Divine providence

Divine providence



La providence désigne, selon la théologie, l'action de Dieu sur le monde. Le mot vient du latin providentia : « prévoyance » (de pro- « en avant » et videre « voir »).

Le concept existait avant le christianisme, notamment chez les stoïciens, qui l'articulaient au destin et à la causalité naturelle.

Selon la théologie, cela signifie que le cours des événements, ou encore un événement particulier (que l'on aurait pu qualifier de hasard), n'est pas le produit de circonstances aléatoires, mais issu de l'action bienveillante d'une puissance divine (généralement Dieu).

Origines stoïciennes de la providence et influence ultérieure

Article détaillé : Destin chez les stoïciens
Les stoïciens sont les premiers à avoir conceptualisé la providence, thème explicitement présent dans de nombreux traités (tels De la Providence de Sénèque ou un traité du même titre de Chrysippe, mais aussi Du destin de Cicéron, l'Hymne à Zéus de Cléanthe, etc.). Cette première conceptualisation influença profondément la théologie chrétienne et les théodicées ultérieures.

Ainsi, contrairement à l'idée reçue qui oppose la providence au destin, les deux sont associés : Thomas d'Aquin reprend ainsi Boèce (De consolatione..., IV, 6), dans la Somme théologique (livre I, qu.116: Du destin). Providence et Destin sont en effet deux faces d'un même phénomène, vu sous deux angles différents, en particulier en faisant appel à la distinction stoïcienne entre les causes parfaites et principales et les causes secondaires. Chez Boèce, la Providence, assimilable au gouvernement divin du monde, est ainsi la Raison divine qui ordonne toutes choses, tandis que le Destin est l'ordre même qui règle en détail le déroulement du plan divin dans le temps. Thomas reprend la même définition (qu.116) :

«  l'ordonnance des effets peut être considérée de deux façons. En premier lieu, en tant qu'il est en Dieu lui-même, et dans ce cas, l'ordonnance des effets s'appelle providence. En deuxième lieu, en tant que la même ordonnance est considérée dans les causes intermédiaires ordonnées par Dieu pour produire certains effets, il assume alors la rationalité du destin. »

La providence ne s'exerce pas de la même façon sur les êtres raisonnables et les animaux, selon Thomas. Dans le premier cas, elle associe les problématiques de la grâce et du libre-arbitre.

C'est en ce sens que la catéchisme actuel de l'Église catholique romaine donne la définition suivante : « La Divine Providence, ce sont les dispositions par lesquelles Dieu conduit avec sagesse et amour toutes les créatures jusqu'à leur fin ultime ».

La Cité de Dieu d'Augustin récuse, en revanche, le terme de « destin », qui n'est, selon lui, que l'autre nom de la providence, à savoir de la volonté divine et du mode d'intervention de Dieu dans le monde :

« Quant à ceux qui appellent destin, non la disposition des astres au moment de la conception ou de la naissance, mais la suite et l’enchaînement des causes qui produisent tout ce qui arrive dans l’univers, je ne m’arrêterai pas à les chicaner sur un mot, puisqu’au fond ils attribuent cet enchaînement de causes à la volonté et à la puissance souveraine d’un principe souverain qui est Dieu même, dont il est bon et vrai de croire qu’il sait d’avance et ordonne tout, étant le principe de toutes les puissances sans l’être de toutes les volontés. C’est donc cette volonté de Dieu, dont la puissance irrésistible éclate partout, qu’ils appellent destin. »

Au-delà des différences entre les auteurs, la providence désigne ainsi ce qui permet à Dieu, transcendant au monde, d'agir dans le monde : elle est ce qui permet le passage de la transcendance divine à l'immanence du monde.

Cette intervention peut s'effectuer soit par la causalité naturelle, soit par les institutions humaines (notamment le gouvernement), soit encore par le miracle.

Explications

La Providence est l'action de Dieu dans le monde.

Elle agit donc sur ce que l'on appelle le hasard, d'une manière plus ou moins visible (du "il a eu de la chance" au "c'est un miracle !").

La Providence agit aussi par les actions de ses créatures : "aux êtres humains, Dieu donne de coopérer librement à ses desseins".

Cause générale et particulière, providence générale et spéciale

La Providence est difficile à discerner car elle est, selon certains auteurs, présente partout et en tout temps (providentia specialis) ; d'autres, au contraires, affirment qu'elle ne s'exerce qu'en gros, sans entrer dans les détails (providentia generalis).

Ainsi, un peu plus d'un siècle après Alexandre d'Aphrodise (Traité de la Providence), qui critiquait la conception stoïcienne de l'articulation du destin et de la providence, Jérôme (Commentaire sur Habacuc), reprend l'une de ses idées centrales, en précisant que la providence ne s'étend pas à toutes choses: « il est absurde, dit-il, d'étendre la majesté de Dieu au point où il saurait à chaque instant combien de moustiques naissent et combien meurent (...). Nous ne devons pas devenir des vains adulateurs de Dieu au point de galvauder la providence en l'étendant jusqu'à ces questions. » Ce point fait débat: ainsi, certains soutiennent au contraire que la providence divine s'exerce en toutes choses, se fondant, entre autres, sur Matthieu, 10, 29 («Ne vend-on pas deux passereaux pour un as ? Et pas un d'entre eux ne tombera au sol à l'insu de votre Père !»).

Malebranche, contemporain de Descartes, reprend ce débat, en disant que Dieu n'intervient que comme cause générale, et non comme cause particulière, dans les événements météorologiques. De même, il qualifie la causalité naturelle de cause occasionnelle, car la cause véritable provient, selon lui, de la volonté divine :

«  J'avoue qu'il ne faut pas recourir à Dieu ou à la cause universelle, lorsqu'on demande la raison des effets particuliers. Car on se rendrait ridicule, si l'on disait, par exemple, que c'est Dieu qui sèche les chemins, ou qui glace l'eau des rivières. Il fait dire que l'air sèche la terre, parce qu'il agite et qu'il enlève avec lui l'eau qui la trempe; et que l'air ou la matière subtile glace la rivière en hiver, parce qu'en ce temps elle cesse de communiquer assez de mouvement aux parties dont l'eau est composée pour la rendre fluide. En un mot, il faut donner, si on le peut, la cause naturelle et particulière des effets dont il est question. Mais comme l'action de ces causes ne consiste que dans la force mouvante qui les agite, et que cette force mouvante n'est que la volonté de Dieu, on ne doit pas dire qu'elles aient en elles-mêmes de force ou de puissance pour produire quelques effets. »

La providence et le mal

Article connexe : Théodicée.

De plus, les conséquences directes de la Providence ne sont pas nécessairement bonnes. En effet, il est courant que d'un mal sorte un plus grand bien (la première fois qu'un enfant quitte ses parents pour aller à l'école, les larmes ne sont pas loin, mais par la suite, cela lui permet de grandir). Le problème du mal donne ainsi lieu à l'élaboration de la théodicée.

Les actions de la Providence sont perturbées par nos péchés, nos mauvais choix, ainsi que par ceux des anges déchus. Mais "la foi nous donne la certitude que Dieu ne permettrait pas le mal s'Il ne faisait pas sortir le bien du mal même, par des voies que nous ne connaîtrons pleinement que dans la vie éternelle", ce qui mène à l'Espérance (vertu), l'une des trois vertus théologales.

Citations

  • « Quelqu'un disait que la Providence était le nom de baptême du hasard ; quelque dévot dira que le hasard est un sobriquet de la Providence. » (Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes)







 

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