latine et son usage public de l'Écriture, mais ne diminue en aucune façon (il n'y a pas le moindre doute à ce sujet) ni l'autorité ni la valeur des textes originaux... Cette autorité éminente de la Vulgate ou, comme on dit, son authenticité, n'a donc pas été décrétée par le concile surtout pour des raisons critiques, mais bien plutôt à cause de son usage légitime dans les Églises, prolongé au cours de tant de siècles. Cet usage, en vérité, démontre que, telle qu'elle a été et est encore comprise par l'Église, elle est absolument exempte de toute erreur en ce qui concerne la foi ou les mœurs, une authenticité de ce genre ne doit pas être qualifiée en premier lieu de critique, mais bien plutôt de juridique ».
La dernière révision en date, promulguée en 1979 par Jean-Paul II, est appelée la Néo-Vulgate.
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