Genèse


Genèse

Genèse
 Frontispice du livre de la Genèse : In principio... (Bible carolingienne, IXe siècle)


Le Livre de la Genèse (du grec Γένεσις, « naissance », « commencement », « source », « origine », « cause ») est le premier livre de la Torah (Pentateuque), donc du Tanakh (la Bible hébraïque). En hébreu, son intitulé est Bereshit (« au début de… ») d'après le premier mot de la première parasha du Livre.

Le livre de la Genèse veut expliquer l'origine de l'homme et du peuple hébreu jusqu'à son arrivée en Égypte en l'éclairant par le projet de Dieu. Il contient les présupposés aux idées et institutions nationales et religieuses d'Israël, et sert d'introduction à son histoire, ses lois et coutumes.

Selon une croyance assez courante dans les religions abrahamiques, la Genèse aurait été été écrit par Moïse qui, divinement inspirée, aurait produit un texte infaillible. Toutefois, les recherches récentes sur l'histoire du texte tendent à montrer que la composition du livre est l'œuvre non d'un rédacteur unique, mais d'un ensemble de rédacteurs qui se sont succédé sur des générations. Ces derniers auraient transcrit les traditions des Israélites, les combinant en un travail uniforme.

 

Attribution du livre

Article détaillé : Hypothèse documentaire.

Le livre de la Genèse, en tant qu'œuvre, ne mentionne aucune assignation à un auteur. Selon la foi juive, il fut dicté dans son intégralité par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï.

L'étude sémantique et linguistique des termes utilisés et les contradictions entre les différentes légendes qui s'y entremêlent, ont amené, dès Maïmonide au XIIe siècle et surtout Spinoza au XVIIe siècle, à remettre en question - malgré l'hostilité des autorités religieuses et le danger d'excommunication - son historicité et l'unicité de son auteur. Depuis, les découvertes archéologiques et historiques au Moyen-Orient ont permis de dater le début de la rédaction du texte de la Genèse au VIIe siècle av. J.-C., sous le règne du roi Josias. Ensuite, des ajouts et des retouches ont modifié le texte jusqu'au IIIe siècle av. J.-C..

Les hiéroglyphes égyptiens et surtout les tablettes cunéiformes sumériennes montreraient que le texte ne serait qu'une adaptation de légendes connues et véhiculées dans tout le monde antique, notamment à Sumer, dans un but hagiographique et pédagogique visant à consolider l'unité du royaume.



Bereshit pereq aleph, premier chapitre du Livre de la Genèse, écrit sur un œuf, musée Israël

 

Résumé

Article détaillé : Résumé de la Genèse.
Le livre de la Genèse peut être divisé en quatre parties : l'histoire des origines (1,1 à 11,9), l'histoire d'Abraham et de ses deux fils (11,10 à 25,18), la geste de Jacob (25,19 à 36,43) et enfin l'histoire de Joseph (37,1 à 50,26).

 

L'histoire des origines

Les chapitres 1 à 5 de la Genèse relatent l'organisation nécessaire à l'apparition de la vie sur la Terre et les étapes de l'apparition de cette vie jusqu'aux premiers temps de l'humanité. L'homme découvre que la désobéissance à Dieu engendre le mauvais, c'est-à-dire le mal sur le corps (en hébreu le mot est mauvais et est relatif au corps alors qu'en grec cela est traduit par mal et est relatif à la morale). Adam et Ève, le premier homme et la première femme mangent le fruit de l'arbre défendu, ils connaîtront désormais librement le bien et le mal et sont chassés du paradis, alias le jardin d'Éden; Caïn, fils d'Adam et d'Ève tue son frère Abel.

Dans les chapitres suivants, Dieu, voyant la corruption des hommes, provoque le déluge, auquel il ne fait survivre que la famille de Noé. Dieu établit alors une alliance (9:9)

Le chapitre 10 parle des familles qui sont à l'origine de l'humanité, présentant ce que l'on appelle la Table des peuples. Le chapitre 11 narre l'épisode de la Tour de Babel, et donne la généalogie qui va de Sem à Abraham.

 

L'histoire d'Abraham et de ses deux fils

Les chapitres 12 à 20 parlent d'Abraham et de sa famille jusqu'à l'époque d'Isaac. Le chapitre 12 commence avec l'appel d'Abram (le futur Abraham) et sa femme Saraï (qui deviendra Sarah), alors stérile, et leur départ depuis leur terre natale d'Ur (probablement en Babylonie) vers le pays de Canaan. Il implique qu'Abram a accepté Dieu et a été accepté par lui, et rapporte la promesse divine que tous les peuples de la terre seront bénis par sa descendance (22:3).

 

La geste de Jacob

Les chapitres 21 à 35 suivent la famille d'Isaac. Genèse relate ensuite les faits de ses descendants, Isaac, et Jacob (qui deviendra Israël), et leur famille, ainsi que, dans une moindre mesure, les "autres" descendants, qui formeront de grands peuples antagonistes d'Israël, à savoir Ismaël et Esaü (Edom). Lorsque le dernier verset termine, les descendants de Jacob, les Israélites, sont venus en Égypte, à l'invitation de l'un des leurs, Joseph, devenu par un concours de circonstances (que la Bible explique comme "le doigt divin") le plus important ministre auprès de Pharaon.
Le chapitre 36 traite d'Ésaü et de sa famille.

 

L'histoire de Joseph

Les chapitres 37 à 50 parlent de la famille de Jacob, racontent comment Joseph fut vendu en Égypte et le rôle qu'il joua dans la préservation de la maison d'Israël.

 

Interprétations du livre de la Genèse

L'interprétation du livre de la Genèse est un exercice très délicat, car il dépend en grande partie de croyances.
On peut dire toutefois que l'historicité des récits est mise à mal par la recherche moderne. Cela peut s'expliquer si l'on considère que le livre n'a pas de but historique, mais un but théologique et idéologique.

 

Utilisation de la lecture littérale pour dater la création

Sur la base des généalogies (toledot) dans le Livre de la Genèse et des parties ultérieures de la Bible, les érudits religieux juifs et chrétiens ont indépendamment estimé la datation de la Création du monde, en employant une interprétation au sens littéral.

Cette approche suggérerait qu'elle se tînt aux alentours du quatrième millénaire AEC après les six jours au cours desquels Dieu créa les cieux et la Terre (quelques uns supposent qu'il s'agit de jours de 24 heures, qu'Adam, Ève, et le jardin d'Éden ont existé, et qu'une trace complète des évènements depuis la Création jusqu'à une date historiquement vérifiable se trouve dans le compte-rendu biblique).

D'autres exégètes expliquent que les jours se rapporteraient à l'action créatrice sur Terre, et donc auraient une durée bien plus longue que 24 heures chacun. Selon eux, le récit étant destiné à un observateur terrestre, le mot cieux devant être compris du point de vue de l'observateur. Cette manière de voir permet de rendre le récit de la Genèse compatible avec la datation géologique de la Terre.

Beaucoup de biblistes académiques remettent en question l'exactitude du compte-rendu historique de la Bible, et son utilisation pour retracer les évènements présentés dans la Genèse et pour dater l'histoire humaine a été rejetée par la grande majorité des historiens et archéologues.
Le sujet sera abordé plus précisément dans Bible et histoire et Créationnisme Jeune-Terre.

 

Interprétations littérales contre interprétations allégoriques

Le Livre de la Genèse commence par un (ou des) récit originel. Comme une lecture littérale de celui ou ceux-ci peut sembler en conflit avec les théories scientifiques communément admises, comme le Big Bang ou la théorie de l'évolution, beaucoup de croyants considèrent le(s) récit(s) de la Création selon la Genèse comme des allégories.

Toutefois, l'interprétation, sinon allégorique, du moins non littérale, n'avait pas attendu Darwin. La tradition juive connaissait différentes façons d'interpréter les textes sacrés, puisqu'elle distinguait quatre sens de l'Écriture. Ultérieurement, la tradition chrétienne, avec Origène et Jean Cassien, reprit ces méthodes d'interprétation pour la lecture (lectio divina) des Saintes Écritures chrétiennes. L'interprétation non littérale de la Création commençait déjà avec Augustin d'Hippone au Ve siècle.

Aux XIIe et XIIIe siècles, la réconciliation effectuée par l'école scolastique entre la tradition chrétienne et la philosophie d'Aristote (Thomas d'Aquin), permit de faire un parallèle entre la Genèse et la cause première telle qu'elle était définie par Aristote.

 

Remise en cause par les théories scientifiques au XVIIe siècle

À partir du XVIIe siècle, les observations de Galilée remirent en cause les interprétations de la Bible, particulièrement les passages cosmologiques de l'Ancien Testament.

En 1623, le père Marin Mersenne, correspondant de Descartes, qui était au centre d'un réseau philosophique et scientifique, publia Questions sur la Genèse, ouvrage dans lequel il critiqua violemment la Kabbale chrétienne.

Après le procès de Galilée (1633), Descartes n'eut de cesse de critiquer la « philosophie spéculative » enseignée dans l'école scolastique, lui préférant une méthode « pratique » permettant aux hommes de se « rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (discours de la méthode, Sixième partie, 1637). Le cogito de Descartes (méditations sur la philosophie première, 1641) est la manifestation de ce doute d'une cause première entendue au sens religieux et métaphysique traditionnel.

Ce fut le point de départ de la mise en place d'un paradigme mécaniste (Michel Foucault parle d'épistémè), qui discrédita progressivement la philosophie première d'Aristote, et bouleversa l'édifice scolastique. Le positivisme d'Auguste Comte, les philosophies scientistes, et le darwinisme abandonnèrent le principe même des causes premières, et allèrent jusqu'à nier toute causalité des phénomènes entendue en un sens autre que purement physique.

 

Interprétations contemporaines

Pour autant, même aujourd'hui, les tenants de l'interprétation littérale des onze premiers chapitres n'ont pas dit leur dernier mot : ils font valoir que le style scripturaire des premiers chapitres partage les caractéristiques de passages habituellement considérés de nature historique, et qu'il n'est nulle part fait mention qu'il ne s'agirait pas d'une narration littérale (ce qui est le cas pour les prophéties de Balaam par exemple).

De telles analyses, se basant sur une forte tradition d’infaillibilité biblique (le fait de ne pas remettre la Bible en doute, par principe), ont conduit de nombreux individus et organisations, issus des milieux scientifiques et religieux, à rejeter les théories scientifiques traditionnelles de l'origine de la vie et de l'univers pour des théories "alternatives", comme le créationnisme Jeune-Terre (Young-Earth creationism, en abrégé YEC). Les tenants du YEC utilisent leur connaissance approfondie du récit originel selon la Genèse afin de fournir des réponses aux questions que posent l'évolution et l'origine ainsi que le sens de la vie, plutôt que de rationaliser leurs positions au vu des théories faillibles des hommes.

Mais ces cas sont aujourd'hui minoritaires. La controverse ptoléméo-copernicienne et l'évolution ont été une opportunité pour revoir en profondeur les méthodes d'exégèse et d'herméneutique. Outre le fait que la crise galiléenne était apparemment une question de retour aux textes originels (en hébreu), tant la tradition protestante que la tradition catholique ont eu à cœur de renouveler la lecture des Écritures saintes, évitant toute interprétation littérale excessive.

Il existe ainsi un nombre croissant de juifs et de chrétiens qui professent que les premiers chapitres de la Genèse ne relatent pas le début de la création physique. Essayant de relire les Écritures à la façon des premiers destinataires de celles-ci (à savoir les anciens Israélites), ils pensent que ces premiers chapitres relatent la propagation de l'ordre divin sur le plan physique qui existait avant le début de la narration.

Certains décrient même toute tentative d'interpréter les textes comme autre chose qu'une organisation de l'univers.

Cette interprétation était déjà celle d'Augustin d'Hippone, qui rejetait toutefois la suggestion que la Genèse soit une allégorie ; selon lui, la "lumière" signifie tout le temps "ordre", illumination, plan supérieur d'existence ; "jour" est un intervalle de temps indéterminé, qui n'est défini que par un paradigme central, comme dans l'expression "aube d'un nouveau jour". De ce point de vue, on peut rejeter l'objection des trois premiers jours (qui ont précédé l'attribution de la lumière avant le Soleil), en faveur d'une interprétation "littérale" que l'univers fut créé tout d'une pièce, pour progresser du chaos à la lumière-"entendement", et non l'ensemble du spectre électromagnétique, puis aux cieux, etc.[3]

Actuellement, la Bible de Jérusalem indique, en annexe, que la Genèse correspond à une période commençant environ 100 000 ans (Homo sapiens) avant la période correspondant à l'Histoire et à l'apparition de l'écriture (Abraham).

Néanmoins, le Livre de la Genèse, très souvent cité tant dans la Bible hébraïque et par conséquent dans la bible chrétienne ayant repris les textes de la bible hébraïque (voir Nouveau Testament), ne l'est jamais dans un sens métaphorique, allégorique ou non-littéral : lorsque Moïse corrèle les six jours de la Création avec les six jours de travail de la semaine (Exode 20:11), que David fait allusion à la Création ou aux faits relatés dans les chapitres 1 à 11 dans les Psaumes, ou que Jésus et Pierre les évoquent, ce ne peut être qu'au sens littéral et "historique" du terme, sans besoin d'interprétation ou d'interpolation.

 

La Genèse dans la tradition chrétienne

Dans ce que les chretiens nomment le Nouveau Testament, il existe nombre d'allusions et citations directes à la Genèse, ces références semblant lui assigner un auteur. Celui-ci n'est pas explicitement nommé, mais les Livres de la Loi étant en quelques endroits (Marc 12:19, 26; Luc 24:27) attribués à Moïse, on présume parfois qu'il en est de même.

L'auteur de l'évangile selon Jean utilise un langage similaire à celui du premier chapitre de Genèse, lorsqu'il personnifie le Verbe divin comme Logos éternel (grec : λογος "raison", "verbe", "langage"), qui est l'origine de toutes choses "avec Dieu", et "était Dieu" et "est devenu chair et a résidé parmi nous". Beaucoup de chrétiens interprètent ceci comme un exemple d'enseignements apostoliques de la doctrine de la Trinité et le caractère divin de Jésus; à l'origine, c'est en effet en s'appuyant sur le témoignage de Jean que les chrétiens assignent une personnalité au verbe créateur de Dieu, et identifient cette personnalité avec Jésus (Hébreux 1:2,3, Colossiens 1:16,17 sont d'autres sources bibliques pour ces croyances).

Outre ces références à Genèse dans le Nouveau Testament, les théologiens chrétiens (depuis les premiers Pères de l'Église jusqu'aux écrivains actuels) n'ont cessé d'interpréter et débattre des histoires et images de ce Livre, utilisant une myriade de méthodes et perspectives théologiques. En fait, l'interprétation des trois premiers chapitres de la Genèse demeure un sujet de hauts débats parmi les chrétiens de nos jours.
Dans son encyclique Humani generis, Pie XII rappelait des points importants :
(...) Il en est qui, dans le domaine de l'histoire, négligent audacieusement les limites et les précautions que l'Église établit. Et en particulier, il Nous faut déplorer une manière vraiment trop libre d'interpréter les livres historiques de l'Ancien Testament, dont les tenants invoquent à tort, pour se justifier, la lettre récente de la Commission Pontificale biblique à l'Archevêque de Paris, Cette lettre, en effet, avertit clairement que les onze premiers chapitres de la Genèse, quoiqu'ils ne répondent pas exactement aux règles de la composition historique, telles que les ont suivies les grands historiens grecs et latins et que les suivent les savants d'aujourd'hui, appartient néanmoins au genre historique en un sens vrai, que des exégètes devront étudier encore et déterminer: cette Lettre dit encore que les mêmes chapitres, dans le style simple et figuré, bien approprié à l'état des esprits d'un peuple peu cultivé, rapportent les vérités essentielles sur lesquelles repose la poursuite de notre salut éternel, ainsi qu'une description populaire de l'origine du genre humain et du peuple élu. Si par ailleurs, les anciens hagiographes (écrivains sacrés) ont puisé quelque chose dans les narrations populaires (ce qu'on peut assurément concéder), on ne doit jamais oublier qu'ils l'ont fait sous l'inspiration divine qui les a préservés de toute erreur dans le choix et l'appréciation de ces documents.
Mais tout ce qui a été emprunté aux narrations populaires et accueilli dans les Saintes Lettres ne peut absolument pas être équiparé aux mythologies ou aux fables du même genre, qui procèdent bien plutôt de l'imagination dénuée de tout frein que de ce remarquable souci de vérité et de simplicité qui éclate dans les Saintes Lettres, même de l'Ancien Testament, à ce point que nos hagiographes (écrivains sacrés) doivent être proclamés nettement supérieurs aux écrivains profanes de l'Antiquité.







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