Mont Saint Michel de Braspart
La chapelle Saint Michel
Un temple celte voué au culte solaire d'abord
La chapelle sommitale du mont Saint-Michel de Brasparts a succédé à un ancien temple celte voué au culte du soleil.
Jacques
Cambry écrit : « Sur le point le plus élevé des montagnes d’Arès, à
près de deux lieues de La Feuillée, est une chapelle antique, consacrée
sans doute au Soleil, dans les temps les plus reculés, comme le rocher
de Tombelène en Normandie, comme le mont Penninus, comme tous les hauts
lieux : c’est à présent saint Michel qu’on y révère. Dans les belles
nuits, on le voit quelquefois déployer ses ailes d’or et d’azur, et
disparaître dans les airs ».
La chapelle du sommet de la Motte-Cronon
C'est à la fin du XVIIe siècle, en 1672 que la décision est prise de construire une chapelle au sommet de la Motte Cronon à Brasparts.
Le sieur de Kermabon, seigneur de Roudoumeur en Plonévez-du-Faou, propriétaire du lieu, l'autorise.
Le lieu était honoré de longue date, et procès avait été instruit devant notaire pour valider des miracles attribués au Saint.
Le Pape Innocent XI avait signé une bulle portant indulgence aux futurs pèlerins.
Malgré
la volonté du seigneur de Kermabon, possesseur du Menez, les terres qui
enserrent la chapelle restèrent pour partie à l'abbaye du Relec, pour
partie aux paysans qui venaient y travailler, et aux pâtres qui y
gardaient leurs troupeaux, et ce jusque vers les années 1870.
Un oratoire provisoire est construit avant mai 1673 pendant le mandat des deux premiers fabricques
(fabriciens), Louis Sizun et Michel Le Baraer. « C'est sans doute une
simple cabane à la structure constituée de perches et aux parois faites
de panneaux de branchages entrelacés, avec clayonnage, dont seule la
taille diffère de celes utilisées par les familles de charbonniers et de
sabotiers jusqu'au début du XXe siècle ». Des bancs y sont ensuite installés.
Le registre des comptes des « fabricques et marguilliers à l'honneur de mons Sct Michel Archange sur la motte de Cronon en Brasparts
», ouvert dès 1672 et qui a été conservé permet de suivre les étapes de
la construction de la chapelle en pierres : les pierres des murs sont
extraites sur place ou à proximité, les ardoises du toit proviennent de
la « ferière de Hengoat » en Saint-Cadou, la charpente en « bois de chaisnes » du bois de Bodriec. Trois « bestes »
(des bœufs probablement) servent à charrier les matériaux et la
chapelle, consacrée le 29 septembre 1677, jour de la Saint-Michel, est
totalement achevée en 1679 probablement.
Cette
chapelle fut très fréquentée les premières décennies si l'on en juge
par le produit financier des troncs placés dans la chapelle.
Sa fréquentation baissa dans le courant du XVIIIe siècle,
mais la chapelle resta fréquentée jusque vers 1860 en particulier par
les bergers tant que l'élevage des moutons domina dans les monts
d'Arrée.
XVIIIe - XIXe siècles
Mais
la chapelle est alors, si l'on en croit Jacques Cambry, dans un état
pitoyable : « Là, vous trouvez une chapelle abandonnée : la façade,
formée d’assises irrégulières, est ornée d’un portique décoré de deux
pilastres d’ordre toscan, et d’une assez jolie corniche ; un petit dôme
couronne l’édifice ; la chapelle est détruite, l’intérieur est
dépouillé, l’autel est renversé. Le bois de cette charpente s’emporte
par petits morceaux ; il préserve du mauvais vent, des incendies et du
tonnerre ».
Le lieu est, toujours selon le même auteur, fréquenté par les marchands les jours de pardon.
Des superstitions sont attachées au lieu : outre la légende du chien noir du Lenn ar Youdig,
transcrite par Anatole Le Braz en 1893, Jacques Cambry évoque : « On
dit à Braspars que les démons, chassés du corps de l’homme, sont
enchaînés dans un cercle magique en haut du mont Saint-Michel : ceux qui
mettent pied dans ce cercle courent toute la nuit sans pouvoir
s’arrêter. Aussi la nuit on n’ose traverser ces montagnes ».
L’architecture de la chapelle est très simple, un plan rectangulaire avec chevet à pans coupés.
La
chapelle actuelle a été élevée pour remercier saint Michel d’avoir fait
cesser une épidémie qui avait sévi longtemps dans la contrée.
Abandonnée
sous la Révolution, la chapelle tombait en ruines : selon le témoignage
en 1806 du recteur de Brasparts, il n'y avait plus que des pierres que
l'on songeait à utiliser pour réparer d'autres chapelles, mais la piété
généreuse des paroissiens permit en 1820 sa restauration et elle fut à
nouveau consacrée en juillet 1821.
Lorsque
l'ancienne trève Saint-Rivoal fut érigée en paroisse en 1836, il fut
spécifié que, malgré son emplacement, elle continuerait à appartenir à
la paroisse de Brasparts.
À
partir de 1835, des pierres furent amoncelées autour de la chapelle
pour la protéger du vent ; elles étaient encore en place en 1903. Une
petite maison servant d'abri pour les pèlerins fut construite à côté de
la chapelle en 1842.
En 1892, sous le rectorat de M. l’abbé Duclos et, depuis, par les soins
de M. Bourvon, recteur actuel de Brasparts, l’édifice a subi de
nouvelles réparations.
André
Mori écrit en 1885 : « On ne voit plus un arbre, pas même un arbuste.
(...) Sur la lande quelques moutons maigres ; sur la route un chemineau
qui marche pieds nus, tenant ses souliers dans une main et de l'autre le
petit paquet de ses hardes ».
Au XXe siècle
Un
témoignage de 1902 indique : « Saint-Michel est particulièrement
invoqué pour obtenir du beau temps pendant la récolte ; on le prie aussi
pour les malades ; on voit assez souvent les pèlerins faire le tour de
la chapelle à l'intérieur, nu-pieds ».
Dès le début, deux pardons sont organisés dans l'année : le premier à la « Saint Michel en septembre », le second le jour de « Saint Michel du mois de may », c'est-à-dire le 29 septembre et le 8 mai.
Dès
1915, et pendant toute la durée de la Première Guerre mondiale, des
pèlerinages supplémentaires furent organisés pour invoquer l'archange
saint Michel, les pèlerins priant pour le retour de la Paix et des
soldats.
Voici des extraits du récit d'un pardon organisé en septembre 1917 : « La procession partit de Brasparts à 8 h ½
(...). En route le pieux cortège alla toujours grossissant. Vers 10
heures on arrivait au pied de la montagne. Pendant le trajet on récita
le rosaire, on chanta les litanies des Saints et le cantique à Saint
Michel : « Euz ho trôn saret huet, var lein Menez Are, ... »
(« De votre trône élevé sur le faîte des Monts d’Arrée, veillez sur
nous, O saint Michel, veillez sur nous à chaque instant »). À 10 h ½,
la procession de Brasparts arrivait à la chapelle où se trouvaient déjà
de nombreux pèlerins venus avec leurs pasteurs, de toutes les paroisses
des environs : de Saint-Rivoal et de Saint-Cadou, de Lannédern, de
Botmeur, de Brennilis, de La Feuillée, de Commana, de Saint-Sauveur,
etc. ». Repas, café en plein air et colporteurs attendaient les pèlerins
après les cérémonies. Plusieurs cartes postales de François Joncour
illustrent ces pardons et plerinages.
En
1919, la construction de la route d'accès au mont facilite les
déplacements des pèlerins, puis des touristes. Elle fut goudronnée par
les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale pour des raisons
stratégiques.
Un
monument du souvenir faillit être construit sur le sommet après la
Première Guerre mondiale, le projet architectural étant très avancé, les
plans étant réalisés en mars 1918 par Charles Chaussepied, mais le
sommet du mont étant un site classé depuis 1910, on y renonça finalement
et le projet fut repris à Sainte-Anne-d'Auray. Pendant la Seconde
Guerre mondiale, les Allemands installèrent un système de guidage de
radionavigation pour leurs bombardiers au sommet du mont. L'émetteur
était une immense antenne de 25 m x 25 m
en acier. Les vestiges de la raie circulaire du système Bernhart 724/
725 qui pesait 120 tonnes pour 28 mètres de haut et 35 mètres de large
sont encore visibles ; le système était monté sur un rail circulaire en
béton de 22 mètres de diamètre, nom de code B8 et était couplé à des
téléscripteurs se trouvant à bord des avions de la Luftwaffe. Les restes
de ce système de guidage sont bien visibles à côté de la chapelle, un
bunker carré s'aperçoit encore sur la droite de la chapelle, un peu plus
en haut, et un deuxième bunker est sur la gauche de la raie.
De
nos jours encore, des cérémonies druidiques sont parfois organisées à
son sommet. Sur les cinquante druides de Bretagne, un certain nombre
habitent les monts d’Arrée. « Cette terre attire. Depuis très longtemps.
Le mont Saint-Michel est l’ancien mont Kronan, du nom du dieu de la vie
des cycles célébré par les populations locales pré chrétiennes »
déclare un druide.
Légendes
La légende de Tadik-coz, connue sous de multiples noms (« Le chien noir de Lenn ar Youdig », etc.) est la plus connue.
Une des nombreuses variantes a été transcrite par Anatole Le Braz dans La légende de la mort.
C'est
la description de la manière dont les âmes des trépassés ayant eu une
mauvaise vie, revenaient hanter leur ancienne maison ; pour que cela
cesse, il fallait faire un exorcisme (une « conjuration ») et faire
passer l'âme du fantôme dans le corps d'un chien noir.
Dès
cet instant commençait pour le prêtre du village du décédé un long
chemin de presbytère en presbytère, depuis Bégard dans la variante
décrite par Anatole Le Braz, pour aboutir chez le vieux Tadik-coz,
recteur de Saint-Rivoal ; au coucher du soleil, les deux prêtres,
nu-pieds, devaient entrer dans l'eau du marais du Yeun Elez jusqu'à
mi-jambes et lancer le chien noir dans les profondeurs du Youdig.
Le veneur infernal, récit collecté au XIXe siècle
par Ernest Du Laurens de la Barre, parle du « sire de Botmeur » et
donne une explication légendaire de la création de la chapelle du sommet
du mont Saint-Michel de Brasparts et de la cuvette du Yeun Elez.
Parmi les légendes figure encore La femme du Trépas (transcrit par François-Marie Luzel).
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