Sainte Camilla Battista Varano

Sainte Camilla Battista Varano († 1524)
sœur clarisse fondatrice du monastère de Camerino 


Sainte Camilla Battista Varano, sœur clarisse fondatrice du monastère de Camerino († 1524)



Sainte Camilla Battista da Varano, née le 9 avril 1458 et décédée le 31 mai 1524 à Varano, dans les Marches (Italie), est une religieuse de l'ordre des clarisses.

Elle a laissé une œuvre mystique, centrée sur la Passion du Christ et influencée par l'humanisme de la Renaissance italienne.

Elle a été canonisée en 2010 par le pape Benoît XVI.

Sa fête se célèbre le 31 mai.


Biographie

Origines

Panorama de Camerino, cité natale de la sainte


Camilla est née le 9 avril 1458 à Camerino (actuelle province de Macerata), dans la Marche d'Ancône, à l'ombre des Apennins.

Elle est la fille illégitime de Giulio Cesare da Varano, duc de Varano, seigneur de Camerino et chef d'un petit État indépendant.

Suivant la coutume du temps, le duc de Varano a guerroyé à la solde de certains papes, et, à la faveur de combinaisons matrimoniales, s'est apparenté à d'importantes familles régnantes de diverses cités italiennes.

En plus des trois enfants qu'il tient de sa femme, Giovanna Malatesta, Giulio Cesare compte au moins six enfants naturels, parmi lesquels Camilla, née de Cecchina di mastro Giacomo, semble avoir été la préférée.

Introduite à la cour des Varano, elle est élevée dans le luxe du palais paternel, où elle reçoit la formation caractéristique d'une jeune aristocrate de la Renaissance : étude du latin, de la peinture et des classiques de la culture humaniste, mais aussi éducation courtoise, ce qui comprend l'équitation, la musique et la danse.

À travers ces activités, elle révèle un caractère bien trempé et donne libre cours à son goût de la vie et du plaisir.

 

Vocation religieuse

Vocation franciscaine d'une fillette... (par le Pérugin)


Vers l'âge de dix ans, une autre orientation s'impose toutefois à son esprit.

À la suite de la prédication des FF. Domenico da Leonessa et Pietro da Mogliano, franciscains de l'Observance, elle s'engage à honorer, chaque vendredi, d'une lacrimuccia ("petite larme") la Passion de Jésus.

Cette dévotion à la passion du Christ accompagnera toute son existence : c'est elle qui lui inspire le désir d'entrer en religion, malgré toute l'horreur que la vie religieuse lui inspirait auparavant, mais aussi le courage d'affronter son père, qui avait conçu pour elle de brillants projets de mariage.

Ainsi, en 1481, elle entre au monastère des clarisses d'Urbino, où la règle de Claire d'Assise est suivie dans toute la rigueur voulue par le mouvement de l'Observance.

Elle y recevra le nom de Suor Battista, se dédiant à la prière et à la composition d'œuvres religieuses, en langue vulgaire et en latin.


Exil et retour

Franciscanisme et humanisme... (par Le Pérugin)


Le 4 janvier 1481, elle quitte Urbino pour Camerino, où son père a construit un monastère à son intention.

Accompagnée de huit religieuses et portant une croix sur ses épaules, elle prend possession du lieu dont elle deviendra l'abbesse.

En 1501, cependant, le pape Alexandre VI Borgia excommunie le duc de Varano pour des raisons financières, ce qui prive celui-ci de ses droits seigneuriaux.

Au service de la politique de son père, César Borgia cherche à annexer Camerino aux États pontificaux.

C'est ainsi qu'en 1502, il provoque dans la cité une révolte, à l'occasion de laquelle il emprisonne Giulio Cesare, puis le fait étrangler dans la forteresse de Pergola ; après quoi les trois frères de la sainte, Annibale, Venanzio et Pirro, sont tués à leur tour à Cattolica.

Pour échapper au massacre, Giovanna Malatesta, Camilla Battista et le plus jeune fils, Giovanni Maria, partent en exil à Venise.

Désireuse de ne pas compromettre sa communauté, la religieuse ne rentre pas à Camerino, mais, après avoir été refusée à Fermo où la population craint les représailles de César Borgia, elle trouve refuge à Atri, d'où elle reviendra, en 1503, dans sa cité natale.

Cette année-là, en effet, le pape Jules II a remplacé Alexandre VI et rétabli l'unique survivant des Varano, Giovanni Maria, à la tête de l'État de Camerino.

Le même pape, en 1505-1506, invitera la sainte à fonder un monastère de clarisses à Fermo.

Vers 1521-1522, elle se rendra encore au monastère de San Severino Marche, pour y diriger la formation des religieuses passées à l'Observance.

Elle décède, le 31 mars 1524, à Camerino.

 

Postérité

Culte

Camilla a été béatifiée, le 7 avril 1843, par le pape Grégoire XVI.

Le 8 avril 1821, le pape Léon XIII a approuvé les écrits de la sainte et rouvert le procès en canonisation.

En 1877 a eu lieu le miracle nécessaire à celle-ci, lorsqu'une fillette italienne fut guérie de rachitisme.

Camilla a été canonisée, le 17 octobre 2010, par le pape Benoît XVI.

Sa fête se célèbre le 31 mai.

Ses reliques sont gardées et exposées dans la crypte du monastère des clarisses de Camerino.

 

Œuvres

L'Agonie au Jardin des Oliviers (par le Pérugin)


La Descente de Croix (par Le Pérugin)

 

Écrits historiques et autobiographiques

  • Il felice transito del beato Pietro da Mogliano
  • Memoria dell'olivetano Antonio da Segovia
  • Visioni di Santa Caterina da Bologna
  • Vita spirituale (1491)

 

Traités et révélations

  • I ricordi di Gesu (1483)
  • I dolori mentali di Gesu nella Passione (1488)
  • Le instruzioni al discepolo
  • Trattato della purita del cuore
  • Considerazioni sulla Passione di nostro Signore


Lettres

  • Lettera ad una suora vicaria
  • Lettera a Muzio Colonna
  • Lettera a Giovanna da Fano
  • Lettera al medico Battista a Pucci

 

Prières

  • Preghiera a Dio e preghiera a Gesu Eucarestia
  • Preghiera a Gesu Cristo
  • Preghiera alla Vergine
  • Novena alla Vergine

 

Poésies

  • Sonetto a Maria
  • Versi per una religiosa
  • Lauda della visione di Cristo
  • Distici latini a Gesu Crocifisso

 

Spiritualité

Contexte

Comme le rappelle la biographie de sainte Camilla Battista, le XVe siècle constitue aussi bien l'époque des Borgia que celle de l'Observance franciscaine.

En cette époque contrastée, marquée par l'avènement de l'humanisme, comme par l'urgence d'une réforme à l'intérieur de l'Église, la mystique connaît de profonds changements.

La tradition contemplative monastique se trouve en effet remise en question, au nom d'une vision pessimiste de l'actualité, et d'une mise en évidence du caractère individuel, partant subjectif, de l'expérience spirituelle.

Se met ainsi en place une spiritualité à la fois ascétique et extatique, héroïque et soucieuse de jouir du divin, sur fond de tension entre la nature et l'histoire.

Si Catherine de Gênes est, en Italie, la représentante la plus éminente de cette nouvelle orientation, Camilla Battista s'inscrit également dans cette mouvance, par son appartenance au mouvement volontariste de l'observance, sa volonté de conformité à la Passion, son projet d'intégration subjective des souffrances intérieures du Christ ; le tout exposé dans un style qui cherche à honorer l'idéal des belles-lettres.


Déploration du Christ mort (par Le Pérugin)

 

Doctrine

On rapporte que François d'Assise allait répétant : "l'amour n'est pas aimé".

À travers l'agonie, la passion et la mise à mort de Jésus-Christ, tel est le drame et le scandale du Calvaire; et il interpelle la mystique, qui est descente dans les profondeurs de l'être.

C'est ainsi que Camilla Battista a voulu faire de sa vie, comme elle l'écrit, un vendredi-saint perpétuel, à la suite de François, premier Stigmatisé de l'histoire.

De l'enfance à la mort, la dévotion (au sens fort du terme) à la Passion structure, dès lors, l'itinéraire de la sainte, depuis la haine du péché jusqu'à une théologie extatique de l'amour, en passant par la phase classique des ténèbres spirituelles.

Cette participation au mystère des souffrances de l'Homme-Dieu, engage donc toute la personne, impliquant les aspects complémentaires du rejet de l'esprit du monde, de l'humilité du cœur, et du désir de souffrir en communion intime avec le Crucifié.

Chez Camilla, il s'agit d'abord d'une réaction, proprement métaphysique, d'anéantissement de l'ego, face à la découverte de l'amour de Dieu, suprêmement révélé par la Croix, laquelle devient alors clé de lecture de soi, de la création et du divin.

Autrement dit, la transcendance de l'amour détermine une condition anthropologique précise : une mystique sponsale qui ne se contente pas d'accompagner de l'extérieur l'Époux souffrant, mais invite à épouser intimement les mentali dolori del mare amarissimo dell'affanato suo Cuore.
L'injonction de l'apôtre Paul à revêtir le Christ, prend ici la forme d'une appropriation des dispositions intérieures de Jésus, de manière à se laisser entièrement transformer à l'image de l'amour rédempteur.

 

Voir aussi

Saint François d'Assise (par Le Pérugin)

Bibliographie

Éditions des œuvres

  • Camilla Battista da Varano, Le opere spirituali. Nuova edizione del V centenario dalla nascita secondo i più antichi codici e stampe e con aggiunta di alcuni inediti a cura di Giacomo Boccanera; prefazione di Piero Bargellini, Ed. Francescane, Iesi 1958.
  • Camilla Battista da Varano, La purità di cuore. "Con qual'arte lo Spirito Paraclito si unisca con l'amatori suoi", a cura di Ch. Giovanna Cremaschi, Glossa (Sapientia 9), Milano 2002.
  • Camilla Battista da Varano, Il felice transito del beato Pietro da Mogliano, a cura di Adriano Gattucci, Edizioni del Galluzzo, Firenze 2007.
  • Camilla Battista da Varano, Autobiografia e le opere complete, a cura di Silvano Bracci, Vicenza 2009.

 Études en italien

  • M. Bartoli – A. Cacciotti – D. Cogoni – J. Dalarun – A. Dejure – P. Maranesi – P. Martinelli – P. Messa – R. Michetti – A.E. Scandella - P. Sella – C.L. Serboli, Dal timore all'amore. L’itinerario spirituale della beata Camilla Battista da Varano. Atti del Centenario della nascita (1458-2008), a cura del Monastero Santa Chiara di Camerino, Edizioni Porziuncola, Assisi 2009.
  • Un desiderio senza misura. La santa Battista Varano e i suoi scritti. Atti del convegno, a cura di P. Messa - M. Reschiglian - Clarisse di Camerino, Ed. Porziuncola, Assisi 2010.
  • S. Bracci, Principessa clarissa e santa, Gorle 2010.
  • C. Serri, Nell’acqua e nel fuoco – L’avventura cristiana di Camilla Battista da Varano, Edizioni Porziuncola, Assisi 2003.
  • Ch. Laura - Ch. Amata, Santa Camilla. Dalle lacrime alla gioia, Gorle 2010.
  • A. Clementi, La passione di Gesù, Meditazioni sulle opere di Santa Camilla Battista da Varano, Simple, 2011.

 Études en français

  • B. Forthomme, Histoire de mon bonheur malheureux. Tout commença par une larme, Éditions franciscaines, Paris 2009.
  • J. R. Carballo, Une lumière pour notre temps, lettre du père général à l'occasion de la canonisation de Camilla Battista da Varano OSC, Rome, 2010.

Alexandre VI Borgia, à genoux devant le Christ ressuscité
Source 

Camilla Varano, qui reçut plus tard en religion le nom de Battisa, naquit princesse ; son père, César, souverain de Camérino, fut généralissime des armées pontificales, sa mère Jean e Malatesta était fille des princes-souverains de Rimini.

Dès l'enfance sa vie offrit un singulier mélange de piété et de mondanité ; elle priait, s'adonnait à des pratiques pénible de pénitence.

Mais en même temps, dit son biographe, dans le jardin de son âme, l'ivraie germait à côté du bon grain, et les mauvaises herbes menaçaient d'étouffer les fleurs.

Au sortir de l'église elle s'occupait de toilettes et d'amusement ; ses méditations sur la Passion du Sauveur étaient suivies de lectures frivoles, d'amusement mondains.

 “Mais Dieu voulait l'avoir tout entière et l'instrument dont il se servit pour la retirer de la voie dangereuse où elle s'était engagée”, fut un enfant du Séraphin, le P. François d'Urbino, prédicateur célèbre dans toute l'Italie.

Un de ses sermons dessilla les yeux de la jeune fille ; elle comprit qu'elle ne pouvait faire mentir la parole du Christ, et qu'elle ne pouvait servir Dieu et le monde.

Elle se mit sous la direction du saint Religieux, qui l'avait devinée, et fit de rapides progrès dans la vertu.

Quelque temps après, agenouillée au pied de l’autel, elle consacrait à Dieu sa virginité.

Toutefois, ce n'était pas encore là l'holocauste que son Créateur demandait d'elle, et la grâce frappa si fort à son cœur, qui essayait de repousser son inspiration, qu'elle fut obligée de céder.

Celui qui est la fleur des champs et le lis des vallées lui apparut à plusieurs reprises et après l'avoir inondée d'un déluge de grâces, lui laissa dans son âme, dit la Bienheureuse elle-même, trois lis d'un parfum délicieux ; une haine du monde invincible, une humilité sincère, et un ardent désir de souffrance, elle embrassa alors la Règle si austère de saint Claire et ni les caresse, ni les menaces, ni les larmes, ni les violences mêmes de ses parents, ne purent ébranler son énergique résolution.

Le Jardinier céleste vint donc arracher du milieu du monde cette plante battue par l'orage et qui avait sous le vent de la tribulation jeté de profondes racines dans la vertu.

Mais la jeune héroïne n'était pas au bout de ses luttes ; des scènes déchirantes pour le cœur d'une enfant, vinrent au monastère comme au palais de son père, éprouvera sa constance de faire éclater sa générosité ; elle fut invincible.

Le second acte de son existence commence alors : la vie religieuse, elle se donne entière aux exercices de la mortification, de la patience et de l'humilité et elle vit dans une union intime avec les douleurs de l'Homme-Dieu.

Puis les maladies les plus diverses semblent se donner rendez-vous pour torturer son corps pendant que son âme est soumise à de pénibles épreuves ; les ténèbres s'épaississant autour d'elle, de violentes tentations l'assiègent et de longues sécheresses, qui lui font oublier les délices passées, viennent resserrer son cœur, au point qu'on l'entendit murmurer dans une des ses prières : 

“Voilà trois ans que j'erre dans les ténèbres, mes forces s'épuisent et le courage va m'abandonner, rappelez-moi à vous, ô mon Jésus, soutenez dans vos bras votre fille qui chancelle.” 

Elle devait cependant rester encore de longues années sur la croix, ce ne fut qu'au soir de sa vie que quelques rayons de l'aube éternelle vinrent tempérer ses douloureuses ténèbres et que quelques gouttes de joie infinie tombèrent dans son calice pour en adoucir l'amertume.

Ce fut le 31 mai 1527 que son âme se détachant de son corps prit son essor vers le royaume du paradis.

Tirer des Fleurs Franciscaines Vol. 2 p. 85-89

Apparition de la Vierge
Elle voit la Vierge en 1484.
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