Notre-Dame des Sept Douleurs (Italie, Foggia)

Notre-Dame des Sept Douleurs
(Italie, Foggia)


Foggia est une ville importante des Etats du roi de Naples, qui renferme au-delà de 20,000 âmes : c'est le chef-lieu de la Capitanate, une des 22 provinces ou intendances qui composent le royaume des Deux-Siciles.
La population de cette ville fait profession d'une dévotion spéciale envers la Mère de Dieu, et celle-ci lui a donné, en diverses circonstances, des témoignages particuliers de sa miséricordieuse bonté.
Nous allons en raconter ici un qui eut lieu en 1837, pendant que le midi de l'Europe tremblait à l'approche du choléra, ou ressentait déjà les effets du fléau envoyé par la justice de Dieu.
Foggia était en proie à ses ravages, quand, s'étant adressés à Marie, ses habitants ressentirent visiblement les effets de sa protection.
Nous aurons encore occasion de citer d'autres preuves de sa bonté envers ce peuple qui lui est cher et qui ne met pas en vain sa confiance dans sa puissante médiation.
En cette circonstance, la patience avec laquelle le Seigneur souffre les péchés des hommes et attend qu'ils viennent à résipiscence, paraissait enfin fatiguée et sur le point de se changer en fureur : il entrait donc dans les desseins de la divine Providence de faire comprendre aux citoyens de Foggia combien grandes étaient leurs iniquités, à quels point ils avaient besoin de recourir à la prière et aux œuvres satisfactoires ; de leur faire même sentir que tout ce qu'ils faisaient pour désarmer sa colère serait insuffisant, si le crédit d'une médiatrice qui a tout droit sur son cœur ne venait à leur secours.
Ce sont là les sentiments que le Ciel leur inspira, en employant comme instrument de ses vues miséricordieuses une statue en bois de Notre-Dame des Sept-Douleurs, vénérée dans l'église paroissiale de Saint-Jean-Baptiste.
Un peintre de celte ville, nommé Raphaël Virgile, s'était rendu dans cette église le 14 juillet, vers six heures et demie du matin, pour y prier selon sa louable coutume : il aperçoit deux cierges qui avaient été offerts à la Vierge sainte, l'un par une personne déjà atteinte du choléra, qui eut le bonheur de guérir ; l'autre, par une personne qui craignait d'en être frappée et qui en fut préservée.
Comme son assiduité dans le lieu saint lui donnait certaine liberté, il allume lui-même ces deux cierges et les place devant la statue de Notre-Dame des Sept-Douleurs alors dans sa niche.
Le soir du même jour, il revient à l'église et il observe avec surprise que l'un des deux cierges, allumé le matin en même temps que l'autre, est presque tout entier. Il veut d'abord en faire publiquement la remarque ; mais la crainte de passer pour visionnaire le retient, et lui fait garder le silence. Peu après rentre dans l'église un vicaire de la paroisse, Antoine Kuggier, qui toute la journée avait été occupé du soin d'assister à la mort les cholériques ; lui aussi fait la même remarque que le peintre, et rencontrant celui-ci à la sacristie, il est le premier à lui en parler.
Ils vont tous deux trouver le curé alors au confessionnal, et l'informent du fait.
Celui-ci se dirige avec eux vers l'Image de la Vierge, et, sans prononcer sur l'espèce de merveille dont on lui parle, et sur laquelle il n'a aucune donnée personnelle, n'ayant pas fait attention, le matin, à la longueur des cierges, il se contente d'exhorter les assistants à réciter les litanies de la Vierge.
A l'invocation de Marie, le peintre s'aperçoit d'un mouvement dans les prunelles des yeux de la statue ; elles lui semblent s'élever au point de se cacher presque sous les paupières supérieures et descendre ensuite doucement sur l'orbite des yeux.
Il croit d'abord s'être trompé ; mais le prodigieux mouvement se répétant, il ne saurait plus le révoquer en doute.
Toutefois encore ici retenu d'un côté par le respect humain et de l'autre aiguillonné par le désir de reconnaître s'il est seul à observer la merveille, il se détermine à demander au vicaire, à genoux auprès de lui, s'il ne remarque rien dans la statue.
Le vicaire lève les yeux, et devenu témoin du même fait, il lui répond : Elle élève les prunelles vers le ciel et ensuite elle les abaisse vers nous.
Il s'informe des personnes qu'il voit autour de lui, au nombre de six, si elles n'observent rien ; et ces personnes, frappées d'admiration, attestent le prodige.
Le curé, prévoyant bien que si la chose devenait publique, son église serait bientôt envahie, et craignant que l'empressement de la foule ne causât quelque désordre dont on pourrait bien le rendre responsable, pria les personnes qui l'entouraient de garder le silence sur cet évènement, et après avoir récité avec elles quelques oraisons, il les fit sortir et ferma l'église.
Mais les pensées de Dieu sont bien différentes de celles de l'homme. Dieu, voulait faire éclater ses miséricordes, et montrer avec quelle bonté maternelle la Vierge sainte protégeait le peuple de Foggia ; la prudence humaine pouvait-elle l'empêcher d'accomplir ses desseins ?
Dans la soirée du 15 juillet, le curé fit enlever la statue de sa niche, et il la fit placer auprès du maitre-autel, du côté de l'épitre.
Cependant le fléau destructeur faisait dans la ville de terribles ravages.
Le P. Antoine de Nole, religieux capucin, que la multitude des malades avait obligé d'appeler au secours du clergé de la paroisse, était sorti de l'église vers les huit heures du soir, pour administrer le saint Viatique ; à son retour, à neuf heures et demie, il donne la bénédiction au peuple nombreux qui avait accompagné le très-saint Sacrement, et se retire ensuite à la sacristie.
Le cure, pour satisfaire la dévotion du peuple, commence à réciter les litanies de la Vierge : à peine a-t-il prononcé le saint nom de Marie, que le peuple observe tout-à-coup divers changements dans le regard et le visage de la Statue, avec une sueur merveilleuse et diverses circonstances qui indiquent une opération tout-à-fait surnaturelle.
A l'instant les larmes coulent de tous les yeux, on demande miséricorde, on crie au miracle.
L'humble capucin, qui n'a pas encore quitté la sacristie, entend ces clameurs et, en ayant appris la cause, il sort animé d'un saint zèle, pour imposer silence au peuple, l'avertir de ne pas crier au miracle à la légère, et ne pas compromettre la tranquillité publique, surtout dans les circonstances critiques où l'on se trouve.
Mais voilà que jetant un regard sur l'Image de Marie, il reconnaît avec autant de surprise que de confusion, que le peuple n'est pas, comme il l'a cru d'abord, jouet de son imagination, et de censeur inconsidéré, il devint pendant un bon quart-d'heure témoin et prudent admirateur du prodige.
Cependant, le bruit d'un évènement si extraordinaire avait franchi l'enceinte sacrée ; le concours du peuple augmentait : le bon religieux, poussant la prudence ou la timidité trop loin, voulait trouver moyen d'arrêter cette influence, faire évacuer l'église à petit bruit et la fermer ensuite ; il conseille donc au curé, qui craint comme lui, qu'à l'occasion du prodige, il ne s'élève quelque désordre, de jeter un voile sur la Statue, afin d'obliger le peuple à se retirer.
Le curé suit son conseil et le peuple s'en montre tellement mécontent, qu'il est prêt à se porter à quelque voie de fait : le curé ôte donc le voile aussi promptement qu'il l'a mis.
Le prodige continue et on voit dans le visage de la Vierge une opération si sensible de la puissance divine, que parmi les spectateurs il en est plusieurs tellement émus, qu'ils ne peuvent rester plus longtemps dans l'église ; de ce nombre est le bon capucin qui avait d'abord été si incrédule.
De nouveaux venus en plus grand nombre prenaient leur place, et, comme la Statue, placée, ainsi que nous l'avons dit, à côté du maitre-autel, n'était pas à portée d'être bien vue par la foule des spectateurs, on prend le parti de la transporter sur la table sainte.
Parmi la multitude qui remplissait l'église de ses flots, il se trouvait, comme, hélas ! aujourd'hui il en est partout, des hommes qui avaient intérêt à être incrédules.
Rendus par un effet de la miséricordieuse bonté de Dieu, témoins du prodige, ils ne peuvent retenir leurs larmes, et ils sont convaincus que s'il y a de l'imprudence à croire trop facilement aux miracles, il est aussi injuste et aussi dangereux de refuser sa foi à des faits que le ciel entoure d'incontestables garanties.
Comme la foule croissait toujours, on voulait faire fermer l'église par l'intervention de la force publique ; mais la chose ne fut pas possible.
Pas le moindre désordre, cependant.
Vers le milieu de la nuit, le comte Marulli, commandant les troupes de sa majesté le roi des Deux-Siciles dans la Capitanate, arrive, bien prévenu, comme il l'avoue lui-même, contre les prodiges qu'on raconte de la Vierge des Sept-Douleurs vénérée dans l'église de Saint-Jean, non point par esprit d'incrédulité, il se déclare chrétien dans la relation qu'il a publiée du fait qui nous occupe avec toute la franchise d'un brave et loyal militaire, mais par caractère et par une secrète disposition d'esprit qui ne veut rien croire en ce genre que sur de bonnes preuves.
La foule s'ouvre pour lui donner passage, et il pénètre jusqu'à la table sainte sur laquelle est placée la statue de la Vierge : il y trouve le curé, le capitaine, deux sous-officiers de gendarmerie et quelques gendarmes, accourus pour maintenir l'ordre, en cas de besoin.
Il reste là une heure et demie, priant,observant attentivement tout ce que la puissance divine fait éclater de merveilles dans l'Image de la Vierge sainte, adressant quelquefois la parole à ceux qui se trouvent autour de lui, pour leur communiquer ses observations et recueillir les leurs.
Mais quels étaient ces prodiges observés dans la statue de Notre-Dame des Sept-Douleurs par une population comme agglomérée à ses pieds ? Il est temps de les énumérer et de les faire connaître en détail.
Le premier de tous était la sueur extraordinaire qu'on remarquait sur la sainte Image. On voyait clairement le front, les joues, la gorge et la main droite devenir humides ; phénomène d'autant plus frappant, que le visage présentait en même temps les accidents et les variations qui accompagnent une abondante transpiration.
Quelquefois elle tarissait entièrement, pour reparaître ensuite, avec une admirable variété de circonstances, toujours claire et limpide ; quelquefois aussi elle tombait en gouttes des joues sur la poitrine. Cette sueur ne pouvait manifestement avoir pour cause la chaleur des torches nombreuses qui, environnant la statue, auraient pu être soupçonnées d'amollir le vernis dont elle était couverte ; car si le vernis, en se liquéfiant, avait produit cet effet, comme la chaleur croissait toujours à mesure que, les cierges se consumant, la flamme s'approchait davantage du visage de la Madone, et que les fidèles, d'ailleurs, apportaient à tout instant des torches et des cierges qu'on allumait et qu'on groupait tout autour, au point que l'autel et son contour n'en pouvaient plus contenir ; le vernis aurait dû se fondre plus vite, tomber en gouttes troubles et plus épaisses, le visage perdre ses traits et se couvrir de taches.
Or, rien de cela n'avait lieu ; le visage de la Madone était alors, et il est demeuré tel qu'on l'avait vu auparavant,si même il n'a pas reçu, de la série des prodiges dont le ciel le couronna dans cette circonstance, plus d'éclat et de beauté.
Et puis, si le vernis se fût fondu par l'effet de la chaleur, cette chaleur conservant son intensité, ou plutôt allant toujours croissant, comment expliquer cette disparition de la sueur qu'on remarquait par intervalle, ces intermittences et ces variations ? Il y avait certainement là quelque chose de merveilleux ?
Cette conclusion, on la tire plus manifestement encore des observations qu'on faisait sur les yeux de la statue.
Elle portait souvent les yeux vers le ciel, et l'on voyait les prunelles se tourner doucement jusqu'à la racine de l'œil, de sorte que la prunelle vive et brillante s'élevait presque, par un mouvement lent, à la hauteur du sourcil et paraissait blanche.
Du reste, l'œil ne se dirige-t-il pas précisément vers le point du ciel perpendiculaire à l'église, mais vers un point plus rapproché de la foule, et placé comme à l'extrémité d'une diagonale, dans l'intérieur même de l'enceinte sacrée, ce qui fit conjecturer au comte Marulli que le Sauveur se trouvait au-dessus du peuple fidèle, à peu de distance de l'Image.
Ces prunelles avaient l'expression de la prière, de la ferveur, d'un douleur très-intense ; on les voyait s'obscurcir et retomber tristement dans leur orbite.
Un troisième prodige ou une troisième circonstance de l'œuvre surnaturelle qui s'opérait dans l'Image de la Mère de Douleur confirme cette conjecture.
Dans l'intervalle qui séparait les ferventes prières que la Vierge adressait au Seigneur, on vit trois fois des pleurs se produire dans son œil gauche : la première fois, la larme paraissait couleur de sang ; une seconde larme, qui fut observée pendant 20 secondes au moins, fut semblable par son éclat très-pur et très-vif à une pierre précieuse ; la troisième était une larme ordinaire.
L'humeur lacrymale se formait sous la paupière, courait le long de l'œil ; arrivée à l'angle intérieur, elle s'agglomérait en goutte, et débordant, elle descendait le long du nez et se perdait dans la partie inférieure du visage en se mêlant à la sueur.
Un autre prodige et peut-être le plus frappant de tous, c'est l'expression de douleur qui se peignait sur le visage de la Mère de Dieu.
Ce visage fut vu se décolorer, au point de ressembler par sa paleur au papier le plus blanc ; et alors la Madone paraissait baignée de sueur, en proie à une douleur mortelle et éprouvant ce que ressent notre nature dans une grande peine : de plus, la sueur devenait alors plus froide et le visage était celui d'une personne pâmée. Ces accès d'angoisse se renouvelèrent au moins six fois et ils furent observés par la multitude des fidèles.
A cela se joignait encore une autre merveille bien étonnante. La bouche de la statue est naturellement ouverte comme laissant échapper des paroles de douleur, de sorte qu'on distingue sous la lèvre supérieure, les dents parfaitement sculptées surtout quand on la regarde de bas en haut, comme dans la circonstance présente. Eh bien ! à mesure que la Vierge sainte priait, que le sentiment de la ferveur et de l'angoisse devenait plus vif par l'effet du délai que semblait mettre le Seigneur ; à l'exaucer, on voyait la bouche se fermer lentement, les deux lèvres se joindre peu à peu, s'avancer et couvrir entièrement les dents.
Après la crise causée par la douleur, la bouche se rouvrait lentement, les lèvres se déjoignaient, les dents reparaissaient et tout reprenait sa situation naturelle ; mais cela se faisait avec tant de naturel, avec tant de rapport aux mouvements humains, que plus d'une fois on aurait cru qu'elle allait soupirer et parler.
Dans un de ces moments de crise, dit le comte Marulli, l'effet de la douleur fut tel, que par une agitation violente, je dirais presque convulsive de toute la tête, le visage de la Madone se tourna un peu du côté où j'étais placé, comme si dans un premier saisissement elle eût voulu éviter de voir ou d'entendre quelque chose d'extrêmement pénible.
Après la prière, elle abaissait ses yeux pleins de compassion et les promenait avec une grande affection sur nous, et ce sentiment de compassion l'animait à prier de nouveau.
Sa physionomie, son attitude, durant tout le temps que je fus dans l'Eglise, fut celle d'une femme en proie à la plus vive affliction, avec une telle vérité d'expression que si, auprès d'elle on eût placé une femme vivante dans une pareille situation, je n'aurais su décider laquelle des deux souffrait davantage. Ce spectacle était pour nous si déchirant, qu'il pénétrait le fond de nos cœurs.
Et les cheveux encore offrirent une nouvelle cause d'étonnement et furent un nouveau sujet de merveilles.
D'abord, on ne remarquait point du tout de cheveux autour du visage de la Madone ; ils étaient entièrement cachés par la mante, et à peine s'apercevait-on qu'il y avait sur sa tête quelques touffes, partagées à la grecque au haut du front et couvertes du voile.
Mais en même temps que la figure prenait l'expression de plus en plus vive de la prière et de la douleur, les cheveux commencèrent, du côté gauche, à se développer d'eux-mêmes sous la mante, comme si le lien qui les retenait s'était rompu, et à s'avancer lentement couverts d'humidité sur le front et sur le sourcil. Ils se partagèrent en trois touffes pendantes : la première, peu épaisse, tombait vers le milieu de l'œil dont, vu son peu d'épaisseur, elle n'empêchait pas de suivre les mouvements ; bien plus, elle traçait comme une ligne perpendiculaire qui les rendait plus sensibles ; la seconde, qui formait une bande d'un pouce et plus de largeur, descendit vers l'extrémité extérieure de l'œil ; la troisième, étendue et développée en masse, couvrit le reste du visage vers la tempe et l'oreille, en se prolongeant le long de l'épaule.
La chose ayant duré au moins vingt minutes, les spectateurs se la faisaient observer les uns aux autres avec une anxiété commune à tous.
Que signifiaient ces prodiges multipliés, opérés aux yeux de tout un peuple, pendant une heure et demie, dans des circonstances qui permettaient si bien d'en suivre tout le cours, d'en préciser tous les détails ? Nous l'avons insinué au commencement de notre récit ; Marie voulait lui faire connaître à quel point il avait irrité le Seigneur ; elle voulait le convaincre aussi de l'amour que son cœur de Mère ressent pour les hommes, de celui qu'elle portait d'une manière spéciale aux habitants de Foggia.
C'est là tout le secret de cette expression de douleur et d'angoisse qui parait sur son Image, de ces prières ardentes, de ces mystérieuses sollicitations qu'elle semble adresser à son Fils.
Le fléau dévastateur était sur le point de faire de la cité une vaste solitude, si la Mère de miséricorde n'eût comme arraché à sa justice le décret de mort.
A cela revient la remarque judicieuse d'un vicaire-général (Michel Castrucci) qui ajoute en note à un endroit de la relation où le comte Marulli semble raconter que le Sauveur a- d'abord refusé d'accueillir les prières de sa mère.
« S'il est dit ici, ce sont les paroles du vénérable ecclésiastique, que la Vierge sainte intercédant pour nous a pu essuyer un refus, cette expression ne doit pas être prise à la lettre ; elle nous fait connaître simplement l'énormité de nos péchés qui mériteraient que Dieu n'eût égard à aucune intercession, ou bien que ce n'est que par des instances réitérées que Marie a pu nous obtenir le pardon : peut-être encore la divine Mère a-t-elle voulu nous faire entendre par la voix de ces prodiges que nous étions sur le point d'être abandonnés de Dieu, si nous ne nous corrigions à temps de nos péchés. »
A ces faits attestés par tout un peuple, le comte de Marulli ajoute deux particularités qui le concernent personnellement et qui montrent de plus en plus l'œuvre de Dieu :
« Vous savez, dit-il, en s'adressant à son premier pasteur, vous savez, Monseigneur, et tous ceux qui me connaissent le savent aussi, que depuis plus de quatre ans une cataracte m'a tout-à-fait ôté l'usage de l'œil droit au point que de cet œil je ne distingue rien, et ne vois autre chose qu'une lumière confuse et voilée. Eh bien ! cette longue suite de prodiges opérés par la sainte Image, je l'ai vue de mes deux yeux de telle sorte que je me crus guéri surnaturellement et ne reconnus que j'étais retombé dans mon infirmité que longtemps après, lorsque, de retour chez moi, je me mis à écrire à mes enfants qui se trouvaient à Naples, le précis de ce qui venait de se passer. Ma lettre à moitié faite, je commençai à m'apercevoir que mon œil me faisait défaut. C'est ce que je pourrais attester par un serment spécial en toute conscience.
L'autre garantie à moi particulière de la vérité des prodiges observés, c'est que tout le jour suivant, dimanche 16 juillet, j'éprouvai en moi-même un contentement intérieur, un sentiment si délicieux de joie, que peut-être je n'en ai jamais senti de tel dans ma vie.
Ceci est pour moi une preuve de l'action surnaturelle, d'après ce que j'ai lu dans plus d'un auteur ascétique que ce sentiment délicieux est pour ceux qui sont témoins et objets d'un miracle, un signe caractéristique de l'opération divine. »
Le peuple passa toute la nuit dans l'église. Au point du jour, on chanta une messe, et ensuite l'église commença à désemplir.
Après la messe, la statue miraculeuse fut placée auprès du maître-autel, du côté de l'Evangile.
Dans le cours de la journée seize personnes prétendirent avoir observé, dans cette Image vénérée, des merveilles du genre de celles que nous avons racontées ; mais comme on ne les a pas interrogées juridiquement, la relation n'en prend pas la responsabilité.
Le soir du même jour, vers les huit heures, il se passa encore, en présence d'un peuple nombreux réuni dans l'église, quelque chose de bien extraordinaire. Au moment où un prêtre de la paroisse tirait du tabernacle la sainte hostie pour donner la bénédiction du Très-St-Sacrement, le visage de la madone des Sept-Douleurs devint blanc comme la cire, et, pendant un temps assez considérable, on la vit de nouveau lever les yeux au ciel, les baisser ensuite et les tourner vers le peuple.
On cite parmi les personnes qui furent témoins de cette merveille, don Nicolas Russo, don Raphaël Pulatella, et Joseph Mocelli, parmi lesquels le second a testifié que, quoiqu'il se fût aperçu du prodige en même temps que les autres, cependant, pour ne rien précipiter, il feignait de ne rien voir : mais le mouvement des yeux de la Madone se prolongeant, il ne lui fut plus possible de douter, surtout lorsque les yeux de la Vierge, s'étant rencontrés avec les siens, lui semblaient briller comme deux belles étoiles : qu'on juge du saisissement et de la componction que cette merveille excita dans son âme.
Le lendemain, on remarqua encore de semblables merveilles, entre autres celle dont le premier pasteur du diocèse, Mgr Montfort, se donne lui-même pour garant.
S'étant rendu de Troie à Foggia, dans l'église de Saint Jean-Baptiste pour y dire la sainte messe, et remercier la divine majesté et la Vierge sainte des grâces merveilleuses accordées au peuple confié à sa sollicitude, l'illustre prélat vit les yeux de la statue se mouvoir comme tant d'autres l'avaient vu.
Nous nous garderons bien d'omettre, en terminant, une circonstance bien remarquable du prodige ; c'est le changement qui s'est opéré dans le visage de la statue dès le moment où la Providence la choisit pour en faire l'instrument de ses merveilles.
La remarque en a été faite par tous ceux qui la connaissaient ; il est même des personnes qui avaient conseillé au curé de lui substituer une autre statue, vu que celle-ci n'avait presque rien dans l'attitude et l'expression qui marquât la tristesse et la douleur. Aujourd'hui, sous ce rapport, l'Image a beaucoup gagné.
L'évènement prouva aussi que de tels phénomènes n'étaient point de vaines illusions, que Marie prenait vraiment en main les intérêts de son peuple, et que, dans la lutte que son cœur maternel avait soutenue contre la justice divine, l'Eternel s'était laissé fléchir et désarmer par ses prières.
Le 15 juillet, sur le soir, la paroisse de Saint-Jean-Baptiste comptait nombre de personnes en proie aux douleurs du choléra et réduites à un état critique ; aussi le saint Viatique, comme nous l'avons raconté, fut-il porté dans nombre de maisons : et cependant, du moment où l'on commença, ce même jour, à observer dans l'Image de la Vierge ces signes merveilleux, jusqu'au lendemain soir, nul malade de la paroisse qui fit appeler les ministres du Seigneur pour être assisté au dernier passage ; et à dater du 17, le choléra diminua d'intensité, de telle sorte que le 26 du même mois il cessa presque entièrement.
Voici le décret publié par l'autorité ecclésiastique ; c'est un beau résumé de tout ce que nous venons de dire :
DÉCRET
DE LA COUR EPISCOPALE DE TROIE,
Permettant de publier le miracle qui a eu lieu à Foggia en 1837.
Antoine-Marie Montfort, par la grâce du Siège Apostolique, évêque de la sainte Église de Troie, conseiller de Sa Majesté le roi des Deux-Siciles, etc..
Nous Cajétan Maldacena, docteur en théologie, vieaire-général du dioeése de Troie, d'après la relation de Charles Rotundi, économe-curé de l'Eglise paroissiale de Saint-Jean de Foggia, et sur l'instance de Don Fisci, promoteur de Don Joseph de Angelis, chanoine de la basilique de Sainte-Marie, en la même ville, spécialement désignés en notre présence par sa Grandeur Monseigneur Antoine-Marie Montfort, évêque de Troie, ayant l'une et l'autre pour objet la publication du miracle arrivé les 14, 15 et 16 juillet de la présente année 1837, dans la statue en bois couverte de vêtements de la bienheureuse Vierge, honorée sous le titre de Notre-Dame des Sept-Douleurs, dans l'église paroissiale de saint Jean-Baptiste, à Foggia, laquelle statue a été vue lever tantôt les yeux vers le ciel, tantôt les tourner vers le peuple, remuer les lèvres comme une personne qui pousse de profonds soupirs, pleurer, se couvrir de sueur, subir différentes variations dans son visage et jusque dans sa chevelure.
Après avoir entendu, examiné les témoins et procédé aux interrogatoires, selon l'usage ; après avoir vu la statue, comme il a été dit dans le procès à ce dressé, et avoir, selon le décret du Concile de Trente, sess. 25, touchant la vénération des saints, consulté des théologiens et des hommes de piété, savoir le chapitre de la Basilique susdite et les curés de Foggia ; considérant que ce miracle ne peut en aucune façon être révoqué en doute, puisqu'il est attesté sous la foi du serment par vingt-trois hommes, sans parler d'une multitude d'autres personnes de l'un et l'autre sexe que nous avons cru inutile de citer et de questionner dans les formes, puisque, comme il a été relaté dans les actes, presque tout le peuple réuni dans l'église de Saint Jean-Baptiste en voyait les particularités merveilleuses et que le fait a été examiné avec la plus scrupuleuse attention, selon les règles de la critique ; qu'il a été observé par nombre de personnes en même temps, non-seulement lorsque la statue était dans sa niche, mais encore lorsqu'elle fut exposée, soit au côté de l'Epitre du grand autel et ensuite sur la table sainte, soit du côté de l'Evangile du même autel, non un instant, mais un temps considérable, non un seul jour, mais trois jours, par des yeux sains et sans milieu trompeur, non à une grande distance, mais à un intervalle qui permettait de voir aisément, non à l'aide d'une lueur faible et incertaine, mais au sein de la lumière la plus abondante, sans qu'il y ait eu vacillation ou réfraction capable de produire dans les organes de la vue de fausses images, ni préoccupation, ni divergence dans les témoignages : considérant encore que plusieurs témoins, hommes qui ne sont ni simples ni crédules, étaient d'abord persuadés que ce phénomène devait être attribué au trouble de l'imagination et n'ont ajouté foi au miracle qu'après en avoir examiné avec la plus sévère exactitude tous les caractères, et avoir été obligés, par ce qu'ils voyaient, à verser des larmes devant tout le peuple ; nous prononçons et nous déclarons qu'un tel miracle peut être publié, et nous commandons qu'il le soit.
Une copie du présent Décret sera donc affichée aux portes de notre église cathédrale et d'autres le seront aux portes des paroisses de Foggia. »
Donné à Foggia, le 5 septembre 1837.
Cajétan Maldacena, vicaire-général. Dominique M. Chanoine Mancini, chancelier de l'évèché. ...
Certifié conforme à l'original, etc.
Chanoine Mancini, chancelier de l'évêché. »





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