Notre-Dame de Gargilesse (Gargilesse)

Notre-Dame de Gargilesse
(Gargilesse)

 

Notre-Dame du Pins à Gargilesse est une gracieuse église fondée par Hugues II, seigneur de Naillac, en 1230, sur le modèle de Notre-Dame de Déols, conformément aux intentions de Hugues Ier, son père ; lequel avait conçu le projet de construire dans l'enceinte de sa forteresse un monument qui fût comme un rayon de la gloire de la magnifique église abbatiale de Déols ; et pour compléter la ressemblance, le fondateur confia le service de cette église aux bénédictins, en leur donnant pour habitation le château contigu qui est au niveau de la crypte ; d'où ils venaient, par deux larges escaliers, chanter l'office dans l'église supérieure.
Rien de plus pittoresque que la situation de cette église Placée dans une déchirure de rocher, au fond d'un profond ravin dans lequel on descend des hauteurs voisines, comme dans un vaste entonnoir, par des pentes taillées presque à pic, rajeunie par des travaux modernes qui ont respecté son gracieux style, elle apparaît comme une belle fleur sur le bord du torrent de Gargilesse, au milieu des débris de la ville et de la forteresse en ruines des seigneurs de Naillac.
Rien de plus touchant surtout que les circonstances qui en accompagnèrent la fondation.
Le religieux seigneur de Naillac, voyant dans la sainte Vierge une mère bienveillante, à l'ombre de laquelle devait trouver appui et protection quiconque se réfugierait sous son aile, établit le droit d'asile dans les terres environnantes ; et par des croix plantées de sa propre main, il détermina lui-même l'enceinte où devait commencer et finir ce droit sacré.
« Moi, Hugues de Naillac, dit-il dans la charte octroyée à ce sujet, ayant résolu de fonder une église en l'honneur de Dieu et de la bienheureuse Vierge Marie, j'en ai posé la première pierre de ma propre main, pour la rémission de mes péchés, pour la rédemption de l'âme de mon père et de ma mère. A cette occasion, je donne et je concède une liberté telle que tous ceux qui habiteront dans l'enceinte des croix que j'ai plantées de ma propre main seront exempts à l'avenir de toutes les charges et de toutes les mauvaises coutumes qui pesaient sur les habitants de mon fief.
De plus, je veux que si quelqu'un se réfugie sur le territoire de ma terre du Pins, dans l'enceinte de mes croix, il y trouve défense et protection, quel qu'il soit, d'où qu'il vienne, quelque forfait et quelque crime qu'il ait commis. Il y sera aussi en sûreté que s'il était dans une église de Dieu ; et le prieur du Pins ou son mandataire pourra le conduire sain et sauf hors de ma terre. Si quelqu'un de mes hommes ou de mes servants d'armes ose porter préjudice ou faire la guerre au prieur du Pins, je m'engage à ne pas faire la paix avec lui, tant qu'il n'aura pas réparé le dommage ou fait un accord amiable.
De même, je donne et je concède au prieur du Pins tout droit de justice sur le territoire dudit prieuré, avec tous les émoluments et avantages attachés à ce privilége. Je fais cependant pour moi et mes descendants les réserves qui suivent :
1° Si le duel est prescrit par le juge de la cour de justice du prieur du Pins, ledit prieur ou son mandataire fera conduire les parties à Gargilesse et il m'appartiendra de présider en champ clos le combat singulier et d'en régler les conditions ;
2° Si l'épreuve du fer chaud ou de l'eau froide est prescrite, je veux que le prieur m'envoie les parties a Gargilesse, et là, en ma présence, l'épreuve aura lieu ;
3° Si un coupable est condamné à perdre la vie ou un de ses membres, le prieur du Pins ou son mandataire fera conduire sous bonne escorte le criminel, et il m'appartiendra de faire mettre à exécution la sentence prononcée.
Moi et mes hommes d'armes nous déposons sur l'autel la charte qui contient les susdits privilèges, et, la main sur le livre des saints Évangiles, nous jurons tous de l'observer avec une scrupuleuse fidélité. »
Le fils de ce puissant seigneur, Guillaume de Naillac, marchant sur les traces vénérées de son père et de son aïeul, prit à cœur d'honorer Marie dans ses serviteurs, non-seulement en paroles et en sentiments, mais en œuvres, et de faciliter au monastère le moyen d'avoir un plus grand nombre de religieux et de répandre sur les pauvres de ses domaines des aumônes plus abondantes ; et, en conséquence, il concéda au prieur du Pins des rentes en froment et en seigle.
Touchés de tant de bontés, les religieux lui en témoignèrent leur reconnaissance tout le reste de ses jours, mais surtout à sa mort.
Ils l'inhumèrent dans leur église, et lui érigèrent un tombeau qui encore aujourd'hui est une des plus grandes richesses artistiques du diocèse.
L'église, bâtie et entretenue par l'illustre famille des Naillac, est byzantine, parfaitement homogène de style, et un petit chef-d'œuvre.
Le gouvernement l'a fait, à ce titre, restaurer complétement dans ces dernières années.
Comme la plupart des édifices du douzième siècle, elle se compose de trois nefs séparées par des arcatures en plein cintre que supportent des faisceaux de colonnes. Les nefs latérales, étroites à leur naissance, s'élargissent à l'entrée du chœur pour former les deux bras de la croix, et se terminent par des chapelles disposées en hémicycle qui accompagnent l'abside principale.
Dans la coquille de la voûte, au-dessus de l'autel majeur, sont représentés, en peinture assez grossièrement restaurée, le Père éternel assis sur un trône dans tout l'appareil de sa gloire, et, devant lui, des Anges qui tremblent et adorent ; au-dessous du Père éternel est la sainte Vierge avec tous les attributs de sa royauté, et au fond du tableau on aperçoit les instruments de la Passion de son Fils.
Ainsi ce tableau est un livre ouvert où le fidèle peut lire ce qu'est Dieu, ce qu'est Jésus-Christ, ce qu'est Marie.
Sur les chapiteaux des colonnes du pourtour du chœur, sont sculptés les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, et sur les autres chapiteaux les traits les plus saillants de la vie de Jésus et de Marie.
La crypte, comme l'église supérieure, a trois chapelles qui se terminent en abside, avec des murs couverts de peintures représentant pour la plupart la Passion de JésusChrist et la Compassion de la sainte Vierge, sauf une de ces chapelles consacrée à saint François d'Assise, où sont représentées les diverses circonstances de la vie de cet illustre amateur de la Croix.

Au-dessus du grand autel de la chapelle principale est la statue de Marie, tenant assis sur ses genoux le divin Enfant qu'elle présente à l'adoration des fidèles.
C'est cette image qu'on porte en procession le lundi de la Pentecôte et le jour de l'Assomption, au milieu d'un grand concours de peuple, en faisant le tour du vaste périmètre que limitent les croix plantées par Hugues de Naillac.
Que de souvenirs religieux dans cette procession ! Le chemin qu'on y parcourt, c'est celui qu'ont parcouru, depuis le douzième siècle, tant de fervents chrétiens et tant de pieux enfants de saint Benoit ; ces croix contournées de quatre croisillons rappellent la terre consacrée par les larmes et le sang d'un Dieu, Jérusalem, que les seigneurs de Naillac visitèrent, au temps des croisades, et enlevèrent au joug des infidèles.
Aussi, malgré le dépérissement de la foi, la procession se fait toujours avec piété ; les malades et les petits enfants eux-mêmes la suivent à cheval, quand ils ne peuvent faire le trajet à pied.
A toutes les fêtes de la sainte Vierge, le concours se renouvelle, et les pèlerins se conduisent en vrais chrétiens.
Le jour de l'Assomption est le seul dans l'année où un certain nombre se conduit d'une manière regrettable, substituant à une fête religieuse des amusements profanes, se livrant à la dissipation et a l'amour du plaisir dans un lieu où tout leur rappelle les souffrances de l'Homme-Dieu et les douleurs de sa Mère.





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