Légendes, coutumes
et croyances populaires
Mariage
Si, dans un repas, un jeune homme ou une jeune fille est placé entre
deux sœurs ou entre deux frères c'est, dit-on, un signe que l'un ou
l'autre se mariera dans l'année, la jeune fille qui veut voir en songe
quel sera le garçon qu'elle aura pour mari, doit, en se couchant, mettre un miroir sous le chevet de son lit.
Au
nombre des meilleurs secrets indiqués par Albert le Grand pour faire de
beaux rêves, il suffit, dit ce philosophe, de manger avant de se mettre
au lit une pomme de rainette cueillie au lever de la lune le jour de la
saint Jean-Baptiste.
Dans quelques villes lorraines les jeunes filles qui désirent
connaître, dans un songe, les noms de ceux qu'elles épouseront, ont soin
de manger, la veille du jour de la fête de saint André (30 novembre),
le soir en se couchant, une pomme de l’année qui doit avoir été mise
dans une de leurs poches à leur insu, il faut qu’elles n'oublient pas, avant de s'endormir, de réciter avec foi la prière suivante :
Saint André en songe faites-moi voir
Celui que pour époux je dois avoir.
A Cornimont, les jeunes filles qui ont la même curiosité ont soin de jeûner le premier vendredi de la lune et
le soir avant de se coucher, de faire aussi une fervente prière au même
saint, après avoir placé sous leur lit le soulier ou le sabot de leur
pied gauche. On voit par les deux vers qui suivent et que cite Walter
Scott dans le roman de Guy-Mannering, que la coutume de jeûner la veille
de la fête de saint André existe encore en Ecosse.
Pour que tout aille à votre gré
Jeunez le jour de la saint André.
Jeunez le jour de la saint André.
Une
autre pratique a encore lieu dans la même commune de Cornimont pour
parvenir à la même découverte, elle consiste à écrire, le 26 octobre,
jour de la fête de saint Amant, sur deux petits billets les noms des
deux amants préférés, ces petits billets, plus hauts que larges, sont
mis en croix et placés sous l'oreiller ou dans le bonnet de nuit des
belles curieuses qui ne doivent également pas oublier d’adresser, en se
couchant, une courte prière à ce saint patron des amoureux et des
amoureuses ; on assure que pendant la nuit un beau rêve leur apprend
quel est le nom du jeune garçon indiqué sur un des deux billets
mystérieux qui sera leur époux.
Le jour de saint Thomas (21 décembre), les filles de la Belgique adressent aussi une prière à ce saint et lui demandent de leur accorder des époux selon leur vœux, et on dit qu’il est fort rare quand elles ne les voient pas en songe (Coremans, ouvrage cité).
La pelure d'une pomme enlevée légèrement en spirale, qu’une jeune fille jette derrière elle, pardessus sa tête, doit former étant tombée à terre, la première lettre ou monogramme du nom de l'époux qui lui est destiné.
Le jour de saint Thomas (21 décembre), les filles de la Belgique adressent aussi une prière à ce saint et lui demandent de leur accorder des époux selon leur vœux, et on dit qu’il est fort rare quand elles ne les voient pas en songe (Coremans, ouvrage cité).
La pelure d'une pomme enlevée légèrement en spirale, qu’une jeune fille jette derrière elle, pardessus sa tête, doit former étant tombée à terre, la première lettre ou monogramme du nom de l'époux qui lui est destiné.
Dans un bois voisin du hameau de Hangoxet, commune de Plainfaing, est une roche fort élevée et
ayant la forme d’une tour carrée, au pied existe une petite grotte dans
laquelle se trouve une vierge en bois que l’on regarde comme
très-ancienne ; les jeunes filles disent les auteurs de la Statistique
des Vosges, viennent lui adresser des prières pour apprendre d'elle si
elles seront bientôt mariées.
Cette pratique ne serait-elle pas encore un autre reste du culte des rochers auxquels on adressait des vœux et des prières.
Cette pratique ne serait-elle pas encore un autre reste du culte des rochers auxquels on adressait des vœux et des prières.
Nous avons dit précédemment qu'à Comimont on invoquait saint Amant comme patron des amoureux et des amoureuses.
Saint Nicolas, évêque de Myre, est le saint tutélaire des garçons en Lorraine, les jeunes filles recourent à sa puissante protection pour avoir des époux, en allant, comme le font encore, assure-t-on, celles de Saint-Etienne, en pèlerinage à l'église de ce saint, près de Nancy. On ajoute que quand elles ont obtenu la faveur de voir leurs vœux accomplis, elles ne manquent pas encore de venir lui demander de leur accorder de beaux enfants semblables à ceux qu'un hôtelier avaricieux et cruel avait égorgés et mis dans un saloir et que le saint rappela à la vie.
Saint Nicolas, évêque de Myre, est le saint tutélaire des garçons en Lorraine, les jeunes filles recourent à sa puissante protection pour avoir des époux, en allant, comme le font encore, assure-t-on, celles de Saint-Etienne, en pèlerinage à l'église de ce saint, près de Nancy. On ajoute que quand elles ont obtenu la faveur de voir leurs vœux accomplis, elles ne manquent pas encore de venir lui demander de leur accorder de beaux enfants semblables à ceux qu'un hôtelier avaricieux et cruel avait égorgés et mis dans un saloir et que le saint rappela à la vie.
Une
épingle que les jeunes filles jettent dans une fontaine, située à
quelques pas de l'humble chapelle de Madame sainte Sabine, lieu d’un
grand pèlerinage le jour commémoratif du martyre de cette sainte dame
italienne (le 29 août), annonce, si elle surnage, que les jolies
pèlerines ne tarderont pas à trouver des époux ; espérance que
conçoivent aussi les jeunes lyonnnaises en jetant également une épingle
détachée de leur justin (corset) dans les eaux limpides de la fontaine
du bois de l’eglise (bodilis) (Emile Souvestre, les demiers Bretons,
in-12, page 22), nous ajouterons à ces naïfs témoignages de confiance
dans le pouvoir des éléments, le récit que fait M. Pitre Chevalier de sa
visite à la merveilleuse fontaine de Barenton (voyage en Bretagne,
Musée des familles, 1847, page 195). «(Quand nous arrivâmes à cette fontaine nous y trouvâmes une jeune fille penchée sur l'eau, et
qui disait en faisant le signe de la croix avec une épingle détachée de
son fichu : ris, ris, fontaine de Barenton, je vais te donner une belle
épingle, et l'épingle plongée dans le bassin le fit réellement bouillonner, et la jeune fille, voyant un miracle dans cet effet commun à tant de sources, s'en alla en rougissant de pudeur et de joie, convaincue qu'elle aurait un mari à la Pâques.
A Labresse on dit «qu'une jeune fille qui ramasse dans un grand chemin une épingle par la pointe, est exposée à n'avoir pas de lait quand, mariée, elle sera mère.
A Labresse on dit «qu'une jeune fille qui ramasse dans un grand chemin une épingle par la pointe, est exposée à n'avoir pas de lait quand, mariée, elle sera mère.
A
Fresse on dit aussi qu’une épine accrochée à la robe d'une jeune fille
ou d’une veuve, annonce que l'une ou l'autre épousera un veuf.
Le jeune homme qui, dans une veillée, a l'attention de tenir le ruban destiné à fixer à la quenouille d'une jeune fille le chanvre qu"elle a étendu sur ses genoux, apprend d'elle, dans une confidence, qu'elle est celle de toutes ses amies qui a pour lui la plus tendre et la plus constante affection..
Si, dans une de ces veillées, une jeune fille laisse tomber son fuseau et que ce soit le plus petit bout de cet instrument qui arrive le premier à terre, c'est un signe, suivant les femmes de Cornimont, qu’on recevra bientôt à la maison la visite d’une personne qui n'y est jamais venue.
Le jeune homme qui, dans une veillée, a l'attention de tenir le ruban destiné à fixer à la quenouille d'une jeune fille le chanvre qu"elle a étendu sur ses genoux, apprend d'elle, dans une confidence, qu'elle est celle de toutes ses amies qui a pour lui la plus tendre et la plus constante affection..
Si, dans une de ces veillées, une jeune fille laisse tomber son fuseau et que ce soit le plus petit bout de cet instrument qui arrive le premier à terre, c'est un signe, suivant les femmes de Cornimont, qu’on recevra bientôt à la maison la visite d’une personne qui n'y est jamais venue.
Dans quelques communes on connaît qu’il y a des filles à marier dans une maison quand l'auge des fon taines est constamment tenue avec propreté.
Dans
plusieurs autres localités, c’est à la manière dont le fumier sorti des
écuries est arrangé, si on remarque de la négligence, un défaut de
soin, les garçons s'en éloignent promptement, au contraire si la paille en est relevée avec une certaine recherche, comme nattée ou tressée en forme de réseaux, ils s'empressent immédiatement de demander d'entrer dans la maison, faveur qui leur est rarement refusée et qui est ordinairement accompagnée de la part des propriétaires de la formule affectueuse : Beniam sin vos ; Soyez le bien venu. Ces expressions de politesse qu'on adresse à un visiteur, quand il a franchi le seuil de la demeure d’un habitant de la campagne ; rappellent le mot "salve, je vous salue," inscrit sur la porte d'un très-grand nombre de maisons découvertes à Pompéi et à Herculanum.
La
douceur du caractère était autrefois avec l'amour du travail, les
premières qualités que les jeunes gens recherchaient lorsqu'il
s'agissait de se choisir une compagne, aujourd’hui il est triste de
reconnaître que le progrès incessant du luxe autant que le vaniteux
désir de sortir de l'humble état dans lequel leurs aïeux ont souvent
vécu heureux et honorés, n’ont pas peu contribué à modifier
singulièrement ou à faire disparaître les bons sentiments qui les
animaient. C'est, il n’en faut pas douter, à ces causes qu’on peut
attribuer la diminution, tous les jours plus remarquable et plus
affligeante des mariages heureux, suite du peu de prix qu’on paraît
attacher au mérite modeste d’une jeune fille, à ses bonnes et délices
qualités ; Si elle manque de, fortune, si ses parents, quand elle est
parvenue à l'âge de la marier, n'ont à lui donner pour dot que l'exemple
de leurs vertus et la rente assurée de leurs goûts simples et
laborieux, croyez que la blanche couronne de Phyménée n'ornera pas son
front pudique, et que le cœur d'une excellente mère n'aura point à se
briser à une cruelle séparation. Le temps est déjà bien éloigné, ou l’on
choisissait une compagne, comme elle-même faisait choix d'une robe, non
pour le brillant mais pour le bon user (Goldsmith, le Vicaire de
Wakefield, chapitre II). Il faut de l'argent et ce qu’on est convenu
d'appeler vulgairement un trousseau bien cossu. Il convient également
qu'un père, qui a plusieurs filles à marier, fasse des noces splendides
pour la première qu’il établit et offre à de nombreux convives un repas
pantagruélique ; alors seulement, alors on le croira riche, il
n‘éprouvera plus ni inquiétude ni souci sur l'avenir des plus jeunes,
elles ne pourront manquer de trouver bientôt des épouseurs.
Inutile
de demander si ont s'informera le moins du monde si les folles dépenses
qu’il s'est cru obligé de faire pour se conformer à de ruineux usages,
n'ont pas fait une large brèche à une fortune acquise par son labeur, et
s’il ne s'est pas mis dans la dure nécessité de contracter des dettes,
que de longues années d'économies et de privations ne parviendront
peut-être à éteindre que dans ses vieux jours. Ainsi, s’en vont les
bonnes habitudes du passé, les joies calmes du village, à mesure que
l’on oublie davantage que les bénédictions du ciel ne peuvent être
refusées à la jeune fille qui apporte, en venant prendre possession du
foyer rustique, non une brillante dot ou de riches joyaux, mais le plus,
précieux de tous les trésors, la gloire d’une pure et sainte vie et
l'amour traditionnel du travail. »
Au
Val-d’Ajol, dit M. le baron de Ladoucette (Usages du Val-d'Ajol ou,
Val-d'Ajou. Mémoires de la société royale des antiquaires de France,
volume X, page 466), « quand les parents d'un garçon savent qu’il plaît à
la jeune fille qu’il aime et que dès lors elle ne le rebutera pas en
lui mettant de la braise dans la poche, ils se présentent en grand
nombre devant la maison dont le père ferme la porte. Ils frappent,
s'annonçant comme des étrangers sans gîte et qui demandent un abri ; on
leur répond qu’ils sont peut-être des brigands et que la prudence
empêche qu'on les laisse entrer. Ils s'écrient que tout le monde les
connaît pour des honnêtes gens, qu’ils ne feront aucun embarras, qu'ils
ne viennent pas les mains vides, après quelques difficultés la porte
s’ouvre, on prend les provisions, on se met à table, ils content le
motif de la visite et l’on finit par convenir de tous les arrangements.
Il
est toujours d'usage que la jeune fille recherchée en mariage quand on
fait solennellement la demande de sa main à ses parents. Là, les yeux
timidement baissés, elle’ s'occupe silencieusement à rapprocher, par de
petits plis, les deux angles inférieurs de son devantrier (tablier)
qu'elle s'empresse vivement d’étendre aussitôt que le consentement
desiré est accordé, en disant d'une voie émue : puisque cela. est fait,
c’est donc fait ; expression qu'elle accompagne de quelques larmes et
de quelques soupirs, indices du chagrin qu'elle éprouve de la perte
qu'elle va faire de sa douce indépendance de jeune fille.
Les
vœux du jeune homme ayant été accueillis, on fait encore, dans quelques
communes, venir plusieurs bouteilles de vin d’un cabaret voisin et les
deux amants boivent tour à tour dans le même verre, prémices d'une
communauté de biens qui doit bientôt s'établir entre eux. On donne à
cette collation le nom de créanter, c'est-à-dire : assurances et
mutuelles promesses faites par les deux familles. C'est ce qu'on appelle
dans la Cornouaille, partie de la Bretagne : la demande de la parole
(Emile Souvestre, les derniers Bretons).
A Argentan (Orne), les bonnes paroles, ou la venantise.
On
pense bien que ce jour la maison de la jeune fille est tenue avec plus
de propreté, que ce n'est point sans intention qu’on a laissé
entrebaillées les portes des grandes armoires renfermant le linge le
plus fin et le plus blanc, que l'on a point négligé de cirer, à s'y
mirer, les huges en noyer, la boîte de la vieille horloge à coucou, au
timbre un peu fêlé, qui a sonné tant d'heures si doucement écoulées, la
crédence séculaire chargée de la vaisselle la moins ébréchée et de faire
disparaître l'ignoble poussière qui couvrait les belles images
coloriées, offrant les portraits, d'une ressemblance sans doute fort
équivoque, des saints patrons et des saintes patronnes de la famille, le
tout pour montrer au prétendu, à ses parents et à ses amis que le toit,
sous lequel ils sont venus passer quelques instants, ne couvre pas la
demeure d'un pauvre habitant besogneux de la campagne.
Dans
la commune du Val-d'Ajol que nous venons de nommer, des épingles en fil
de laiton sont toujours offertes en nombre impair, savoir : cinq ou
sept aux hommes et une ou trois aux personnes du sexe que les futurs
époux vont inviter à leurs noces. Ces épingles sont fixées au parement
de la manche droite de l'habit ou de la robe, et indiquent des arrhes
offertes et reçues comme promesses d'assister à cette cérémonie. Dans le
département de l'Orne, la sœur ou la parente qui accompagne, la veille
du mariage, le trousseau de la jeune future dans la demeure qu'elle doit
habiter ; le lendemain, est munie de quelques paquets d'épingles
qu’elle distribue une à une aux curieux qui se présentent devant elle.
Les épingles sont offertes de fort bonne grâce, et à moins d'être tout à
fait incivil on ne peut les refuser. On assure aussi, comme dans notre
Lorraine, qu'elles portent chance et bonheur aux jeunes filles qui les
reçoivent en présent et qu'elles leur font trouver des maris dans un
bref délai. Les personnes auxquelles ces épingles ont été offertes
embrassent toujours celles qui les ont données soit le jour même, soit
celui de la veille du mariage, jour auquel elles sont présentées par la
nouvelle mariée en personne.
Dans
quelques cantons du même département de l'0rne (annuaire de 1809), la
mariée va offrir un millier d'épingles décorées de rubans aux personnes
qu'elle considère et qui doivent en revanche lui faire don d'une belle
quenouillée.
Un
jeune homme qui marche involontairement sur le pied d'une jeune fiancée
passe, pour faire un appel à son amitié afin d’être invité à ses noces“
A
Labresse, si les jeunes filles n'ont rien appris qui puisse porter
atteinte à la réputation d'une jeune fiancée, elles vont, quelques jours
avant la célébration de son mariage, la conduire devant l'autel de la
sainte Vierge et y chantent ensemble de pieux cantiques.
Dans
les environs de Lunéville, c'est en entrant à l'église le jour de la
célébration du mariage que cette présentation a lieu devant le même
autel qui a été orné à cet effet de rubans et de fleurs. Là,
agenouillée, la jeune future témoigne par ses pleurs et ses soupirs le
regret que son cœur éprouve de bientôt changer d'état et de quitter le
toit paternel. Pendant le peu de moment qu’elle reste dans cette
posture, ses compagnes chéries ne cessent d’appeler sur elle toutes les
bénédictions de celle qui fut un modèle de vertu et sera toujours un
exemple de sagesse (Beaulieu, Archéologiede la Lorraine). Hesychius
(Lexicon) dit que les jeunes filles d'Athènes devaient être présentées
avant leur mariage à Diane, protectrice aussi de la virginité et
qu’elles déposaient sur son autel des corbeilles remplies d'objets
précieux, afin de se rendre cette déesse favorable.
Dans
la même commune de Labresse, la mère et la marraine, et à défaut, les
deux plus proches parentes (les pronubæ des Romains), vont conduire sur
un char et en cérémonie les meubles et effets de la jeune future au
domicile de son prétendu et préparer le lit nuptial.
A
Rochesson, quand la mariée doit aller demeurer dans une autre commune
que celle qu’habitent ses parents, ses amies, pour lui témoigner le
chagrin qu'elles éprouvent, s'empressent, comme on le fait encore dans
le pays de Gex (M. Depery, ouvrage cité), d'enlever les roues de la
voiture qui doit servir au transport de son armoire et de son trousseau,
de cacher le joug des bœufs qui doivent être attelés, et à élever de
hautes barrières sur le chemin qui conduit a sa nouvelle demeure, afin
de montrer par ces différents obstacles leur tendre affection et les
regrets qu'elles éprouvent de perdre bientôt une compagne chérie. Cette
journée est terminée par un repas de famille donné chez le futur et
auquel les lois de la bienséance ne permettent pas à la future
d'assister, son prétendu va souper avec elle et lui apporte une assiette
de riz ou de millet au lait, toujours fort sucré. Ce mets, sans aucun
doute symbolique, est destiné également à lui offrir tout à la fois une
image des douceurs de l'union conjugale et un témoignage de sa
galanterie.
Au Val-d'Ajol, encore aujourd'hui, dit M.
de Ladoucette (ouvrage précédemment cité) la veille des noces le futur
amène quinze jeunes gens, précédés d’un violon, pour demander les effets
de sa prétendue, le père assure qu'il n'est maître, chez lui, la fille
se montre avec ses compagnes et quelques défenseurs. On apporte un vieux
coffre pour ne pas abîmer le véritable ; une lutte sérieuse s'engage ;
si les garçons réussissent à s'emparer de la huche, les effets sont
livrés ; s’ils éprouvent trop de résistance, ils concluent une trêve, et
en donnant des épingles, des lacets et des rubans, ils achètent le
coffre ; alors les filles, qui avaient ôté les roues du chariot et caché
le cheval, remettent tout en ordre, chargent elles-mêmes les vêtements
et le bagage de la fiancée ; tous soupent ensemble, et le bal finit la
journée.
Un
mariage célébré un jour qu’il pleut, annonce, dit-on, dans quelques
communes, que les mariés ne peuvent manquer de devenir très-riches et
que la fortune les comblera de toutes ses faveurs.
A
Sapois, on regarde comme d'un très-mauvais augure quand les futurs ont
tué ou simplement saigné un animal quelconque pendant l'intervalle,
souvent assez long, qui s'est écoulé de la publication de leurs bans à
l’église et celui de la célébration, de leurs noces. ’ " ” J‘ '
Une personne de la paroisse qui décède dans le même intervalle peut compromettre aussi la félicité future des époux.
Le
jour fixé pour la célébration d'un mariage, on s'empresse, dans
quelques communes, d'aller placer un morceau d'étoffe de couleur sur le
rucher afin d'associer les abeilles aux joies de la famille. Les jeunes
gens invités à cette cérémonie se rendent ensuite au domicile du futur
qui les conduit, accompagné par son père et par ses parents, à la
demeure de la prétendue.
Pendant ce trajet, on n'oserait se permettre aucune démonstration
de joie, soit par des cris, soit par des explosions d'armes à feu, dans
la crainte de montrer trop de présomption avant d‘être assuré d'un
dernier consentement de la future. Arrivé chez elle, on la trouve
entourée de ses jeunes amies, ne paraissant pas être très surprise d'une
visite aussi nombreuse et des préparatifs d’une fête dont elle doit
être le principal ornement. Tout ce qui se passe autour d'elle semble
lui être étranger, presque même indifférent. Habillée comme pour un jour
ouvrable, les yeux modestement baissés, cousant ou filant
tranquillement sa quenouille dans un coin retiré du foyer, elle ne
quitte pas son ouvrage afin de ne montrer aucune indiscrète curiosité.
Le
père de son prétendu s'approchant d'elle, lui demande affectueusement
pourquoi elle est la seule de toute la maison qui n'est point encore
habillée pour se rendre à l'église, elle répond, sans lever les yeux,
qu'elle ignore entièrement le motif sérieux qui a amené dans la demeure
de son père toutes les personnes qu'elle y aperçoit ; sa mère prenant
alors la parole lui dit avec douceur et souvent en répandant quelques
larmes, qu'elle ne tardera pas a en être instruite et elle l'engage à
aller promptement faire sa toilette. A cette invitation maternelle, ses
jeunes amies s'empressent de l'enlever et de la porter plutôt qu'elles
ne la conduisent dans sa chambre, où cette grave opération n'est jamais
troublée par la présence d'aucun jeune homme.
Pendant
cet intervalle les parents des deux familles et les amis invités à la
noce, réunis autour de l’âtre domestique, ne manquent pas de faire
l'éloge des futurs époux. Jamais la flatterie ne préside à cet
entretien, tant on est persuadé, sans doute, qu'on ne peut louer sans
ménagement qu'une personne sans pudeur. Le prétendu est un bon
cultivateur et, un excellent marcaire (1), aucun jeune homme ne s'entend
mieux à, l’irrigation des prairies, ne prend plus de soin des bestiaux
et, aux foires, ne sait faire des marchés plus avantageux et des ventes
plus profitables à la maison : Celle qui va devenir sa compagne est
active et laborieuse, c'est aussi une bonne et diligente ouvrière qui
peut filer plusieurs quenouillées dans une veillée d'hiver, elle sait
avec habilité traire les vaches et faire le beurre le plus recherche à
la ville, elle dirige avec beaucoup de soin, d'ordre et d'économie le
ménage de ses père et mère, elle répand en même temps quelques fleurs
sur leurs vieux jours par la douceur de son caractère, l'égalité de son
humeur et par un aimable enjouement.
(l)
Nom donné dans les montagnes des Vosges aux habitants qui s'occupent de
la fabrication des freinages dits de Gérardmer ou de vachelin,
généralement moins estimé que celui de Gruyères.
Pendant
ce colloque, les jeunes filles qui ont vivement désiré la faveur de
placer les premières épingles à la couronne nuptiale de la mariée et qui
doivent leur être rendues après la noce pour leur servir de talismans,
destinés à leur procurer bientôt des époux, n'étant plus nécessaires
près de la future, s'empressent de venir attacher des rubans de couleurs
et des branches de laurier ou de romarin à la boutonnière de l'habit
des jeunes gens qu'elles ont choisi pour les conduire à l'église.
Ces
préliminaires, quelquefois assez longs, étant terminés, on cherche les
souliers de la mariée qu'une sœur chérie avait caché dans la bonne
intention de suspendre son départ de la maison paternelle.
A
Fresse, on dit que si une jeune mariée a de l'argent dans sa poche le
jour de ses noces, elle ne peut manquer à l'avenir d’en avoir toujours
et que, tant qu'elle aura soin de le conserver sur elle, son ménage sera
constamment prospère.
A Bellefontaine, la jeune future avant de quitter sa demeure pour aller
recevoir la bénédiction nuptiale met une petite pièce de monnaie dans
un de ses souliers, dans la persuasion que cette amulette doit lui
porter bonheur.
Cette
dernière pratique citée dans le Traité des superstitions du chanoine
Thiers (liv. X, chap 5) , se rattache sûrement à l'usage qui existait
chez les Romains dans le mariage par achat (coemption), où la femme en
entrant dans la demeure conjugale, apportait trois as (15 centimes),
l'un qu'elle tenait dans sa main pour donner à l'époux qu'elle achetait,
l'autre qu'elle plaçait dans sa chaussure pour l'offrir aux dieux
Penates et pour sa participation au culte religieux de la famille dont
elle va faire partie, quant au troisième elle le déposait dans une
espèce d'abri, fait à la hâte, nommé le compitum vicinale, afin
d'acquérir l'entrée de la maison (Michelet, Origines du droit français ;
page 21. — Desobri, volume II, page 274).
Il
est encore d'usage, dans plusieurs communes, que les parents du futur
se réunissent à la cuisine de la demeure de la future, et les amies de
celle-ci dans une chambre adjacente, à la porte de laquelle vient se
placer le père du prétendu qui dit à celui de la future : qu'en suite
des promesses faites à son fils, il se présente aujourd'hui afin d'en
demander l'exécution souhaitée depuis si longtemps par toute sa famille.
Le père de la prétendue répond que ce vœu est partagé sincèrement par
la sienne, mais qu'avant de voir sa fille quitter une maison où elle va
laisser tant de regrets, il serait bien aise de savoir dans quel village
on a le projet de la conduire, si le chemin qu'on doit prendre pour s'y
rendre n'est ni trop mauvais ni trop long à parcourir.
A ces questions inspirées par la tendresse et l'affection, on
s‘empresse aussitôt de répondre que c’est là une très-faible distance de
sa demeure actuelle. Cette assurance donnée, le père de la future
ajoute toujours, quand même il, aurait encore plusieurs filles à marier,
que celle dont on demande la main, remplissant chez lui les devoirs
d’une maîtresse de maison, il ne peut en être privé sans de graves
inconvénients, mais qu’il est cependant disposé à en faire le pénible
sacrifice, si on veut bien la remplacer par une personne sachant tenir
un ménage. Le père du prétendu en convenant de l'étendue de la perte
qu'il va faire par cette séparation, répond, avec l'intention d’en
adoucir l'amertume, qu'il partagerait volontiers toute sa sollicitude,
s'il était moins assuré que sa fille ne peut manquer d'être heureuse
dans la nouvelle famille où elle va incessamment entrer, qu'il sait bien
que le spectacle de deux époux également empressés de remplir chaque
jour les saints devoir du mariage, est infiniment plus agréable au cœur
d'un père et lui procure une plus douce satisfaction que la triste vue
d'une célibataire. Cela est très-vrai, ajoute le père de la future, mais
la personne que vous me témoignez le désir de voir unie à votre fils
est dans ce moment occupée avec ses jeunes amies, à donner des soutiens à
quelques fleurs qu'elle cultive et qu’une rosée trop abondante a fait
courber sur leurs frêles tiges, si vous le souhaitez, je vais
immédiatement la chercher. S'avançant ensuite vers la fille d'honneur et
la présentant par la main au père du prétendu, je n'ai pas été
longtemps, lui dit-il, pour vous amener celle que vous désirez, ce
dernier répond que ce n'est point la personne recherchée en mariage par
son fils, Une réponse à-peu-près semblable , mais toujours accompagnée
d'expressions polies et aimables, est toujours aussi faite à toutes les
présentations (1) qui ont lieu ensuite en y comprenant celle des filles
qui, par leur âge, ont commencé à perdre l'espérance d'être mariées et
qui, néanmoins, attachent un grand prix à n'être pas tout-à-fait
oubliées ou négligées dans ces présentations.
(l) Celte coutume de présenter au père du futur toutes les jeunes.
Si
c'est un oncle ou le parrain de la prétendue qui représente son père il
va chercher sa propre fille ou une de ses plus proches parentes et la
présentant par la main au père du futur, il lui dit : voici une personne
qui, je le crains, pourrait bien ne pas être celle que vous demandez,
mais comme elle est une bonne ouvrière, il vous sera facile, je n'en
doute pas, de lui procurer un établissement-avantageux. Celui-ci répond
que toutes les jeunes filles qu’il vient d'apercevoir lui ayant paru
réunir les meilleures qualités, il espère qu’elles ne seront
pas-longtemps sans trouver à se marier, et qu'étant devenues mères elles
n'auront aussi que de bons exemples à offrir à leurs filles, mais qu’il
n’a pas aperçu, à son grand regret, au nombre de celles qu'on lui a
présentées la personne qui doit faire le bonheur de son fils ; si vous
voulez bien me le permettre, ajoute-t—il, j’irai moi-même dans votre
jardin et certes je serais bien malheureux si je ne pouvais parvenir à
la découvrir, je ne veux pas vous donner cette peine lui répond le père
de la future, et s'avançant ensuite vers sa fille qu'on distinguait
autrefois au milieu de ses jeunes compagnes par une robe noire, simple
et modeste parure traditionnelle, dans laquelle s'étaient mariées sa
bisaïeule, sa vieille grand-mère et sa mère (1), mais aujourd'hui par un
habillement d'une couleur moins sombre, par une ceinture en ruban
argenté, qu'elle a soin de conserver pour en faire un lieu de berceau à
son premier né, comme le faisaient les mariées dans la Bretagne qui
renfermaient le ruban des noces dans la cassettedes joyaux de la famille
(de, Lavillemarqué, ouvrage cité, volume I. page 238), et par une
petite couronne de fleurs blanches fixée par de nombreuses épingles
derrière son bonnet, il dit-au père de son futur gendre, je serais fort
aise que la personne que vous désirez pour votre fils fût bien celle que
je vous amène, oui, répond aussitôt celui-ci, c'est bien la jeune fille
que nos cœurs désirent depuis longtemps pour épouse chérie à notre fils
et qui, par son union avec lui, procurera à nos familles le bonheur de
posséder un enfant de plus, des appuis et des soutiens à notre vieillesse.
(l)
Au Val-dfljol, la jeune mariée, en allant à l'église, portait sur son
cœur et attaché par quelques épingles à sa robe de noce une petite image
bénite de la sainte Vierge.
A
Saulxures, arrondissement de Remiremont, le père de la future après
avoir successivement présenté toutes les jeunes filles invitées à la
noce, dit qu’il éprouve un véritable regret d'en avoir oublié une qui
pourrait bien être celle qu’on recherche, si elle n'était occupée
journellement aux gros ouvrages de la maison, ce qui lui fait douter
qu’elle puisse être l'objet d'une demande très-sérieuse, le père du
futur répond qu’il serait bien aise qu'on lui procurât au moins le
plaisir de la voir. On la cherche aussitôt, elle n'est point encore
habillée ; ce qui n'empêche pas qu'on la présente et après beaucoup de
choses flatteuses qui sont adressées, le même père du futur ajoute que
c'est bien cette jeune fille que son fils désire, et sa toilette est
bientôt faite.
Toutes ces présentations étant terminées, le père de la
future invite sa fille et son futur gendre à se mettre à genoux et il
leur donne sa bénédiction, ordinairement précédée d'un petit discours
dans lequel on remarque les conseils suivants, que nous avons entendus
en 1804, à la célébration d'un mariage dans la commune de Cleurie, près
de-Remiremont.
«
Mes chers enfants, je vous engage à vous aimer toujours de toute la
tendresse que mon cœur et celui de votre bonne mère vous ont voués»
« Rien n'est plus agréable qu'un beau printemps et, une belle et riche moisson, si ce n'est le spectacle de deux époux également pénétrés des saints devoirs du mariage. »
Si
vous avez des défauts, et qui est-ce qui au monde n’en a pas
quelques-uns ? vous devez vous les pardonner doucement, sans fiel et
sans aigreur en vrais enfants de Jésus-Christ animés d'une véritable
charité chrétienne. » Pensez souvent que la vie est un bien court
pèlerinage et que les meilleurs compagnons que Dieu a donné à l'homme
pour en adoucir les fatigues, les tribulations amères et les peines de
presque chaque jour, sont la religion et la vertu.
«
Pensez souvent, ou mieux encore, ne négligez aucune occasion de vous
procurer la douce satisfaction d'entendre prononcer le grand merci d'un
pauvre, auquel vous n'aurez refusé ni un escabeau à votre foyer, ni une
place à votre table.
«
Si la divine providence accorde des enfants à vos vœux, apprenez-leur
de bonne heure que rien n'est plus sacré que le malheur.
Cette
allocution paternelle achevée on se rend à la mairie. Les mariés, dans
quelques communes des environs de Saint-Dié, sont montés sur des chevaux
parés de fleurs et de rubans. Au Val-d’Ajol, le garçon et la fille
d’honneur tiennent, suivant une ancienne coutume, des cannes garnies
d'une faveur bleue, et fichent sur leur manche deux grosses épingles de
laiton (M. de Ladoucette, (notice déjà citée) ; Le cortège est précédé
d'un violon et d’une clarinette, musique obligée et traditionnelle du
village, les garçons ne faisant faute de crier de toutes la force de
leurs poumons le thiou hihi va longue, expressions ordinaires de la joie
bruyante et quelquefois un peu sauvage des montagnards vosgiens
assistant à des fêtes, et qui ne sont peut-être qu'une altération du
iou, iou, des Grecs et des Romains ou du io, io des Brctons. (de La
Villemarqué, Chants populaires de la Bretagne, in-12, volume 1, page
103), n’oubliant pas le vieil usage de leurs pères de tirer fréquemment
des coups de pistolets près de la jeune mariée, souvent même entre ses
jambes. On assure que loin de s'effrayer de ces explosions subites
d'armes à feu, elle paraît s'en divertir beaucoup tant elle est
persuadée aussi que son mariage ne serait pas convenablement célébré si
on n'y faisait qu'une faible et mesquine consommation de poudre ; ce qui
ferait augurer encore que devenue mère, elle ne sera pas bonme au lait,
c'est-à-dire bonne nourrice.
Dans
plusieurs villages de l'arrondissement de Remiremont, on avait la
coutume, quelques années avant la révolution, de porter en tête du
cortège de la noce une poule vivante qui devait être entièrement
blanche. C'était un hommage offert à la vertu de la jeune mariée et qui
était inexorablement refusé à toutes celles dont la conduite n'avait pas
été toujours exemplaire. Ce volatile, placé à l’extrémité d’une haute
perche, de chaque côté de laquelle on fixait en sautoir deux quenouilles
garnies de chanvre avec leurs fuseaux ornés de fleurs et de rubans,
était confié à un parent ou à un ami du marié qui ne manquait jamais de
faire crier la poule, au moyen d'une cordelette attachée à une de ses
ailes, toutes les fois que le joyeux cortège passait devant la demeure
d'une jeune fille à marier, c'était sans doute une invitation et en même
temps un avis destiné à l'engager à mériter qu'on rendit aussi un jour
un pareil témoignage de sa sagesse et de ses goûts laborieux, symbolisés
par les quenouilles et les fuseaux qu’on aime toujours à voir dans les
mains des bonnes et diligentes ouvrières.
On
sait que chez les Grecs et chez les Romains ces présents de Minerve
n’étaient point oubliés dans les solennités des mariages. Aujourd’hui on
les porte également aux mêmes cérémonies dans plusieurs provinces.
Arrivé
à la maison où avait lieu le repas de la noce, on tuait la poule
blanche qui, après avoir été aussi un des ornements de la fête, en
devenait la première victime, et on la servait rôtie aux mariés quelques
heures après leur coucher.
Cette
coutume existait déjà pendant le moyen-âge en Allemagne, où, suivant J.
Grimm (Antiquités du droit, 441, cité par M. Michelet, origines du
droit français, page 45).
Le
matin on servait aux époux un mets qu’ils mangeaient ensemble. Chez les
riches, c'était aussi une poule rôtie, qu’on appelait : poule des noces
ou poule d'amour.
A
Martigny-les-Lamarches, on observait, disent les auteurs de la
statistique des Vosges, la coutume suivante : lors des mariages une
longue chaîne en argent ou en cuivre argenté enfermait les deux époux
par le milieu du corps lorsqu’ils allaient recevoir la bénédiction
nuptiale. Cette pratique ne se rattacherait-elle pas à l’ancien usage
des Romains, d'imposer un joug (jugum) sur l’homme et la femme prêts à
s’unir, d'où viendrait la dénomination de conjuges ? (Servius in Virgil.
En. IV, l6, — Adam, Antiquités romaines, vol.2, 310.) ou cette chaîne
dont on entoure les époux ne serait-elle pas destinée à les mettre à
l’abri des maléfices des noueurs d'aiguillettes ? (Voyez ce mot, page
49.)
On
est toujours persuadé que celui des deux époux qui se lève le premier
après avoir reçu la bénédiction nuptiale sera infailliblement le maître
dans la maison, aussi remarque-t-on assez souvent que la jeune mariée se
laisse prévenir par son mari, à moins que celui-ci, jaloux de la
conservation de ses droits, n'agisse de ruse en plaçant sous un de ses
genoux un coin du tablier de sa jeune épouse, afin de l'empêcher, par
cette feinte maladresse, d’être disposée à usurper le gouvernement du
foyer domestique et à le faire tomber en quenouille.
Au
Val-d’Ajol, la mariée après avoir reçu cette consécration religieuse
doit rester sous le poêle jusqu’au moment où son beau-père vient lui
offrir la main pour la conduire près de son époux, déjà retiré quelques
pas derrière elle. Si ce parent mettait peu d’empressement à s'acquitter
de ce simple devoir de politesse, il donnerait sujet à gloser sur le
compte de sa belle-fille, et à beaucoup de personnes de penser que son
union avec son fils ne lui est pas infiniment agréable.
Au
Tholy, si la jeune mariée appartient à la congrégation des filles,
établie dans cette grande paroisse, la préfète de cette association
religieuse, accompagnée de la plus jeune congréganiste, viennent, avant
la bénédiction nuptiale, lui enlever le ruban blanc, auquel est suspendu
une petite médaille en argent, insigne de son titre de membre de la
congrégation. C'est la même préfète avec ses trois plus jeunes compagnes
qui tiennent le poêle sur les époux quand on leur donne cette
bénédiction.
A
Gerbamont on augure qu'un mari sera jaloux quand, à la célébration de
son mariage, il témoigne une vive inquiétude et regarde avec anxiété
autour de lui, au moment où la préfète de la congrégation vient chercher
son épouse et la conduire derrière l'autel pour lui ôter sa médaille de
congréganiste, avant de recevoir la bénédiction nuptiale. On croit
aussi que la jeune mariée pourra bien aussi être jalouse si elle n'est
point émue, ne verse aucune larme, quand on lui enlève cette décoration.
L'usage
de bénir le lit nuptial n'existe plus guère que dans un petit nombre de
communes, Au Val d'Ajol, nous avons vu la mère du marié porter à la
messe consacrée à la bénédiction des époux les draps de ce lit roulés et
entourés d'un ruban de couleur.
A
Labresse, aussitôt que le prêtre a bénit l'anneau nuptial, qui était
autrefois en argent et aujourd'hui en or, par suite d'une plus grande
aisance dans les familles, le marié le place au doigt de son épouse,
d'où il est immédiatement retiré par la sœur de l'époux qui passe à
travers un large ruban noir, le remet à la mariée et le lui lie avec ce
ruban par plusieurs nœuds autour du poignet. Elle lui dit :
souvenez-vous, ma très-chère sœur, que vous devez amour et fidélité à
mon frère, conservez très-soigneusement ce gage de la tendre affection
qu’il vous a vouée. L'anneau reste ainsi fixé jusqu'au dimanche qui suit
la célébration du mariage, jour auquel la jeune épouse est conduite par
sa belle-mère à l'offrande de la messe paroissiale, ayant toujours à la
main ce ruban noir qu'elle a grand soin de montrer. Le lendemain il
disparaît. Cet usage, assure-t-on, est fort ancien et on y attache
ingénieusement l'idée de l’indissolubilité du lien conjugal et du devoir
de la fidélité. La couleur toujours noire de ce ruban, doit apprendre à
la nouvelle mariée que désormais éloignée des ris et des frivolités du
jeune âge, son devoir est de s'occuper de soins plus intéressants, plus
sérieux et plus dignes de son nouvel état. On a quelquefois regretté que
ce signe ne fût présent à la vue de la jeune mariée que durant un trop
petit nombre de jours. On sait que, pendant le moyen-âge, les veuves qui
se remariaient devaient avoir la main couverte quand elles recevaient, à
l'autel, une nouvelle bague d'alliance (Michelet, ouvrage cité, page
37).
On
remarque encore à Labresse un témoignage précieux du respect que les
habitants ont conservé pour les personnes mariées. Aussitôt que les
époux ont reçu la bénédiction nuptiale leurs parents, leurs amis et
amies les plus intimes cessent de les tutoyer. Le jeune homme qui
tutoyait une jeune fille en la recherchant en mariage, quitte
immédiatement cette manière de parler le jour même qu’il est devenu son
époux ; l'honnêteté succède à la familiarité, et dans les commencements
de cette union, si, par distraction des amies du même âge que la jeune
épouse la tutoient encore, elles s’empressent de se reprendre et de
s’excuser comme si elles ont commis une impolitesse.
Dans
un très-grand nombre de communes les jeunes gens qui assistent à une
noce cherchent encore à mettre des obstacles au départ de la jeune
mariée pour se rendre à la demeure de son époux, et elle-même, par un
sentiment de pudeur, ne manque pas de montrer le désir qu’elle a de
retourner chez elle, en disant qu'elle ne connaît pas le chemin qui
conduit à cette maison. Chacun des garçons de la noce tenant une des
opposantes l'oblige doucement à s’avancer, tandis que le frère ou un ami
du marié (le camille des Romains ou le compagnon de l'époux, dans les
cérémonies des mariages chez les Israélites), garde soigneusement la
jeune épouse qui, résistant de toutes ses forces, parvient quelquefois à
lui échapper, pour être bientôt reprise et ramenée après de nouvelles
courses inutiles et sans succès en tête du cortège. Ainsi, dit Helder,
ouvrage déjà cité (liv. VII, chap. i), « il faut employer la force pour
réduire les jeunes filles à l'esclavage que le mariage entraîne avec lui
; » et ce n’est pas là une répugnance forcée ; elles se précipitent
hors de leurs huttes et fuient dans le désert ; elles reçoivent en
pleurant la guirlande de Phymenée, car c’est la dernière fleur de leur
jeunesse si libre et si promptement fanée. Presque toujours les
épithalames n’ont pas d’autre but que de les encourager et de les
consoler : le rythme en est mélancolique et, peut-être, ne ferions-nous
qu'en sourire, incapables que nous sommes d’en sentir l’innocence naïve
et la vérité attendrissante. La jeune fille dit adieu à tout ce qui fut
cher à sa jeunesse, elle quitte la maison de ses parents comme si elle
était morte à jamais pour eux ; elle perd son ancien nom et devient la
propriété d’un étranger qui, selon toute apparence, la traitera comme
une esclave. Il faut qu’elle lui sacrifie tout ce qu'il y a de plus cher
à un être humain, sa personne, sa liberté, sa volonté, probablement
aussi sa vie et sa santé, et cela pour complaire à une passion grossière
à laquelle la vierge modeste est encore étrangère et qui, bientôt, sera étouffée sous le poids des ennuis. »
Il
est encore d'usage dans plusieurs communes de placer un balai ou une
quenouille, une pioche ou un râteau, couchés en travers de la porte par
laquelle la jeune mariée entre dans sa nouvelle demeure en revenant de
l'église, et on ne manque pas d’augurer qu'elle n'y aura aucun esprit
d'ordre, qu'elle n'y sera pas même soigneuse si, avant de franchir le
seuil de la porte, elle ne met aucun empressement à relever ces
instruments de travail et à les redresser dans un coin de la maison (l).
A Sapois, on présente à la jeune épouse un grand plat sur lequel est un œuf qu’elle donne à la personne
(l)
Cet amour de l'ordre existe encore parmi les habitants de beaucoup de
villages et on m'a raconté, à Labresse, qu'un jeune homme de cette
commune embarrassé de fixer son choix entre trois jeunes sœurs ,
également belles , consulta son père qui lui proposa de l'accompagne!‘
la première fois qu'il irait Izlomler, c'est-à-dire faire sa cour à ces
jeunes filles. S'étant donc rendu dans la maison qu'elles habitaient ils
remarquèrent que l'aînée revenant des champs, laissa tomber un balai à
la porte de la cuisine et passa dessus sans se donner la peine de le
relever, négligence que commit aussi sa sœur cadette en rentrant chez
elle peu d'instants après, et que la plus jeune qui vint ensuite
s'empressa de le relever en souhaitant la bienvenue au père du jeune
homme. Aussitôt celui -ci dit à son fils , en lui montrant la jeune fille
qui venait de lui offrir une preuve d'esprit d'ordre et (le politesse,
que c'était bien (‘elle qu'il devrait désirer pour épouse, car elle ne
devait pas manquer de faire la prospérité de sa maison......
Source : Livre "Traditions populaires, croyances superstitieuses, usages et coutumes de l'ancienne Lorraine" par Nicolas Louis Antoine Richard
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