Notre-Dame des Sept Voiles (Italie, Foggia)

Notre-Dame des Sept Voiles
(Italie, Foggia)


Parmi les justes des derniers siècles à qui l'Eglise a déféré, depuis peu de temps, l'honneur d'un culte public, un des plus illustres à plusieurs titres, est, sans contredit, saint Alphonse de Liguori, évêque de Sainte-Agathe des Goths, dans le royaume de Naples, et fondateur de la Congrégation des prêtres-missionnaires du très-saint Rédempteur.
Sa sainteté, sa doctrine, les services qu'il a rendus à l'Eglise, l'avaient déjà ceint d'une brillante auréole, et lui avaient assuré l'amour et la vénération de tous les fidèles, avant même que le successeur de Pierre eût écrit son nom au livre des élus ; et ce jugement solennel n'a fait qu'ajouter un plus vif éclat aux rayons qui couronnaient son front.
Aujourd'hui son nom est célèbre dans tout l'univers, et ses nombreux ouvrages sont une belle lumière qui éclaire dans le sentier qui conduit à la vie, non seulement ceux qui cherchent sérieusement le salut, mais encore ceux qui s'efforcent de gravir le sommet de la perfection évangélique, et ceux que la Providence a destinés à servir de guides et de soutiens aux uns et aux autres.
Il est un point de vue surtout sous lequel ce Saint est non-seulement admirable, mais imitable, de sorte qu'il doit nous paraître, extrêmement doux et facile de marcher sur ses traces ; c'est sa dévotion envers la Mère de Dieu ; Si tous les saints ont vénéré, ont aimé cette.grande Reine avec plus ou moins d'ardeur, selon l'attrait et l'impulsion de la grâce qui leur venait d'en haut, celui-ci l'a prise pour objet d'un culte spécial de respect, de dévouement affectueux, de tendresse filiale, et s'est réellement distingué par la manière dont il lui a rendu ce culte.
Marie-Alphonse, issu d'une famille ancienne et illustre de Naples, et formé à la vertu par les exemples et les leçons ; d'une mère chérie du Ciel, suça d'elle, avec le lait, l'amour de la Vierge sainte.
Cette dévotion grandit en lui, avec l'âge et l'éducation, comme la jeune vigne qui s'étend et se développe à mesure que l'ormeau qui lui sert, d'appui lui prête ses rameaux officieux.
Jamais il ne passait un seul jour sans lui rendre des hommages particuliers au pied de ses autels.
Il parut dans le monde avec un heureux assemblage de dons naturels, de qualités et de vertus acquises qui lui présageaient dans l'avenir les succès les plus brillants, lorsqu'il entendit, la voix de Dieu qui l'appelait au ministère des autels ; rompant aussitôt avec le siècle, il entre dans une église où l'adorable Sacrement recevait les adorations des fidèles, se prosterne aux pieds du Sauveur, que sa foi lui découvre à travers les voiles eucharistiques, et lui fait de lui-même l'offrande la plus absolue : bientôt, suivant l'impulsion d'un cœur qui ne sépare jamais Jésus de Marie, il se lève, détache son épée et va la suspendre à l'autel de Notre-Dame de la Merci, résolu de vivre désormais uniquement occupé de la gloire du Fils et de la Mère.
Depuis, désigné, malgré toutes les alarmes et les oppositions de son humilité, pour monter sur le siège épiscopal, il commença par faire le voyage de Notre-Dame de Lorette avec une piété digne de servir de modèle à tous les pèlerins qui visitent les sanctuaires de Marie, et il pria dans ce lieu de bénédiction avec une ferveur qui y attirait les fidèles désireux de s'édifier et de s'enflammer par l'exemple de son ardente dévotion.
Il avait mis ses travaux et les âmes confiées à sa houlette pastorale sous la sauvegarde de la divine bergère, et sa confiance ne fut point trompée ; elles sont innombrables les victimes qu'il lui fut donné d'arracher à la rage du loup infernal, elles ne le sont pas moins celles qu'il préserva toujours de ses atteintes. Eprouvé, comme les justes les plus chers au cœur de Dieu, par le fléau des tribulations, il en sortit avec l'éclat et la pureté de l'or qui a passé sept fois par le creuset.
Dans ses maladies qui furent longues et douloureuses, sa consolation était de fixer tendrement l'image du Sauveur attaché à la croix, ou un tableau de Notre-Dame de Bon-Conseil, et de se résigner paisiblement à la volonté divine.
Rien de plus édifiant, rien de plus extraordinaire peut être que la constance avec laquelle il se montra fidèle toute sa vie à ce qu'il s'était prescrit de dévotions, de pratiques, de pénitences, de prières envers la Mère de Dieu.
Il lui offrait de grands sacrifices que son cœur lui faisait trouver légers, comme les services que Jacob rendait à Laban en vue de Rachel ; et, en faisant de grandes choses, il ne négligeait point les petites, persuadé que le dévouement envers la Vierge sainte doit aller jusqu'à la délicatesse, et que rien n'est petit à ses yeux de ce que son amour fait entreprendre.
Aussi eût-il interrompu la conversation la plus animée, quand l'horloge sonnait, pour saluer la Reine des cieux, prétendant qu'un Ave Maria valait plus que le monde entier.
Avec quelle ferveur ne s'acquittait-il pas de ces pratiques journalières, pierres précieuses qui s'échappent si facilement des mains d'une vertu commune, parce qu'elle n'en soupçonne pas la valeur ! Il lui est arrivé d'entrer en extase en récitant l'Angelus.
Marie, de son côté, se plaisait à répandre avec abondance sur ce zélé serviteur des grâces de choix, puisées dans le trésor dont le Tout-Puissant l'a établie dépositaire.
Sa vie en fournit des traits admirables.
Nous nous contenterons d'en citer ici un double exemple que nous unirons, parce qu'ils ont rapport l'un et l'autre au Patronage de Marie.
Le mot latin, Patrocinium, que nous rendons par Patronage, signifie défense, protection ; défense d'une cause, d'une personne : il désignait la protection que les patriciens de la République romaine devaient aux clients dont ils étaient les patrons.
Appliqué à Marie, il a le même sens, et dans l'acception la plus étendue il désigne tout à la fois le crédit de Marie auprès de Dieu, sa toute puissance d'intercession, Omnipolentia supplex, et l'usage qu'elle en fait en notre faveur, nous recevant sous son égide, nous couvrant de son manteau royal, exerçant envers nous l'office de médiatrice, d'avocate, et prenant en main nos intérêts avec toute l'autorité que lui donne son titre de Reine du ciel, et toute la sollicitude que lui inspire son cœur de mère.
Ce sont ces doux rapports de besoin et de dépendance de notre part, de puissance et de bonté de la part de Marie, que l'Eglise honore en tout temps, et qui, avec l'excellence de la Vierge sainte et les nobles prérogatives dont Dieu l'a ornée, sont les motifs du culte que nous lui rendons : c'est là ce que l'Eglise propose d'une manière particulière à notre méditation dans la fête qu'elle célèbre le quatrième dimanche d'octobre, sous le titre de Patronage de Marie.
Cette protection assurée, ce patronage de Marie excitait dans saint Alphonse de Liguori de si vifs sentiments d'amour et de confiance ; il sentait si bien, autant qu'il est donné à un voyageur sur la terre d'exil, ce qu'il y a de crédit, de pouvoir, de bonté, de tendresse dans le cœur de la Reine des cieux à l'égard des pauvres pécheurs ! Marie daigna confirmer par de si éclatants prodiges l'idée qu'il s'en était formée, et agrandir encore le sentiment qu'il en avait conçu ! Puisse ce double exemple faire passer en nos âmes quelque chose de ce que sentait ce grand serviteur de Dieu, une étincelle du feu qui l'embrasait, quand il parlait du patronage de Marie.
Disons d'abord quelque chose de Foggia, théâtre où s'accomplit le fait principal, et des événements qui précédèrent la faveur extraordinaire accordée par Marie à son serviteur Alphonse.
Foggia est une ville importante du royaume de Naples, chef-lieu de la Capitanate, sur la Cervera, à huit milles du golfe de Venise et à dix de Manfredonia.
C'est à Foggia que mourut, en 1285, Charles d'Anjou, frère de saint Louis, après avoir perdu la Sicile, à la suite des Vêpres siciliennes.
On révère, dans cette ville, une Image de la Vierge, célèbre par les prodiges que le Ciel se plut à opérer par son moyen comme par l'instrument de sa puissance et de sa bonté.
Nous ne parlerons pas ici des témoignages de protection, d'une infinité de grâces particulières que la confiance des fidèles en avait obtenus dans des siècles reculés, et qui étaient le fondement de la dévotion qu'on avait pour elle : nous n'avons pas de documents assez positifs là-dessus.
Il nous suffira de rapporter des événements d'une date récente, des faits merveilleux arrivés dans le courant du siècle dernier, et que nous trouvons consignés dans la vie du grand serviteur de Marie, saint Alphonse Liguori, mis, en 1839 au nombre des saints que l'Eglise honore du culte public, par le Pape régnant, Grégoire XVI.
Voici comment s'exprime l'auteur consciencieux de cet ouvrage :
« Au mois de mars 1731, un violent tremblement de terre causa d'affreux ravages dans la Pouille et aux environs : la consternation et la terreur y furent extrêmes. Les évêques crurent devoir fléchir la colère de Dieu en rappelant les peuples à la pénitence.
Ils firent venir pour cet objet des missionnaires de divers corps, et entre autres ceux de la Propagande, parmi lesquels se trouvait Alphonse, qui prit la plus grande part à leurs travaux. Les villes de Bari, de Lecce, de Nardo reçurent ces hommes apostoliques, et partout il y eut des conversions éclatantes et nombreuses.
La ville de Foggia, capitale de toute la Pouille, avait été presque ensevelie sous les décombres ; l'église collégiale surtout avait été totalement ruinée.
Cette église possédait un antique et miraculeux tableau de la sainte Vierge ; le temps en avait effacé toutes les couleurs, mais on ne le conservait pas moins avec autant de soin que de vénération.
Il était tout couvert d'une lame en feuille d'argent, à l'exception de la partie qui répondait à la tête, où l'on avait mis une glace, sous laquelle se trouvaient plusieurs voiles, d'où était venu le nom de Vierge des sept voiles, ou de Vieille Mage.
A la suite des tremblements de terre, le tableau miraculeux fut transporté dans l'église des Capucins, où par l'effet des secousses continuelles, le peuple ne cessait d'aller se réfugier sous la protection de la sainte Vierge.
La foule était immense lorsque, à la partie où était l'ouverture ovale du tableau, le visage de la sainte Vierge se montra tout-à-coup sous les traits nouveaux d'une jeune personne qui, par ses regards tendrement fixés sur les habitants de Foggia, semblait compatir à leur malheur et vouloir les consoler.
Ce prodige renouvelé pendant plusieurs jours, fit bruit dans la contrée, et les missionnaires de la Propagande voulurent s'en assurer par leurs propres yeux.
Ils vinrent à Foggia avec Alphonse, à qui le souvenir de Mgr Cavalieri, son oncle, valut l'accueil le plus distingué.
Dans l'épouvante générale, on se croyait toujours à la veille d'un nouveau désastre, et notre Saint fut prie par l'évêque de commencer une neuvaine en l'honneur de la sainte Vierge, pour écarter ce fléau : il fut obligé de se rendre aux instances qu'on lui fit.
Bientôt l'église où se trouvait le tableau miraculeux ne fut plus suffisante, à cause du grand concours de gens qui allaient entendre Alphonse.
La plus grande partie de la foule était forcée de rester dehors, et pour mettre tout le monde à portée d'entendre le prédicateur, on établit la chaire sur la porte de l'église, et l'on plaça le tableau vis-à-vis.
Les fruits de cette neuvaine furent extraordinaires, et ce ne fut pas assez des prêtres nombreux de Foggia pour recevoir les confessions des convertis.
Cependant un soir, tandis que tout le peuple était sorti, Alphonse ne pouvant contenir les transports de sa dévotion, monta sur l'autel pour examiner le tableau de plus près ; en s'approchant, il entra en extase : ce fut une vision de la sainte Vierge, qui, pendant plus d'une heure, lui apparut sous des traits admirables.
Quand il fut descendu de l'autel, il chanta l'Ave Maris Stella avec plus de trente personnes, soit prêtres, soit laïques, qui se trouvaient dans l'église.
Le lendemain, il donna à un peintre l'idée de ce qu'il avait vu, et en fit exécuter un tableau qui se conserve encore dans la maison de Ciorani.
Quelques jours après, à mesure que, prêchant sur le patronage de la sainte Vierge, il n'avait dans la bouche que des paroles d'amour et de confiance envers cette bonne Mère, la tête de l'Image miraculeuse se découvre, et il s'en détache un rayon de lumière très-éclatant, qui vient se réfléchir sur le front du pieux missionnaire.
A cette vue, ce ne fut qu'un cri d'admiration dans l'assemblée : Miracle ! miracle ! entendait-on de tous côtés, et chacun en versait des larmes d'attendrissement, au point que, vivement frappées de ce prodige, des femmes de mauvaise vie qui étaient présentes, firent aussitôt éclater leur repentir de la manière la plus extraordinaire. 
En 1777, Alphonse, sur la requête de l'évêque diocésain qui sollicitait, à Rome, le couronnement de la sainte Image, fut obligé de donner une attestation des merveilles arrivées à Foggia.
Voici cette pièce telle qu'on la trouve dans des mémoires écrits, peu après la mort du Saint, par des Pères de sa Compagnie :
"Alphonse-Marie de Liguori, évêque de Ste-Agathe des Goths, et recteur majeur de la Congrégation du très saint Rédempteur.
A tous ceux qui verront et liront cette pièce, nous déclarons et nous attestons, sous la foi du serment, que, l'an 1731, préchant publiquement, à Foggia, dans l'église de St-Jean-Baptiste, où se trouvait alors un grand tableau, dont le milieu présente une ouverture ovale, couverte d'un voile noir, nous avons vu plusieurs fois, et à des jours différents, le visage de la bienheureuse Vierge Marie, dite communément la Vieille Image, sortir de ladite ouverture, et présentant les traits d'une jeune personne de treize ou quatorze ans, se mouvoir à droite ,et à gauche sous un voile blanc.
De plus, nous affirmons que ce même visage que nous regardions avec une grande dévotion, un délicieux sentiment de joie et non sans répandre des larmes, ne nous paraissait point une peinture, mais une figure saillante, d'une parfaite incarnation, comme celle d'une jeune personne qui se serait tournée de côté et d'autre : et, dans le temps où nous la voyions, tout le peuple réuni pour entendre la parole de Dieu, jouissait du même spectacle et se recommandait, avec grande ferveur, avec cris et larmes, à la très-sainte Mère de Dieu. En foi de quoi nous avons délivré cette attestation, munie de notre sceau.
Donné à Nocera-de-Pagani, le 10 octobre 1777.
Alphonsus-Maria de Liguorio, episcopus. 
F. A. Romito , secretarius
On comprend de quel poids doit être auprès de tout sage appréciateur ce témoignage d'un prélat vénérable, d'un profond théologien, d'un saint que l'Eglise honore d'un culte public. Il atteste ce qu'il a vu plusieurs jours à diverses reprises, ce que tout le peuple a vu comme lui, et ce qui a été pour les habitants de Foggia un gage assuré de la protection dont Marie les couvrait dans les pénibles circonstances où ils étaient.
Que de prodiges renfermés dans la seule attestation que donne le saint évêque ! Il ne parle point de ce qui lui est personnel, de la part privilégiée qu'il avait eue dans les faveurs accordées à tout le peuple ; sa modestie, son humilité aurait voulu en dérober à jamais le souvenir à la connaissance des hommes. Mais les témoignages particuliers de tendresse dont Marie l'avait honoré brillaient d'un si grand éclat, avaient eu tant de témoins, que la voix publique suppléait abondamment à son silence.
Ensuite de cette attestation et des dépositions irréfragables de tous les ordres de la ville, l'archevêque de Manfredonia, dans le diocèse duquel se trouve Foggia, ordonna qu'il serait célébré tous les ans, le 22 mars, une fête de la sainte Vierge, sous le rit double, en mémoire d'un miracle si bien constaté ; et, quelques années après, son successeur procéda, avec une solennité extraordinaire, au couronnement de cette Image, digne objet de la vénération et de la confiance des peuples.
Quatorze ans après, en 1745, le saint prélat qui depuis avait fondé sa Congrégation des prêtres missionnaires du très-saint Rédempteur, étant retourné à Foggia, pour y donner la mission, fut gratifié d'une faveur semblable.
La Vierge sainte daigna de nouveau répandre visiblement des rayons de lumière sur son visage.
Aussi, son ministère si manifestement appuyé de la protection de la Mère de Dieu obtint-il partout, mais surtout à Foggia, les succès les plus éclatants.
Empressement extraordinaire à écouter la parole de Dieu, zèle pour en profiter attesté par le changement subit des mœurs, restitutions étonnantes par leur nombre et par leur importance, haines invétérées et scandaleuses éteintes, pauvres filles retirées du danger et dotées, familles arrachées aux horreurs de l'indigence et pourvues à l'avenir de moyens assurés d'existence, établissements formés pour subvenir aux besoins multipliés des malheureux : tels furent les fruits de salut que recueillit le serviteur de Marie dans une ville où la Mère de Dieu avait opéré de si étonnants prodiges.
Pour donner une idée des merveilles non moins étonnantes que la grâce opéra dans les cœurs, il suffit de dire que les militaires ayant assisté à une retraite qui leur fut donnée à eux en particulier, il y eut des conversions éclatantes au point que cinq officiers, touchés de ce qu'ils avaient entendu, embrassèrent la vie monastique, édifiant également, par leur démarche généreuse, les habitants de Foggia et leurs compagnons d'armes.
Au reste, cette faveur parut si extraordinaire et si manifeste, qu'on en fit paraître la représentation à la cérémonie solennelle de la béatification du serviteur de Dieu, le 15 septembre 1816.
On avait placé, dit l'auteur de sa vie, sur l'entrée principale du majestueux portique de Saint-Pierre, un très-beau tableau du miracle de Foggia, représentant le moment où des rayons de lumière vinrent d'une Image de la sainte Vierge se réfléchir sur le front du saint prédicateur en extase. 
Nous raconterons encore un fait semblable, arrivé à peu près à la même époque, et à l'occasion du même patronage de Marie.
Saint Alphonse de Liguori se trouvait, en 1756, à la mission d'Amalphi, dans la principauté citérieure.
Là des divisions intestines partageaient les citoyens et des haines mutuelles en faisaient une image de l'enfer : d'ailleurs, la corruption des mœurs était à son comble et les scandales publics étaient comme comptés pour rien.
On ne saurait dire le changement qu'opéra la mission, et les fruits de salut que cueillirent les envoyés du père de famille dans un champ qui naguère ne produisait que des ronces et des épines.
Mais aussi, le Seigneur et sa sainte Mère appuyaient-ils le ministère d'Alphonse surtout, par des faveurs et des prodiges capables de faire sur des cœurs endurcis les plus heureuses impressions.
En voici un exemple : nous citons les paroles de l'auteur qui vient de rapporter divers traits merveilleux.
« Vers la fin de la même mission, tandis que la ville d'Amalphi retraçait une vive image de la pénitence de Ninive, un miracle plus éclatant encore vint attester aux yeux de tous que Dieu était avec son serviteur et protégeait son œuvre.
Alphonse prêchait sur le patronage de la sainte Vierge ; à mesure qu'il exhortait ses auditeurs à une tendre dévotion envers la Mère de Dieu, il s'écria dans un mouvement de zèle et de confiance :
« Que ne puis-je, mes frères, animer vos prières à Marie de toute la confiance que vous lui devez : ah ! je veux du moins la prier pour vous. »
A ces mots, ses yeux se fixent au ciel, et le peuple étonné le voit exhaussé d'environ deux pieds au-dessus de la chaire : son visage était tout en feu ; il était tourné vers une statue de la sainte Vierge, qui était à peu de distance.
Aussitôt la figure de la Vierge paraît s'animer ; elle est resplendissante du plus vif éclat et jette un reflet direct sur le front de l'extatique Alphonse.
Tous les assistants purent considérer ce spectacle.
Le saint prédicateur ne proférait aucune parole, mais on entendait de tous côtés ces cris redoublés :
« Miséricorde ! Miracle !» des larmes d'attendrissement et d'admiration coulaient de tous les yeux.
Puis, descendu, pour ainsi dire, de son extase, ainsi que Moïse de la montagne, le serviteur de Dieu, d'un ton de voix extraordinaire et tout-à-fait imposant, révéla aux assistants le secret de sa vision, en leur disant de se réjouir, et que la sainte Vierge leur accordait sa protection la plus signalée. 
Quelle était cette protection que le serviteur de Dieu promettait au peuple d'Amalphi de la part de la Vierge sainte ? La suite des évènements le montre clairement.
Le dernier jour qu'Alphonse passa dans la ville, il exhorta vivement les habitants à la persévérance, et, après avoir appelé sur eux les bénédictions du Ciel, il ajouta :
«Veillez sur vous-mêmes, mes frères ; après notre départ, il tombera du haut de la montagne un démon qui vous exposera au malheur d'oublier toutes vos résolutions, et vous attirera le châtiment d'un tremblement de terre. »
En effet, le lendemain, après le départ des missionnaires, on vit descendre de la montagne un buffle ou bœuf sauvage, qui devait figurer dans un jeu profane donné au peuple.
On sent combien ce divertissement était inopportun dans la circonstance présente ; rien de plus capable de distraire le peuple et de lui faire perdre tout-à-coup, au milieu des cris et de l'enivrement qu'excitent de pareils spectacles, les salutaires pensées qu'il venait de concevoir en méditant les vérités éternelles ; le passage était trop brusque, et il est bien à croire que la malice des hommes, d'accord avec celle de l'enfer, avait concerté ce coup.
Mais le Ciel inspira bientôt aux citoyens d'Amalpbi d'autres préoccupations et acheva ce que la mission avait encore laissé à faire.
A peine le buffle était-il arrivé sur la place publique où le spectacle devait commencer, que toute la ville fut ébranlée par un affreux tremblement de terre.
On déserte l'arène, on se rend en foule à l'église, où l'archevêque, Mgr Scoffi, monte en chaire, prêche la pénitence et rappelle au peuple les promesses qu'il a faites pendant la mission.
Il parlait encore lorsqu'une secousse plus violente que les précédentes, ébranle horriblement l'église, et renverse, avec les chandeliers, tout ce qui se trouve sur le maître-autel.
Qu'on juge de la frayeur de ce pauvre peuple ! Il évacue à l'instant l'église, il suit sur la place publique le prélat qui s'écrie : L'homme de Dieu nous avait prédit ce grand châtiment. Si parmi nous il s'en trouvait qui n'aient point voulu se convertir durant la mission, prions, mes frères, pour ces pécheurs endurcis, et daigne le Dieu des miséricordes toucher leurs cœurs ! »
Tous les habitants, sans exception, vinrent, les larmes aux yeux, implorer aux pieds des autels et des confesseurs la divine miséricorde : ces menaces du Ciel lurent une seconde mission ; elles rappelèrent tout ce qu'on avait entendu dans la première, en renouvelèrent les fruits et confirmèrent pour longtemps les cœurs dans leurs bonnes résolutions.
Cinq ans après, les Pères des Œuvres pies étant venus à Amalphi, dans le dessein d'y donner une mission, furent si frappés des bonnes mœurs et de la piété des habitants, qu'ils jugèrent leur voyage inutile, et leur rendirent ce témoignage, en allant porter ailleurs le secours de leur ministère : « Nous avons parcouru presque tous les pays du royaume, et nous n'avons jamais trouvé nulle part autant de sujets d'édification que dans cette ville : on reconnaît bien qu'un grand ouvrier a travaillé ici. »
C'est que, si le potier sait bien quel degré d'intensité il faut donner à la fournaise pour que les vases qu'il y a mis obtiennent la dureté convenable, Marie aussi sait bien, dans les fléaux publics, arrêter tellement le bras de Dieu, qu'elle préserve le peuple qu'elle prend sous son égide, d'une destruction totale et que cependant il sente assez le bras de la justice divine pour concevoir des sentiments de repentir et de conversion.

Fêtes :
13-16 août.
20-22 mars (anniversaire de l’apparition de l'année 1781).




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