Mystique

Mystique



La mystique ou le mysticisme est ce qui a trait aux mystères, aux choses cachées ou secrètes.

Le terme relève principalement du domaine religieux, et sert à qualifier ou à désigner ce qui relève d'expériences spirituelles de l'ordre d'un contact ou d'une communication avec une réalité non discernable par le sens commun.

Si le terme mystique remonte à l'adjectif grec mysticos (« mystique ») et au substantif mystérion (mystère), il n'existe comme substantif, c'est-à-dire comme nom employé pour désigner « la mystique », que depuis le XVIIe siècle.

La mystique est apparue comme un domaine particulier en rapport avec des écrits et des débats antérieurs, influencés par l'ancien traité De la théologie mystique du Pseudo-Denys l'Aréopagite.

La mystique dont il est question, non-seulement chez les auteurs du XVIIe siècle et ensuite, mais aussi chez ceux qui entre le XIIIe et le XVIIe siècle ont été influencé par le traité De la théologique mystique et ont rétrospectivement été qualifiés de mystiques, est la recherche d'une connaissance de Dieu par le moyen d'extases, c'est-à-dire de « sorties de soi », et de divers exercices spirituels ou de pratiques ascétiques.

Cette connaissance peut aussi avoir la forme d'une élévation, le plus souvent par degrés, telle qu'en ont parlé notamment Bonaventure dans son Itinéraire de l'esprit vers Dieu ou Jean de la Croix dans la Montée du Carmel.

La mystique peut aussi être considérée comme la recherche d'une union à Dieu. L'un des aspects les plus discutés de la mystique est dès lors celui de savoir si cette union à Dieu peut aller jusqu'à la fusion en Dieu, ce qui abolit la différence et supprime l'union.

Enfin, la réflexion sur ce qu'est la mystique a trait à la morale dans la mesure où elle relève d'un désir de connaître ce qui, par soi-même, est bien juste et vrai. Il est en ce sens question de syndérèse pour désigner cette forme de connaissance mystique. Schématiquement, la syndérèse est la communication avec Dieu, non par extase ou sortie de soi, mais par la « pointe de l'âme » qui tend vers ce qu'elle veut connaître.

Une autre transformation sémantique importante est intervenue à l'époque moderne lorsque l'on a commencé à qualifier de « mystiques » un ensemble de courants du monde et de l'histoire sur la base de leur ressemblance avec ce qui avait été thématisé en Europe et par des chrétiens comme étant de la mystique.

Cette généralisation du concept autorise à la fois un retour sur des mystiques antiques telles que le néo-platonismes ou le pythagorisme, comme l'usage de parler de mystiques pour des courants mystiques actuels tels que le soufisme, la kabbale, le taoïsme, les mystiques indiennes, le bouddhisme, etc.

C'est avec ce concept généralisé de mystique et dans un contexte intellectuel marqué par l'opposition du positivisme à la religion que s'est ouvert au XIXe siècle un nouveau débat sur la mystique.

Ce débat est alimenté par des recherches sur les différentes mystiques du monde et de l'histoire et il implique des intellectuels tels que Freud, Weber, ou plus tard Bergson.

Les débats du XXe siècle seront fortement marqués par les thèses de ce dernier. Il a proposé en 1932 dans Les deux sources de la morale et de la religion, d'« introduire l’expérience mystique en philosophie ».

Dans ses écrits sur les religions, le sociologue Max Weber avait forgé son concept de mystique en rapport à celui d'ascèse. L'ascèse désigne chez lui la nécessité qui s'impose à chacun d'agir et d'organiser sa vie rationnellement selon les exigences du monde, tandis qu'il conçoit la mystique comme « un sentiment d'amour hors monde » qui pousse à tenter de dépasser les limites de l'ascèse. Ces deux concepts désignent ainsi des attitudes opposées l'une à l'autre et entre lesquelles s'établissent les équilibres de la vie religieuse : ce que procure les moments mystiques s’apaisant dans le retour aux nécessités de l'ascèse. Indépendamment des théories de Weber, la mystique se conçoit souvent dans son rapport à l'ascèse sans opposition entre ascèse et mystique, ces notions étant parfois quasiment synonymes. Des courants par ailleurs dit « ascétiques » sont ainsi parfois qualifiés aussi de « mystiques » et inversement. Cette proximité possible des notions d'ascèse et de mystique se trouve notamment dans le titre du Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique.

Il existe aussi, hors de tout cadre religieux défini, des personnes qui « ont connu des extases en tous points semblables à celles décrites par les mystiques religieux.» Jean-Claude Bologne évoque cela à partir de sa propre expérience dans son livre Le mysticisme athée.

 

Histoire sémantique

L'usage du substantif « mystique », c'est-à-dire de ce mot comme d'un nom capable de désigner une chose que l'on appelle « la mystique », n'a commencé à exister en français qu'à partir du XVIIe siècle.

Auparavant, le terme mystique était exclusivement employé comme adjectif. Ce constat est valable non seulement pour le français, mais aussi pour les autres langues, notamment le latin et le grec, qui, si elles disposaient de nombreux mots de la même famille que mystique, ne possédaient pas de substantif pour désigner ce qui s'appelle « la mystique » depuis le XVIIe siècle.

Dans les publications françaises, les données disponibles sur l'histoire du mot mystique sont principalement tirées de deux études datant l'une et l'autre de 1949 : « Mystique, essai sur l'histoire d'un mot » de Louis Bouyer et Corpus Mysticum de Henri de Lubac.

 

Mystères et choses mystiques

L'adjectif « mystique » est un décalque du grec μυστικός, (mustikos). Cet adjectif grec est un mot de la même famille que le verbe μυέω (muéô) qui signifie « initier ou enseigner, et que le nom μυστήριον (mystérion) qui a donné « mystère ». Si le grec μυστικός (mustikos) a donné le français « mystique », le verbe μυέω (muéô) a été traduit en latin par initiare qui a donné en français « initier ».

Dans le contexte antique, le mot « mystère » (μυστήριον, mustérion) désigne des rites cachés à ceux qui n'y sont pas initiés, tandis que ce qui est mystique (μυστικός mustikos), est ce qui participe de cette initiation. C'est en ce sens que l'on appelle « cultes à mystères », les cultes d'initiation de l'antiquité, tels que les mystères d'Éleusis, le culte de Mithra, de Sérapis, etc. Dans ces cultes la présence d'une corbeille fermée, la ciste mystique, figurait la nécessité du secret.

Dans le Nouveau Testament, notamment dans les lettre de Paul, le terme μυστήριον (mystérion/mystère) est employé pour désigner la révélation de Dieu en Jésus-Christ. Cette révélation est pour Paul, le secret de la Sagesse de Dieu, inaccessible à la sagesse des hommes, « scandale pour les juifs, folie pour les grecs ». En rapport à ce que Paul appelle mystère, il a ensuite été question du « sens mystique » de l'Écriture dans l’exégèse biblique chrétienne, notamment chez Origène et Clément d'Alexandrie qui distinguent le sens littéral, le sens moral et le sens mystique de l'Écriture. Le « sens mystique » est, conformément à l'usage courant du terme, ce qui est caché ou secret dans l'écriture, ce qui n’apparaît pas directement à la lecture et qu'il s'agit de découvrir ou de dévoiler. Dans une perspective chrétienne, la recherche du sens mystique de l'Écriture est plus précisément une démarche d’interprétation de l'Ancien Testament qui vise a y rendre manifeste la présence de ce que Paul désignait comme le mystère, c'est-à-dire de montrer que toute la Bible parle de Jésus-Christ, de sa venue, de sa mort et de sa résurrection.

A la fin du IVe siècle, Grégoire de Nysse a inauguré l'usage de qualifier de mystique la démarche de découverte et d’approfondissement de la foi chrétienne qui suit la réception des sacrements. Pour le baptême et l'Eucharistie notamment, il s'agit non plus seulement d'être initié préalablement, mais d'assimiler et de devenir dans l'expérience de ce que l'on a reçu. Pour désigner cette catéchèse il est question de « mystagogie », tandis que le terme mystère en vient à désigner les sacrements. Toutefois, dans la tradition latine, c'est le terme sacramentum qui prévaudra, bien qu'il puisse être question du « mystère de l'autel » pour l'eucharistie.

En cohérence avec ce que Paul appelait le « mystère », la tradition chrétienne a progressivement développé une présentation de la vie du Christ déclinée en divers tableaux appelés mystères. Cette tradition perdure avec la médiation de ces mystères dans la récitation du chapelet, chaque mystère se rapportant à un épisode de la vie du Christ dans les évangiles.

À partir du XIIIe siècle, le terme mystique est employé dans l'expression « corps mystique » (corpus mysticum) qui désigne dans un premier temps l'Eucharistie comme « corps du Christ », puis l'Église. L'idée d'Église « corps mystique du Christ » qui se fait dans l'Eucharistie sera représentée dans l'art avec les thèmes du moulin mystique et du pressoir mystique. L'expression Corpus mysticum décrit de façon paradoxale, un « corps », dont la propriété première est d'être perceptible et mesurable, comme étant un « corps mystique », c'est-à-dire caché, qui n'est ni visible, ni commensurable par les sens ordinaires.

Le latin médiéval ne réserve pas les termes mysterium et mysticum a des usages religieux. Sans opposition à ces usages religieux, le mot latin mysterium peut aussi désigner ce qui est couramment appelé mystère aujourd'hui, c'est-à-dire une chose secrète, difficilement connaissable ou compréhensible, sans que ces mystères ou secrets soient tenus pour être religieux.

 

Le traité De la théologie mystique

Durant le Moyen Age, l'expression « théologie mystique » désignait non pas une discipline théologique particulière mais un traité intitulé De la théologie mystique. Ce traité a été écrit dans les années 500, probablement par un moine de Syrie qui a attribué son œuvre à Denys l'Aréopagite. Dans cette œuvre, l'usage du terme mystique porte l'accent sur l'incompréhensibilité du mystère, de sorte qu'une nuance apparaît dans le sens de l'adjectif « mystique » qui a ainsi commencé à qualifier autre chose que ce qui participe de l'initiation aux mystères. Dans la ligne d'une tradition philosophique platonicienne dont relève largement la théologie des pères de l'Église, l'auteur du traité De la théologie mystique incite ses lecteurs à suivre la voie négative (voie apophatique). Il s'agit, à la suite de Platon, d'envisager Dieu non pas en disant ce qu'il est, ce qui est considéré comme impossible, mais en disant ce qu'il n'est pas. Cette recherche d'une connaissance de Dieu est chemin d'élévation qui va vers le silence parce qu'il tend à l'ineffable ou inexprimable. Il s'agit d’accéder à la vision de Dieu (vision béatifique) qui n'est atteignable que dans « la Ténèbre plus que lumineuse du Silence », et d'atteindre l'union à Dieu.

Le traité De la Théologie mystique du pseudo-Denys l'Aréopagite sera l'un des écrits les plus lus du Moyen Âge. Du vivant de son auteur, l'attribution pseudépigraphique de ce traité au philosophe grec converti au christianisme suite à la prédication de Paul aux Athéniens, lui a permis d'échapper à la politique totalitaire dont fut victime la pensée philosophique sous le règne de l'empereur Justinien. Ce traité rédigé en grec fut ensuite traduit en latin par Jean Scot Érigène en 852, par Jean Sarazin en 1165, et encore par Robert Grossetête vers 1240. Au XIIIe siècle, l'université de Paris identifie l'auteur de ce traité au premier évêque de la ville (Denis), se réclamant ainsi de la pensée des écrits dyonisiens, tandis que plus au Nord, se développe un courant de pensé rétrospectivement appelé mystique rhénane et fortement inspiré de la lecture du traité De la théologie mystique.

Pendant cinq siècles, du XIIIe siècle et le XVIIe siècle, ce traité est la référence dominante de la littérature théologique latine. Cette même période concentre une série d'auteurs qui, écrivant avec les mots et la culture de leur temps, ont laissés des œuvres comptées aujourd'hui parmi les principaux monuments de la mystique. Pourtant l'idée de mystique que l'on utilise pour décrire ces auteurs n'a pas cours dans leurs œuvres pas plus qu'eux-mêmes ne se disaient « mystiques ». Maître Eckaert, Guillaume de Ruysbrouck, Bonaventure, Bernard de Clairvaux, Suso, Tauler, Jean de la Croix, Thérèse d'Avila, etc.

Jean de Gerson est l'auteur de Sur « La théologie mystique » par lequel il a voulu systématiser, et par certains aspects contester les interprétations de l'ancien traité La théologie mystique du Pseudo-Denys l'Aréopagite par des auteurs que l'on situe aujourd'hui dans le courant de la mystique rhénane. Gerson visait en particulier L'ornement des noces spirituelles de Jean de Ruisbroek.

 

L'invention de la mystique

Henri Brémond, dans son Histoire littéraire du sentiment religieux a intitulé le volume consacré à la période 1590-1620 « l'invasion mystique ».

La mystique fut suspectée et contestée sitôt qu'il en fut question comme d'une chose particulière. À la suite de Jean de Gerson, pour qui celui qui vit une expérience mystique ne peut pas lui-même faire la théorie d'une expérience par principe ineffable ou incommunicable, les autorités ecclésiastiques ont cherché à faire valoir la nécessité de trouver un point d'équilibre entre fidéisme et rationalisme. Cette tension de plus en plus vive entre fois et raison a des conséquence au sein même de la théologie, dans laquelle il devient possible d'envisager une théologie mystique en rapport et en opposition à une théologie dogmatique. Le XVIIe siècle sera ainsi le siècle de la mystique au même titre qu'il fut celui de l'apparition de la théologie dogmatique. Du côté de la dogmatique, c'est-à-dire la théologie rationnelle, les propositions de conciliations sont, dans la ligne de Gerson, de proposer à la démarche mystique de se soumettre à l'autorité de la dogmatique. Du côté des mystiques, est défendue l'idée que la mystique n'est pas une tradition parallèle dans celle de l'Eglise, mais qu'elle est l'âme ou le souffle de toute la tradition théologique de l'Eglise depuis ses commencements.

Le jésuite Jean-Joseph Surin, qui se considérait lui-même comme un mystique, envisageait la mystique comme une théologie de l'expérience à côté de la théologie « dogmatique » fondée en raison, et d'une théologie qu'il qualifie de « positive », celle fondée sur les écrits bibliques.

 

L'engouement pour la mystique des années 1910-1940

À L'Avenir d'une illusion de Sigmund Freud (1926), Romain Rolland opposa une « sensation religieuse qui est toute différente des religions proprement dites » : « sensation de l'éternel », « sentiment océanique » qui peut être décrit comme un « contact » et comme un « fait ». En 1929, Romain Rolland fit parvenir à Freud les trois volumes de son Essai sur la mystique et l'action de l'Inde vivante. Freud lui répondit notamment : « Combien me sont étrangers les mondes dans lesquels vous évoluez ! La mystique m'est aussi fermée que la musique » (20 juillet 1929). Selon Michel de Certeau un tel débat s'inscrit dans une multitude d'études consacrées à peu près au même moment à la mystique. Des travaux psychologiques, philosophiques ou ethnologiques comme Les Formes élémentaires de la vie religieuse ou L’expérience mystique et les symboles chez les primitifs de Lucien Lévy-Bruhl, 1938). Il y a les études phénoménologiques (Rudolf Otto, Mircea Eliade), l'histoire littéraire avec Henri Brémond, la philosophie (William James, Maurice Blondel, Jean Baruzi, Henri Bergson). La fermeture de Freud à la musique était connue et Freud l'avait d'ailleurs fait savoir dans Malaise dans la civilisation, ce qui permet peut-être de penser que Bergson pensait à Freud quand il écrivit dans Les Deux Sources de la morale et de la religion, « Certains sans doute sont totalement fermés à l'expérience mystique (…) Mais on rencontre également des gens pour lesquels la musique est un bruit (…) Personne ne tirera de là un argument contre la musique.»

À cela s'ajoute la diffusion en Occident de l'hindouisme et du bouddhisme avec Romain Rolland, René Guénon, Aldous Huxley. De tout cela, pense de Certeau, se dégagent quelques tendances : on rattache la mystique soit à la pensée primitive, soit à une intuition distincte de l'entendement, soit à un Orient qui aurait gardé le sens profond des choses, oublié en Occident, soit à la genèse de toute individu humain. Alors que Romain Rolland voit dans la mystique (comme Bergson ou Baruzi), une expérience significative à laquelle les grands mystiques donnent un sens que nous devons explorer, Freud y voit une simple production psychique, révélatrice des conflits à travers lesquels se constitue l'identité de chacun. Mais tant Freud que Romain Rolland y voient une opposition entre l'individu et le groupe, quelque chose du désir humain que la société réprime sans pouvoir l'éliminer, un « malaise dans la civilisation » comme le dit Freud. Ces deux positions selon Michel de Certeau commandent la manière d'appréhender la mystique dans le monde contemporain.

D'ailleurs si Freud développe « une interprétation psychanalytique » qui définit le fait de la mystique « comme un effet second dû à des mécanismes de dérivation, une utilisation symbolique de complexes ou à un investissement libidinal du sujet dans des représentations : elle saisit le phénomène dans les termes qu’elle a elle-même construits. », il existe un autre Freud. M. de Certeau pense que « sous le nom de « mystique », s’insinue aussi dans les textes de Freud et jusque dans la note ultime de ses Œuvres complètes, une question débordant cette explication et concernant le rapport que l’existence du sujet entretient avec la limite et la mort. ». Il cite à ce sujet une lettre de Freud à Georg Adamek où, démentant ce qui est dit parfois de son insensibilité à la mystique Freud affirme  : «  Tout individu intelligent a bien une limite où il se met à devenir mystique, là où commence son être le plus personnel. » (G.Groddek, Ça et moi, Paris, Gallimard, 1977, p. 65).

L'engouement pour la mystique a duré trente années de 1910 à 1940 selon Michel de Certeau et la façon dont on a alors posé le problème « s'impose à nous encore aujourd'hui. » Dans L'Université devant la mystique, Salvator, Paris, 1999, Émile Poulat tente de relever la présence de la mystique soit comme expérience, soit comme objet d'étude jusqu'à la fin du siècle passé en France et hors de France.

 

Mystique chrétienne

Le mystique chrétien privilégie « l’expérience personnelle de Dieu » plutôt que la réflexion, il lui faut ressentir plutôt que penser (voir saint Augustin). Saint Jean de la Croix parlait d’un « mariage mystique » (dans les Cantiques spirituels) et n'avait de cesse de comparer l'amour divin à l'amour charnel (cf. son recueil Nuits Obscures) L'Église catholique reconnaît des expériences mystiques surnaturelles : locutions intérieures, extases, visions, prophétie, révélations diverses… Mais ces manifestations sont considérées comme extraordinaires, don de Dieu à qui Il le souhaite mais non pas la forme ordinaire de la relation à Dieu.

L'Église est également très prudente au sujet des expériences mystiques extraordinaires. Le Pape Benoît XVI écrit par exemple : « Comme c'est toujours le cas dans la vie des véritables mystiques, Hildegarde voulut se soumettre aussi à l'autorité de personnes sages pour discerner l'origine de ses visions, craignant qu'elles soient le fruit d'illusions et qu'elles ne viennent pas de Dieu » et encore « le sceau d'une expérience authentique de l'Esprit Saint, source de tout charisme » est que « la personne dépositaire de dons surnaturels ne s'en vante jamais, ne les affiche pas, et surtout, fait preuve d'une obéissance totale à l'autorité ecclésiale ».

Anthony Feneuil fait remarquer que la connaissance discursive « consiste à comparer et à classer, à faire entrer une chose singulière dans un certain ordre général en lui conférant un nom commun » mais le nom propre met cette connaissance en échec. L'une des théologies qui a dominé le monde catholique depuis le Moyen Âge - le thomisme - est donc ici prise en quelque sorte en défaut puisqu'elle vise à parler de Dieu comme de ce qu'il est en le corrigeant par l'analogie (ce que nous pouvons attribuer à Dieu peut de fait l'être à condition d'ajouter aussitôt que c'est sans commune mesure avec ce que cette qualité est pour nous). Mais, ajoute Feneuil, commentant ici Bergson, « si Dieu se donne dans la relation personnelle avec lui », alors il ne peut plus être connu dans son quid (ce qu'il est) mais dans son quis (qui il est), et « la nature de Dieu ne se donne jamais qu'à travers sa personne », soit dans l'expérience mystique.









 

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