Notre-Dame de Pradelles

Notre-Dame de Pradelles


Notre-Dame de Pradelles
Carte postale de Notre-Dame de Pradelles


Pradelles est une petite ville qui passe pour la plus élevée de la France, située dans l'ancien Vivarais, près des sources de l'Allier, et autrefois chef-lieu d'une officialité qui comprenait vingt-quatre paroisses, et toutes dévotes, dit l'ancien historien du sanctuaire que nous allons décrire, où jamais l'hérésie n'a pris racine. 
Aujourd'hui Pradelles est chef-lieu de canton dans le département de la Haute-Loire et dépend de l'évêché du Puy, n'étant qu'à cinq lieues de cette ville.
La Statue miraculeuse qu'on vénère en ce lieu, fut découverte en 1512, avec des circonstances qui semblaient montrer que la Providence avait en vue d'en faire l'instrument de ses miséricordes dans ces contrées, et d'alimenter la foi des peuples par les faveurs qu'ils obtiendraient par son moyen.
Voici comment on raconte le fait, dans l'ancien ouvrage.
« L'an 1512, celui qui avait le soin du petit hôpital du faux-bourg de Pradelles, voulant relever une muraille du coin du pré joignant l'hôpital, creusant et fossoyant pour y faire un fondement plus profond, sentit soudainement que la terre tremblait sous ses pieds, et entendit un grand claquetis qu'il ne sut jamais expliquer. Il en fut si épouvanté que la bêche lui tomba des mains, et lui sembla que ce quartier s'allait enfoncer.
« Ayant repris un peu de force, il s'en alla dans la boutique du nommé Vinsson, son voisin, à perte d'halaine, et lui raconta l'accident.
Tous les voisins s'assemblèrent, et on alla sur le lieu, qui était là où est à présent le clocher.
Quelqu'un prit la bêche qui était tombée de la main de l'hospitalier ; il frappe et creuse encore deux pans sans qu'on entende ni bruit, ni tremblement ; on se moque et on raille l'hospitalier, qui proteste toujours la chose être véritable, et insiste à continuer ; enfin, on trouve un coffre dans lequel était ce sacré dépôt, et ce coffre, quoique grand, néanmoins se laisse tirer de cette spélonque (caverne) avec une facilité surprenante , et étant ouvert, on croyait y trouver des trésors d'argent ; mais ce fut une image ou une statue de bois, dont on fait plus de cas que de tout l'or du monde, et avec raison.
Ce qui est digne d'être bien remarqué, c'est que la sainte Vierge ne voulut point que cet hospitalier fut le seul témoin de la découverte de son Image, parce qu'on aurait pu en douter, et dire que lui-même l'avait faite faire ; mais elle voulut faire connaitre par ce tremblement de terre que la Providence divine excita, qu'il fallait en approcher avec grand respect, aussi bien qu'autrefois de l'arche d'alliance, quoiqu'elle ne fut que de bois, en quoi ayant manqué, Oza fut grièvement puni de sa témérité.
Cette invention miraculeuse pronostiquait les miracles qu'elle a fait du depuis, qu'elle fait tous les jours, et fera en faveur de ceux qui l'honorent.
On porta donc avec grand respect ce saint Image dans la chapelle de l'hôpital qui était à l'endroit où est à présent la porte du couvent des Frères-Prêcheurs.
Les sieurs curé et prêtres de la ville s'y transportèrent, et, après avoir rendu leurs hommages à l'Image, voulurent l'emporter à leur église.
L'hospitalier et les voisins s'y étant opposés, et d'ailleurs le conseil ayant dit que es trésor appartenait au maître du fonds où il s'était trouvé, on en laissa la possession audit hôpital, là où la sainte Vierge a été toujours honorée et a fait des miracles de temps en temps qui n'ont pas été couchés par écrit, par la négligence des directeurs dudit hôpital.
Le P.Geyman nomme les témoins par lesquels la chaîne traditionnelle était parvenue jusqu'à lui ; ce sont des personnes âgées qui ont entendu raconter l'évènement à des proches, des amis qui les avaient précédés de quelques années, et qui touchaient eux-mêmes à l'époque de la découverte : leur religion, leur probité, l'estime générale dont ils avaient joui et qui s'attachaient à leur mémoire, donnaient à leur témoignage une grande autorité.
L'historien, d'ailleurs, n'était pas fort éloigné du fait qu'il raconte : l'Image fut découverte en 1512 ; Claude Real, Lailli de Pradelles, l'avait entendu raconter à ses parents, témoins contemporains, et après une heureuse carrière de quatre-vingt-sept ans, ayant transmis à d'autres ces souvenirs, il était descendu dans la tombe, dix-sept ans seulement avant la naissance du P. Geyman ; on conçoit aisément qu'il était à même de recueillir, bien près ne leur source, les premières traditions.
A quelle époque, à quelle occasion la Statue de la Vierge avait-elle été cachée avec tant de soin et enfouie dans le sein de la terre ? jusqu'où remonte sa première origine ? quelle main pieuse déroba ainsi à la connaissance des hommes ce précieux dépôt ? par quelle fatalité ce dépôt tomba-t-il dans un oubli total ? quel culte avait autrefois reçu la pieuse Image, et par quelles faveurs la divine Mère autorisa-t-elle ce culte ? par quelles grâces récompensa-t-elle la foi de ses serviteurs ?
Ce sont des questions sur lesquelles il ne nous sera pas donné de satisfaire la pieuse curiosité du lecteur ; un voile épais est étendu sur l'origine de cette Image ; elle a paru tout-à-coup couronnée de gloire et gage assuré des bénédictions célestes, comme ces astres qui se montrent soudainement sur l'horizon, trompant tous les calculs et les données de la science.
Tout ce qu'on peut assurer, c'est qu'elle remonte à une grande antiquité.
En effet, la disparition de l'Image, son mystérieux séjour dans le sein de la terre, suppose quelque guerre désastreuse où les ennemis du catholicisme s'en seraient pris aux saintes images, les auraient profanées, jetées dans les flammes : c'était sans doute pour prévenir un tel sacrilége qu'un fidèle serviteur de Marie aura caché sa Statue.
Mais si nous demandons à l'histoire de ces contrées à quelles époques la fureur dévastatrice des hérétiques les a dépouillées des objets de leur culte religieux, nous serons obligés de remonter bien haut pour trouver quelque explication satisfaisante.
Dirait-on que la Statue a été cachée à l'occasion des protestants ?
Mais, quand la Providence l'a fait paraître au grand jour, en 1512, ils n'avaient point encore commencé d'exercer ces ravages qui, depuis, ont fait dire qu'on pouvait suivre la réforme, comme les soldats de Vitellius, aux traces de désordre et de ruine qu'elle laissait sur son passage.
L'aurait-elle été à l'approche des Albigeois, nouveaux Manichéens, si acharnés contre les catholiques et les objets de leur culte ?
Les Albigeois qui, dans le treizième siècle, préludèrent aux dévastations que les protestants devaient exercer un jour, remplirent, il est vrai, quelques-unes de nos provinces méridionales de sang et de ruines ; mais le Velay et les contrées voisines, pays où la foi avait jeté de profondes racines, surent se garantir également de leurs séductions et de leurs violences.
Ce n'est donc point la crainte de leurs armes qui aurait détrôné la Statue de Marie, et qui l'aurait condamnée, pour un temps, à la solitude et à l'obscurité.
En attribuerait-on la cause à une invasion de Normands ?
Ces hommes du Nord, si féroces avant que le christianisme eût dompté leur humeur altière et réprimé leur fureur dévastatrice, pénétrèrent dans le Velay l'an 864, et détruisirent même, à ce que l'on prétend, la ville de Ruessio, ancienne capitale.
L'Image vénérée a pu être cachée alors, et ceux qui l'avaient soustraite aux profanations, ont pu périr dans la désolation commune, ou être jetés par la tourmente loin de leur pays natal, et leur secret a pu descendre dans la tombe avec eux : rien de plus naturel qu'une telle conjecture : mais, dans ce cas, l'Image de la Vierge aurait près de mille ans d'antiquité.
Elle pourrait encore remonter à une époque plus éloignée et avoir été cachée pour être mise à couvert de la fureur des Sarrasins qui, entre les années 729 et 732, envahirent le Vivarais, le Gévaudan, le Velay, et y exercèrent d'horribes ravages.
Certes, lorsque la flamme dévorait les cités, lorsque saint Chaffre rougissait de son sang le monastère de Carmilly, à trois lieues du Puy, que saint Agrève, évêque de cette ville, succombait sous le cimeterre de cas barbares, Pradelles ne devait point être épargnée ; et si l'Image de Marie a dû être cachée à l'approche d'un orage, c'était sans doute au moment où celui-ci venait fondre sur sa population consternée.
Nous trouverions encore, en remontant le fleuve rapide des années, deux autres époques où la religion catholique et les monuments de son culte ont dû être exposés à la persécution et frappés de son glaive destructeur.
Au commencement du sixième siècle, Euric, roi des Visigoths, l'un des plus ardents ennemis de la vraie foi, régnait sur le Velay et le Gévaudan ; et le Vivarais dépendait des rois bourguignons, ariens déclarés, et presque toujours armés contre les princes visigoths : Pradelles, qui se trouvait sur la limite des deux royaumes, pouvait-elle conserver les objets de son culte autrement qu'en les cachant dans le sein de la terre ?
On peut en dire autant de l'époque funeste où les Allemands, commandés par Crocus, envahirent le Gévaudan et les contrées voisines, et y firent une multitude de martyrs, parmi lesquels on compte saint Privat, évêque de Gabale, ancienne capitale de cette province.
Ce fut vers le commencement du cinquième siècle que ce torrent dévastateur exerça ses ravages dans ces paisibles contrées.
Voilà donc quatre époques différentes où l'histoire présente des guerres et des dévastations qui compromettaient les monuments sacrés de la religion ; voilà comment on peut concevoir la disparition de l'Image de Pradelles.
Quelle hypothèse est la meilleure ? Nous n'avons point de données historiques pour résoudre ce problème ; il suffit d'observer, et c'est là tout ce que nous prétendons conclure de ces réflexions, que, quelque opinion que l'on adopte, la sainte Image doit remonter à une haute antiquité.
Quoi qu'il en soit de l'antiquité de la Statue, si cet astre avait d'abord souffert une longue éclipse, il n'en brilla depuis que d'un éclat plus pur, et n'en exerça qu'une influence plus heureuse sur les populations des montagnes verdoyantes que couronne Pradelles.
Elles se crurent redevables à la protection de la Reine du ciel, toujours comme présente au milieu d'eux dans son Image, d'avoir échappé à la contagion de l'erreur calviniste, qui fit de si déplorables ravages dans les provinces voisines ; d'avoir résisté avec le plus entier succès aux efforts que l'hérésie armée tenta dans les circonstances les plus avantageuses pour elle, afin d'établir à Pradelles sa domination.
En 1562, pendant qu'Albert, seigneur de St-Alban, fondait sur la capitale du Vivarais, pillait et livrait aux plus horribles profanations sa cathédrale ; pendant qu'Annonay était en proie aux plus terribles réactions, prise et reprise jusqu'à six ou sept fois, dans l'espace de quelques années, par les protestants ou par les catholiques, le Velay était en butte à la férocité de Biacons, digne lieutenant du baron des Adrets.
La ville du Puy avait fermé ses portes, mais ses faubourgs étaient saccagés, les bateaux voisins tombaient en ruines, les fermes isolées restaient vides, les moissons devenaient la proie des flammes, les villages étaient dévastés, comme s'ils se fussent trouvés sur la route d'une borde de Vandales, les églises profanées servaient d'étables, les statues et les images étaient brisées, mutilées, l'asile même du la mort avait été violé et les tombes n'avaient pu soustraire les ossements des serviteurs de Dieu à la rage sacrilège des novateurs.
Mende et Quésac éprouvaient aussi leur fureur.
Et cependant, tandis que tout était en proie aux flammes, au pillage, aux plus indignes profanations autour d'elle, la petite ville de Pradelles était paisible, inviolable et comme défendue par un pouvoir surhumain qui disait à l'impiété comme à la mer déchaînée : Tu viendras jusqu'ici, et tu briseras sur ce sable l'orgueil de tes flots. 
Deux circonstances particulières montrèrent dans cette conservation si extraordinaire l'intervention de Marie, et firent comme un devoir de lui en attribuer l'honneur.
Les Huguenots avaient des intelligences dans la place : quelques citoyens au cœur déloyal s'étaient laissé séduire par les promesses et les présents, et s'étaient engagés à livrer la ville à leur chef.
Un corps d'hérétiques fut donc envoyé pour surprendre Pradelles.
Ils pénètrent dans le faubourg, ils vont se rendre maîtres de la place, quand tout-à-coup frappés d'une sorte d'aveuglement sous l'action d'un nuage noir qui les avait enveloppés à la croix du frère Vidal, ou selon un autre récit, comme ils défilaient devant le sanctuaire de Notre-Dame, ou certain nombre de fidèles étaient en prières, on les vit hésiter, avancer, reculer, tournoyer en désordre dans la rue, comme des hommes privés de la vue ou plongés dans l'ivresse : dans le vertige qui les a saisis, ils se demandent les uns aux autres où est Pradelles, et n'osent passer outre : enfin déconcertés et ne sachant que penser d'un évènement si étrange, ils renoncent à leur dessein et regagnent en désordre le gros de leur aimée.
Depuis, la reconnaissance des habitants de Pradelles célébrait la mémoire de cette heureuse délivrance par une fête anniversaire, le lundi de la Pentecôte.
L'opiniâtreté protestante ne céda point pour cela et cet événement providentiel ne lui fit pas abandonner son projet de soumettre une ville qui était un point de communications fréquentes et nécessaires entre trois provinces, le Vivarais, le Gévaudan et le Velay, où elle avait fait de si grands progrès.
Quelques années plus tard, le 10 mars 1588, un corps considérable de protestants, commandés par Chambaud, s'approche des remparts, à la faveur du silence de la nuit.
Les citoyens sont éveillés par le bruit des arquebusades qu'on tire autour d'eux : on sonne aussitôt le tocsin ; les hommes en état de combattre courent sur les remparts ; résolus de se défendre jusqu'à l'extrémité, tandis que les vieillards et les infirmes implorent la protection de Notre-Dame.
Cependant, toute résistance semblait devoir être inutile.
Le nombre des ennemis, la fureur et l'art qu'ils mettaient dans l'attaque, la surprise de la nuit leur donnaient un avantage trop visible ; déjà ils avaient enfoncé les portes du côté de l'église de Saint Pierre ; tout fuyait devant eux ; Chambaud triomphant s'élançait dans la place.
En cet endroit se trouvait une Image de la Vierge, et près d'elle une femme au cœur généreux, nommée Verdette, qui attendait en prière le moment de faire elle aussi quelque chose pour la défense de sa foi et de ses concitoyens.
Elle voit Chambaud qui pénètre dans l'enceinte, en criant par deux fois : Ville prise, ville gagnée.
Pancaro (pas encore), lui répond Verdette en son patois, et saisissant une dalle du parapet qui régnait au-dessus de la porte de la ville, la nouvelle Joël la lance à la tête du chef huguenot et l'étend raide mort.
La troupe, frappée d'une subite épouvante, s'enfuit en désordre, abandonnant avec la victoire ses armes et son bagage aux catholiques émerveillés d'un succès si inattendu.
Un événement si heureux redoubla la dévotion des habitants envers la Vierge sainte, qu'ils avaient invoquée et qui avait visiblement exaucé leurs prières ; ils firent vœu de célébrer la fête anniversaire de leur délivrance ; et l'engagement constaté par un acte public fut déposé entre les mains d'un notaire.
Le 10 mars vit tous les ans se renouveler la procession d'action de grâce faite pour remercier le Seigneur et sa sainte Mère de la délivrance de la ville.
Cette pieuse coutume, interrompue pendant les jours mauvais de la révolution, a été reprise depuis, et elle continue avec un enthousiasme toujours nouveau.
La procession stationne à l'endroit où la vengeance divine atteignit et terrassa, par la main d'une femme, le chef des hérétiques.
Dans une autre occasion, le comte de Châtillon, fils de l'amiral de Coligny, chef des protestants, plaça son armée en garnison à Pradelles : mais, par une protection du Ciel, on n'eut point à déplorer alors le pillage, les incendies qui signalaient communément le passage des ennemis de l'Eglise.
L'Image de la Vierge ne fut point exilée de son sanctuaire.
Il en avait été de même dans une invasion qui eut lieu en 1568, selon les Bénédictins, auteurs de l'Histoire du Languedoc : une armée calviniste qui venait de commettre les derniers excès à Annonay, qui peu de jours auparavant avait brûlé l'église et le couvent des cordeliers, détruit la paroisse, brisé les cloches, exerça quelques dégâts en passant à Pradelles et à Langogne ; mais le mal fut si peu considérable que l'annaliste du Velay ni l'historien du sanctuaire ne relatent cette invasion.
Tandis que les bourgs, les villes, trop faibles pour résister au fanatisme calviniste, se voyaient couvrir de sang et de ruines, tandis que leurs églises surtout étaient réduites en cendres, que les objets du culte, les monuments de l'art chrétien étaient détruits par l'ignorance brutale des novateurs de cette époque, comment expliquer la conservation de Pradelles, ville de peu d'importance, qui ne pouvait se défendre que par miracle d'un coup demain, et que sa situation sur la frontière de trois provinces sillonnées continuellement par les Protestants, exposait comme une proie assurée à la haine et aux violences de leurs troupes ?
Il faudrait être, ce semble, bien aveugle pour en chercher la raison providentielle ailleurs que dans le patronage de Marie, qui, au moment où la réforme était sur le point de s'élancer dans le monde avec son cortège de malheurs, avait mis en lumière sa Statue bien-aimée et en avait fait la sauvegarde d'une contrée où la foi avait jeté de profondes racines.
L'Image miraculeuse demeura près d'un siècle dans la modeste chapelle de l'hospice.
Les fidèles l'entouraient de leurs hommages et de leurs supplications, et sa dévotion faisait, au milieu des accidents de la vie, leur force et leur consolation.
Il n'eût tenu qu'à ceux qui étaient préposés au soin de son autel d'augmenter encore ce pieux élan et de lui faire produire les plus heureux résultats.
Mais ils ne savaient point apprécier la haute fonction qui leur avait été confiée.
On se plaignait que l'administration était négligée, que les offrandes des fidèles étaient détournées de leur destination , que la sacristie était sans ornements et tout l'édifice dans un état de dégradation qui affligeait la piété.
Un tel état de choses ne pouvait durer : en 1608, le conseil municipal se réunit pour mettre un terme au mal.
Le remède le plus efficace qu'on crut devoir employer fut de confier à un ordre religieux, voué par une profession particulière au culte de la Mère de Dieu, le soin de son sanctuaire.
Ce parti adopté, on pria le P. Boire, dominicain d'un mérite reconnu, de se charger du pèlerinage de Notre-Dame de Pradelles ; ce zélé serviteur de Marie accepta la proposition avec empressement, et réalisa bientôt toutes les espérances qu'on avait conçues de lui.
Il rétablit l'ordre dans l'administration, décora le sanctuaire avec une sorte de magnificence, et accueillit les pèlerins avec zèle et charité.
Le nombre, l'empressement de ceux qui venaient raconter leurs douleurs à la Consolatrice des affligés, et nourrir leur âme du pain de la parole de vie et de l'aliment eucharistique, était si grand, que toute la sollicitude du P. Boire ne suffisait plus pour les satisfaire ; il fallut lui adjoindre quatre ou cinq religieux du même ordre, animés de son esprit et occupés des mêmes ministères.
Et encore la moisson était-elle si abondante, qu'il fallut recourir à un autre expédient pour la recueillir.
Les PP. Dominicains avaient été chargés jusque-là du soin des infirmes et de celui des pèlerins : ils crurent devoir se borner à ce dernier ministère, afin de le remplir plus parfaitement.
Les magistrats avisèrent donc à créer un nouvel asile pour les infirmes et à les y transporter ; les deux œuvres se trouvèrent sans doute mieux de cette mesure, qui leur assurait à chacune une administration spéciale et des secours plus adaptés à leurs besoins.
Cependant le pèlerinage florissait toujours entre les mains des pieux enfants de saint Dominique ; l'antique chapelle de l'hospice ne suffisait plus au nombre sans cesse croissant des pèlerins.
Avec les seules ressources de la charité publique, les Religieux entreprirent de faire bâtir une nouvelle église ; on en jeta les fondements en 1623, et on en disposa le plan de telle sorte, que le clocher s'élève à l'endroit même où la statue de Marie avait été découverte en 1512.
Dix-huit processions, tant du Vivrais que du Gévaudan et du Velay assistèrent à la cérémonie de la pose de la première pierre, qui eut lieu le 28 mai.
La nouvelle église fut bâtie avec beaucoup de régularité ; elle avait six chapelles, et sur la porte d'entrée une grande tribune destinée à servir de chœur aux religieux dont le couvent communiquait à l'église.
Le maître-autel avait un riche tabernacle, et dans le fond un retable orné de grandes et belles colonnes.
C'est au centre de ce retable que fut placée la Statue de la Vierge, visible aux yeux de la piété, et toujours prête à accueillir les suppliques de ses serviteurs.
La dévotion prit un tel élan, qu'il fallut augmenter le nombre des Religieux chargés du pélerinage.
Douze ou treize Pères Dominicains résidaient habituellement dans cette ville à l'étroite enceinte, et encore étaient-ils loin de suffire aux besoins des pèlerins, aux fêtes solennelles, malgré la précaution qu'avaient les gens du pays de se présenter au saint tribunal quelques jours d'avance, pour céder ensuite la place aux étrangers.
Le couvent de Pradelles n'avait été, jusqu'en 1651, qu'un vicariat, espèce de résidence au personnel variable ; à cette époque, par suite de l'importance que lui donnait le concours des pèlerins, il fut transformé en prieuré. Le titre d'érection rend témoignage de l'éclat que jetait alors le pèlerinage.
En voici un fragment :
« Nous, Jean-Baptiste de Marinis, professeur de théologie, humble maître-général et serviteur des Frères Prêcheurs... Voulant, autant qu'il nous est possible, avec l'aide du Seigneur et en vertu de notre charge, enrichir de nouvelles faveurs ladite maison ou vicariat de Notre-Dame, illustrée tous les jours par des grâces singulières et miraculeuses, nous érigeons, instituons ledit vicariat de Notre-Dame de Pradelles en couvent de notre susdite province de Languedoc, avec toutes les grâces, droits et privilèges dont jouissent les autres couvents de la même province.
Donné à Rome, en notre couvent de Sainte-Marie-de-la-Minerve, le dixième jour de septembre 1651.— Jean-Baptiste de Marinis, maître de l'ordre.
Le P. Geyman rend témoignage de la dévotion qu'on avait pour l'antique Image en termes qui méritent d'être rapportés sans altération. Ils tirent de sa candeur un mérite tout particulier :
« Pieusement on peut croire, dit-il page 37, que l'Image miraculeuse est si ancienne que la foi dans Pradelles, et qu'elle en a nourri les habitants et peuples voisins du lait de la dévotion ; car dans cette ville il n'en est pas un, soit homme, soit femme, soit riche, soit pauvre, soit grand, soit petit, qui n'aille du moins une fois le jour ouïr la sainte messe, ou faire sa prière au salut ou aux litanies qu'on chante dans sa sainte chapelle tous les soirs, comme en celle de Notre-Dame de Lorette. La compagnie des pénitents y va en procession, avec toute la ville, toutes fêtes de la sainte Vierge.
Non-seulement les paroisses voisines, mais encore celles de trois, quatre, cinq, six lieues, y vont pour l'ordinaire une fois l'année en procession, hommes et femmes, vêtus de blanc, chantant les litanies et autres prières avec une dévotion merveilleuse ; non-seulement celles du diocèse de Viviers, mais encore du diocèse de Mende et du Puy, comme de Luc et autres, de Rauret, de Saint Ahond et d'Aleyras, qui est six lieues loin de Pradelles ; et il y a bien peu de personnes de ces trois diocèses qui n'y aillent du moins une fois l'année pour y faire leur dévotion et représenter leurs nécessités à la sainte Vierge. Ceux même de la ville du Puy y sont fort dévots, et vous verrez ci-après qu'elle a fait plusieurs miracles en leur faveur.
Sur quoi vous remarquerez avec moi, qu'elle en fait beaucoup plus en faveur de ceux qui viennent de loin qu'en faveur de ceux qui sont sur le lieu, tout ainsi que notre Sauveur étant dans le monde, en faisait bien plus en Capharnaüm qu'en Nazareth et en Bethléem.
La raison de cela n'est pas difficile, parce que la dévotion des plus éloignez est plus actuelle, plus fervente et leur confiance plus grande.
Leur libérale simplicité y contribue beaucoup, offrant à la sainte Vierge de tout ce qu'ils ont, pour obtenir de son Fils la conservation du restant.
Au contraire, ceux qui sont sur le lieu ou bien proche, estiment qu'ils font assez d'aller souvent par coutume dans la sainte chapelle ouïr la messe, faire des prières à la sainte Vierge, lesquelles d'ordinaire ne lui sont pas fort agréables par faute d'attention, de ferveur, de foi, d'espérance, de charité, de componction de cœur et de zèle de s'amender de leurs vices, de leurs habitudes, colères, blasphèmes, rancunes, aversions, imprécations et péchés qui offensent la majesté souveraine de notre Dieu, et par conséquent la sainte Vierge sa mère, qui ne voyant en eux ni contrition, ni amendement, ne veut pas se rendre importune à demander des grâces pour eux ; et cette réflexion nous doit bien donner de la crainte.
Les habitants des verdoyantes montagnes de Pradelles et de ses environs coulaient des jours paisibles, étrangers au monde et à ses intrigues, adonnés à des travaux assidus, contents de peu, et ne connaissant de joies et de consolations que celles de la religion, et, en particulier, celles que leur offraient la pompe et l'agreste magnificence avec lesquelles ils célébraient les fêtes de Marie.
Et, pour l'observer en passant, il était et il est encore bien fécond en douces émotions, le culte rendu à Notre-Dame de Pradelles.
Qu'on se figure une ville aux blanches maisons, régulièrement bâtie, remarquable par sa propreté, perchée sur un plateau élevé qu'entourent à distance des montagnes tapissées, sur leurs flancs, d'une belle verdure, et couronnées au sommet de majestueuses forêts.
Sous un ciel pur en été et presque toujours raffraichi par une brise légère, le son des cloches se répand au loin et réveille partout des échos. Le mugissement des troupeaux, le tintement des clochettes se mêle aux sons graves des cloches mises en branle comme aux jours solennels.
Les processions arrivent les paroisses voisines ; les étendards aux brillantes couleurs se détachent des forêts aux couleurs foncées ; les vêtements d'une blancheur éclatante que fait ondoyer le vent matinal et qui ressortent si bien sur le fond de verdure qui couvre toute la campagne ; ces chants confus et réglés tout à la fois, ces hymnes vulgaires sortant de la bouche des enfants, ces cantiques en l'honneur de Marie répétés par les voix aiguës des Congréganistes de la Vierge qui se marient aux chants graves des pères de famille, aux chants liturgiques des ministres des autels ; la pompe, la magnificence de ce qui tient au culte ; la simplicité, la modeste propreté de ce qui tient à la famille ; le grand spectacle de la nature et le vaste horizon dont on jouit d'abord ; l'enceinte modeste d'une petite ville où tout vient aboutir, et la nef beaucoup trop étroite du temple de Marie, où la foule se presse autour de son Image ; ces visages halés par le soleil ou desséchés par le travail, qui semblent si froids, si inaccessibles à, toute affection humaine, prenant au pied de la Statue vénérée l'expression de la piété la plus tendre, et comme fondant tout-à-coup de tendresse et de dévotion : tous ces objets vus, saisis, appréciés comme il convient, présentent les contrastes les plus saillants, font pénétrer dans l'âme les plus vives émotions, et font dire par un sentiment semblable à celui qu'éprouvait le Roi Prophète, qu'un jour passé dans ses tabernacles et au milieu d'un peuple si profondément religieux, vaut mieux qu'un siècle perdu au milieu des pécheurs et de leurs folles joies.
Notre-Dame de Pradelles continuait à recevoir les hommages de son peuple et à y répondre par des bienfaits signalés, lorsque éclata l'orage révolutionnaire.
Les habitants de ces paisibles montagnes ne furent point à couvert de sa fureur.
Là aussi le clergé dut chercher son salut, en s'exilant du sol de la patrie, ou vivre dans les cavernes et les retraites les plus inaccessibles de la vie des malfaiteurs, pour continuer à consoler et à sanctifier les enfants de Dieu au milieu de la tourmente par laquelle le Ciel voulait éprouver et perfectionner leur vertu.
Les Dominicains furent les premiers en butte à la persécution.
Le sanctuaire de Notre-Dame de Pradelles avait été respecté par les novateurs du seizième siècle ; il ne le fut pas par les révolutionnaires du dix-huitième.
Il fut pillé, dégradé ; ses ornements furent traînés dans la fange, et il ne dut sa conservation qu'au dessein qu'on avait conçu de le vouer à plus durable profanation, en le convertissant en atelier de salpêtre.
Et que devint la Statue vénérée depuis tant de siècles, l'instrument des bénédictions de Marie sur son peuple ?
Elle fut jetée pêle-mêle avec les autres images des saints dans un bûcher commun, qui devait les dévorer au milieu de la ville.
A cette vue, une étincelle de foi se réveille et éclate dans l'âme d'un des partisans du mouvement révolutionnaire : il ne peut se résoudre à Voir périr l'Image de celle qu'il a appris, dès le berceau, à invoquer et à bénir ; il l'arrache aux flammes qui commençaient à l'envahir.
Heureusement le visage si doux de la Vierge, celui de son divin Fils, où se peint la grâce et la miséricorde, leurs mains qui ne savent que bénir et répandre des bienfaits, n'ont point encore senti l'atteinte de l'élément destructeur.
Cet acte de piété vaudra à son auteur une récompense bien précieuse ; il reconnaîtra plus tard le malheur et le tort qu'il a eus de se laisser un temps entraîner par les idées révolutionnaires ; il maudira leurs conséquences désastreuses, et réparera par une mort chrétienne et édifiante le scandale qu'il a donné en grossissant un parti coupable.
Cependant la Statue, sauvée par ses mains, fut confiée, comme un précieux dépôt, à une fille de service, que sa piété et la générosité de sa loi élèvent bien au-dessus de sa condition, et, dans la suite, elle fut remise à une dame distinguée de la ville.
L'Image sainte recevait de timides hommages dans le mystère de la solitude et de l'ombre dont elle s'entourait, lorsque la main de la religion dissipa, au commencement de ce siècle, les nuages que l'impiété triomphante avait amoncelés sur la France ; le jour se fit, la religion essuya ses larmes en voyant partout ses temples se rouvrir et les peuples se presser dans leur enceinte pour conjurer le Ciel de mettre un terme à leur affliction.
L'Image de Notre-Dame de Pradelles fut rendue à la piété empressée des fidèles, et transportée provisoirement dans la paroisse, elle fut saluée comme cet arc brillant qui joint la terre aux cieux et annonce la fin de l'orage.
Cependant l'église même de l'hospice, où la Vierge sainte avait établi autrefois le trône de ses miséricordes, ne tarda pas à être rendue au culte.
Le gouvernement l'affecta, avec le monastère des dominicains, à l'usage de l'hospice de Pradelles, que la révolution avait dépouillé de tout, les troubles politiques ne profitant jamais aux pauvres.
La piété généreuse fit tous ses efforts pour restaurer cette église, effacer les traces que la dévastation y avait laissées, et la pourvoir de vases sacrés et d'ornements.
Une circonstance providentielle lui fit rendre l'Image chérie, au souvenir de laquelle s'attachait une chaîne traditionnelle de bienfaits et de merveilles.
La reconstruction de l'église paroissiale était une nécessité démontrée ; on allait mettre la main à l'œuvre ; l'église de l'hospice allait servir de paroisse provisoire.
On y transporta donc ce qui en faisait le plus bel ornement et le plus précieux trésor, la Statue miraculeuse. Elle y resta jusqu'en 1833, époque à laquelle le nouvel édifice étant terminé, le clergé de Pradelles voulut y reporter la Statue.
Les administrateurs de l'hospice firent valoir leurs droits et refusèrent de se dessaisir d'un monument vénéré qu'ils réclamaient d'après une possession de trois siècles.
L'autorité diocésaine jugea le différend en leur laveur, et, d'après un jugement rendu par Mgr de Bonald, alors évêque du Puy, l'asile consacré au soulagement des pauvres infirmes retint l'Image de la Vierge, salut des infirmes et consolatrice des affligés.
C'est là qu'elle reçoit encore aujourd'hui les hommages et les vœux des fidèles.
En ces dernières années, la dévotion à Notre-Dame de Pradelles a pris un nouvel élan, à la suite sans doute de grâces particulières et très-nombreuses que le Ciel s'est plu à accorder dans ce sanctuaire.
Les fêtes de l'Immaculée Conception, de la Nativité, de l'Assomption s'y célèbrent avec une piété plus marquée.
Dans les calamités publiques, et toutes les fois que le Seigneur parait irrité contre son peuple, on a recours à Marie, on se groupe autour de sa Statue, on demande grâce et miséricorde par son entremise.
Parmi les pratiques qu'on emploie pour l'honorer et obtenir sa protection, il en est de touchantes ; telles sont, par exemple, ces neuvaines réclamées si souvent, tant par les gens du pays que par les étrangers, de la ferveur des sœurs qui se dévouent au soin des malades et de ces pauvres malades eux-mêmes : est-il un concert plus agréable aux oreilles de Marie, une prière qui aille plus droit à son cœur que la voix de l'indigence qui souffre, mêlée à celle de la charité qui allège le poids de ses souffrances ? Telle est encore la coutume qu'ont les jeunes gens de Pradelles et des paroisses voisines de venir, pour la plupart, se mettre sous sa protection avant de tirer au sort, ou de commencer leur carrière militaire.
On y acquitte annuellement plusieurs messes à la requête de personnes qui, ayant obtenu de la puissance de Marie des faveurs signalées, se sont engagées par vœu à faire durer leur reconnaissance autant que leur vie.
Comme aux premiers jours de la dévotion, on dépose aux pieds de l'Imagé chérie de pieuses offrandes, et ceux qui ont peu donnent de ce peu avec une générosité de cœur qui ajoute à leurs modiques présents la valeur de l'or et des pierres précieuses.
Et comment refuser à la Mère de miséricorde rendue comme présente dans son Image de Pradelles un culte d'amour, de dévouement, d'honneur et de pieuses offrandes, lorsque Marie, de son coté, est si libérale en faveur de ceux qui l'invoquent avec foi et persévérance dans ce sanctuaire ? Qu'il serait long le récit des grâces obtenues en ce lieu de bénédiction, d'après les monuments qui nous en restent, et encore l'ancien historien, le bon P. Geyman, se plaignait-il avec raison de la négligence ou de la timidité des hommes simples de ces montagnes qui laissaient pour l'ordinaire tomber dans l'abime de l'oubli, où rien ne surnage, les faveurs les plus précieuses ! Voici ses expressions naïves (page 4) :
« Il n'y en a pas de cent un qui en dise mot aux religieux, gardiens du sanctuaire, faisant la plupart comme ces dix lépreux contre lesquels le Sauveur se plaint en saint Luc, ch. 17. J'en ai, dit-il, guéri dix, et entre tous il n'y a eu que cet étranger qui ait daigné de m'en remercier.
Ainsi, la plupart de ces bonnes gens ayant reçu les grâces qu'ils demandaient à la sainte Vierge, si on leur parle d'arrêter pour en prendre l'attestation en la forme requise, ont de la peine d'attendre un moment : d'autres voyant qu'on menait un notaire avec des témoins, s'imaginaient qu'on voulait les obliger par contrat à quelque somme d'argent, et s'écartaient sans mot dire.
Une fille de quatorze à quinze ans étant venue (en 1671) dans la sainte chapelle où elle s'était vouée, se trainant avec ses potences, se trouva entièrement guérie après sa neuvaine, laissa ses potences devant l'autel de la Vierge, et ayant trouvé des personnes de son pays, s'en alla sans mot dire à aucun religieux.
Ceux qui l'avaient vue et la voyaient marcher de la sorte, crièrent miracle ! louée soit la sainte Vierge ! avertirent le sacristain qui la fit suivre pour en prendre mémoire. Mais elle répondit qu'elle avait trouvé compagnie pour s'en aller et ne pouvait arrêter.
Cette simplicité est si ordinaire, que plusieurs autres en font de même, disant qu'ils reviendront et feront leur déclaration, et ne s'en souviennent plus par après, jusqu'à ce que quelque autre accident leur arrive.
La notice publiée récemment rapporte un grand nombre de guérisons merveilleuses et d'autres faveurs obtenues par l'invocation de Notre-Dame de Pradelles : la narration a, pour les environs de ce pèlerinage célèbre, l'intérêt local le plus vif et le plus légitime ; ils reconnaissent dans ceux qui, durant trois siècles, ont été honorés des bénédictions de la Reine des deux des personnes de leur nom, des membres de leurs familles.
Nous citerons de préférence un seul trait, des plus récents et d'un intérêt plus général, la guérison d'une servante de Dieu, dont le nom sera toujours cher à la communauté de Pradelles, où elle a passé de longues années, et à plusieurs de nos provinces méridionales, où elle a fait sentir l'influence vivifiante de son zèle : nous voulons parler de Melle Rivier, fondatrice de la Congrégation des sœurs de la Présentation.
Cet enfant de bénédiction était née à Montpezat, diocèse de Viviers, le 19 décembre 1768, et reçut au baptême le nom de Marie, auquel elle ajouta celui d'Anne, quand elle forma sa Congrégation.
A I'âge de seize mois, elle fit une chute dangereuse qui changea toute sa constitution, affaiblit son tempérament, au point que, depuis cette époque jusqu'à sa mort, elle souffrit presque toujours.
Elle ne put plus se tenir debout, même avec des appuis, ni se mouvoir autrement qu'en se traînant sur le dos à l'aide de ses mains : elle, était extrêmement faible, et chaque année on croyait la perdre.
Elle arriva ainsi à l'âge de six ans.
Alors cette pauvre enfant, déjà pleine de foi et de piété, conçut une ferme confiance d'être guérie par le secours de la sainte Vierge, sa patronne, et en conséquence elle demanda à sa mère d'être portée tous les matins devant une Statue de Marie, qui était dans une église voisine.
Celle-ci la prenant dans ses bras, la portait chaque jour à l'église, la plaçait assise par terre devant l'Image de Marie, et l'y laissait seule prier à son gré.
L'enfant lui parlait avec un mélange de foi et de simplicité qui devait ravir le cœur de Marie : « Sainte Vierge, disait-elle, guéris-moi, je t'en prie, guérismoi : je t'apporterai des bouquets et des couronnes ; je te ferai donner une belle robe par ma mère ; » et elle répétait ces prières enfantines pendant des heures entières.
Le lendemain, il fallait la porter encore : si l'on tardait à partir, elle pleurait ; et le long de la route, elle ne voulait pas qu'on arrêtât sa mère pour lui parler, tant était grande son impatience d'être aux pieds de Marie.
Là, elle recommençait le même exercice avec la même foi et la même confiance.
Pendant plusieurs mois elle continua à prier, sans ressentir aucune amélioration et sans éprouver aucun refroidissement dans sa ferveur.
Dieu lui ayant donné, dans cet âge tendre, la pensée de se consacrer toute sa vie à instruire l'enfance, elle continua ses instances auprès de la sainte Vierge avec plus de ferveur encore qu'auparavant, et avec plus de confiance de réussir.
Enfin, le jour de la Nativité de la sainte Vierge 1774, elle fut exaucée au moins en partie ; elle demanda les béquilles que sa mère lui avait fait faire autrefois, mais dont elle n'avait pu se servir ; et, à l'aide de ses appuis, elle marcha tout-à-coup avec facilité, et fit plusieurs fois le tour de la maison toute transportée de joie.
Encouragée par ce premier succès, la jeune Rivier ne cessait de demander à la sainte Vierge une guérison plus complète, afin de pouvoir correspondre aux desseins de Dieu.
Le Ciel, loin de l'exaucer, met sa confiance à de nouvelles épreuves.
Au bout de trois ans, elle fait une chute qui lui rompt la cuisse, de sorte qu'on désespère de sa guérison.
Sa mère, plongée dans la douleur, et ne trouvant plus d'espoir sur la terre, tourne ses pensées vers celle que l'Eglise appelle la Consolatrice des affligés et que sa fille invoquait depuis si longtemps.
Il y avait à Pradelles, petite ville du voisinage, une Statue de la sainte Vierge en grande vénération, devant laquelle une lampe était allumée jour et nuit.
La mère affligée prit un peu d'huile de cette lampe, en oignit le pied, la jambe et la cuisse malades, en se recommandant à la sainte Vierge et invitant sa fille à prier avec elle.
Dès le lendemain, l'enflure qui était extrême avait disparu.
Encouragée par ce premier succès, la mère renouvelle chaque matin ces onctions et ces prières ; et le quinzième jour, fête de l'Assomption, l'enfant se lève avec assurance, marche seule et sans béquilles, à la grande surprise et aux transports de joie de toute la famille ; et, pressée par le besoin de la reconnaissance, elle se rend promptement à l'église pour remercier Dieu, glorifier la sainte-Vierge et assister aux offices de la journée, au grand étonnement de tout le monde qui, en la voyant, criait au miracle.
La jeune Rivier était alors dans sa neuvième année. Elle ne songea plus qu'à se donner tout entière à la piété, afin du correspondre aux vues de la Providence.
Préparée par toute sorte de vertus et de bonnes œuvres, Melle Rivier fit sa première communion à l'âge d'environ onze ans ; et, l'année suivante, on la plaça chez les religieuse de Notre-Dame de Pradelles pour y faire son éducation.
Elle y entra avec bonheur, tant à cause de son affection pour les monastères que par le sentiment de la reconnaissance qui la liait à sa céleste bienfaitrice.
Elle y coulait, depuis un an, des jours heureux, lorsqu'elle lut envoyée par ses parents dans une paroisse où l'on donnait une mission.
Là, cette âme timorée prenant pour elle ce qui était dit pour des pécheurs et des pêcheurs endurcis, tomba dans un état de déchirantes angoisses.
Ses peines la suivirent au couvent, et même elles y devinrent plus vives.
Ramenée à la maison paternelle, elle y passa trois ou quatre ans dans de continuelles épreuves et dans l'exercice des plus belles vertus.
Sa mère jugea ensuite à propos de la replacer au couvent de Pradelles pour qu'elle y terminât son éducation.
Elle n'y resta que huit mois, et pendant en temps elle édifia, comme autrefois, toute la communauté par la parfaite régularité de sa conduite.
La paix et la joie dont elle jouissait dans cette maison, sous la protection spéciale et comme sous les yeux de la divine Mère, lui inspirèrent le désir de s'y fixer comme religieuse.
La faiblesse de sa santé empêcha d'abord les religieuses d'accueillir sa demande, et la tendresse de ses parents pour elle y apporta des obstacles insurmontables.
« Eh bien ! dit-elle d'un ton résolu et qui semblait prophétique, on ne veut pas que je reste au couvent, j'en formerai un moi-même. »
C'était en 1786 qu'elle parlait ainsi : six ans après, le couvent de Pradelles, avec tous les autres monastères de France, étaient tombés ; et, en 1737, Melle Rivier avait élevé son couvent à Thueyts.
Ce fut là le berceau de la Congrégation des sœurs de la Présentation de Marie pour l'instruction des enfants et des jeunes personnes, autorisée par Charles X le 29 mai 1830, et répandue, avec tant d'utilité pour les paroisses, dans nos provinces du Midi.
La fondatrice eut la consolation d'apprendre, avant de quitter l'exil, et sans doute aussi de voir par elle-même, dans ses nombreux voyages, que ce sanctuaire de Pradelles, si cher à son cœur, avait retrouvé son ancien iustre, et que Marie continuait à y répandre sur les âmes qui allaient lui exposer leurs besoins, les bénédictions célestes dont elle avait elle-même été si abondamment pourvue dans son enfance.
Elle mourut, le 3 février 1838, à Bourg-Saint-Andéol, petite ville du diocèse de Viviers, sur le Rhône où avait été constituée la maison-mère.
En savoir plus :








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire