Notre-Dame des Blanches (Pontlevoy)

Notre-Dame des Blanches
(Pontlevoy)


Si de Nanteuil nous passons à l'abbaye de Pontlevoy, nous y trouvons des souvenirs de Marie non moins intéressants.

Cette abbaye, à laquelle appartenaient autrefois l'église et le prieuré de Nanteuil, était elle-même consacrée à la sainte Vierge et avait été fondée par le célèbre Gelduin, seigneur de Pontlevoy, une des tiges de l'illustre maison d'Amboise, qui vivait au commencement du onzième siècle.

Ce vaillant homme, après avoir dépensé la meilleure partie de sa vie dans les exploits militaires, où il s'était rendu si terrible qu'il faisait trembler l'intrépide Foulques-Nerra lui-même, fut frappé de terreur à son tour, mais de la terreur des jugements de Dieu, devant lequel tous les mortels doivent comparaître au sortir de ce bas monde ; et, dans sa frayeur, il songea à s'abriter contre la justice divine sous le patronage de Marie.

Pour cela, il donna à la Mère de Dieu une portion de ses biens, savoir son propre château, où il établit à la fois un monastère qu'il confia aux religieux de Saint-Florent de Saumur, une église de la Sainte-Vierge et une église de Saint Pierre.

Cette dernière fut dès lors et a toujours été jusqu'à cette époque la principale église de Pontlevoy ; cependant Gelduin la plaça au second rang, la soumettant, par un sentiment de piété filiale, à celle de Marie.

C'est ce que nous attestent en même temps la double charte de fondation qui se lit au tome huitième du Gallia christiana, et l'histoire manuscrite de Pontlevoy : « Redoutant fort, y est-il dit, le jour du dernier jugement, et désirant néanmoins être du nombre de ceux à qui Dieu doit dire en ce jour : Venez, les bénis de mon Père ; possédez le royaume qui vous a été préparé, nous concédons à la sainte Mère de Dieu, Marie toujours vierge, une portion des biens qui nous ont été laissés par nos ancêtres. »

La pieuse charte ajoute : « Que les religieux de Pontlevoy veuillent implorer pour nous la divine miséricorde, afin que, quand le jour de notre mort sera arrivé, notre ennemi mortel ne se réjouisse point de notre perte, mais que Dieu, par l'intercession de la bienheureuse Vierge Marie, nous arrache miséricordieusement des mains du démon et des peines de l'enfer, et nous transporte au royaume du Paradis. » Et ce bel acte se termine par ces paroles, qui expriment si bien la supériorité de Marie sur tous les saints : « Nous voulons que l'église de la bienheureuse vierge Marie occupe le premier rang et que l'église Saint-Pierre, jusqu'ici la première, lui soit soumise.»

Il est à remarquer qu'une des chapelles de l'église de la Sainte-Vierge porte le nom de Notre-Dame des Blanches, et les souvenirs populaires attribuent ce nom à un fait miraculeux.

Gelduin, disent ces souvenirs, surpris par une violente tempête, invoqua Marie ; et la Mère de Dieu, se présentant aussitôt à lui vêtue d'habits plus blancs que la neige, l'arracha à une mort qui allait être inévitable.

Jaloux de perpétuer la mémoire de cette délivrance, Gelduin donna à l'église de l'abbaye le nom de Notre-Dame des Blanches, que conserve encore aujourd'hui une de ses chapelles.

Les successeurs de Gelduin imitèrent presque tous sa piété envers Marie, et surtout envers l'église de Notre-Dame des Blanches.

On voit, en 1409, un seigneur d'Amboise, descendant de Gelduin, fonder, pour chaque samedi, une messe solennelle de la Sainte-Vierge en cette église.

On voit de même, à toutes les époques, l'abbaye de Pontlevoy honorée de la piété des peuples, de la protection et de la libéralité des princes, des seigneurs et des évêques, comme le domaine de Marie, à qui Gelduin l'avait concédée, selon l'expression de la charte : Concedimus Mariœ. Mabillon cite un manuscrit du douzième siècle écrit dans ce monastère, et, sur sa couverture, on y lit des vers latins dont voici la traduction : « Moi, ce livre, je suis la propriété des moines de l'abbaye de Pontlevoy, où la sainte Vierge est honorée dans une église digne d'elle. »

L'histoire manuscrite de Pontlevoy contient également des fragments de la liturgie particulière de cette abbaye qui révèlent une dévotion toute spéciale à Marie.

«Seigneur Dieu, y est-il dit dans le Gloria in excelsis, Agneau de Dieu, Fils du Père, premier-né de la vierge Marie, recevez notre prière pour la gloire de Marie. Vous êtes le seul saint qui avez sanctifié Marie, le seul Seigneur qui avez gouverné Marie, le seul Très-Haut qui avez couronné Marie. » Domine Deus, Agnus Dei, Filius Paîris, primogenitus Mariœ virginis Matris... suscipe deprecationem nostramad Mariée gloriam... Tu solus sanctus, Mariam sanctifuans, tu solus Dominas Mariam gubernans, tu solus Altissimus Mariam coronans. « Seigneur Jésus, dit l'Oraison d'avant la Communion, Fils du Dieu vivant, qui, par la volonté de votre Père et la coopération du Saint-Esprit, avez daigné pour notre salut prendre chair de l'immaculée Vierge. » Domine Jesu Christe, Fili Dei vivi, qui ex voluntate Patris, cooperante Spiritu Sancto, ex immaculatâ Virgine carnem assitmère dignatus es pro nostra salute 

Enfin tous les jours, dans l'église du monastère, on chantait le Salve, Regina, pour l'acquit de certaines fondations ; trois fois par semaine il s'y disait une messe matutinale de la SainteVierge, sans préjudice de différentes messes qui se disaient presque tous les jours en l'honneur de Notre-Dame des Blanches.

En 1262, un incendie ayant presque entièrement détruit l'église de Marie que le livre mentionné par Mabillon appelait digne d'elle, les religieux de l'abbaye se mirent aussitôt à l'œuvre pour la reconstruire, retranchant sur leur nourriture, quelque frugale qu'elle fût, pour fournir à la dépense ; et les fidèles, encouragés par les indulgences qu'accorda le souverain pontife Nicolas IV, leur aidèrent à mener l'œuvre à bonne fin.

Malheureusement, tout ce zèle n'eut qu'un résultat éphémère : car les Anglais, qui faisaient la guerre dans tout le pays, vinrent à Pontlevoy, dévastèrent l'abbaye, la dépouillèrent de la meilleure partie de ses revenus ; et l'église tomba de nouveau en ruine.

En 1426 , M. de Brilhac, qui fut le premier abbé commandataire de Pontlevoy et qui devint plus tard évêque d'Orléans, entreprit la reconstruction de l'église, déjà commencée par le dernier des abbés réguliers.

Conservant religieusement la chapelle de Notre-Dame des Blanches, restes vénérables du beau travail des religieux après l'incendie de 1262, il en fit le chevet de l'édifice, et construisit le chœur et le commencement des deux bas côtés qui existent encore aujourd'hui.

Un de ses successeurs, l'abbé de Bérulle, neveu du cardinal de ce nom, y plaça quatre autels, dont deux sont dédiés à Notre-Dame, et depuis, sauf l'aiguille du clocher élevée en 1573, ce bel édifice est resté inachevé, avec sa grande voûte haute de soixante-trois pieds sous clef, ses voûtes latérales hautes de trente-trois ; et sa flèche, qui surmonte le faite, mesure cent vingt pieds d'élévation.

A la révolution de 93, l'abbaye, mise en vente, cessa d'être monastère ; mais, en 1829, Pontlevoy ayant recouvré comme collége son ancienne splendeur, on plaça avec honneur dans la chapelle une statue fort ancienne que l'on croit être celle qui avait été placée du temps de Gelduin dans l'église du monastère ; et, depuis ce moment, on y vit refleurir l'antique dévotion à Notre-Dame des Blanches.

On en solennise la fête le 24 mai, jour où l'Église honore Notre-Dame Auxiliatrice ; et l'on chante à la messe une prose, aux vêpres une hymne , composées par l'académie du collège, dignes l'une et l'autre de trouver ici leur place.

PROSE.
Faisons retentir maintenant des cantiques joyeux à la louange de Marie. Pour chanter la Vierge, que les cœurs s'unissent aux voix.
Que nos chants lui payent avec allégresse la dette de la reconnaissance pour son heureux patronage, et demandent à cette bonne Mère la continuation de sa projection.
Lorsque le fondateur de cette maison traversait les mers, l'onde en fureur menaçait de plonger dans les abîmes l'esquif qui le portait.
La mort est imminente, mais la foi est un puissant secours : la prière faite avec une ferme confiance est toujours exaucée.
Celle qu'on salue l'Étoile de la mer écoule le cœur suppliant ; elle se montre la sauvegarde et l'espoir non trompeur de tous ceux qui l'invoquent dans le péril.
O miracle ! la Reine du ciel en vêtements blancs se présente aux naufragés pour les délivrer.
La tempête se brise et calme son courroux. Que peut, en effet, refuser à Marie le Fils dont les ordres trouvent la mer et les vents dociles ?
Gelduin aborde au paisible rivage ; mais il va s'empresser d'acquitter les pieux engagements pris au fort de la tempête.
Il fait élever cette chapelle, afin que les louanges de Marie y soient à jamais célébrées par de pieux cantiques.
Ce sanctuaire est encore debout, voyant fleurir autour de lui tous les beaux-arts : c'est à nous à acquitter les intentions de son fondateur.
Bonne Mère et patronne, recevez l'offrande de nos cœurs en ce jour de fête ; ouvrez à vos enfants vos bras maternels.
O Reine du ciel, Marie, belle comme le lis, ô douce Reine de l'univers, soyez l'unique amour de nos cœurs,
Afin qu'étant toujours fidèles à votre Fils, nous méritions, avec votre aide, d'être mis par ce même Fils en possession de la gloire éternelle. Ainsi soit-il.

HYMNE
Vous tous, quand vous tremblez en présence de quelque péril, priez la Vierge, invoquez Marie. Peut-elle, insensible au malheur, refuser une prière ?
Que la tempête en furie se déchaîne, que les horreurs de la guerre ou une fièvre brûlante vous menacent, que la mort vous approche, Marie prête toujours un secours ami à qui l'invoque.
Autrefois, touchée du sort d'un naufragé, elle vint, en vêtements blancs comme la neige, symboles de son innocence plus blanche encore, lui indiquer un port assuré.
Jaloux, ô Mère de Dieu, de célébrer ce trait de bonté et d'applaudir à votre triomphe, accueillez favorablement ce chant de notre jeunesse.
Vous voyez comme à l'approche du péril nos cœurs chancellent, et combien de tristes tempêtes les agitent. Secourez-nous ; nous traversons une mer terrible par ses écueils.
Astre bienfaisant, vous resplendissez sur les études de la jeunesse ; l'éclat de la sagesse céleste vous environne, et Dieu lui-même vous inonde de sa lumière.
O lumière qui descendez du ciel dans les âmes, détrompez-nous des illusions d'un monde qui passe, et que par vous nos âmes renouvelées ne soupirent plus qu'après les biens d'en haut.
Gloire souveraine au Père, gloire égale au Fils et à vous, ô Esprit, l'amour de l'un et de l'autre, qui, dans cette solitude éloignée du tumulte, nous remplissez de Dieu.
Ainsi soit-il.
Ainsi on chantait à Pontlevoy les louanges de Marie ; et à peu de distance de là, la solitude de Fages, paroisse de Thenay, avait un prieuré dédié à Notre-Dame.
Source : Livre "Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en ..., Volume 1" par André Jean Marie Hamon





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