Clergé réfractaire

Clergé réfractaire


Clergé réfractaire
Noël Pinot


On donne le nom de Clergé réfractaire ou d'Insermentés aux ecclésiastiques hostiles à la Constitution civile du clergé, lors de la Révolution française.

Une part d'entre eux fut exilée, massacrée ou déportée ; de nombreux autres entrèrent dans la clandestinité, pour continuer d'assurer, autant que possible, leur apostolat.

Qui sont les prêtres réfractaires ?

Les débuts de l'anti-christianisme révolutionnaire

 

Le philosophe irlandais Edmund Burke. Il nota dès 1790 :

« Ces messieurs, peut-être, ne croient pas beaucoup aux miracles de la piété. Mais on ne peut douter qu'ils n'aient une foi imperturbable dans les prodiges du sacrilège. »
Réflexions sur la Révolution de France.

 

Dès 1790, l'irlandais Edmund Burke dénonçait la « foi imperturbable dans les prodiges du sacrilège », de la part de la révolution. Dès le départ du mouvement, on assiste, en effet, à une série de mesures prises contre l'Église catholique, en France, dès 1789-1790 : suppression de la dîme, interdiction des vœux religieux...

La Constitution civile du clergé

En juillet 1790, est promulguée la Constitution civile du clergé, qui soumet l'Église catholique au pouvoir civil, ainsi que le serment civique de 1785 « à prêter dans la huitaine  ». Le roi Louis XVI n'y met pas de veto, malgré la demande expresse de la papauté.

Le clergé réfractaire désigne alors ce clergé clandestin ayant refusé de prêter serment.

S'ensuit rapidement la répression contre ces prêtres et leurs protecteurs.

Les lois répressives de 1792

En décembre 1791, Louis XVI met son veto à la loi du 29 novembre 1791 qui refuse aux prêtres non-jureurs la liberté de culte, puis en mai 1792, la loi du 27 mai qui ordonne la dénaturalisation de tous réfractaires dénoncé par 20 citoyens ou par un seul en « cas de trouble ».

Malgré l'émeute du 26 juin 1792, il le maintient et quelques arrestations ont déjà lieu, comme le 17 juin 1792, en Maine-et-Loire, le 19 en Côte d'Or, le 20 à Mayenne ou, encore, le 28 dans le Morbihan.

Cependant, la rupture avec la monarchie du 10 août 1792 va permettre leur application officielle, et les premiers massacres commencent : le 14 juillet, un prêtre est tué à Limoges, neuf dans le Var ; le 15, deux à Bordeaux, dont un rédacteur de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ...

Le 26 août 1792, les prêtres réfractaires, qu'on peut estimer au nombre de 75 000, doivent « quitter la France dans le délai de 15 jours ». A cette occasion le député Isard affirme :
« Il faut renvoyer ces pestiférés dans les lazarets de Rome et de l'Italie. »

La répression

La propagande révolutionnaire anti-catholique qualifie les réfractaires de fanatiques, anti-républicains et intolérants, insoumis et de mauvaise conduite.

Les mesures répressives

L'interdiction du culte chrétien (novembre 1793 - mars 1795)

Après avoir, en novembre 1793, déclaré les prêtres inaptes à tout service civil public, les églises sont fermées ou transformées en temple de la Raison, de Brutus, de Marat...

Des autodafés de livres, œuvres d'arts, vases sacrés, ornements du culte sont organisés.

Cette interdiction prend fin le 17 février 1795, grâce au combat des Vendéens qui obtiennent la signature du Traité de la Jaunaie, à Saint-Sébastien-sur-Loire. La Révolution se voit donc obligée de rétablir la liberté de culte.

Même le culte privé est interdit, comme le prouve, par exemple, l'arrestation en septembre 1798 de deux jardiniers nantais pour « avoir replacé, fixé, et attaché, dans la ci-devant chapelle dont ils sont propriétaires, les signes particuliers d'un culte. ».

Le dimanche est supprimé au profit du decadi révolutionnaire et interdit. L'historien Jean Dumont rapporte un texte de loi selon lequel ceux qui l'observent seront fichés sur la Liste des citoyens fainéants et suspects de la commune, et menacés de réclusion, ou autre, selon le vœu des Comités de surveillance.

Les cachettes

 

Le "Chêne à Guillotin" où l'Abbé Pierre-Paul Guillotin trouva refuge durant la Révolution


Le clergé, dit insermenté (et non assermenté), soutient, parfois, la chouannerie bretonne, et continue à assurer les sacrements, mais est souvent victime de dénonciateurs et l'objet de recherches assidues, doit se cacher.

Fermes, châteaux, campagnes, montagnes et grottes sont de bons refuges : La Feuillée, Cléden-Cap-Sizun, Brissac (Baume de Mr Raymond), ainsi que les gorges (Don, dans le Cantal) et les arbres creux dans les bois.
Villes et villages se scindent : pour le Maire et le clergé constitutionnel ou pour le Curé réfractaire. Dans le journal Le Cantaliste, l'on raconte que les dévotes de Sènezergue avaient dressé une potence pour le prêtre assermenté censé remplacer leur curé. « Mais l'honorable municipalité et nos braves frères d'armes de Sènezergues, qui aimaient au contraire les curés jureurs qui se soumettaient à la constitution, forcèrent ces béates à arracher avec leurs mains bénies le poteau et à payer une amende de 12 livres ». Cette histoire est une exception : la vie du prêtre réfractaire, s'il était dénoncé et retrouvé, se terminait souvent par la guillotine.

Les messes se disent dans les bois ou dans des maisons privées. Les réfractaires étaient donc sans cesse surveillés et inquiétés : « Certains prêtres acceptent d’être exilés en Espagne, Savoie, Suisse ou Italie, d’autres sont déportés sur les pontons de Rochefort ou à Bordeaux, d’autres encore sont condamnés à mort et exécutés. Enfin certains sont emprisonnés dans les geôles de la région ». Ils sont déportés dans les bagnes de Nouvelle-Calédonie et en Guyane française. Différents décrets les condamnent, en novembre 1791 et en avril 1792 (déportation). Louis XVI met son veto à ce dernier décret. Le 1er mai 1795, obligation est faite aux prêtres anciens déportés de quitter la France dans le mois, puis d'exercer des fonctions administratives. Beaucoup se réfugient à Jersey, dépendante de l'Angleterre, comme Pierre-Adrien Toulorge. Certains deviennent célèbres, comme l'Abbé Jean-Baptiste Pialat, qui attire 8 500 fidèles (dont 300 communiants) à la messe des Rameaux, en 1795, à la ferme de Sauzet, près de Sainte-Bauzille-des-Putois. Il dénonce, avec le clergé d'Alès, les prêtres assermentés, élus à la place des réfractaires et choisi par des laïcs, « protestants, juifs, mahométans, apostats et mauvais catholiques, chose inouïe dans l'Église de Dieu ».

Les victimes de la répression

 

Monument en hommage aux Prêtres de la Déportation (1793-1794), où figure une liste de 250 noms. Île-d'Aix

Les principales prisons et lieux de déportation étaient :
  • Nantes
  • Rochefort
  • Île Madame
  • Île d'Aix
  • Île d'Oléron (fort)
  • Île de Ré (fort)
  • Guyane
Les premières déportations ont lieu de septembre 1792 à l'automne 1794 et, plus massivement, de 1796 à la fin de la Révolution, puis sont étendues aux prêtres étrangers.

Il est difficile d'établir un bilan général des victimes cléricales de la répression. Quant à dénombrer les fidèles, c'est encore plus difficile, car la majorité des condamnés étaient catholiques. Néanmoins, on est sûr que le chiffre est très élevé. Selon Reynald Sécher, pour la seule guerre de Vendée, le minimum le plus strict des victimes des colonnes infernales est de 100 000 Vendéens, le nombre exact approchant les 600 000 (selon P. Chaunu).

La déportation a lieu, souvent, dans des conditions épouvantables, les déportés étant privés tant de nourriture que de sommeil, ou même de litière.

Ainsi sur les 120 déportés à Cayenne, 119 mourront durant le voyage.

Rôle dans la vie religieuse

Ces prêtres clandestins jouèrent un grand rôle dans la vie religieuse : Anne-Marie Javouhey deviendra leur auxiliaire, auprès des mourants, ou pendant les messes et les premières communions alors clandestines, pour garder le linge d'autel et les ornements, enfin grâce à l'Abbé Ballanche, comme catéchiste. Le Père Guillaume-Joseph Chaminade exerce son ministère à Bordeaux, parfois déguisé en rétameur, avant de s'exiler trois ans à Saragosse en Espagne. Le Curé d'Ars doit les sacrements, et sa vocation, à Charles Balley, génovefain, qui exercera son ministère clandestinement à Lyon sous le nom de Carlos avant de devenir vicaire d'Écully. Pierre Coudrin se cachera plusieurs mois dans le grenier d'un château avant de fonder la congrégation des Saints Cœurs de Jésus et Marie.

Les Registres paroissiaux

On peut noter l'apparition de nombreux registres paroissiaux clandestins : baptêmes, mariages se font clandestinement, chez les familles des victimes en particulier. À Betton par exemple, petit village breton, baptêmes et des mariages s’arrêtent le 2 février 1793. Le prêtre Bligne Joseph a été assassiné dans la nuits du 26 au 27 Messidor de l’An II. La dernière sépulture est mentionnée en fin 1792. Des cahiers secrets vont remplacer les registres officiels, les offices et les actes religieux seront pratiqués par des prêtres réfractaires, « cachés dans des fermes, ces derniers, prolongeant tous les actes de leur ministère, entretiendront un registre clandestin » : 402 baptêmes et 62 mariages célébrés en dehors de l’église officielle, sur quatre vingt huit feuillets estampillés par l’Evêché de Rennes.

«  Le même sort éloit réserve aux fidèles chez lesquels des prêtres étaient saisis. M. Le Loup de La Biliais, conseiller honoraire au parlement de Bretagne, accueilloit avec charité dans son château les prêtres cachés. On s'empara d'un portefeuille contenait un assez grand nombre d'actes de baptêmes et de mariages. Sur cet indice qu'un prêtre réfractaire avoit été reçu au château, Carrier le fit traduire au tribunal criminel de Nantes, où il fut condamné à mort comme receleur de prêtres. Fort de son innocence, de La Biliais marcha au supplice avec le courage d'un homme de bien, et le subit d'une manière digne de la cause sainte pour laquelle il étoit condamné. Sa femme et ses deux filles partagèrent plus tard le même sort  »
— L'Ami de la religion, Volume 128

Quelques exemples concrets

L'abbé Charles-Jean Bonvoust

Le plus célèbre de ces prêtres réfractairesest sans doute l'Abbé Charles-Jean Bonvoust un prêtre (ou un religieux bénédictin) de Rouville du pays de Caux ou du diocèse de Brie, caché en octobre 1790 dans le manoir de Beaumoncel dans le village de Camembert chez Jacques et Marie Harel dans la Vallée d'Auge, qui enseigna à Marie Harel pour la remercier la recette du célèbre fromage de ce nom, (c'est-à-dire l'amélioration de la recette qui ajoute au fromage une appétissante "croutte" ) fromage découvert par Napoléon III le samedi 8 août 1863, au cours d’un diner donné à son honneur à la sous préfecture d’Argentan et depuis célèbre. On sait peu de choses sur l'Abbé Bonvoust : l'Abbé Guibe, curé de Camembert, écrit dans un bulletin paroissial, en 1947 : " Pendant la période révolutionnaire, douze prêtres ont signé des actes que j'ai retrouvés. Parmi ceux-ci se trouve Charles-Jean Bonvoust, bénédictin, prieur de Rouxville. D'après les actes qu'il a signés, il a été caché à Camembert, au mois de juillet 1796 à février 1797  ».

L'abbé de Cleden-Cap-Sizun

« Suite aux dénonciations de Monsieur PELERIN, un notaire résidant à Cléden, le directoire ordonne la recherche des prêtres refusant d'accepter la constitution et continuant malgré tout à exercer. Instruit qu'il y a des rassemblements de prêtres perturbateurs dans l'ancien presbytère de Lamboban et dans le manoir de Kerazan, l'un et l'autre situés en Cléden, considérant que ces deux maisons sont des maisons nationales et que suivant l'article 6 de la loi du 20 juillet 1791, les officiers, sous-officiers et gendarmes sont tenus de faire la visite des maisons particulières à la réquisition des propriétaires locataires ou fermiers, requiert le sieur Jouan de partir sur le champ à la tête de sa brigade pour la visite des dites maisons et y arrêter et conduire au Directoire tous les ecclésiastiques soit en costume, soit déguisés qui pourraient s'y trouver, le charge de rendre compte de sa mission et le rend responsable de l'exécution du présent . Mais les prêtres furent rapidement prévenus et le lieutenant Jouan de la brigade de Pont-Croix n'en trouva aucun dans les lieux énoncés précédemment. Les ecclésiastiques se cachaient, les uns à Plogoff dans des grottes, dont la fameuse grotte des prêtres, d'autres sur la commune de Cléden. L'abbé PARCHEMINOU3 cite notamment l'abbé KERISIT qui avait trouvé un abri derrière un talus à 400 mètres environ au sud du village de Kerlaouen. Un autre, l'abbé GLOAGUEN, aurait trouvé refuge dans une maison de four à Brézoulous25. »

Un exemple de résistance dans la paroisse de Locoal-Mendon

Dans un état du 29 octobre adressé au ministre, Baunard, commissaire à Auray, écrit en effet :
« Locoual : Allano, curé dangereux, avec connaissance, venu d'Espagne. Ces vaillants ecclésiastiques étaient hébergés dans les familles Le Bayon et Bruzac qui tenaient les fermes de La Forest. Les deux sueurs des abbés Allano, retirées elles-mêmes en ce lieu, se chargèrent de subvenir aux besoins et à la sécurité des persécutés. Il y avait à Belz un poste de soldats républicains et ceux-ci firent souvent des perquisitions à Locoal. Mais comme une route unique donnait accès à l'île, il était facile de signaler l'arrivée des « Bleus ». Dès qu'ils apparaissaient, un homme du hameau de Saint-Jean donnait l'alarme, et les prêtres se mettaient à l'abri dans des grottes voûtées (qui ont disparu), ou bien dans des fosses creusées à même le sol et recouvertes de fagots, ou encore dans d'ingénieuses cachettes des bâtiments de ferme.Plusieurs traditions locales relatives aux incursions des « Bleus » à la Forest ont été conservées par la population. En voici une, consignée dans les archives paroissiales : « Une petite domestique, âgée de 15 ans, gardait seule le presbytère, et, un jour, plutôt que de trahir, elle se laissa traîner par les cheveux ou la corde au cou, tout autour de la maison. Sans l'intervention d'un soldat plus humain que les autres, elle aurait payé de sa vie son dévouement Pas une trahison ne fut constatée à Locoal pendant cette triste période. Seule la magnifique croix de la paroisse, toute en argent, fut livrée aux Révolutionnaires on ne sait par qui ; on n'en pu sauver que le pied, fondu plus tard pour faire un ostensoir et un ciboire ». On raconte également que les Bleus interrogeaient les petits bergers de la Forest : « Émen é ma kuhet er véleion ? » (Où sont cachés les prêtres ?). Et ils faisaient briller à leurs yeux de belles pièces d'argent. Mais, pour toute réponse, ils n'obtenaient que ces mots : « Ne houiam ket ni ataù » (Nous ne savons rien, nous). »
« Les prêtres fidèles réfugiés à la Forest se tenaient à la disposition des chrétiens de la région. Messes, mariages, baptêmes étaient célébrés dans les bâtiments de la ferme que l'on peut encore voir.(...)  »

Un exemple de procès aux Brouzils

Dans la ville de Les Brouzils près de Montaigu, en Vendée, un curé François Houssin, est découvert avec trois confrères la veille de Noël 1794. Il avait continué son ministère comme prêtre réfractaire, se cachant: « Sur la chemise de l’interrogatoire, à la suite des noms des quatre prêtres, se lisent les mots » : « Pour la Guillotine  » Il est accusé d’avoir enfreint la loi relative à la déportation des prêtres réfractaires, d’avoir eu des intelligences avec les Brigands de la Vendée en conséquence La Commission militaire condamne Houssin, ci-devant curé de Notre-Dame des « Brouzilles », prêtre non assermenté, à la peine de mort. François Houssin est donc guillotiné sur la place du Ralliement à Angers le 1° janvier 1794.

Prêtres réfractaires canonisés

De nombreux prêtres réfractaires ont été canonisés, ou ont été martyrs. On peut citer :
  • St Noël Pinot
  • St Mathieu de Gruchy 
Source









 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire