Notre-Dame de Maubranche (Moulins sur Yèvre)

Notre-Dame de Maubranche
(Moulins sur Yèvre)


Mais c'était surtout à deux lieues de Bourges, au hameau de Maubranche, dans la paroisse de Moulins, qu'éclatait plus magnifiquement la dévotion a la sainte Vierge.
Là était un pèlerinage des plus célèbres, la chapelle de Notre-Dame de Liesse et de Consolation, bâtie par la pieuse épouse du seigneur de Maubranche, Pierre Biet, lieutenant général au bailliage de Bourges.
Cette dame, nommée Catherine Doulé, s'était sentie,dès l'âge de huit ans, un grand désir d'élever une chapelle à la gloire de Marie ; et dans ses conversations enfantines, elle répétait souvent qu'elle ne serait heureuse que le jour où elle aurait réalisé ce projet.
Dans ses jeux même, elle aimait à représenter une chapelle de la Mère de Dieu et la foule des pèlerins s'y pressant pour prier.
Ce désir ne fit que s'accroître avec l'âge ; et dès qu'elle fut mariée, elle sollicita et obtint du seigneur de Maubranche l'autorisation d'élever cette chapelle.
Elle s'en ouvrit à l'archevêque, qui était alors Mgr André Frémiot, le frère de sainte Jeanne de Chantal et l'ami de saint François de Sales.
Sur son avis favorable, elle se mit à l'œuvre, choisissant pour emplacement de cette chapelle un terrain désert, pierreux et stérile, peu éloigné de son château, mais que la découverte d'un caillou parfaitement taillé en forme de cœur et trouvé en ce lieu lui fit croire être l'endroit voulu du ciel pour l'érection du sanctuaire.
La pieuse châtelaine pressa les travaux.
Le 25 août 1621, tout fut terminé, et une image de la Vierge, portant dans sa main droite le cœur trouvé par terre et sur le bras gauche l'enfant Jésus, fut placée au-dessus de l'autel.
L'archevêque, heureux de cette fondation, voulut venir lui-même bénir la nouvelle chapelle, et accorda une indulgence de quarante jours à ceux qui, la visitant, y prieraient selon les intentions de l'Église.
Il y eut grande foule à cette cérémonie : cent vingt personnes y communièrent de la main du prélat ; beaucoup d'autres eurent le regret de ne pouvoir s'associer à cette sainte action, faute de prêtres pour entendre leur confession ; et à dater de ce jour, Maubranche, jusque-là inconnu, désert et de difficile accès, devint un pèlerinage cher à la piété.
Aux fêtes de la sainte Vierge, on comptait habituellement jusqu'à douze cents communions, et les dimanches ordinaires il y en avait de deux à trois cents.
En 1628, Bourges, affligé de la peste qui lui avait enlevé plus de cinq mille âmes, fit vœu d'aller chaque année en pèlerinage à Notre-Dame de Liesse.
Le fléau ayant cessé aussitôt, la ville accomplit son vœu ;et chaque année, jusqu'en 93, elle y fut fidèle.
Le 1er juin, on partait en procession de l'église métropolitaine, et on se rendait à Maubranche en passant par l'église Notre-Dame des pères Jésuites.
Ce n'était pas seulement la ville de Bourges qui honorait ainsi Notre-Dame de Liesse : de toutes les parties de la province et des pays même les plus éloignés, on accourait à Maubranche ; religieux, abbés, ecclésiastiques, chanoines, évêques, personnages de la plus haute distinction, toutes les classes de la société enfin se rencontraient aux pieds de Notre-Dame de Liesse et de Consolation.
On y vit même souvent des princes et des princesses de sang royal, tels que Henri de Condé, qui y offrit une statue d'or et qui se plaisait à y amener ses enfants, ou la duchesse de Nemours, qui, durant son séjour dans le Berri, ne laissa pas passer une seule semaine sans faire son pèlerinage à Maubranche.
Plusieurs communautés religieuses y envoyèrent aussi leur offrande ou ex-voto ; enfin des paroisses entières y vinrent en procession, quelquefois de dix lieues de distance, sous la conduite de leur pasteur.
Les archevêques de Bourges, attirés par le parfum de piété qu'on respirait dans ce sanctuaire, en avaient fait leur pèlerinage de prédilection, comme déjà nous avons eu occasion de le faire remarquer : c'était à Maubranche qu'ils aimaient à aller reposer leur âme de l'agitation des affaires, implorer l'assistance de la Mère de Dieu parmi les difficultés de leur haut ministère, et remonter leur courage pour des luttes nouvelles contre le génie du mal.
Aussi le souverain pontife Grégoire XV, considérant l'affluence des fidèles à ce sanctuaire, y érigea une confrérie avec de très-grandes indulgences pour ceux qui en feraient partie, et cette faveur accrut encore la foule des pèlerins.
La sainte Vierge ne pouvait manquer de récompenser par des miracles tant de dévotion envers elle.
Un religieux carme, docteur en théologie, le P. François Berthet, en a consigné quelques-uns dans un livre imprimé à Paris en 1654, sous le titre de Véritable histoire de Notre-Dame de Liesse et de Consolation, communément appelée Maubranche.
On y voit des aveugles recouvrant la vue, des muets recouvrant la parole, des paralytiques recouvrant l'usage de leurs membres, des infirmes de toute espèce subitement guéris, une enfant morte rendue à la vie ; et jusqu'en 93, Maubranche ne cessa d'être un lieu de refuge, où les affligés, les malades et les infirmes venaient chercher et trouvaient en effet un remède aux tristesses de l'âme et aux douleurs du corps.
Mais alors l'esprit révolutionnaire n'épargna pas plus ce sanctuaire que tous les autres.
Une troupe d'environ soixante hommes vint piller toutes les richesses de la chapelle et renversa la sainte image de la niche où elle était placée.
Après leur départ, on releva la statue miraculeuse, dont le bras droit avait été brisé dans sa chute, et on la cacha sous les degrés de l'entrée du couvent.
La chapelle fut vendue, ainsi que les bâtiments occupés par les carmes, auxquels les archevêques de Bourges avaient confié depuis 1636 le service du pèlerinage.
En 1800, la famille de Villemenars, devenue propriétaire de la chapelle et de ses dépendances, retrouva la statue dans le lieu où on l'avait cachée, et la replaça sur l'autel où on la voit encore.
En 1801, une partie de la chapelle fut démolie, sans toutefois toucher à l'autel, où plusieurs ecclésiastiques ont encore célébré quelquefois les saints mystères ; et, depuis longtemps, une assemblée profane a pris la place du pieux concours des fidèles qui venaient prier et communier à cette chapelle.
Fasse le ciel que l'antique dévotion des peuples à Notre-Dame de Maubranche refleurisse, et que ce sanctuaire si longtemps vénéré des peuples, si aimé des anciens archevêques de Bourges, recouvre sa première splendeur !
L'Histoire du Berri, écrite par Thomas de la Thaumassière, rapporte une inscription assez curieuse composée en 1655 en l'honneur de Notre-Dame de Maubranche et qui se lisait sur les murs de la chapelle.
Cette inscription a pour titre : Virgo mater hominis cor Fitio infanti offerens : « la Vierge-Mère offrant le cœur de l'homme à son Fils » enfant ; » et en voici le texte avec la traduction :
Le cœur humain ne peut être placé plus sûrement ; on le conserve en le donnant ; en le perdant pour la vie présente, on le garde pour la vie future.
Jésus-Christ consacre la victime qu'il accepte ; et croyez qu'il l'accepte si Marie la lui présente.
Venez donc, fidèles de Bourges, lévites d'Anne de Vantadour, élèves du patriarche (1) pontife, enfants de Marie, concitoyens des saints.
La noble épouse de l'illustre Pierre Biet trouva le bon trésor enfoui dans son champ ; elle le trouva et ne le tint point caché. C'était un cœur de pierre, symbole de nos cœurs de chair, formé par la nature, ou par l'art, ou par une action mystérieuse de Dieu.
Elle y fit élever cet oratoire, où, plaçant sous les regards l'emblème de la vertu, la Providence préluda à ce qui devait arriver plus tard.
L'espérance donnée se réalisa ; pressés par un attrait général, les peuples y vinrent en foule et firent à Dieu l'hommage qui est toute la religion en abrégé, l'hommage de leur cœur.
Un tel hommage plut à Dieu, et la grandeur des miracles qui en furent la récompense, attesta qu'il avait agréé ce genre de sacrifice.
Venez encore aujourd'hui vous presser autour de cet autel, et comme Dieu ne se plait point dans les sacrifices d'animaux, offrez-lui un cœur contrit et humilié.
Mais, de peur que présenté par vos mains il ne soit pas bien reçu, offrez-le par Marie ; la pureté de ses mains le fera agréer, et son patronage le rendra précieux devant Dieu.
C'est ce que vous montre l'exemple des deux nobles époux, qui eurent toujours pour règle de tout recommander à Marie, eux et leurs proches.

Aussi tout leur prospéra si bien que tous virent clairement que le Très Haut prend sous son aile la famille que soutiennent les prières de pieux parents, qu'appuie la main de Marie, et que protège la puissance de Jésus-Christ.

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