Notre-Dame de Cléry (Cléry saint André)

Notre-Dame de Cléry
(Cléry saint André)

 

Nous arrivons maintenant à un plus célèbre sanctuaire : c'est Notre-Dame de Cléry.
Des chroniqueurs ont prétendu que, dès le sixième siècle, Cléry, l'ancien viens Clariacus, possédait un oratoire sous le vocable de la Mère de Dieu ; mais cette assertion manque de preuves solides, et ce n'est guère qu'au treizième siècle qu'on voit Notre-Dame de Cléry attirer l'attention des fidèles et devenir un lieu de pèlerinage.
En 1280, près des murs de Cléry, châtellenie qui appartenait alors à Marguerite de Provence, veuve de saint Louis, la charrue, en traçant un sillon, mit à découvert une statue de la sainte Vierge.
Au bruit de cette nouvelle, la population accourt, contemple avec bonheur la statue, la transporte en grande solennité dans l'enceinte de la ville ; et de tous les cœurs part un même cri :
« Élevons un sanctuaire à Marie. »
On se met à l'œuvre, on bâtit le sanctuaire, et on y place la statue.
A peine la sainte Vierge a-t-elle pris possession de son nouveau temple, que les pèlerins s'y rendent de toutes parts, et des faveurs signalées justifient leur dévotion.
Frappé de ces prodiges, Simon de Melun, maréchal de France, seigneur de la Salle, baronnie voisine de Cléry, conçut le dessein de fonder autour de la statue vénérée une collégiale de chanoines qui en seraient les gardiens et formeraient comme la cour permanente de la Reine du Ciel, dans un lieu où sa protection se montrait si visiblement.
Le projet, un instant suspendu par la mort du maréchal, fut mis à exécution par sa veuve et son fils ; et, avec l'autorisation de l'évêque d'Orléans et du roi Philippe le Bel, la collégiale fut fondée en 1304.
Dès lors s'ouvrirent pour Cléry des jours de splendeur.
La collégiale, composée d'abord de cinq membres, ne tarda pas à s'augmenter.
En 1309, Philippe le Bel y créa cinq nouvelles prébendes pour remercier la sainte Vierge d'avoir recouvré sur ses ennemis la Gascogne et la Flandre ; à ce don il ajouta le présent d'une cloche remarquable par son volume, une des plus belles et des plus fortes qu'il y eût en France ; et même il se proposa de construire à Cléry une magnifique église en l'honneur de la Mère de Dieu.
Philippe VI, son neveu, le premier des Valois, jaloux d'exécuter un dessein que la mort n'avait pas permis au roi d'accomplir, posa lui-même, en 1320, la première pierre de ce nouvel édifice, et le fit élever à ses frais.
Ce beau sanctuaire fut, pendant plus d'un siècle, enrichi des largesses des rois et des princes, et visité par des milliers de pèlerins.
Mais, en 1428, cet état de choses changea, l'insulte succéda aux hommages, le pillage aux offrandes : c'était alors la guerre entre la France et l'Angleterre, et le soldat anglais passant par ces contrées n'eut aucun respect pour tout ce qu'avaient respecté les siècles ; le comte de Salisbury, en se rendant au siège d'Orléans, s'empara de Cléry, pilla toutes les richesses de la collégiale, emporta même les vases sacrés, qu'il osa profaner.
Il est vrai, ces actes d'impiété ne restèrent pas longtemps impunis, et Cléry fut vengé ; car, peu après, le comte fut frappé à mort sous les murs d'Orléans ; et cette mort fut regardée par les contemporains comme une punition de son irrévérence envers Notre-Dame de Cléry.
Quelques années plus tard, la fureur des guerres civiles ayant une seconde fois dépouillé et renversé en partie le sanctuaire élevé par Philippe de Valois, Louis XI entreprit de réparer ces désastres pour reconnaître deux assistances spéciales qu'il avait reçues de la sainte Vierge : l'une à Ruffec, l'autre à Dieppe.
A Ruffec, n'étant encore que Dauphin, il traversait la rivière sur une petite barque, avec le duc d'Anjou son oncle et Louis Valory, lorsque la force du courant l'emporta à la dérive, le précipita sur un moulin qui se trouvait en travers, et de là dans l'eau avec ses deux compagnons de voyage. Au moment où tous les trois allaient périr, le Dauphin fait un vœu à la sainte Vierge : aussitôt le flot porte les naufragés a bord et les dépose sains et saufs sur la grève.
A Dieppe, lorsqu'il voulait reprendre cette ville sur les Anglais, trouvant dans les assiégés une vigoureuse résistance, et estimant, sur l'avis du vaillant comte de Dunois, que le recours à Notre-Dame de Cléry était le plus sûr moyen de succès, il se fit montrer le point de l'horizon où elle se trouvait, et se tournant de ce côté , il fit vœu de donner à ce célèbre sanctuaire son pesant d'or s'il réussissait à s'emparer de la ville. Ce vœu prononcé, il livre l'assaut, entre dans la place et en chasse les Anglais.
Ces deux grâces obtenues par l'intercession de Marie lui inspirèrent une dévotion particulière pour Notre-Dame de Cléry et le portèrent à y concentrer les dons de sa religieuse et royale munificence.
Charles VII avait donné Cléry à Dunois en récompense de ses brillants exploits ; Louis le racheta de ce seigneur au moyen d'un échange, l'érigea en baronnie et le donna en toute propriété aux chanoines, qu'il institua barons et seigneurs de Cléry avec tous les droits afférents à ce titre, leur assignant pour armoiries un écusson d'azur qui représentait une Vierge d'or tenant l'enfant Jésus dans ses bras, et pour grand sceau la Vierge, couronnée par les Anges, bénie par Dieu le Père ; à droite, les armes de France, à gauche celles de Melun ; au revers, une grande fleur de lis entourée d'une couronne d'épines.
Plus tard, la collégiale fut érigée en chapelle royale, et gratifiée des droits, prérogatives et prééminences de la Sainte-Chapelle de Paris, à condition qu'on y chanterait toutes les heures canoniales et qu'on y ferait le service divin comme dans la chapelle du palais de saint Louis. Le roi lui-même voulut faire partie du chapitre, et sollicita cette faveur auprès du pape Sixte IV.
Celui-ci lui répondit, en 1471, par un bref où nous remarquons les passages suivants : « Dans l'ancienne loi, dit-il, non-seulement les prêtres, mais encore les rois, recevaient l'onction sainte. De même les rois de France, comme défenseurs très-chrétiens et très-victorieux de la religion, se font sacrer au commencement de leur règne ; et par la même raison, plusieurs pontifes romains nos prédécesseurs les ont nommés chanoines en plusieurs églises de leur royaume, afin que les dépositaires de l'autorité suprême fussent en même temps décorés de dignités ecclésiastiques, comme témoignage de leur attachement au saint-siége. A ces causes et suivant la demande que nous a adressée notre très-cher fils en Jésus-Christ, Louis, roi des Français, en vertu de notre autorité apostolique, nous ordonnons que ce prince et tous ses successeurs, aussitôt après leur avénement, puissent prendre le titre et le rang de premier chanoine de l'église collégiale de Cléry, où ledit roi Louis a élu sa sépulture ; qu'en cette qualité les rois des Français aient le droit de porter le surplis, l'aumusse, la chape et les autres ornements sacerdotaux ; qu'ils aient la première place, même avant le doyen, et aient voix délibérative au chapitre. »
Louis XI, installé chanoine de Cléry en vertu de ce bref, conféra à ses nouveaux confrères le titre de chapelains d'honneur du roi, augmenta la dotation du chapitre de 4,000 livres de rente, à prendre sur ses domaines de Normandie, et accorda, pour reconstruire la collégiale, ruinée par les Anglais, d'abord 2,300 écus d'or, puis 7,328 livres 15 sous. Avec ce secours la reconstruction marcha vite ; mais a peine était-elle achevée qu'un terrible incendie, allumé par l'incurie d'un ouvrier, consuma toute la toiture.
Heureusement le roi répara bientôt le dommage ; et grâce à lui, le sanctuaire de Notre-Dame de Cléry, chef-d'œuvre de l'art gothique flamboyant, put prendre rang parmi les plus belles basiliques de France.
Le monarque composa le clergé de cette église de dix chanoines résidants, de deux non résidants, de deux vicaires et de plusieurs chapelains et prêtres habitués ; il bâtit autour du saint édifice un cloître où il avait son logis, fit présent au chapitre d'un plateau de porcelaine enchâssé en or, pour le service de l'autel, et, ce qui était plus précieux encore, d'une épine de la couronne de Notre Seigneur et de plusieurs autres reliques.

Enfin, telle était sa vénération pour ce sanctuaire, qu'il portait toujours à son chapeau l'image en plomb de Notre-Dame qu'il y avait fait bénir, et qu'il voulut que là fût le lieu de sa sépulture.
Il choisit lui-même pour son caveau sépulcral le haut de la grande nef à gauche, en face de la statue miraculeuse placée alors au fond du sanctuaire, et donna le plan détaillé de son tombeau.
Il fonda de plus trois messes à acquitter chaque jour, après sa mort, pour le repos de son âme.
L'une devait être chantée à l'autel où était la statue vénérée, et les deux autres dites en même temps aux autres autels.
Ces dispositions testamentaires eurent bientôt leur accomplissement : car, en 1483, le roi mourut à Plessis-lès-Tours, un samedi, comme il l'avait désiré, le trentième jour d'août.
Suivant ses ordres, son corps fut transporté à Cléry et inhumé dans l'église le samedi 6 septembre, et sur sa tombe on éleva un monument funèbre où il est représenté à genoux, dans l'attitude de la prière, revêtu du manteau royal et du collier de l'ordre de Saint-Michel, ayant devant lui, sur un coussin, son livre d'heures avec son chapeau couronné de l'image de Notre-Dame de Cléry.

Charles VIII arrivé au trône réduisit a 2,000 livres de rente annuelle la dotation faite au chapitre de Cléry par le roi son père ; mais, en compensation, il accorda aux chanoines le droit de patronage sur les églises des hôpitaux, aumôneries et maladreries, situées dans le détroit des vicomtés de Normandie ; et loin que le chapitre eût à se plaindre de cette commutation, il n'eut qu'à s'en féliciter.

Non moins édifiante fut aux siècles suivants la piété des rois de France envers Notre-Dame de Cléry : l'église avait des portes et des stalles peu dignes du monument ; Henri II lui en donna qui étaient en bois sculpté et d'un travail remarquable.
Les protestants, en 1562, après s'être emparés d'Orléans, dont ils voulaient faire le boulevard de l'hérésie, étant venus à Cléry, avaient brisé les verrières, mutilé les stalles, renversé l'autel principal et le trône de Marie, insulté les restes inanimés de Louis XI et du célèbre Dunois ; rien n'avait échappé à leur fureur, sauf les richesses du trésor de la collégiale que les chanoines avaient pu emporter avec eux dans leur fuite : Henri II fit rétablir les verrières, aidé dans cette bonne œuvre par les chevaliers du Saint-Esprit, qui tinrent à honneur d'y contribuer ; et Henri IV donna 300 écus pour faire les réparations les plus urgentes parmi les ruines entassées dans ce bel édifice.
L'exemple de cette série de souverains tout dévoués à Notre-Dame de Cléry fut suivi, à toutes les époques, par les particuliers.
Le 8 octobre 1463, l'intrépide compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, le vaillant comte de Dunois, et sa pieuse épouse, Marie d'Harcourt, léguèrent, par leur testament, 1,200 écus d'or a la collégiale de Cléry, à la charge d'y élever et décorer une chapelle en l'honneur de saint Jean-Baptiste, patron du comte, dans laquelle ils voulaient être inhumés, eux et les membres de leur famille ; et ces dernières volontés furent scrupuleusement exécutées. Le 15 juin 1469, un seigneur de la Beauce, Jean Guéret, donna à la même église un témoignage de sa religion envers Notre-Dame de Cléry, qu'un historien contemporain raconte dans ce langage naïf que nous ne voulons point défigurer en le réformant : « Noble homme » Jean Guéret, dit-il, seigneur de la court en Beauce, demeurant à Jargeau, pour sa grande et singulière dévotion à Notre-Dame de Cléry, donna à ladite église pour entretenement et substantation de la fabrique d'ycelle église, et pour fournir par chacun jour à perpétuité, tout le pain et le vin à chanter les messes qui seront dites toujours en ladite église, les héritages et choses qui s'ensuivent : à savoir cinq métairies, ses vignes, ses deux maisons et un droit de péage, à condition que son corps recevrait la sépulture dans l'église Notre-Dame de Cléry, et qu'on célébrérait après son trépas un service d'obit et de sépulture, consistant en douze messes basses et trois messes chantées, puis quatre messes basses chaque semaine pour le salut de son âme, et celui de ses parents et amis trépassés, avec un De profundis sur la fosse. »
En 1490, Marie de Cournay, épouse du seigneur de la Mothe, inspirée par le même esprit de piété, et n'ayant point d'héritiers directs, laissa au chapitre tous ses biens, notamment le terrain sur lequel furent bâties la plupart des maisons du cloître, et éleva dans la collégiale la chapelle dite de Saint-Sébastien.
Catherine de Médicis y fonda un service perpétuel pour son mari et ses enfants, et fit entretenir nuit et jour une lampe devant l'autel. Louis de Gonzague de Clèves, duc de Nevers, lieutenant général des armées du roi, rapidement guéri, après un vœu a Notre-Dame de Cléry, d'une blessure grave reçue au siège de Beaugency, y fonda une messe quotidienne de la sainte Vierge, et donna, à cet effet, quarante écus de rente annuelle.
Marie Danguy d'Orléans fonda cinq messes, à dire chaque semaine à l'autel de la Vierge miraculeuse, pour elle, ses parents et ses amis. Les chanoines eux-mêmes firent des fondations de messes, établirent des autels, et de toutes parts la confiance en Notre-Dame de Cléry amena des dons sous toutes les formes, qui rendirent son chapitre un des plus riches de France.
Cette confiance y attirait d'innombrables pèlerins.
Le plus célèbre fut Louis XI : il y fit un premier pèlerinage en actions de grâces pour la prise de Dieppe, un second pour le rétablissement de sa santé, à la suite d'une neuvaine de prières ; un troisième, après son sacre, pour demander un héritier de sa couronne ; et un quatrième, après la naissance de son fils, en reconnaissance de cette faveur.
Charles VIII et Anne de Bretagne y vinrent souvent prier devant la statue vénérée, et ordonnèrent qu'après leur mort leurs corps y lussent transportés, et qu'on y chantât un service pour le repos de leur âme : ce qui eut lieu en effet.
Leurs corps y demeurèrent deux jours aux pieds de Notre-Dame, et on y pria pour eux avec grande solennité. « La reine, dit l'historien du temps, fut moult bien reçue tant des gens d'Église que de ceux de la ville, et après les vigiles dites icelui soir, et le lendemain les trois grandes messes, ainsi qu'on avait coutume, on partit pour Orléans. »
Au-dessus de la porte de l'église, on avait mis les vers suivants, qui rappellent tout à fait la poésie de l'époque :
0 de Cléry Vierge très-glorieuse,
Si ce corps fut en terre triomphant,
Vers votre Fils, votre humble et cher Enfant,
Soyez es cieux de son âme curieuse.
Louis XII, atteint d'une maladie grave, se rappelant la dévotion des rois ses aïeux pour Notre-Dame de Cléry, y envoya le cardinal d'Amboise demander sa guérison, et l'événement justifia sa confiance.
Henri III, plein des mêmes sentiments, y fit en personne trois pèlerinages : « L'onzième jour d'avril 1583, qui était le lendemain de Pâques, raconte Pierre de l'Étoile, le roi et la reine, son épouse, partirent de Paris à pied, allèrent à Chartres et de Chartres à Cléry, faire leurs prières et offrandes à la Belle-Dame révérée solennellement es églises desdits lieux, à ce que par son intercession il plût à Dieu leur donner la mâle lignée que tant ils désiraient ; d'où ils furent de retour a Paris le vingt-quatrième dudit mois, tous deux bien las et ayant les plantes des pieds bien ampoulées d'avoir fait tant de chemin à pied. »
« Le 5 octobre, même année, raconte le même historien, le roi, ayant passé a Cléry et à Chartres où il fit ses prières et offrandes a la Belle-Dame, arriva à Paris. »
Le pèlerinage de l'année suivante, 1584, eut ceci de remarquable que le roi y était accompagné de capucins, de minimes, et de cinquante princes ou seigneurs, tous habillés en pèlerins, tous marchant a pied , précédés d'une pesante croix que chacun portait à son tour.
C'était du reste alors la seule manière d'accomplir un pèlerinage, et personne, jusqu'à l'époque de la révolution de 93, n'eût voulu pour ces pieux voyages se servir de voiture.
On les faisait à pied et en priant.
Ainsi était venu à Notre-Dame de Cléry, en 1560, François de Guise, accompagné de toute la cour, et ainsi y vint plus tard, en 1715, le duc de Bavière.
Louis XIV, qui avait sa maison royale à Cléry, comme Louis XI y avait eu son logis du roi, y venait souvent, sinon en pèlerinage, du moins en visite, lorsqu'il se rendait à Chambord.
C'est ainsi que les grands du monde abaissaient leur majesté devant la Reine du Ciel ; là les dispensateurs de la fortune devenaient suppliants eux-mêmes, et sur ces dalles foulées aussi par leurs sujets, leur conscience entendait des encouragements ou des reproches qui réveillaient en elle un sentiment plus vif de la justice et du devoir.
Sur ces traces royales, les villes entières accouraient à Cléry implorer la protection de Marie, surtout dans les temps de peste : ainsi firent Metz et Calais dans la peste de 1583 ; et en reconnaissance du secours obtenu, leurs échevins vinrent suspendre, dans la collégiale de Cléry, deux ex-voto en argent, représentant les deux villes protégées. C'était surtout le 8 septembre, jour de la Nativité de la sainte Vierge et fête patronale de Cléry, que les pèlerins accouraient en plus grand nombre ; et telle était leur ardeur pour solliciter des prières dans ce sanctuaire, que souvent le nombre des messes demandées s'élevait à quatre mille.
On y venait des contrées même les plus lointaines ; et bien des fois on a vu des gens de toutes les classes, mais surtout des marins, arriver à Cléry de plus de cent lieues de distance faites à pied en récitant des prières.
Cependant, malgré cette dévotion des princes et des peuples à Notre-Dame de Cléry, malgré les offrandes qu'on y apportait sans cesse, les dégradations faites par les protestants restaient toujours si imparfaitement réparées, que depuis soixante-dix ans l'on était réduit à célébrer l'office dans une chapelle.
Enfin, en 1633, le chapitre put réparer la plus grande partie de ces dégâts, et il rétablit l'ancien état de choses, sauf une modification assez peu heureuse il retira la statue du fond mystérieux où elle était placée à distance des regards de la foule, et ayant dressé dans le transept une sorte de jubé, appuyé au mur plein qui fermait le chœur, il y établit un autel avec retable en style grec, et, au-dessus, une niche où il posa la Vierge noire.
Ce monument, qui depuis des siècles attire tant de pieux voyageurs, demeure encore aujourd'hui, malgré les ravages du passé, un édifice remarquable et plein d'intérêt.
C'est une basilique à trois nefs, longue de 80 mètres, avec une grosse tour, deux campaniles, des contre-forts vigoureux qui l'étreignent sans l'écraser, et un portail élégant. Sa nef principale, éclairée par vingt-trois croisées, se déploie avec majesté dans une longueur de 71 mètres sur une largeur de 10 mètres ; chacune des basses nefs a près de 6 mètres, la voûte 20 mètres, et 10 mètres jusqu'au faite. Autrefois, au fond du sanctuaire, entre les arcades du rond-point et l'autel principal, s'élevait un trône richement orné, entouré de balustres et surmonté d'un baldaquin que soutenaient quatre colonnes en cuivre, du poids de 2,701 livres, ornées de fleurs de lis. C'était là que reposait la statue de Marie, entourée de guirlandes de cœurs, portant sur sa tête des couronnes d'argent, et vêtue d'une robe éclatante taillée en éventail.
Cette statue était une Vierge noire tenant l'enfant Jésus entre ses bras.
Devant elle brûlait jour et nuit un cierge tellement énorme que dix hommes forts auraient eu peine à le remuer et qu'il fallait pour le fixer une grosse chaîne de fer.
Plusieurs historiens  rapportent comme chose certaine que chaque fois qu'une personne en péril sur terre ou sur mer faisait vœu d'aller en pèlerinage ou de porter une offrande à Notre-Dame de Cléry, le cierge tournait sur lui-même et la chaîne s'agitait, comme pour avertir les fidèles ; et alors ceux qui avaient vu le mouvement du cierge ou entendu le bruit de la chaîne se prosternaient et priaient pour la personne en péril.
Quoi qu'il en soit de ce fait, les choses demeurèrent ainsi jusqu'en 1793.
Dès le 1er janvier 1792, les administrateurs du district avaient décidé la démolition du jubé et du mur auquel il était adossé.
Mais leur décision n'eut son effet que le 13 mai 1793 : alors, malgré l'impiété qui était à l'ordre du jour, le conseil municipal, pénétré de respect pour l'image objet de la dévotion des fidèles pendant cinq siècles, prit une délibération digne de remarque pour cette époque ; il arrêta que la statue serait placée dans l'arcade du rond-point du sanctuaire, fondant sa décision sur les motifs suivants : « Que cette image était plus ancienne que l'église qui avait été bâtie pour elle, que de tous les temps les fidèles l'avaient honorée d'une grande vénération, et que la ville de Cléry lui devait son existence.
Mais, bientôt après, la terreur fit disparaître tout culte à Cléry comme ailleurs ; et en dépit de la dévotion des habitants et du bon vouloir du conseil municipal, la statue vénérée fut reléguée dans un coin ignoré de la salle capitulaire, où, si elle fut quelque temps dans l'oubli, elle échappa du moins à la destruction.
En 1836, on essaya de lui substituer dans l'église une autre statue d'un goût plus moderne ; mais les populations réclamant avec énergie contre ce changement, on retira enfin l'antique statue de la salle capitulaire, et on la rétablit solennellement à la place qu'elle occupait avant 93.
Depuis lors, on l'a déplacée de nouveau, et on l'a transférée dans une chapelle du pourtour, dite Notre-Dame de Pitié, où elle reçoit aujourd'hui les hommages des peuples, en attendant qu'on lui restitue l'antique trône que nos pères lui avaient choisi, sous l'inspiration de cette sage pensée, que dans un temple de Marie, et surtout un temple dont elle fait la célébrité, Marie doit, après Dieu, tenir la première place, et non pas être reléguée dans une chapelle secondaire.
Toutefois, la gloire de Notre-Dame de Cléry s'était bien effacée ; et les pèlerinages, suspendus par la terreur, n'avaient point repris leur vogue première.
En 1854, Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans, eut l'heureuse idée d'y fonder une communauté d'Oblats pour remplacer l'ancienne collégiale, et y vint lui-même en pèlerinage le 8 septembre.
Sa présence y attira un clergé nombreux avec une grande foule de fidèles ; pendant toute l'octave, l'affluence ne diminua pas, et Cléry revit quelque lueur de la beauté de ses anciens jours.
Depuis lors, chaque année à la même époque, ainsi que pendant le mois de mai et aux fêtes principales de la sainte Vierge, les pèlerins se pressent à Cléry ; et, pour leur commodité, il se dit chaque jour, pendant l'été, une messe à neuf heures dans le sanctuaire de Notre-Dame.

Source : Livre "Notre-Dame de France ou Histoire du culte de la Sainte Vierge en ..., Volume 1" par André Jean Marie Hamon
En savoir plus :
http://pascale.olivaux.free.fr/Histoire/Pages/basilique_clery_saint_andre.htm




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