Œcuménisme

Œcuménisme



L’œcuménisme (ou ecuménisme) est un mouvement tendant successivement et selon les périodes de l'histoire :
  • à promouvoir l'unité ecclésiologique des Églises protestantes issues de la Réforme, auquel cas, il s'agit d’unionisme ;
  • à promouvoir des actions communes entre les divers christianismes, en dépit des différences doctrinales affichées par les diverses Églises, avec pour objectif l’unité visible de l’Église, auquel cas, il s'agit d’œcuménisme.

Le terme est issu du grec οἰκουμένη γῆ, qui signifie « l'ensemble de la terre habitée », d'un point de vue didactique, il veut dire : « universel ». Ce terme a donc été utilisé pour désigner un mouvement qui concerne uniquement les chrétiens dans un premier temps, mouvement qu'il ne faut pas confondre avec le dialogue inter-religieux.

Par ailleurs, l'adjectif « œcuménique », dans son sens premier, désigne ce qui concerne l'Église entière. Il est ainsi utilisé par l'Église catholique et l'Église orthodoxe pour désigner un concile auquel tous les évêques et tous les patriarches sont convoqués.

Le fondateur de l'œcuménisme moderne est le luthérien Lars Olof Jonathan Söderblom, archevêque d'Uppsala (Suède) ; il reçut le prix Nobel de la paix en 1929 pour cette activité.

L'œcuménisme se concrétise par l'existence de divers accords, de nombreuses instances de dialogue, mais aussi par un certain nombre de réalisations concrètes, comme des entreprises de traduction commune des textes sacrés ou l'existence d'une semaine de prière commune pour l'unité des chrétiens.

 

Objectifs du mouvement œcuménique

Ce mouvement entend répondre à la prière que l'Évangile selon Jean (Jn 17. 21) attribue au Christ :

« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé. »
« L’unité visible de l’Église constitue l’objectif central du mouvement œcuménique » d'après le Conseil œcuménique des Églises, ce qui implique des relations et dialogues entre les diverses Églises. Le mouvement œcuménique préconise le travail en commun des Églises qui le souhaitent, dans le respect mutuel des diverses institutions.

L’œcuménisme, dans son sens actuel, ne préconise pas l'union de tous les chrétiens en une seule institution ecclésiale ; il ne vise donc pas nécessairement la réunion de toutes les Églises chrétiennes. L'unité visible à rechercher fait l'objet de débats, notamment quant aux perspectives de l'Église catholique romaine sur le sujet. La papauté, telle qu'elle s'exerce aujourd'hui, est en particulier souvent cité comme un obstacle. Mais selon certaines autorités catholiques et orthodoxes, l'élargissement contemporain des différences en matière de doctrine et de morale, en termes de relativisme et de sécularisme, notamment au sein du monde protestant, sont vues comme de graves menaces sur le processus de rapprochement (qui est paradoxalement originaire du monde protestant).

 

Histoire

L'œcuménisme moderne est relativement récent, datant seulement des années 1910. Il semble avoir été plus difficilement envisageable de créer des liens entre les diverses dénominations chrétiennes qu'entre les diverses religions du monde puisque le dialogue interreligieux a débuté dès 1877 et qu'un Parlement mondial des religions se réunit déjà en 1893 à Chicago.

On peut discerner trois périodes dans le développement et la mise en place de telles structures dans l’œcuménisme :
  • de 1817 jusqu'en 1948 (fondation du Conseil œcuménique des Églises)
  • de 1948 à 1962, c'est-à-dire de la fondation du Conseil œcuménique des Églises jusqu'au concile Vatican II qui marque un engagement de l'Église catholique romaine vers ce mouvement
  • depuis 1999 les liens de l'Église catholique avec le mouvement se distendent si on considère les publications et l'attitude de la hiérarchie catholique mais se maintiennent si l'on considère la base des fidèles catholiques.

Deux attitudes successives dominent le mouvement : l'« unionisme » puis l'« œcuménisme moderne ». On a longtemps cru que l'unité des chrétiens se traitait par le rapprochement des doctrines. On a fini par se rendre compte qu'en fait, l'œcuménisme devait d'abord traiter des questions d'ecclésiologie comme le montrent les résultats positifs des travaux sur les sacrements et les ministères.

 

L’unionisme

Les Églises unies

  • 1817 : En Prusse, union entre l’Église calviniste calviniste-réformée et l’Église luthérienne majoritaire à la demande de Frédéric-Guillaume III
  • 1839 : En Belgique, sous le règne du protestant Léopold Ier, roi des Belges, seize consistoires s’unissent dans le Synode de l’Union des Églises protestantes évangélique de la Belgique
Article détaillé : Église protestante unie de Belgique.
  • (...)

 

Débats, discussions, propositions

  • 1873 : le synode des églises réformées de France posa un certain nombre de questions d’ordre œcuménique et eut, à l’époque, un certain retentissement.
  • 1888 : Le « quadrilatère de Lambeth » , d’abord formulé à Chicago en 1886, fut une initiative des églises anglicanes en faveur de l’unité des chrétiens. Il invitait les Églises séparées à se réunir sur la base :
  1. des Saintes Écritures comme parole de Dieu révélée et fondement de la foi ;
  2. du symbole de Nicée-Constantinople, et du symbole des apôtres, comme exposés suffisants de la foi chrétienne ;
  3. les sacrements du baptême et de l’eucharistie ;
  4. de l’épiscopat historique.
Ce « quadrilatère de Lambeth » définit alors les bases des églises anglicanes et de leur Communion.

 

L’œcuménisme

L’unionisme est abandonné avec Willem Visser 't Hooft, théologien hollandais qui deviendra le premier secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises (COE) en 1948. La déclaration d’intention du COE précise qu’il n’est pas une super-Église et n’a pas l’intention d’en devenir une.

 

Le mouvement œcuménique moderne et le Conseil œcuménique des Églises

Article détaillé : Conseil œcuménique des Églises.

 

Les jalons

  • 1910 : plus de 1 200 délégués de 150 sociétés missionnaires protestantes se réunissent à Édimbourg
  • 1948 : fondation du Conseil œcuménique des Églises
  • 1961 : entrées des Églises orthodoxes au COE, expulsion des églises unitariennes qui en étaient membres fondateurs.

 

Les sociétés bibliques missionnaires

Lors de la conférence d’Édimbourg de 1910, la question de l’unité des chrétiens fut urgée spécialement par les délégués des Églises nouvelles, d’Afrique et d’Asie. L’œcuménisme contemporain est ainsi né du problème missionnaire : comment prêcher l’évangile à partir d’Églises séparées, divisées à propos de la doctrine même de l’Évangile pour peu qu’elle en propose une ? Mais il apparut tout de suite que le problème de la séparation des chrétiens avait deux aspects : rivalités dans la pratique; divergences dans l’interprétation.

Trois organismes devaient naître de la Conférence d’Édimbourg :
  1. Le Conseil international des missions qui réunit son premier congrès à Lake Mohonk, en 1921 ;
  2. Vie et Activité, plus communément appelé Christianisme pratique, pour les questions pratiques, qui tint sa première conférence mondiale en 1925, à Stockholm ; ce dernier organisme était animé par l’archevêque luthérien d’Uppsala, Nathan Söderblom (1866-1931) ;
  3. Foi et Constitution, pour les questions doctrinales, sous l’impulsion de l’évêque anglican américain Charles Brent (1862-1929) qui tint sa première conférence mondiale en 1927, à Lausanne.

La création du Conseil œcuménique des Églises proprement dit, le COE, fut retardée par la guerre de 1939-1945 et par l’opposition féroce de l’Église catholique. L’assemblée constitutive du COE se tint en 1948, à Amsterdam. Elle vit la fusion des organismes Vie et Activité et Foi et Constitution. Ce dernier organisme conserve pourtant sa vie propre au sein du COE. Le premier secrétaire général du COE fut le pasteur et théologien Willem Visser 't Hooft, quand il comprit qu’on ne pouvait plus attendre le Vatican.

 

Création officielle du COE

Le COE, dans son document de base, se réfère explicitement à la Bible, depuis 1961 (assemblée plénière de New Delhi). À ce congrès, durant lequel adhèrent les Églises orthodoxes, les églises membres du COE « confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Écritures. ». Cette affirmation d’une confession de foi (non biblique, en fait) provoque le départ des unitariens et la fondation des unitariens universalistes. Au passage, elle relance la querelle christologique mise sous le boisseau en 1948.

 

Assemblées du COE

L'Assemblée est l'organe législatif suprême du Conseil œcuménique. Elle se réunit ordinairement tous les sept ans.
  • Amsterdam, 1948 : « Le désordre de l’homme et le dessein de Dieu. ». Une Base provisoire y est adoptée : « Le Conseil Œcuménique des Églises est une communauté d’Églises qui confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur. »
  • Evanston, 1954 : « Le Christ, espérance du monde. »
  • New Delhi, 1961 : « Jésus-Christ, lumière du monde. ». Cette assemblée voit l’entrée du Conseil international des missions dans le COE.
    Une nouvelle Base théologique ou définition y est adoptée non sans réserve : « Le Conseil Œcuménique des Églises est une communauté fraternelle d’Églises qui confessent le Seigneur Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Écritures et s’efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. ». Sur cette déclaration, l’Église réformée de France (ERF) demanda qu’on n’insiste pas trop sur la trinité car elle ne souhaitait pas exclure sa minorité libérale, le plus souvent unitarienne. La Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) écrivit une lettre indiquant que cette base théologique ne saurait limiter la liberté des pasteurs exerçant dans les cantons relevant de son autorité. De ce fait, les Églises explicitement unitariennes s'en furent fonder les « Unitariens universalistes ».
  • Uppsala, 1968 : « Voici que je rends tout nouveau. »
  • Nairobi, 1975 : « Jésus-Christ libère et unit. »
  • Vancouver, 1983 : « Jésus-Christ, vie du monde. »
  • Canberra, 1991 : « Viens, Esprit Saint ; renouvelle toute la création. »
  • Harare, 1998 : « Tournons-nous vers Dieu dans la joie de l’espérance. » Lors de ce synode un esclandre fut tout près car les Églises orthodoxes disputèrent la cérémonie d’ouverture présidée par une femme pasteur.
  • Porto Alegre, 2006 : « Transforme le monde, Dieu, dans ta grâce. ». Lors de cette assemblée mondiale du COE, une procédure nouvelle de vote pour l’adoption des textes, comme des motions, a été utilisée : le vote par consensus, ou à la quasi unanimité, au lieu des votes à la majorité, simple ou qualifiée, des participants.

 

Structures

L’assemblée plénière élit un comité central de 150 membres auquel elle délègue ses attributions, sous réserve d’appliquer la Constitution du COE, pendant les intersessions. Le COE rassemble aujourd’hui plus de 340 Églises, dénominations et communautés d’Églises, représentant quelque 550 millions de chrétiens répartis à travers le monde. Le siège social du COE est à basé à Genève.

 

Le mouvement depuis 1962

Le COE facilite les contacts bilatéraux qui se sont développés entre les Églises,
  • soit entre les vieux-catholiques et les anglicans,
  • soit à l’intérieur du protestantisme, soit entre le protestantisme et l’orthodoxie,
  • Il octroie un siège d’observateur à l’Église romaine qui n’en est pas membre. En effet, elle revendique une primauté qui n’est pas de mise dans cette assemblée.
Sont pendantes diverses questions :
  • les sacrements,
  • les ministères, c’est-à-dire la reconnaissance mutuelle des ministères,
  • les ministères féminins,
  • la nature des missions.

Malgré cet investissement, sur la question de l’œcuménisme, le monde protestant n’est pas homogène. Les Églises fondamentalistes considèrent l’œcuménisme comme de la prostitution.

Par ailleurs, on peut relever l'existence de tensions au sein du COE entre les protestants, qui prennent en compte la sécularisation et prônent l'adaptation du témoignage chrétien à la société civile actuelle et les orthodoxes, qui ayant peut-être moins besoin de l'organisme qu'à l'époque du communisme, contestent la tendance moderniste de certaines des orientations du COE. En outre, le COE, dont la structure est alourdie par une importante bureaucratie, est confronté à des problèmes financiers qui réduisent la portée d'une vocation qui se veut « prophétique »

 

Églises orthodoxes et l’œcuménisme

Divergences ecclésiologiques

Il est difficile de parler d’une position unique de l’Église orthodoxe, étant donné que chaque Eglise orthodoxe a une position différente note 4, concernant l’œcuménisme. La diversité des positions n’est pas sans rapport avec la structure en soi collégiale et conciliaire de l’orthodoxie, du fait qu’elle est constituée de cinq patriarcats, de quatorze Églises autocéphales.

En ce qui concerne les églises grecques, et jusqu'à la déclaration commune avec Bartholomée de Constantinople en 2000note 5,Églises considèrent généralement que l’Église catholique apostolique romaine est une hérésie (ou, au moins, une hétérodoxie issue du schisme de 1054, et même depuis le concile de Chalcédoine dont elle refusa la conclusion sur la primauté collégiale du patriarcat de Constantinople.

Cette revendication ecclésiologique est justement l’objet principal de conflit avec l’Église catholique. Si tous les orthodoxes s’entendent à reconnaître la primauté d’honneur du patriarche d’occident (le pape de Rome) collégialement avec le patriarche de Constantinople (du fait du concile de 451), ils ne comprennent pas cette primauté comme une primauté unique et juridictionnelle sur les autres évêques. En outre, en matière de doctrine, la règle, dans l’Église orthodoxe, est de ne rien décider seul mais de toujours prendre l’avis de ses pairs et de décider avec eux : « le Saint Esprit et nous avons décidé que… ».

 

Divergences doctrinales

Pour les Églises orthodoxes, les divergences théologiques avec l’Église catholique proviennent de la succession des sept premiers conciles. Les 3e, 4e et 8e conciles œcuméniques furent suivis d’un schisme et de la fondation d’une Église dissidente. Les Églises Orthodoxes ne peuvent reconnaître les conciles que le pape a réunis sans recours aux autres patriarches (et donc, selon l’Église orthodoxe, en absence de la conciliarité qui invite l’Esprit Saint a en inspirer les décisions).

En application de ce même principe, une époque, si éclairée qu’elle puisse se croire, ne doit pas agir et décider sans se mettre en harmonie avec les époques précédentes : c’est le principe de tradition qui régit toute la vie des Églises orthodoxes.

Les orthodoxes considèrent à ce sujet comme nul et non avenu le concile Vatican I, où est affirmé le dogme de l’infaillibilité pontificale, dont ils contestent l’argument. Selon la position orthodoxe, c’est l’Église dans son entier, dans sa conciliarité, qui est infaillible et non la seule personne du pape. Au contraire, les orthodoxes considèrent que l’isolement du pape hors du collège des autres patriarches (suite au schisme mais aussi à l’effondrement de l’Empire romain), est la cause des développements dogmatiques (comme le purgatoire, l’immaculée conception, l’infaillibilité pontificale) que l’Église orthodoxe juge hérétiques

Les Églises orthodoxes, soucieuses de leur collégialité comme de leur autonomie, se retirèrent de l’entreprise de la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) de crainte d’exigences doctrinales. La participation des orthodoxes a été effective mais peu importante du fait qu’il y avait un faible nombre d’exégètes de langue française parmi eux, que le texte de base a été le texte hébreu et non le texte grec de la Septante (qui constitue la version de référence pour tous les orthodoxes), et à cause de désaccords liés à certains choix de traduction et certains commentaires concernant le Nouveau Testament. Toutefois, elles entrèrent en 1961 au COE sous la réserve de l’affirmation trinitaire. Cette affirmation contraignit au départ les unitariens qui avaient été fondateurs du COE.

Un théologien orthodoxe russe Vladimir Soloviev (1853-1900) s’était penché sur la question de l’unité des chrétiens. Il espérait la réconciliation eschatologique, face à la menace de l’Antéchrist, des Églises de Jean (orthodoxe) de Pierre (catholique) et de Paul (protestante) dans lesquelles il voyait trois expressions complémentaires de l’unique foi et de l’expérience de déification, chère à la théologie de Grégoire Palamas. Cependant, ce théologien est peu reconnu, voire très critiqué au sein de l’Église orthodoxe (du fait d’une part de sa sophiologie, d’autre part de ses propos sur l’Église catholique).

 

La question des territoires

La fin du communisme s’est accompagnée d’un renouveau spirituel de l’Église orthodoxe dans les pays de l’Est, comme en Russie, et l’occasion de nouveaux conflits avec l’Église catholique. Le principal motif contemporain de querelle vient de la compréhension orthodoxe de la répartition des diocèses. En effet, certains orthodoxes russes éprouvent l’évangélisation catholique en Russie comme une forme de prosélytisme ne respectant pas le découpage des diocèses. Ce conflit entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique est en rapport avec la critique de la prétention de l’Église catholique romaine à une juridiction universelle, ce qui va à l’encontre de l’ecclésiologie orthodoxe qui voit en elle l’ancien patriarcat de Rome, c’est-à-dire comme n’ayant légitimement comme juridiction que la seule Europe occidentale. En effet, les orthodoxes critiquent cette compréhension qu’a la papauté d’elle-même, non plus comme seulement patriarcat de Rome, mais comme super-diocèse qui engloberait les autres diocèses.

Les Églises orthodoxes ont souvent été le support des revendications nationalistes du temps des empires centraux comme de l’Union soviétique. Dans des pays comme la Roumanie, l’Ukraine, l’Église orthodoxe connut des rivalités avec les Églises uniates - églises de rite oriental mais catholiques romaines -, principalement parce qu’elles avaient été l’instrument idéologique des partages de nationalités entre divers pays. L’attribution des lieux de cultes entre uniates et orthodoxes a fait problème à la suite de l’effondrement du communisme ; ceux-ci, en effet, avait parfois été confisqués par les Églises orthodoxes au hasard des partages de la Pologne, de l’Ukraine ou de l’instauration du communisme. Les églises uniates souffrirent particulièrement de la persécution du christianisme dans les pays communistes, soupçonnées du fait de leur rapport avec l’Occident et Rome d’en être des espions.

Une grande partie des orthodoxes installés en Occident, et notamment en France, à Paris, à Sainte-Geneviève-des-Bois et sur la Riviéra, sont venus avec l’émigration russe « blanche » (partisans du dernier tsar et hostiles à l’instauration du communisme). Il faut aussi prendre en compte la communauté roumaine, laquelle a toujours eu des rapports privilégiés avec la France. Par ailleurs, de nombreux chrétiens orientaux provenant des pays arabes et issus des églises non chalcédonniennes, se sont installés en France, par exemple, de nombreux chaldéens sont installés à Sarcelles près de Paris ou à Bruxelles en Belgique, réfugiés depuis la guerre d’Irak en 2003. Cette diaspora orthodoxe en Europe occidentale n’est sans doute pas sans valeur pour l’œcuménisme en ce qu’elle partage un monde commun avec les Églises catholique et protestantes.

Parfois ce sont les querelles de juridiction entre patriarcats orthodoxes qui rejaillissent sur le bon fonctionnement du dialogue œcuménique, ainsi Moscou se retire en 2008 de la Conférence des Églises européennes en raison d'une querelle d'influence avec Constantinople au sujet de l'Estonie.

 

L'évolution de la perception du dialogue œcuménique

Les évolutions doctrinales rapides vécues par certaines églises de la sphère protestante, notamment sur la question de l'ordination des femmes au sacerdoce ou à l'épiscopat, ou encore sur la question de l'homosexualité, ont été très mal reçues par les églises orthodoxes, et notamment la plus importante, le patriarcat de Moscou. C'est ainsi que le 9 septembre 2010, dans un discours très remarqué, et parfois très mal reçu, le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, tient devant l'archevêque de Cantorbéry Rowan Williams un discours très critique sur l'évolution de la Communion anglicane, parlant de la formation d'un gouffre qui s'élargit entre "libéraux" et "traditionnels", et parle de menaces réelles sur l'ensemble du dialogue entre orthodoxes et anglicans

« Nous avons été frappés par la conviction exprimée [par les leaders anglicans] que même si l'épiscopat féminin devenait effectivement une réalité, les contacts œcuméniques avec les Églises catholique romaine et orthodoxe se poursuivraient. Qu'est ce qui pouvait bien rendre les auteurs de ces documents si sûrs d'eux ? [...]
Des églises anglicanes et protestantes ont abandonné la morale et les valeurs chrétiennes de base en acceptant de bénir les unions homosexuelles et en ordonnant des homosexuels comme prêtres ou évêques. Beaucoup de communautés anglicanes ou protestantes refusent de prêcher ces valeurs dans une société sécularisée et préfèrent s'aligner sur les standards de celle-ci. Notre église doit couper ses relations avec les églises qui piétinent les principes éthiques du christianisme et la morale traditionnelle. »

De fait l'Église orthodoxe russe rompt ses contacts avec l'Église épiscopale des États-Unis d'Amérique en 2003, avec l'Église de Suède en 2005. Les églises orthodoxes dénoncent aussi le risque de voir le conseil œcuménique des Églises devenir un simple forum d’échange d’idées sans fondement théologique spécifiquement chrétien et où « une prière commune deviendrait de plus en plus difficile et en fin de compte impossible ».

L'avènement de Benoît XVI est souvent cité comme le déclencheur d'un réchauffement des relations entre orthodoxes et catholiques, même si les progrès effectifs se déroulent très lentement. Le métropolite Hilarion de Volokolamsk envisage ainsi des formes d'action combinée, qu'il qualifie d'« alliance stratégique », notamment dans le domaine de la lutte contre la sécularisation et celui de la nouvelle évangélisation.

 

L’Église catholique et l’œcuménisme

Jusqu'au milieu du XXe siècle, c'est-à-dire Vatican II, le projet de l'église romaine se définit par l'unionisme, c'est-à-dire par la conversion de toutes les églises, puis des religions non chrétiennes au catholicisme. On nomme ce projet l'unionisme catholique.

 

Avant le Xe siècle

Jusqu’au IXe siècle, il y a bien une Église catholique mais elle ne devient Église catholique romaine qu’à partir du schisme de 1053 (calendrier byzantin) 1054 (calendrier occidental). L’historien devrait donc parler d’Église catholique d’Occident jusqu’à cette date. Pourtant, une opposition existe déjà entre Église d’Occident et Église d’Orient, depuis ce que les occidentaux nomment le brigandage d'Éphèse et que les orientaux nommeraient plutôt une tentative de compromis entre homéens et homoousiens.

Articles détaillés : onothélisme, monoénergisme et Eutychès.

La situation est compliquée par l’existence des Églises des deuxet trois conciles aux marges de l’empire. À l’occasion des guerres lombarde et bulgare de la deuxième moitié du VIIIe siècle, l’Église occidentale s’emploie à réduire l’influence de Byzance à laquelle le premier concile de Chalcédoine a donné la primauté. L’évêque de Rome, nommé pape comme l’évêque de Constantinople et d’Alexandrie, fait appel au Franc Pépin pour repousser les Lombards. Pépin donne le territoire des Lombards à Léon III sous le nom de Patrimoine de Saint Pierre, lui donnant ainsi les moyens de sa politique.

 

XIe et XIIe siècles : Église maronite du Liban

Un évêché est signalé à Tyr en 325 dont le titulaire est Paulin de Tyr. Les chrétiens maronites ne prennent une importance numérique qu’autour des années 400 quand se réunit une communauté autour de Maron (un « saint homme » au sens où Peter Brown emploie ce mot). Suite au concile de Constantinople III, (680–681) les maronites, d'abord monophysites puis monothélites quand cette doctrine devient brièvement la doctrine officielle repoussent l’empereur Justinien II à la bataille de Amioun (695) qui leur donne une identité nationale et une solide dent contre Constantinople. L’évêque local, Jean Maron (parent et successeur du fondateur), considéré comme un pion sur l’échiquier occidental est reconnu par le pape de Rome qui n’exige « aucune condition doctrinale ». Avec l’avancée de la conquête musulmane et sans recours auprès de Constantinople, les maronites se tourneront vers la première puissance susceptible de leur assurer une protection. Lors des croisades, l’Église catholique romaine montre une puissance telle qu’elle peut projeter ses armées en Orient et remporter des victoires. Les maronites demandent donc leur rattachement en 1181 à l’Église catholique romaine lors de la création du comté de Tripoli (1110-1289). Ils abandonnent leur théologie propre mais, au début au moins, gardent leur liturgie propre et leur paramentique. Ainsi est créé le modèle de l’uniatisme.

 

Du XIe au XVe siècle

Les croisades sont une période d’activité intense de l’Église catholique romaine en Orient. 1099 : Création du patriarcat catholique de Jérusalem. La IVe croisade est détournée au profit des vénitiens et la mise à sac de Constantinople, ville phare de la civilisation, creuse le fossé entre chrétiens d’Orient et d’Occident ; la ruine de l’empire d’Orient en de nombreuses principautés, chacune dirigée par un empereur fait le lit de la conquête ottomane. 1245 : envoi de missions de conversion (missionnaires dominicains et franciscains auxquelles les guerres cathares avaient donné une certaine expérience de conversion de l’hérétique) organisée vers les église syriaque de Jacques Baradée et l’Église melkite. Un projet d’union fut présenté au concile de Lyon.

 

1274 : Deuxième concile de Lyon (Grégoire X)

Depuis la création d’un empire latin de Constantinople (suite à la prise de Constantinople par les Croisés en 1204) Michel VIII Paléologue mène une guerre contre les petits empereurs et tente de récupérer Constantinople. Au début, les empereurs latins ont résisté, ces derniers voulant se servir de Constantinople comme d’un poste avancé pour une future croisade contre les Turcs et à plus grande échelle contre les musulmans ainsi que de se rapprocher des fidèles des églises des 7 conciles pour peu à peu, de gré ou de force, leur faire admettre les doctrines et la liturgie latines De leur côté, les Vénitiens veulent acquérir des terres pour enrichir leur commerce. Mais l’Empire latin de Constantinople ne peut jamais remplir sa mission du fait, notamment, de l’absence de renforts, des divisions des principaux chefs francs ainsi que de l’hostilité des habitants. Le premier touché fut l’empire latin, qui, à la veille de la conquête byzantine est ruiné, dénué de troupes, dépossédé des terres de 1204 et abandonné de ses alliés à l’exception de Venise.

Dès la reconquête de Constantinople, Michel VIII Paléologue tente de protéger son royaume contre les entreprises de Charles d’Anjou roi de Sicile. Pour éviter tout risque d’une nouvelle croisade contre l’Empire, il essaie de rétablir de bons rapports avec la papauté et tente de signer une union des deux Églises. Porteurs d’une lettre du basileus, les Grecs lurent au concile de Lyon le symbole de Nicée, avec l’addition occidentale controversée du Filioque, chanté trois fois. Le concile était apparemment un succès, mais n’a pas fourni une solution durable au schisme. Au retour, les théologiens byzantins refusent tant le Filioque que la primauté pontificale.

 

1439-1443 : concile de Florence

Dès le concile de Pise (1409), alors que le Grand Schisme d'Occident n’est pas encore résolu, des théologiens se demandent comment dissoudre la séparation entre christianisme d’Orient et christianisme d’Occident.

Une fois de plus, les Grecs demandent assistance à l’Occident contre la poussée turque ; ceux-ci menacent d’envahir Constantinople. Au concile de Florence, en 1439, ils acceptent la doctrine romaine du Filioque ainsi que la primauté du pape. Leurs motivations ne sont pas uniquement politiques: nombre de théologiens byzantins, c’est-à-dire de l’orthodoxie des 7 conciles, se montrent soucieux de restaurer l’unité avec l’Église latine. Un décret d’union est signé le 5 juillet 1439. Une fois rentrés à Constantinople, ni l’empereur, ni le patriarche non plus que les autres membres de la délégation ne parviennent à faire accepter les concessions issues de l’Union au peuple comme au clergé byzantins. Les Églises orthodoxes non byzantines refusent cet accord. De leur côté, les Occidentaux ne respecteront pas leur partie du contrat. Ils ne lèveront pas le petit doigt lorsque Constantinople tombera aux mains des Turcs en 1453.

Le concile de Florence adopte différents décrets avec plusieurs églises orientales :
  • 6 juillet 1439, bulle Laetentur caeli consacrant l’union avec l’Église grecque de Constantinople
  • 22 novembre 1439, décret Exsultate Deo qui ne s'applique qu'aux Arméniens soumis au Catholicos de Sis en Cilicie. Le décret pro Armenis, fait partie d’une série d’actes similaires promulgués, par Eugène IV
  • 30 septembre 1444 Après la translation du concile au Latran, Multa et admirabilia les Syriens monophysites de Mésopotamie signent leur adhésion
  • 4 février 1442, Cantate Domino ce sont les jacobites monophysites d’Alexandrie et de Jérusalem
  • 7 août 1445, 'Benedictus s'applique aux les Chaldéens et aux Maronites.
Multa et admirabilia et Benedictus sont beaucoup plus courts. Leur partie doctrinale renouvelle les enseignements déjà donnés dans les autres : , trinité chrétienne, filioque, primauté pontificale. double nature Sans aucune base populaire en Orient, ces réunions ne purent durer. Chacune de ces unions donna lieu à un schisme minoritaire dans chacune des églises réunissant ceux qui n'acceptaient pas d'abandonner le monophysisme, le monothélisme ou le miaphysisme. Quelques-uns de ces sous ensembles se trouvèrent dans une situation critique. Les armées d'Occident ne sont d'aucune aide dans le conflit, la Reconquista ayant été déclarée croisade prioritaire par le pontife romain. La chute de Constantinople en 1453 réduit considérablement le devenir de l'union avec les Byzantins.

 

Traité de Tordesillas (1494)

Il partage le monde à conquérir entre l'Espagne reconquise et le Portugal. Le Portugal se lance à la conquête de l'Extrême-Orient et découvre, en Inde, les chrétiens nestoriens qui doivent choisir entre le glaive et la conversion l'évangélisation justifie la colonisation. Les chrétiens de Mar Thoma sont un exemple des malheurs du colonisé puisqu'il connaîtront successivement les missionnaires portugais massacreurs, la conquête britannique britannique en 1795, les jésuites, les luthériens suédois, la mission anglicane de 1816 qui se préoccupa de restaurer l'ancienne théologie syriaque
  • 1499 synode de Diamper qui crée l'église catholique syro-malabare. Les chrétiens de Mar Thomas abandonnent leur théologie non-chalcédonienne. Bien évidemment, une partie des fidèles et du clergé refusent cette union.
1930 union à Rome d'une partie de l'église syro-malankare à l'occasion d'un schisme local Le petit reste est laissée à l'abandon dans une situation difficile entre les musulmans et les hindouistes

 

Du XVIe au XVIIIe siècle en Europe occidentale

Cette période marque une pause dans la reconquête des églises orientales non chalcédoniennes.

 

La Réforme et la Contre-Réforme

Les XVIe et XVIIe siècles furent une époque peu propice à l'entreprise de reconquête. La Réforme protestante et son cortège de guerres de religion maintinrent l'Occident dans ses frontières. Ces guerres instaurent, toutefois, par exemple à la Paix d'Augsbourg de 1555, un nouveau mode de compréhension du Territoire canonique résumée dans le précepte latin Cujus regio, ejus religio et doit se comprendre par « liberté de religion pour le prince qui peut l'imposer à ses sujets ». Ce principe présidera à l'uniatisme développé tout au long du siècle en Europe orientale, comme aux diverses vagues de la colonisation.

Le XVIIe siècle voit naître cependant plusieurs projets de réconciliation dont la correspondance entretenue pendant 11 ans entre l’évêque de Meaux, Bossuet, et le philosophe Leibniz, de confession luthérienne, est un exemple. Elle a été publiée en 1966. Il s'agit d'une discussion de bon ton dans laquelle ni l'un ni l'autre ne sont mandatés pour la moindre diplomatie.

 

La reconquête de l’Europe orientale

Le partage de l'Ukraine et la création du royaume polono lithuanien de 1569 conduisent tout naturellement à l’accord de Brest-Litovsk (1595). Une partie de la hiérarchie de l'église orthodoxe ukrainienne devient l'Église grecque-catholique ruthène, église uniate Cela ne se passe pas simplement : persécutions et autodafé de la part des missionnaires latins, résistance de la part des moines orthodoxes et de l'aristocratie ukrainienne, qui seront le ferment du nationalisme.

Lors d'un partage de la Pologne en1839, le tsar prononcera la dissolution de union de Brest-Litovsk. Le redécoupage des frontières et la création de l'Ukraine et de la Biélo-Russie. L'Église uniate créée en 1595 est dissoute et réunie à l'Église orthodoxe russe non sans fracas et résistance.

 

L’expansion orientale

Au milieu du XVIIe siècle, vers 1656 les missionnaires capucins et les jésuites réussirent à convertir la majorité des Jacobites d’Alep, d'une église des 3 conciles,</ref> si bien qu’en 1656 le premier évêque syrien catholique de cette ville, André Akhijan réunit à l'Église catholique romaine l'Église catholique syriaque. L’Église melkite, une église orthodoxe des 7 conciles d’Antioche, entra dans la communion romaine sous son patriarche Cyrille VI Tanas (mort en 1760).

 

Les Églises catholiques d’Orient

Les Églises catholiques orientales sont aussi désignées d’Églises « uniates » ; ce terme est celui utilisé par les historiens pour décrire une réalité précise tandis que les membres de ces églises affirment qu'il contient une connotation péjorative à l’égard des catholiques concernés.[ Ce qui est souvent qualifié d’« uniatisme » reste une plaie dans les relations entre le christianisme orthodoxe et le Vatican. L’existence de l’Église gréco-catholique de Biélo-Russie fut notamment l’un des principaux obstacles à la venue de Jean-Paul II, le pape voyageur, en Russie
« Le phénomène gréco-catholique est depuis toujours perçu par les orthodoxes comme une agression et le déni de leur ecclésialité, comme s’ils n’étaient pas reconnus par l’Église latine en tant que pleinement chrétiens » (Olivier Clément) 
L’uniatisme est donc l’une de ces manifestations que les orthodoxes comprennent comme une prédation commise par l’Église latine. En particulier, le rôle de la Fondation Pro Oriente fondée à Vienne, (Autriche) en 1964 l’évêque Franz König est fréquemment discuté. Sa création doit favoriser le dialogue entre les Églises non-chalcédoniennes et l’Église catholique. Dans quelques cas, les Églises orientales parlent de phénomènes d’entrisme

Le dialogue entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique romaine est actuellement dans une impasse en ce qui concerne « l’uniatisme ». La session de Balamand en 1993 s’est conclue sur un désaccord. La Commission ne s’est réunie que quelques années plus tard, à Baltimore en 2000 et mais les difficultés perdurent En 2004, c’est la déclaration commune du pape Jean-Paul II et du patriarche œcuménique Bartholomée Ier de Constantinople, où ils indiquent que, malgré certains problèmes et malentendus récents, " la longue pratique du "dialogue de la charité nous aide précisément en ces circonstances, afin que les difficultés puissent être affrontées avec sérénité et ne ralentissent ni obscurcissent le chemin entrepris vers la pleine communion dans le Christ. 

La question de la procession du Saint Esprit mieux connue par l'expression Filioque continue d’être centrale entre Églises catholique et orthodoxes, vu l’utilisation qui en fut faite au cours de l’histoire. Est en cause l’introduction du Filioque dans le credo occidental (L’Esprit qui procède du Père et du Fils), qui fut proposée sous le règne de Charlemagne, et faite de manière unilatérale dans le Credo romain au XIe siècle. Très mal perçue par les Églises d’Orient, la double procession est un lieu de discorde depuis lors. On peut penser que ce débat serait facilement résolu aujourd’hui si le climat entre les deux Églises n’était pas si tendu.

 

XIXe siècle

L’« unionisme » catholique au XIXe siècle

Les papes n’avaient jamais perdu l’espoir de refaire l’unité de la chrétienté, dont ils estimaient avoir la charge. Le XIXe siècle, en particulier, fut la grande époque de l’intransigeantisme qui enjoignait aux autres confessions chrétiennes le retour à l’unité romaine.

D’un autre côté, Pie IX invita les évêques grecs et autres orientaux, à participer au Ier concile du Vatican (1869-1870), celui où sera proclamée l’infaillibilité pontificale, et il récolte, de façon assez cohérente avec la collégialité orthodoxe, une fin de non-recevoir.

Le pape Léon XIII, surtout, fut le chantre de l’unionisme. Il encouragea la prière pour l’unité des chrétiens, sous forme de neuvaine préparatoire à la Pentecôte. Dans l’encyclique Satis cognitum (1896), sorte de charte de l’unionisme, et dans 35 autres documents consacrés à la cause de l’unité chrétienne, il invitait les catholiques à la plus grande charité envers tous les chrétiens, et plus largement envers tous les hommes de bonne volonté.
L’Église catholique restera longtemps réticente au mouvement œcuméniste, sanctionnant même souvent les artisans qu’elle pouvait compter en ses rangs.

Ce n’est qu’à partir du pontificat de Jean XXIII (en 1958) et avec le concile Vatican II (1962-1965) que l’Église catholique a radicalement changé d’attitude et s’est officiellement et sérieusement engagée dans l’œcuménisme, dans l’optique de recherche de l’unité des chrétiens.

Le texte le plus important à cet égard est le décret Unitatis Redintegratio (Restaurer l’unité) du concile Vatican II (24 novembre 1964).

Cet engagement œcuménique de l’Église catholique a été réaffirmé par l’encyclique Ut Unum Sint du pape Jean-Paul II, en 1995.

Le Conseil pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens est au service de cet engagement. Il fut créé à Rome par le pape Jean XXIII en 1960, sous le nom de Secrétariat du Conseil de l'Unité chrétienne.

 

L’encyclique Mortalium animos de Pie XI

Le magistère romain a souvent manifesté une grande réticence à l’égard des premières assemblées œcuméniques, soupçonnées de « panchristianisme ». Dans l'encyclique Mortalium Animos (1928), Pie XI interdisait absolument aux catholiques d’y participer. « On comprend donc, Vénérables Frères [disait-il en s’adressant aux évêques], pourquoi ce Siège Apostolique n’a jamais autorisé ses fidèles à prendre part aux congrès des non-catholiques : il n’est pas permis, en effet, de procurer la réunion des chrétiens autrement qu’en poussant au retour des dissidents à la seule véritable Église du Christ puisqu’ils ont eu jadis le malheur de s’en séparer » Cette encyclique, qui répondait ainsi à l'invitation faite pour les travaux de la commission œcuménique Foi et Constitution. revenait à dire qu’il ne pouvait y avoir de véritable œcuménisme que par la réintégration des Églises issues de la Réforme dans le sein de l'unique véritable Église. Cette encyclique provoqua le départ du père Lev Gillet de l'Église catholique non œcuménique pour devenir desservir une église orthodoxe, tout en restant prêtre catholique.

Ainsi l'Église catholique n'a envisagé l'œcuménisme qu'à partir de 1928, et sans s'intégrer dans le mouvement en cours dans les milieux protestants, préférant développer sa spécificité. Yves Congar o.p. témoigne qu'elle fait tous les efforts possibles pour empêcher la création du COE en 1948. Selon elle, le terme œcuménique est repris de l’adjectif usuel dont on qualifiait les conciles universels de toutes les Églises chrétiennes particulières, depuis le premier d’entre eux : le concile de Nicée en 325. Il signifie « de toute la terre habitée ». C'était un temps où les Églises étaient régionales et indépendantes sans autre centralité que celle que leur donna Constantin Ier, que Paul Veyne a pu qualifier de « président de l'Église » pour souligner son rôle en matière de doctrine comme en matière d'organisation de l’Église.

 

Travail d'individualités

Cependant, même du côté catholique, les efforts de certaines personnalités en vue de l’unité chrétienne ne cessèrent jamais complètement. Le lazariste Fernand Portal, avec son ami le vicomte anglo-catholique Lord Halifax, tente dès les années 1890 un rapprochement entre les églises anglicanes et catholiques mais ces efforts sont brutalement interrompus en 1896 par la bulle Apostolicae Curae de Léon XIII. Portal et Halifax poursuivent sur la voie qu'ils se sont tracée et le lazariste, soupçonné de modernisme est condamné au silence en 1908 par le secrétaire d'État du Vatican, Rafael Merry del Val.

En décembre 1921, les deux hommes, bénéficiant du soutien du cardinal Mercier, primat de Belgique lanceront néanmoins ce qui sera connu comme les Conversations de Malines. Ce seront 5 rencontres entre des théologiens et membres des clergés anglicans et catholiques romains. Présidées par le cardinal Mercier dont la dernière se tiendra en avril 1925. L'expérience s'achèvera suite aux décès consécutifs du cardinal Mercier et de monsieur Portal en 1926 mais aussi par l'arrêt de l'élan œcuménique que constitue la publication de Mortalium Animos en 1928.

En 1935, c'est le début à Lyon de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, à l’initiative de l'abbé Paul Couturier. Ce sont en 1937 les premiers jours du Groupe des Dombes (voir plus bas).
Ce sont encore les travaux pionniers de certains théologiens catholiques : les Français Henri de Lubac et Yves Congar, l’Allemand Karl Adam entre autres, dont les deux premiers furent longtemps inquiétés justement pour ces travaux d'ouverture.

Cependant, en 1950, Pie XII, faisant usage du privilège de l’infaillibilité, proclame le dogme de l’Assomption, proclamation qui scandalise les protestants - dans la mesure où ce dogme n’a aucune référence biblique -, et gèlera durablement les relations œcuméniques naissantes déjà oblitérées par la publication, en septembre 1949, de l’Instruction Ecclesia catholica, qui restreignait la participation des catholiques aux activités du mouvement œcuménique. L’instruction du Saint-Office Ecclesia catholica jugeait entre autres que le désir de l’unité relevait d’une « inspiration de la grâce du Saint-Esprit ».

 

Le Concile Vatican II et ses suites

Un élan nouveau


Il fallut attendre l’avènement du pape Jean XXIII (en 1958) et l’annonce du concile Vatican II (1962-1965) pour voir l’Église catholique s’engager pleinement dans l’aventure du mouvement œcuménique. Des observateurs non catholiques furent invités au concile. Un Secrétariat pour l’unité des chrétiens était créé, qui deviendra Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens sous Jean-Paul II.

Le concile promulgua des documents majeurs pour l’œcuménisme : Unitatis Redintegratio (décret sur l’œcuménisme) ; Nostra Ætate (sur les religions non chrétiennes) ; Dignitatis humanae (sur la liberté religieuse). Mais l’ensemble de ses travaux revêtait une finalité nettement œcuménique : réforme liturgique, définition de l’Église comme peuple de Dieu et comme koinonia, communion.

Les successeurs de Jean XXIII, soit à Rome, soit au cours de leurs nombreux voyages à travers le monde, ont multiplié les contacts avec les dirigeants des autres Églises. Les conférences épiscopales sont membres des Conseils d’Églises, qui se sont formés dans la plupart des pays. Les fidèles catholiques eux-mêmes participent pleinement aux travaux, ainsi qu’aux prières, des congrès interconfessionnels et des rencontres œcuméniques.

 

Les catholiques traditionalistes

Certains catholiques contesteront le concile Vatican II, soit pour des raisons doctrinales (reconnaissance de la liberté religieuse par le Concile, œcuménisme, où l'on retrouve aussi, selon le témoignage de Yves Congar o.p. quelques implications politiques professées depuis longtemps par quelques-uns de ceux qui firent scission, quelques-unes ultramontaines, maurassiennes), soit en raison de leur attachement à la célébration en latin et selon le missel romain de saint Pie V. Une de leur tête de file, Mgr Marcel Lefebvre, fondateur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X rompra avec Rome en 1988 en ordonnant des évêques malgré l’interdiction qui lui était faite (il sera par là-même excommunié latae sententiae).

Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ont cherché, en donnant diverses autorisations, notamment en matière de liturgie, à rétablir l’unité avec certains fidèles et prêtres traditionalistes. Une partie de la Fraternité Saint-Pie-X a fait scission pour se rallier moyennant quelques privilèges, sous le nom de Fraternité Saint-Pierre

 

Visites œcuméniques et rencontres du pape Paul VI après Vatican II

  • En 1964, rencontre à Jérusalem entre le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras de Constantinople, et le 7 décembre 1965 la levée des excommunications réciproques du XIe siècle, comme « geste de justice et de pardon réciproque ».
  • En 1966, rencontre entre l’archevêque de Cantorbéry Michael Ramsey et le pape Paul VI, et la création de la Commission internationale anglicane catholique romaine (ARCIC). Ces dialogues entre l’anglicanisme et l’Église catholique romaine ont produit des accords doctrinaux.
Voir ci dessous : accords catholico-anglicans
  • En 1969, Paul VI va rencontrer le Conseil œcuménique des Églises.

 

Les difficultés persistantes

  • La sotériologie des protestantismes peut se résumer (tenant compte de l'existence de variantes) par Seul Dieu sauve. Celle du catholicisme considère l'Église comme instrument de salut
  • Le rôle et le sens de la papauté, qui constitue un obstacle
  • La reconnaissance mutuelle (mais symbolique, car les Églises protestantes n'attendent aucun adoubement) des ministères est une pomme de discorde avec les Églises protestantes, de même que les mots vifs du Cardinal Joseph Ratzinger à l'endroit de leurs institutions, laissant supposer qu'une seule Ecclésiologie, épiscopalienne et hiérarchique serait la bonne.
  • La question de l'hospitalité eucharistique fait également débat. Les Églises protestantes historiques (celles de la Concorde de Leuenberg, voir ci-dessous) admettent généralement facilement les autres chrétiens à la communion, tandis que les Églises catholique et orthodoxes sont très restrictives, une même communion dans les sacrements supposant selon leur doctrine une même communion dans la foi. La période actuelle, où les principes sont réaffirmés avec fermeté, déçoit les milieux œcuméniques protestants, qui attendaient plus d'ouverture dans la suite du concile Vatican II.
  • En 2000, la déclaration Dominus Jesus, de la congrégation pour la doctrine de la foi, insiste fortement sur l'unicité et l'universalité salvifique de Jésus-Christ et de son Église. Elle fut écrite à l’initiative du cardinal Joseph Ratzinger et du secrétaire de la congrégation pour la doctrine de la foi Tarcisio Bertone. Elle fut très mal reçue dans les milieux œcuméniques, notamment du fait que les communautés ecclésiales issues de la Réforme n’étaient pas considérées comme des Églises au sens propre du terme, et à cause d’une interprétation assez restrictive des textes du concile concernant l’œcuménisme.

 

Bilan

Dans son encyclique Ut unum sint, le pape Jean-Paul II affirme l'engagement œcuménique irréversible de l'Église catholique : « Au Concile Vatican II, l'Église catholique s'est engagée de manière irréversible à prendre la voie de la recherche œcuménique, se mettant ainsi à l'écoute de l'Esprit du Seigneur qui apprend à lire attentivement les « signes des temps ». Les expériences qu'elle a vécues au cours de ces années et qu'elle continue à vivre l'éclairent plus profondément encore sur son identité et sur sa mission dans l'histoire. L'Église catholique reconnaît et confesse les faiblesses de ses fils, consciente que leurs péchés constituent autant de trahisons et d'obstacles à la réalisation du dessein du Sauveur.»
Si les signes de bonne volonté se sont multipliés, le pontificat de Jean-Paul II reste contrasté sur le sujet notamment par la pratique d'une forme de mise en exergue de la fonction papale - un des principaux obstacle à l'œcuménisme - et de la reprise en main disciplinaire, morale et doctrinale par les autorités vaticanes.

Ainsi, selon certains observateurs, la période actuelle marque des formes d'essoufflement de l'élan œcuménique, et certains sont déçus de la lenteur des progrès dans la voie de l'unité des chrétiens qui est en quête d'un troisième souffle. Il est bien sûr trop tôt pour tenter de faire une histoire complète de l'œcuménisme et seul l'avenir permettra de connaître et d'analyser les succès et les limites de la période présente.










 

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