Les saints cheveux de la Vierge

Les saints cheveux de la Vierge




Reliques de la Sainte Vierge à Lille
 La Bonne-Fierté, renfermant le Saint Lait et les cheveux de la Sainte Vierge

Le Seigneur, qui a préservé l'âme de Marie de la tache du péché originel, n'a pas voulu que sa chair subît les suites ordinaires de la mort, de la mort, salaire du péché, et il a soustrait à la corruption du tombeau ce corps virginal où le Sauveur daigna prendre naissance Semblable au sépulcre du Fils de l'Homme, la tombe où Marie reposa trois jours n'aura rien à rendre au grand jour de la résurrection ; son corps glorifié habite les célestes demeures, avant que la trompette de l'ange ait sonné pour réveiller la cendre des morts au fond des tombeaux. La terre n'a donc rien gardé de cette nouvelle Eve, par qui le salut et la vie sont venus aux hommes ?....
De pieuses croyances nous assurent le contraire, et l'on vénère en divers lieux, des reliques de la Sainte Vierge, auxquelles les âges de foi et d'amour ont attaché le plus grand prix.
Lille s'honorait de posséder quelques-uns de ces sacrés vestiges, et le plus bel ornement de sa procession célèbre c'était la châsse qui renfermait des cheveux et du lait attribués à la Sainte Vierge.
Ces mots exciteront peut-être les réclamations de nos lecteurs, car nous n'avons plus la foi naïve de nos pères, et l'impitoyable main de la critique a desséché les sources où jadis se régénérait la piété du peuple ; elle a dépouillé la religion de ses légendes, comme elle a dépouillé l'histoire de ses récits colorés, traditions dramatiques. Peut-être a-t-elle pu réfuter quelques erreurs, abolir quelques pratiques superstitieuses, mais ne s'est-il pas englouti dans ce commun naufrage des faits dignes d'intérêt, des coutumes respectables, et méritant, tout au moins, d'exciter les curieuses recherches de l'écrivain catholique ? Nous ne pouvons, à moins de décerner à tous nos ancêtres un brevet de sottise et de niaise crédulité, condamner sans examen préalable ce qu'ils ont vénéré, brûler ce qu'ils ont adoré, fouler aux pieds ce qu'ils ont religieusement placé sur les autels. Examinons donc quelles étaient, en particulier, ces reliques qui ont obtenu, à Lille, durant six siècles, un culte si persévérant de confiance et d'amour.
Constatons d'abord que la châsse, qui faisait le principal ornement de la procession, était unanimement reconnue pour renfermer du Lait et des Cheveux attribués à la Sainte Vierge Marie. Voici ce que dit à cet égard Turbelin, prêtre de la Collégiale de Saint-Pierre, et notaire apostolique :
« La principale Fierté ou chasse portée en cette procession est celle de Notre-Dame, d'argent très richement doré et embellie de plusieurs pierreries et joyaux précieux, environnée de plusieurs nuages, aussi d'argent doré, avec une couverture pareille, faite d'artifice admirable, tenue en grand honneur et pieuse révérence de tout le peuple, pour le sacré lait de Notre-Dame, qu'elle contient en soi, si connue aussi par les cheveux de la dite Vierge, et elle est portée dessous de quelque pavillons, après le clergé, éclairée de plusieurs torches et flambeaux.
Une oraison spéciale fut composée pour honorer ces reliques, elle a été publiée plusieurs fois avec la permission de l'ordinaire.
L'Hermite dit, en son "Histoire des Saints de Lille et d'Orchies" :
« A cette église (de Saint-Pierre), sont donnés les gages de la protection de Marie, à savoir : Son lait virginal que sans doute la Mère de Dieu a distillé de son sein à quelqu'un de ses favoris, et ses cheveux d'une longueur remarquable, deux présents d'une valeur inestimable, faits à Lille par l'Empereur de Constantinople, père, oncle ou la mère de la comtesse Marguerite. Ce « lait , qui a été le nectar de Dieu même, est gardé dans une petite colombe d'argent doré, qu'un ange de même étoffe, artistement paré, tient en son sein, et la contemplant tendrement, montre à l'œil la relique divine et les cheveux précieux, tournes dans un cercle d'or. Le tout est enfermé dans une grande châsse de ce riche métal, miraculeusement travaillée par l'antiquité, avec ses statues aux environs, et repose en un lieu haut , élevé derrière le grand autel.
Enfin, le judicieux et savant historien de la Flandre catholique, Buzelin, s'exprime en ces termes :
« L'église de St-Pierre possède deux reliques précieuses de la Vierge Marie : quelques-uns de ses cheveux et un peu de son lait obtenu par miracle. Le Saint Lait se conserve dans un reliquaire d'un fort beau travail, représentant un ange qui tient dans son sein une petite colombe. Les cheveux sont renfermés dans un globe de cristal. Ces précieux objets sont contenus dans une châsse fort élégante, en vermeil, et dont le travail atteste une haute antiquité. C'est là la Fierté principale portée en la procession instituée par Marguerite de Flandre. » 
On voit, par ce qui précède, quelle origine on attribuait ordinairement à ces reliques. On croyait les devoir à la main généreuse de Marie de Champagne, qui avait suivi son époux, Bauduin IX, à la croisade, et qui succomba, à Saint-Jean-d'Acre, par suite des fatigues d'un pénible voyage et de l'émotion qu'elle ressentit en apprenant que son mari venait de recevoir la couronne impériale sous les voûtes de Sainte-Sophie de Constantinople.
C'est aux croisades, en effet, que l'Europe doit la plus grande partie des précieux trésors qu'elle vénère sur les autels. Les reliques des saints et des martyrs, et surtout celles de la vraie Croix, formaient le prix que mettaient à leurs services les princes et les barons qui combattaient pour la délivrance du Saint-Sépulcre. Suénon, prince de Suède, vint, durant la seconde croisade, rejoindre l'armée avec une troupe valeureuse et disciplinée ; il ne voulut ni terres, ni baronnies, mais il demanda un morceau du bois de la Sainte Croix. Thierry d'Alsace, comte de Flandre, consentit à laisser aux saints lieux sa femme Sybille, qui désirait se vouer au service des lépreux et des pèlerins : mais il exigea en échange de la compagne de sa vie une fiole de cristal, conservée de temps immémorial à Jérusalem, renfermant quelques gouttes du sang de Jésus-Christ, recueillies par le pieux Joseph d'Arimathie. Cette insigne relique fût confiée par Thierry à la chapelle de Saint-Basile, à Bruges, où on la vénère encore de nos jours. Quand Byzance, prise pour la seconde fois, livra aux croisés ses trésors, ses manuscrits, ses tableaux, ses statues, les soldats de la Croix ne demandaient qu'une chose : des reliques, des restes précieux de leurs pères dans la foi, qui rapportés aux églises et aux monastères de l'Occident pussent augmenter la piété des femmes, des vieillards empêchés de concourir à la guerre sainte. Les Vénitiens prirent, pour leur part de butin, le corps de l'Evangéliste Saint Marc, dont le nom fut si longtemps leur cri de guerre, dont l'image était portée sur les mers à la poupe de leurs vaisseaux. Saint Louis acheta, à haut prix, aux mêmes Vénitiens, la couronne d'épines, que l'empereur de Byzance leur avait engagée ; le saint Roi alla la recevoir pieds nus, la montra au peuple avec allégresse, et fit bâtir pour l'y déposer, cette Sainte-Chapelle, qui est encore l'un des chefs-d'œuvre légués par le moyen-âge aux temps modernes. Le même Roi adressait aux chanoines de Tolède la lettre suivante :
« Louis, par la grâce de Dieu, roi des Français, à nos bien-aimés, les chanoines et tout le clergé de Tolède, salut et dilection.
Voulant honorer et enrichir votre église par de précieuses étrennes, à la prière et par les mains de notre cher et vénérable Jean, archevêque de Tolède, nous vous faisons part des choses les plus saintes que nous ayons dans notre trésor, et que nous avons reçues de celui de l'empire de Constantinople, savoir : Du bois  de la croix de notre Seigneur, une des épines de sa couronne, du lait de la glorieuse Vierge Marie, sa Mère, d'un morceau de sa robe de pourpre et des petits drapeaux (langes) de son enfance.
On attribuait à Marie de Champagne la même généreuse piété, et on voyait dans les reliques de la sainte Vierge un souvenir des vertus de cette princesse, de ses lointains pèlerinages, et du tendre souvenir qu'elle avait conservé à la patrie de son époux.
D'autres églises, au reste, vénéraient également des reliques du Saint Lait. Venise, Soissons, Verdun, Chartres, s'enorgueillissaient de ce précieux vestige. Voici comment, dans la dernière de ces villes, la chronique rapporte l'ori gine de cette relique. Fulbert, évêque de Chartres, était un fervent serviteur de Marie. Il fit, le premier, célébrer en France la fête de la Nativité de la Sainte-Vierge, et recueillant d'abondantes aumônes, il commença, en 1020, la magnifique cathédrale qui subsiste aujourd'hui, et qui est dédiée, on le sait, sous le vocable de Notre-Dame. Il tomba gravement malade ; Marie alors daigna visiter et consoler son serviteur fidèle, et le guérit miraculeusement, en répandant sur son visage trois gouttes du lait bienheureux dont Jésus fut nourri. Ce lait, recueilli par Fulbert, fut conservé au trésor de l'église de Chartres jusqu'à la révolution.
A Reims, l'on vénérait également une relique du Saint Lait, envoyée par le Pape Adrien V, au chapitre de cette ville. Elle était placée dans une chapelle magnifique où se réunissait une foule immense de pèlerins. (Histoire de la métropole de Reims, par Don Marlot. P. 275. V. 2.)


Le bréviaire des Capucins renfermait un office pour la Fête du Saint Lait de la bienheureuse Vierge Marie, donné par elle à Saint Bernard.
D'autres églises faisaient la fête des cheveux de la très sainte Vierge, notamment celle de Bruges, le 21 mars, celle d'Oviédo, le 2 mai, celle de Saint-Omer, le 23 mai.
Les reliques vénérées de la collégiale de Saint-Pierre ont disparu dans la tourmente révolutionnaire. Toutes ont été dispersées, sauf le bois de la Vraie Croix, dont l'église de Saint-Étienne est enrichie aujourd'hui. Mais la douce Providence qui préside aux innocentes joies des serviteurs de Dieu, a permis qu'une de ces reliques perdues pour la ville de Lille fût remplacée et offrît un nouvel aliment aux affectueux sentiments des enfants de Marie. Voici, en peu de mots, l'origine de la précieuse relique des cheveux de la Sainte-Vierge, qui appartient aujourd'hui a une communauté religieuse de notre ville.
Isabelle-Claire-Eugénie, infante d'Espagne et femme de l'archiduc Albert, désirait ardemment un fils qui pût succéder à son époux dans le gouvernement des provinces belgiques, et voulant rendre le ciel même complice de ses vœux, elle entreprit le pèlerinage de Bollezeele, village situé sur le territoire de Cassel. La Vierge est honorée dans cette paroisse sous le titre de Notre-Dame de la Visitation, et les pèlerinages remontent jusqu'au XIIIe siècle. L'archiduchesse, après avoir pieusement invoqué Marie aux pieds de son image, se retira en laissant à la chapelle de riches présents, témoignages de sa visite et gages de sa confiance. Parmi ces présents se trouvait un reliquaire contenant des cheveux de la Sainte-Vierge, donné à l'infante en la sainte maison de Lorette. Cette relique insigne, reconnue à différentes époques par l'autorité diocésaine, et spécialement en 1693 par M. Delieres, vicaire-capitulaire de Saint-Omer, a été reconnue de nouveau et authentiquée, le 20 décembre 1844, par Mgr. Giraud, de vénérée mémoire.
Divers événements où l'on voit se manifester la main fin Seigneur ont permis qu'une partie de cette insigne relique fût donnée, au mois de septembre de l'année 1849, par M. le curé de Bollezeele, à la communauté des religieuses de Notre-Dame de la Treille ; cet institut, créé pour honorer la Vierge de Lille, conserve maintenant ce précieux dépôt, et les fidèles sont admis à certains jours de l'année dans la chapelle du couvent, pour y rendre leurs hommages à la relique, qui rappelle tant de pieux souvenirs et nourrit de si ferventes espérances.
En savoir plus :

Notre-dame D'oviedo, Espagne.
On garde, à la cathédrale de cette ville, avec la plus grande vénération, une tresse de cheveux de la sainte Vierge.
Cette relique fut, d'un temps immémorial, et est encore aujourd'hui, l'objet d'un pèlerinage célèbre dans toute l'Espagne. 
Source : Livre "Manuel historique du culte de la vierge" par Joseph de Smeth






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire