Notre-Dame de Bonsecours (Rouen)

Notre-Dame de Bonsecours
(Rouen)

 

Rouen, la vieille cité normande, aujourd'hui l'une des plus riches et des plus industrieuses de la France, est fier à bon droit de sa cathédrale, véritable musée de sculpture et d'architecture ; de Saint-Ouen, où l'art gothique s'est développé dans toute sa perfection ; de Saint-Maclou , que le bon roi Henri IV appelait la plus belle chapelle de son royaume. Mais avant de saluer ces merveilles d'un autre âge, le touriste qui vient visiter l'ancienne capitale de la Neustrie aperçoit, sur une des hauteurs voisines de la Seine, une église toute neuve encore ; car les fumées de la ville manufacturière commencent à peine à en altérer la blancheur.
C'est Bonsecours.
L'histoire de cette église est à peu près ignorée ; mais elle jouit, de temps immémorial, d'une célébrité qui y attire des pèlerins de tous les points de la Normandie.
Est-il nécessaire de dire qu'elle est consacrée à Marie, l'étoile de la mer et la consolatrice des affligés ?
La chapelle où Notre-Dame de Bonsecours était invoquée depuis des siècles s'élevait au lieu même où se trouve le chœur de la nouvelle église ; elle existait encore en partie, il y a vingt ans à peine, et ce que nous en avons vu ne donnait pas une haute idée de sa splendeur.
Dans cet humble temple, la reine du ciel daignait prêter l'oreille aux vœux des pauvres, des infirmes, des malades, des marins, et de tous ceux qui venaient l'invoquer ; mais leur nombre croissant chaque jour, il ne pouvait plus les contenir.
Un homme plein de foi et de zèle pour la gloire de Dieu, M. Godefroy, curé du village de Blosseville-Bonsecours, conçut la généreuse idée de remplacer cette pauvre chapelle qui tombait en ruines par une église splendide qui, toutes proportions gardées, ne fût point intérieure aux monuments chrétiens qu'il avait sous les yeux.
Mais nous nous trompons : il n'eut pas, il ne pouvait avoir une si ambitieuse pensée ; il voulait seulement agrandir ce sanctuaire, afin que tous ceux qui avaient à solliciter l'intercession de Marie pussent y pénétrer, et il n'entrevoyait certes pas, dans ses plus beaux rêves, la gracieuse église gothique qui couronne aujourd'hui l'un des plus magnifiques panoramas de la Normandie.
Comment un pauvre curé de village, disposant des plus modiques ressources, aurait-il osé songer à ce hardi clocher, à ce portail sculpté, à cette belle net soutenue par de minces piliers, à ces riches vitraux, à ces autels antiques, à toute cette décoration intérieure que nous ne nous lassons pas d'admirer ?
Mais la foi transporte les montagnes ; rien n'est impossible à celui que la charité anime.
Si quelqu'un pouvait en douter, qu'il aille à Bonsecours, qu'il pénètre dans cette église, si élégante et si complète dans son ensemble, si achevée dans tous ses détails, et qu'il demande quel en est le fondateur.
On lui montrera le généreux prêtre qui, après avoir donné tout ce qu'il possédait, a pris le bâton du pèlerin, et, disant adieu à ses paroissiens, qu'il aimait comme ses enfants, s'est mis en route pour recueillir les offrandes des chrétiens à Notre-Dame de Bonsecours.
On lui dira qu'après avoir parcouru la Normandie, où la vénération inspirée par la sainte image rendait sa tâche plus facile, il n'a pas hésité à aller plus loin, et qu'après avoir tracé le plan de son église, après en avoir creusé les fondements, il a parcouru une partie de la France, il a été à Paris, il a été à Rome, sans se laisser rebuter ni par la fatigue de cette longue quête, ni par les relus bien plus pénibles encore à supporter.
Mais quelle récompense lui était réservée ! Avec quelle joie n'a-t-il pas vu s'élever cette énergique protestation contre l'indifférence religieuse de notre siècle, cette belle église où tout est si gracieux, si charmant, où tout pénètre le cœur d'un indéfinissable sentiment de calme, de bien-être, de recueillement pieux et suave !
Ces impressions que nous avons vivement ressenties ne sont pas seulement réservées à ceux qui comprennent la poésie de l'art chrétien, et jamais, peut-être, il n'a été fait de l'église de Bonsecours un éloge plus magnifique dans sa naïveté, que celui que nous avons entendu, un jour où nous demandions comment on pourrait exprimer l'émotion pleine de charme qu'on éprouve en pénétrant dans ce divin sanctuaire. 
Une bonne paysanne, qui venait d'entrer derrière moi, et qui sans doute visitait l'église pour la première fois, commença par s'agenouiller ; puis, quand elle eut prié longtemps avec ferveur, les yeux fixés sur l'antique statue de la Vierge, elle se releva et prit le loisir d'examiner tout ce qui l'entourait.
Une douce lumière, pénétrant à travers les vitraux peints, inondait le chœur et la nef, un vague parfum de fleurs et d'encens y flottait comme un léger nuage, l'éclat des cierges qui brûlaient aux pieds de la madone lui prêtait des teintes chaudes et vivantes, les dernières notes de l'orgue frémissaient encore sons les voûtes, et de longues files de jeunes vierges vêtues de blanc s'écoulaient lentement.
Je ne sais si la bonne femme remarqua tous ces détails ; mais ce que je sais et ce que je n'oublierai jamais, c'est qu'elle se pencha vers sa fille, qui l'accompagnant, et lui dit à demi-voix, en joignant les mains avec enthousiasme :
- Que c'est beau ! On croirait être dans le paradis....
O sanctuaire vénéré ! temple auguste où Marie fait éclater sa puissance, que d'âmes pieuses ont goûté dans ton enceinte sacrée un avant-goût des joies du ciel ! A combien de cœurs désolés n'as-tu pas rendu l'espérance, ô Vierge sainte ! Combien de larmes versées à tes pieds n'as-tu pas essuyées ! Combien de malades n'as-tu pas guéris ! Combien de pécheurs n'as-tu pas ramenés à Dieu! Que de bons conseils n'as-tu pas donnés à ceux qui sont venus implorer ton aide, au milieu de leurs doutes et de leurs perplexités! As-tu jamais renvoyé sans leur sourire du haut de ton trône de grâce et de miséricorde, ceux qui se prosternaient en gémissant devant ton autel ? Oh ! non, jamais ceux qui t'ont invoquée au jour de l'affliction n'ont été repoussés. Et si j'en pouvais douter, je n'aurais qu'à jeter les yeux sur ces nombreux ex-voto qui couvrent les murs de ton église.
La pierre disparaît sous ces plaques de marbre blanc que la reconnaissance a laissées là comme un témoignage de tes bienfaits.
Ici c'est une mère qui a obtenu la guérison de son enfant ; là une famille à laquelle tu as conservé son chef et son soutien ; plus loin un marin que tu as sauvé des fureurs de la tempête, un brave que tu as protégé dans les combats ; puis une âme longtemps égarée, qui te fait hommage de sa conversion ; puis encore ces simples mots cent fois répétés : Grâce obtenue ! - Gloire à Marie ! - J'ai prié, j'ai été exaucé. - Notre-Dame de Bonsecours , soyez bénie !...
Oh ! oui, soyez à jamais bénie, Vierge sainte, notre vie, notre joie, notre espérance ! Exilés dans cette vallée de larmes, nous élevons nos regards vers vous, source inépuisable de consolations. Voyez sur les sentiers de la montagne où vous avez fixé votre demeure, ces pieux pèlerins qui viennent se prosterner devant vous, ce sont vos enfants ; ils viennent déposer dans votre cœur maternel leurs craintes, leurs soucis, leurs déceptions, leurs douleurs ; car ils savent que vous les secourrez, que vous les consolerez, que vous ranimerez leur courage abattu et que vous leur donnerez la force d'achever, en regardant le ciel, le long et rude pèlerinage de la vie.
L'église de Bonsecours regarde la Seine. « Il serait difficile , dit la Normandic illustrée, de trouver en France, et même en Europe, un panorama plus magnifique que celui qui s'offre aux regards du plateau ou des pentes de ces collines. Pour saisir l'effet de cet ensemble prestigieux, à toutes ces séductions de la forme qui se rencontrent de toutes parts, dans la majesté du fleuve, dans l'élégance de ses ponts, dans la grâce de ses îles, comme dans la physionomie antique de la ville, dans la vaste étendue de ses quais, dans l'imposante sévérité de ses monuments, ajoutez encore cette magie de couleurs, cette rêveuse beauté qui naissent d'un sol tertile où tout verdoie, d'un ciel capricieux où un splendide soleil dispute sans cesse son empire à des nuages ossianiques qui, guidés par le cours de la Seine, viennent s'amasser en groupes orageux sur la vallée toujours jeune et propice où repose le vieux Rouen.
Puis, au-dessus de tout ce bruit, de tout ce mouvement, au-dessus des clochers de la ville, des hautes cheminées de ses fabriques, des quais où circule une toute empressée, du fleuve couvert de bâtiments, au-dessus de ces beaux ponts, dont l'un porte fièrement la statue de Corneille et dont l'autre, élégamment suspendu, relie gracieusement les deux rives, au-dessus du bateau à vapeur qui s'avance en grondant, ait-dessus de la locomotive qui lance dans les airs son panache blanchâtre, au-dessus des belles plaines et des grasses prairies où paissent de nombreux troupeaux, là, tout près de nous, à l'ombre de l'église où nous venons de prier, voici des tombes. C'est le nouveau cimetière de Bonsecours.
Ces tombes, récemment construites, attristent peut-être un peu l'œil ; mais pour le poète, pour le rêveur, pour le chrétien, elles complètent le tableau et semblent le diviser en trois parties : la vie pleine d'agitations, d'inquiétudes, de travail, et semée pourtant de douces jouissances ; le ciel que fait rêver cette belle église, du haut de laquelle la statue de la Vierge nous tend les bras ; enfin ce sombre et mystérieux passage des soucis du monde aux joies de l'éternité, passage qu'on appelle la mort. »

Source : Livre "Les pèlerinages de France" par Eugène Rosary
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