Notre-Dame de Lorette (Suisse, Fribourg)

Notre-Dame de Lorette
(Suisse, Fribourg)



L'auteur qui nous fournit les principaux matériaux de cette notice, commence par faire la description et l'éloge de Fribourg.
Cette ville est si connue aujourd'hui, que nous perdrions notre temps en nous arrêtant à un semblable préambule. Venons-en au plus tôt à l'historique de la chapelle élevée par la piété des Fribourgeois à la Mère de Dieu.
Ce sont eux qui, parmi les enfants de la belliqueuse Helvétie ont eu les premiers l'heureuse idée de bâtir à sa gloire un édifice qui, par sa magnificence extérieure, par l'agrément de sa situation et, à l'intérieur, par sa parfaite conformité à la sainte chapelle de Lorette et la dévotion qu'il respire, mérite de tenir un rang distingué parmi les sanctuaires consacrés à la Reine du ciel.
Ce pieux dessein fut inspiré aux Fribourgeois, l'an 1647, par le P. Gumppenberg, religieux de la Compagnie de Jésus, qui habita trois ans le collège de Fribourg, comme prédicateur ordinaire de Saint-Nicolas, et qui a publié une ample collection de notices sur les images et sanctuaires célèbres de la Vierge.
La fête de l'Annonciation lui ayant donné occasion de célébrer deux fois les louanges de Marie, la veille dans l'église de Saint-Nicolas, et le jour même de la solennité, en plain air, devant l'église de Bourguillon, dite aussi de la Montagne, il parla de la sainte maison de Lorette, dans laquelle s'était accompli le mystère du jour, montra quel avantage et quelle consolation procurerait à ses pieux auditeurs la construction d'une chapelle qui en serait la fidèle image, et fit appel à leur générosité.
L'appel fut entendu, et on mit la main à l'œuvre avec un enthousiasme digne de ce siècle de foi.
Le gouvernement résolut de la faire construire et il s'en réserva le patronage le 1er avril 1647.
Le samedi avant le dimanche de la Passion, le doyen de la collégiale, entouré de son clergé, des magistrats et de presque toute la population, se hâta de poser la première pierre de l'édifice sacré, au milieu des décharges de la mousqueterie et des accords d'une musique joyeuse.
On put dès-lors présager avec quelle ferveur on prierait un jour dans son enceinte, en voyant l'empressement avec lequel le peuple se portait à faire monter vers le ciel ses vœux au pied d'une grande croix de bois qui s'élevait dans le voisinage, et par la générosité avec laquelle on versait des offrandes dans le tronc établi pour aider la construction de la chapelle.
Ces dons volontaires étaient si abondants, qu'on ne manquait jamais de fonds pour payer les ouvriers qu'on employait en grand nombre, et même qu'on avait toujours des sommes considérables d'avance.
Mais ce qui relevait encore plus le mérite de ces offrandes, c'est qu'elles consistaient, pour la plupart, en pièces d'or d'une grande antiquité, transmises en héritage dans les familles de père en fils, que la piété, enveloppée des ombres du mystère, mettait à la disposition de Marie, et cela avec tant de bonne volonté que, tant que durèrent les travaux, on ne fit jamais la moindre quête dans les maisons, on ne demanda jamais la moindre obole, contre l'usage si général en pareil cas.
La chapelle de Notre-Dame de Lorette tire un grand avantage de sa situation et des embellissements que le heu même a reçus depuis, comme si une Providence, attentive à tout, eût déjà pensé à la faire jouir des agréments que le temps devait ajouter au site.
Elle est bâtie en face de Fribourg, dont elle est séparée par la Sarine, aux abords verdoyants et pittoresques, sur la pente du Montorge, non loin de la porte de Bourguillon, par laquelle on descend, en suivant les nombreuses sinuosités de la route, dans la partie basse de la cité.
Elle est enclavée dans l'enceinte des remparts, afin d'être en sûreté en cas de guerre.
Vues du côté opposé, cette porte antique et la gracieuse chapelle de Lorette, dominées par une chaîne de rochers à pic, semblent se dégager de leur pied pour le plaisir de l'œil, et suspendues dans les airs, offrent un coup d'œil aussi bizarre que magique.
Se décide-t-on à gravir le Montorge, à la hauteur de ces deux monuments ? On jouit d'une vue générale de la ville et des environs. A chaque pas que l'on fait, le tableau varie et s'anime de fraîches couleurs. Lorsque l'horizon est pur, on peut admirer les divers accidents de la lumière, réfléchie sur un magnifique panorama qui s"étend jusqu'aux hauteurs du Jura et à la crête de Chasseral, sommet culminant de toute cette chaîne.
D'aucun autre point peut-être le pont en fil de fer ne se présente d'une manière plus pittoresque que de celui-ci : ce n'est qu'un léger réseau qui semble se jouer avec grâce entre le ciel et la terre.
Mais c'est surtout sous le rapport religieux que la hauteur sur laquelle s'élève Notre-Dame de Lorette est intéressante.
Le Montorge est vraiment un mont consacré par la piété ; et, depuis des temps reculés, il a pu s'appeler la Sainte-Montagne.
On y voyait, il y a peu d'années, une ancienne léproserie qui datait de 1393 au moins, et qu'on croit avoir été desservie par des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem.
Avant l'an 1516, on avait établi sur le penchant de ce mont sacré les Stations du Chemin de la Croix qui, partant de l'église de Saint-Jean en ville, serpentait en s'élevant sur la côte, et passait devant l'emplacement de la chapelle de Lorette : ce via crucis était fait exactement sur le modèle de celui de Jérusalem, retraçant sous plusieurs rapports l'aspect de celui de la ville sainte, avec l'ordre des Stations, leur distance respective de l'une à l'autre ; à peine vingt ans se sont-ils écoulés depuis qu'on a fait disparaître ce pieux monument.
On voyait de plus, et l'on voit encore sur le plateau du Montorge que suit la grande route, une église fort dévote, celle de Bourguillon, paroisse hors de la porte de ce nom, à dix minutes de Notre-Dame de Lorette, sur le prolongement de la même montagne, qui se termine à l'entrée de la ville.
Cette église est dédiée à la Mère de Dieu ; le maître-autel est consacré sous le vocable de l'Assomption, et les deux autres portent les noms de Notre-Dame du Scapulaire et de Notre-Dame des Sept-Douleurs.
L'église de Bourguillon est un pèlerinage très-fréquenté.
Le vénérable P. Canisius, fondateur du collége de Fribourg, aimait beaucoup à s'y rendre pour mettre ses travaux sous la protection de Marie ; et les anciens Pères de Fribourg avaient hérité de sa dévotion et de sa confiance envers Notre-Dame de Bourguillon.
C'est encore aujourd'hui le but d'une des processions des Rogations ; des paroisses y vont aussi en procession ; et lorsque quelque calamité publique menace le canton, le gouvernement ne manque pas de demander qu'on y aille avec solennité invoquer le secours de celle qui tant de fois se plut à exaucer visiblement les prières des anciens Fribourgeois.
Chaque année, les élèves externes du collège y vont en corps avant d'entrer dans la lice redoutée des examens classiques.
Le peuple aussi a toujours eu beaucoup de confiance en Notre-Dame de Bourguillon, comme le témoignent les nombreux ex-voto, monuments offerts par la piété reconnaissante, qui ornent l'intérieur de ce célèbre sanctuaire.
Quoique l'église de Bourguillon existât déjà depuis longtemps, et que Marie y reçût de fréquents hommages, on ne laissa pas d'accueillir, comme nous l'avons dit, avec le plus vif empressement, l'idée de bâtir dans le voisinage une nouvelle chapelle, dédiée aussi à la Vierge sainte.
Ce nouvel édifice, consacré à Notre-Dame de Lorette et destiné à honorer Marie dans le mystère de l'Annonciation, principe de sa gloire et fondement de toutes ses grandeurs, devait être une spécialité, et le culte rendu à Notre-Dame de Bourguillon ne devait rien y perdre.
Rien de plus édifiant que les détails transmis par le premier auteur de cette chapelle sur sa construction et sa consécration ; rien de plus exact et de plus intéressant que le tableau qu'il en présente dans sa notice.
Nous reproduirons les principaux traits de son récit, en rendant compte des changements survenus depuis par l'effet du temps et des circonstances.

D'abord on est saisi d'étonnement en songeant à ce qu'il en a dû coûter de peine et de dépenses pour asseoir ainsi, dans l'intérieur des remparts, cet édifice sur le flanc de la montagne sainte.
Les fondements de la chapelle ont plus de vingt pieds de profondeur, ceux de l'enceinte qui l'entoure en ont quarante. On a bâti sur un roc qui s'élève à pic et qui soutient la double construction sur le bord d'un précipice affreux. Le terrain a dû être comblé par d'énormes pierres et nivelé à force de travail et de constance.
Ces abîmes ont été remplis, ces terrasses ont été élevées par les Fribourgeois et par les habitants du bourg voisin, nommé Tavel, grosse paroisse allemande du canton, à une lieue de Fribourg, dans laquelle est enclavé le hameau de Bourguillon. Ils y ont travaillé les uns et les autres de leurs propres mains, sans prétendre à d'autre récompense qu'à une protection spéciale de celle pour l'honneur de laquelle ils travaillaient.
Les Fribourgeois ont porté sur leurs épaules, à la hauteur de la chapelle, une multitude de pierres.
Et n'est-il pas digne d'éternelle mémoire cet empressement que témoignaient pour l'œuvre sainte tous les ordres de citoyens, au point qu'il n'y avait ni prêtre, ni religieux, ni magistrat qui eût honte de prendre de ses mains les matériaux entassés au bas de la montagne, de les porter au lieu de construction et de les offrira la Vierge ?
Les mères qui allaient lui présenter leurs petits enfants, auraient cru avoir quelque chose à se reprocher si, s'étant elles-mêmes chargées d'une pierre, elles n'en eussent pas mis une plus légère dans les mains de leurs enfants, obligées ensuite, pour gravir la hauteur, de prendre de distance en distance un repos nécessaire.

Les paysans rivalisaient de zèle avec les citoyens. Ceux de Tavel seulement conduisirent plus de quatre cents voitures de matériaux : c'étaient souvent des chariots chargés de pierres de dix et même quinze pieds de long, et traînés, depuis leur bourg, par huit ou dix chevaux.
C'est sur d'aussi solides fondements qu'a été basé l'édifice.
Le zélé Religieux, qui avait été le premier auteur de l'entreprise, n'eut besoin de leur adresser la parole qu'une fois ou deux pour les exhorter à poursuivre une tâche qui ne leur était imposée que par la piété, et dont les faveurs de Marie devaient être le digne salaire.
Ce bourg, tout allemand, était composé d'hommes vigoureux, dont plusieurs avaient soutenu les fatigues de la guerre, et il ne comptait guère moins de sept cents combattants exercés au métier des armes.
Il y avait dans ce bourg une confrérie de trente membres, érigée en l'honneur de saint Jacques : pour en faire partie, il fallait, entre autres conditions, être originaire de Tavel et avoir fait le pèlerinage de Compostelle.
La confrérie de saint Jacques de Compostelle existe encore à l'époque où nous écrivons, et sa chapelle est située sur le cimetière, à côté de l'église paroissiale.
C'est là que se réunissaient jadis, en habit de pèlerins, tous ceux qui avaient fait le voyage en Espagne.
Mais depuis que les circonstances ont rendu cet antique pèlerinage difficile et comme impraticable, on admet dans la confrérie ceux qui ont visité par dévotion Rome ou Jérusalem, et quelquefois même des compatriotes bien connus par leur mérite, qui n'auraient point fait de ces lointaines expéditions, encore en honneur et en pratique parmi ces populations pleines de foi.
La fête des pèlerins se célèbre le 25 juillet, jour de saint Jacques, et attire à Tavel un grand concours : on y admire la procession des pélerins, et l'on se croit transporté dans ces siècles où la religion donnait aux hommes une vie, des affections, des jouissances, une existence tout entière que nous entrevoyons quelquefois comme de beaux rêves dans les souvenirs du passé, mais que nous ne croyons plus réalisables dans la société de nos villes usées et engourdies par l'irréligion.

Cependant, par le concours réuni des Fribourgeois, des populations environnantes, et surtout des braves paroissiens de Tavel, les murs s'élevaient déjà à hauteur d'homme, au-dessus du niveau déterminé.
On n'eut point, pour ainsi dire, la patience d'attendre que la chapelle fût terminée et consacrée selon l'usage.
Les magistrats voulurent préluder aux honneurs qu'on devait rendre en ce lieu à la Vierge sainte, en y célébrant la fête de l'Assomption, au moyen d'un autel portatif qui fut dressé en plein air.
Les décharges redoublées des canons et des mortiers relevaient la solennité.
Le soir, un brillant feu d'artifice fut tiré.
Quelle n'était point la piété simple et naïve de l'époque !
Le croirait-on aujourd'hui, où l'on relègue l'influence religieuse au fond des temples ?
Cet amusement devait être un chant de gloire à Marie, la représentation de son Rosaire, un Rosaire de feu.
Quinze grenades figuraient les quinze dizaines, et cent cinquante fusées les Ave.
La première grenade lancée dans les airs éclate, et trace dans sa course une grande croix enflammée.
Après, des gerbes, des pluies de feu ajoutées comme ornement ; trois nouvelles grenades retracent les trois chapelets qui composent le Rosaire.
Puis vient une nouvelle grenade, suivie de dix fusées qui partent à des intervalles égaux, et qui donnent aux bons spectateurs le temps de réciter, comme plusieurs le font en effet, leurs dix Ave Maria. Une brillante girandole termine le spectacle d'une manière solennelle.

La chapelle étant terminée le 18 octobre suivant, on célébra une nouvelle fête avec plus de magnificence encore.
Trois coups de canon, tirés avant l'aurore, en furent l'annonce et le prélude.
Au moment où, dans l'église collégiale de Saint-Nicolas, l'office canonial achevé, le prêtre qui offrait le divin sacrifice élevait la sainte hostie, la nouvelle chapelle sonne l'Angelus, et donne aux habitants des montagnes et des vallées voisines le signal de se tourner vers Marie.
L'évêque de Lausanne se transporte au nouveau sanctuaire, en fait la dédicace avec le plus grand appareil, et un discours prononcé en plein air par le religieux qui avait conçu et proposé le pieux dessein, apprend à la foule immense qui se presse dans la chapelle, sur la terrasse, et qui s'est groupée comme un essaim d'abeilles dans les environs, ce qu'elle a droit d'espérer de la toute puissante bonté de Marie, dans le nouveau temple que la piété vient de suspendre, comme un bel ornement, aux flancs de la sainte montagne.
Un feu d'artifice, de nouvelles guirlandes de grenades et de fusées, un nouveau rosaire de feu relève l'éclat de la solennité que couronnent de bruyants exercices de mousqueterie.
La chapelle, solidement construite en pierre, a de quoi plaire aux connaisseurs.
Elle est entourée de pilastres d'ordre ionique qui, dans les intervalles, laissent voir des arceaux ou niches, occupés par dix statues en pierre.
Ces statues représentent la parenté de la sainte Vierge.
Du côté de la façade s'offrent saint Joacbim et sainte Anne ; du côté opposé, saint Zacharie et sainte Elisabeth : sur une des faces latérales, Marie Salomé entre saint Jacques le majeur et saint Jacques le mineur ; sur l'autre, saint Joseph, accompagné de saint Jean-Baptiste et de saint Jean le disciple bien-aimé.
Le dessus des quatre portes est décoré des bustes des quatre évangélistes.
La corniche est ornée tout autour d'anges qui semblent se réjouir du bonheur de Marie.
L'extérieur de la chapelle avait souffert des ravages du temps et de l'action de l'air.
Le gouvernement vient d'y remédier : un bon sculpteur a remis à neuf les statues mutilées et délabrées, et l'on a employé la peinture à l'huile pour conserver la pierre du dehors de l'édifice.
On peut dire que la piété et le bon goût ont également présidé et concouru à cette restauration.
La sainte famille de Marie continue de veiller autour de Notre-Dame de Lorette, comme chargée d'introduire les pélerins qui viennent solliciter audience de la Reine du ciel et d'appuyer leurs requêtes.
Quant à l'intérieur, la pensée dominante, et qui avait dirigé ceux qui étaient chargés de la construction, c'était de reproduire, autant que possible, dans sa forme, ses dimensions et tout son aspect, la Santa Casa, de sorte que l'illusion des sens venant au secours de la piété, les fidèles se crussent transportés dans la maison fortunée où Marie fut saluée Mère de Dieu et où le Verbe se fit chair dans ses chastes entrailles.
Seulement on a cru pouvoir ajouter à la partie supérieure de la voûte quelques enjolivements.
La peinture des murs imite assez bien les briques avec lesquelles est bâtie la sainte maison de Lorette : le pavé a été couvert dernièrement d'un enduit d'asphalte ; il n'a pas été besoin d'y faire d'autre réparation ou amélioration.
Au-dessous de cette chapelle, il y en a une autre, voûtée comme la première et de dimensions égales, sauf la hauteur qui est un peu moindre.
Le jour vient des quatre points de l'horizon, et sagement combiné entre le désir de l'œil qui aime l'éclat et le goût de la piété qui s'entoure volontiers d'ombres mystérieuses, il suffit pour que les fidèles puissent aisément suivre le saint sacrifice.
Sur le fond de la chapelle on construisit une tour qu'on entoura de lames d'étain, revêtues par une main habile de divers ornements en relief.
Elle porte sur son sommet une Vierge en airain doré qui tient entre les bras l'Enfant Sauveur et qui peut être aperçue de tous les quartiers de la ville, comme elle peut apercevoir et protéger la ville entière.
Cette tour se divise en deux parties : l'inférieure qui sert de base et qui porte deux cloches pour l'usage de la chapelle ; la supérieure, de forme octangulaire et élancée, à huit ouvertures par lesquelles elle laissait échapper une lumière qui réjouissait la ville, la vallée de la Sarine et les montagnes pittoresques dont cette rivière arrose le pied.
C'était un lustre à sept branches qu'on allumait tous les soirs, au signal de l'Angelus, qu'on élevait dans la tour, à la hauteur de quarante pieds et qu'on laissait allumé jusqu'à l'Angelus du lendemain matin.
Cette pieuse industrie avait été imaginée par la plus ingénieuse et la plus délicate charité, Il était doux pour les Fribourgeois, dès qu'ils avaient récité, le soir, les litanies de la Vierge, conformément à l'usage qui s'introduisit dans la plupart des familles à l'époque où l'on jeta les fondements de la chapelle, de saluer de leurs fenêtres Marie, l'Etoile de la mer, aussitôt que la vive lumière de la tour leur en donnait le signal, et de mettre sous sa protection spéciale le repos de la nuit.
Les malades qui ne pouvaient fermer l'œil ou qui ne goûtaient que par intervalle les douceurs du sommeil, levaient souvent les yeux vers cette lumière éloquente, lorsque la disposition de leurs appartements leur permettait de l'apercevoir, et les heures de la nuit, charmées par le souvenir délicieux de Marie, leur semblaient moins longues et moins pénibles.
Aujourd'hui le lustre à sept branches a disparu ; on lui a substitué une simple lampe qu'on hisse au moyen d'une poulie, jusqu'au sommet de la tour, où elle brille la nuit comme un phare consolateur.
Mais, comme depuis environ cinquante ans on a établi un poste de soldats à la porte de Bourguillon, dans le voisinage, et qu'une lumière éclaire toute la nuit le quartier, celle de la tour de Lorette, si modeste de nos jours, a perdu beaucoup de son prestige et de son charme puissant.
Autour de l'édifice règne une terrasse large de dix pieds, entourée d'une grille de fer, au-delà de laquelle on ne voit que précipices.
Du côté de la façade, l'espace est beaucoup plus étendu ; il est en cet endroit orné de plusieurs degrés de forme circulaire par lesquels on monte à la chapelle.
Un peu ou-dessous, sur le penchant de la montagne, on avait construit un autre édifice de forme triangulaire et qui avait la forme et la solidité d'une citadelle.
Il était appuyé sur une terrasse de 40 pieds de hauteur.
De là, les magistrats, à l'abri de la pluie, pouvaient assister aux offices qu'on célébrait quelquefois en plein air, avec une solennité extraordinaire, au milieu des concerts joyeux des musiciens qui occupaient le plateau voisin.
Ce supplément à la chapelle était disposé de manière à ce qu'on n'eût rien à redouter de la fureur des vents et des orages qui suivent quelquefois en mugissant le cours de la Sarine.
L'on satisfaisait ainsi par l'érection d'un autel dressé sur-le-champ et disposé avec élégance, à la dévotion des paroisses voisines qui venaient souvent en procession à Notre-Dame de Lorette et assistaient à une messe solennelle.
Cet édifice secondaire a depuis été détruit, on ne sait à quelle époque ni à quelle occasion.
Il n'est plus d'usage maintenant de dire la messe en plein air à l'entrée de la chapelle ; et la foule pieuse qui ne peut quelquefois pénétrer dans son enceinte trop étroite, se place sur la terrasse qui entoure la Sainte-Maison ou sur le penchant du Montorge et recueille le fruit du saint sacrifice en s'unissant à ceux qui ont l'avantage d'être, dans le pieux sanctuaire, groupés aux pieds de l'Image de Marie.
Du reste, comme on peut le présumer de sa bonté assez connue, la Vierge sainte s'empressa, à toutes les époques, de reconnaître par l'abondance de ses bienfaits l'affection que lui témoignait ce bon peuple.
Pendant qu'on construisait la chapelle, grand nombre de grâces furent obtenues, et à peine fut-elle terminée que, dès les premiers mois, les murs intérieurs furent ornés d'ex-voto.
On Bourrait raconter, dit l'ancien écrivain, une multitude de faveurs miraculeuses accordées aux prières adressées à Marie dans ce sanctuaire : mais comme on n'avait point eu l'attention de les soumettre à l'examen et à l'approbation de l'ordinaire, il s'abstient d'en parler en détail.
Le zèle qu'on mettait à embellir la chapelle de Lorette répondait à l'empressement qu'on avait mis à l'élever.
Dès les premiers jours, une lampe d'argent brûla devant l'Image de la Vierge : les vases sacrés, les ornements divers, nécessaires au culte, furent donnés par des âmes généreuses.
On parle surtout d'une chasuble, faite à Paris, et regardée comme un chef-d'œuvre de l'art, dont Notre-Dame de Lorette fut enrichie.
Un citoyen opulent mit entre les mains du Sénat une somme de 2400 écus, dans l'intention d'y fonder une messe quotidienne.
Dans le cours des dix premières années, on compta jusqu'à 221 processions venues des villages voisins pour honorer la Vierge sainte.
Dans le même intervalle, on avait célébré, dans le pieux sanctuaire jusqu'à 307 messes solennelles et 9481 messes votives ; et la dévotion, loin de se ralentir dans la suite des temps, prenait tous les jours de nouveaux accroissements.
A l'époque actuelle, Notre-Dame de Lorette semble avoir perdu quelque chose de sa célébrité et elle n'est plus aussi fréquentée qu'aux temps qui ont précédé les troubles politiques et religieux qui ont ébranlé toute l'Europe.
Elle est cependant loin d'être déserte aujourd'hui ; bien des âmes ferventes, bien des âmes affligées en savent le chemin, et elles y trouvent, les unes un aliment toujours nouveau à leur dévotion envers Marie, les autres un baume consolateur qui calme leurs peines. Un moyen, ce semble, de rendre son premier éclat au culte qu'on offre à la Vierge sainte dans ce lieu encore plein d'ex-voto qui parlent éloquemment de sa puissance et de sa tendresse, ce serait d'y établir un chapelain qui fût spécialement chargé d'en faire le service et d'accueillir les pèlerins que la dévotion y amène.
Les PP. Augustins la desservent provisoirement : puissent les vœux que les fidèles forment pour cet objet, se réaliser prochainement ! Puissent-ils mériter aussi par un redoublement de ferveur, que Marie leur fasse ressentir dans la sainte chapelle de Fribourg une partie des bénédictions et des grâces de tout genre qu'elle répand si abondamment dans la Santa Casa d'Italie.
Le second dimanche d'octobre, se célèbre tous les ans à Fribourg ce qu'on appelle la fête de Loretie ; c'est une solennité tout à la fois religieuse, civile et militaire, où se reflète encore l'ancienne et naïve dévotion qui a élevé et orné avec magnificence ce gracieux sanctuaire.
Dès les cinq heures du matin on tire des mortiers vis-à-vis de la chapelle pour annoncer et ouvrir la solennité, et l'on renouvelle de temps en temps les bruyantes détonations jusqu'à midi.
A trois heures, le tambour se fait entendre ; la milice se met en ordre de bataille entre l'église de Saint-Nicolas et l'église de Notre-Dame ; on fait trois décharges générales, et à ce signal le corps des gardes d'Etat, précédé de la musique militaire, suivi de différentes confréries et d'un clergé nombreux, se rend en procession à la chapelle de Lorette.
Dans les rues de la ville, on fait des décharges par pelotons devant chaque Statue de la Vierge et devant chaque église que l'on rencontre, ce qui donne lieu à huit Stations jusqu'au terme du pieux voyage.
La procession arrivée à Lorette, le clergé et la partie de la foule pieuse qui peut y entrer chantent les vêpres avec l'appareil des grandes solennités.
A l'issue de vêpres, on jouit d'une scène religieuse vraiment touchante : on voit les enfants de chœur de Saint Nicolas, ses vénérables chanoines sortir de la chapelle, entraînant après eux les soldats, le corps des musiciens et tout le peuple : ils se réunissent en plein air dans une prairie qui avoisine la chapelle, et là, toutes les voix se confondant dans l'expression d'un même sentiment, l'on chante à genoux les litanies de Notre-Dame de Lorette, le Salve Regina et une oraison en l'honneur de Marie.
Vis-à-vis de la chapelle est posté le corps de carabiniers volontaires, sur la hauteur que l'on appelle les Grand Places ; une grande partie de la ville se trouve entre les deux collines, prenant part aux prières que l'on adresse à la Mère de Dieu, et attentive à tous les exercices, à tous les mouvements de la fête religieuse.
Les litanies terminées, les soldats font des décharges générales ; les carabiniers y répondent de la position qu'ils occupent, et l'on simule une petite guerre que le peuple revoit tous les ans avec un plaisir nouveau.
Il parait que l'origine de cette fête n'est autre que la dédicace qui eut lieu le 18 octobre, comme nous l'avons rapporté.
On regarda comme un effet de la protection visible de Marie la conservation de la dévote chapelle de Lorette au milieu d'une catastrophe qui devait naturellement la renverser et l'ensevelir sous ses ruines.
Le 9 juin 1737, jour de la Pentecôte, le magasin à poudre situé à vingt pas de Notre-Dame de Lorette, fut frappé par la foudre et sautat tout-à-coup.
La tour de Bourguillon, le rempart de la ville, le monastère de Montorge situé à 200 pas de la poudrière et nombre de maisons de la ville souffrirent beaucoup : le toit de l'église du couvent de Montorge fut enfoncée, l'église remplie de décombres, le mur de clôture renversé en partie, pour ne pas parler de tant d'autres désastres qui furent les conséquences de ce terrible accident.
Et cependant la chapelle de Lorette, placée à côté de la poudrière, entre elle et la ville, loin d'être renversée et jetée au fond du précipice, ne fut presque pas endommagée.


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