L'adoration eucharistique Saint Jean-Marie Vianney

L'adoration eucharistique
Saint Jean-Marie Vianney
(Curé d'Ars)

 

LE SAINT CURÉ D'ARS ET L'EUCHARISTIE.
Si la dévotion du serviteur de Dieu à sainte Philomène et à la très-sainte Vierge Marie lui servit de puissant auxiliaire pour soulever les masses et les attirer à Dieu et à la vertu, on peut assurer que ce n'est que par la divine Eucharistie, par le culte du Dieu d'amour caché dans nos tabernacles, qu'il confirma dans le bien tant d'âmes faibles, incertaines, chancelantes. Et ceci se conçoit d'autant mieux qu'il n'appartient qu'à Dieu seul de rendre ferme et stable la terre de notre cœur.
Jean-Marie méditait habituellement sur l'amour de Jésus dans l'Eucharistie, et il y découvrait toujours des nouvelles merveilles qui le ravissaient. Ce Sacrement en contient la plénitude, dit, dans ses Commentaires, le vénérable docteur Hugues le Cardinal. Il savait les grands biens que Jésus-Christ procure à l'âme qui le visite, qui le reçoit dévotement, comme elle se trouve éclairée, consolée, rassasiée, fortifiée. Il sentait qu'un si grand amour de la part de Jésus réclame notre amour ; il eût voulu voir tous les cœurs voler vers Jésus, brûler, se consumer dans les flammes si belles et si pures de l'amour infini de Jésus. Aussi, durant les premières années qu'il passa à Ars, il ne pouvait se consoler de l'indifférence de ses paroissiens pour Jésus au Saint-Sacrement. Il disait, le Saint, la tristesse dans l'âme et les larmes aux yeux. « Je n'ai rien à faire ici, j'ai bien peur de perdre mon âme ! Ah ! si du moins je pouvais voir un peu Notre-Seigneur connu, aimé, adoré, si je pouvais distribuer tous les jours son très-saint Corps à de nombreux fidèles, que je serais heureux ! »
Consolez-vous, saint Prêtre, ces jours, ces moments fortunés viendront bientôt. Les confréries que vous avez établies, la prière commune que vous faites le soir hâteront pour vous ce bonheur impatiemment attendu.
A force d'entendre la parole de Dieu de la bouche du saint Curé, d'être édifié de sa piété et de la tendresse de sa dévotion pour le divin Sauveur, on se décida à fréquenter régulièrement les Sacrements. Sa joie fut alors à son comble. Il chercha surtout à inculquer à son cher auditoire cette maxime dont il était lui-même si bien pénétré, «que la très sainte Eucharistie est le fondement de la vie chrétienne, le secret de toutes les vertus. » C'est conforme aux éloges des divines Lettres qui l'appellent « le froment des élus, et le vin qui fait germer la virginité. » Dans la communion, en effet, nous trouvons ce Pain de vie qui nourrit les saints et les unit étroitement; ce vin précieux, non ce vin qui porte à la luxure, à l'impudeur, à la fureur, mais ce vin, sang adorable de Jésus qui rend les âmes et les corps de ceux qui s'en désaltèrent chastes et y fait croître et fleurir les vertus.

Le Saint ne voulait point de ces excuses banales de beaucoup de chrétiens de nos jours touchant la réception du plus auguste des Sacrements : je n'ai pas le temps, je n'en suis pas digne, je suis trop pécheur. Il entendait aussi que nulle profession ne devait nous en tenir éloignés, et qu'avec une bonne volonté on pouvait s'y préparer convenablement. Qui ne sait que sainte Madeleine de Pazzi étant une fois occupée à pétrir le pain pour la communauté, entendant sonner l'heure de la communion, courut se présenter à la Table sainte les mains pleines de pâte pour recevoir son. Dieu bien-aimé. Aussi le Curé d'Ars exhortait vivement et fréquemment à la réception du Sacrement d'amour.

Il disait : « Allez à la communion, mes frères, allez à Jésus avec amour et confiance ! allez vivre de lui, afin de vivre pour lui. Ne dites pas que vous avez trop à faire, le divin Sauveur n'a-t-il pas dit : « Venez à moi, vous qui travaillez et qui n'en pouvez plus, venez à moi, et je vous soulagerai. » Pourriez-vous résister à une invitation si pleine de tendresse et d'amitié ? Ne dites pas que vous n'en êtes pas digne. C'est vrai, vous n'en êtes pas digne, mais vous en avez besoin. Si Notre-Seigneur avait eu en vue notre dignité, il n'aurait jamais institué son beau Sacrement d'amour; car personne au monde n'en est digne, ni les saints, ni les anges, ni les archanges, ni la sainte Vierge. Ne dites pas que vous êtes pécheurs, que vous avez trop de misères et que c'est pour cela que vous n'osez pas en approcher. J'aimerais autant vous entendre dire que vous êtes malades, et que c'est pour cela que vous ne voulez point faire de remède, que vous ne voulez pas appeler le médecin. »
Tout en exhortant à s'approcher souvent de la Table sainte, le vénéré pasteur voulait cependant qu'on y apportât les plus saintes dispositions : une foi vive, une espérance ferme, un profond respect pour les saints mystères, une sincère humilité, l'amour des pauvres et de la pauvreté, l'amour de la simplicité, un détachement général, la connaissance et l'amour de Jésus-Christ, l'intelligence des merveilles cachées dans l'Eucharistie et des mystères dont elle est la continuation. C'était exiger beaucoup de la nature, mais non trop de ta foi, et ceux qui voudraient savoir de quelle manière il entendait ces saintes dispositions, n'ont qu'à lire l'explication qu'il en a faite dans le bel ouvrage qui lui est attribué : Guide des âmes pieuses. Quant à sa méthode de direction à ce sujet, il ne se montrait ni trop rigide, ni trop indulgent ; il tenait ce juste milieu si conforme à l'esprit de l'Eglise et à la doctrine des saints Pères.
Comme l'Eucharistie est le cœur du christianisme, Jean-Marie avait, pour ce Sacrement, une dévotion qui allait jusqu'à cette sainte et heureuse folie d'amour que nous admirons en quelques serviteurs de Dieu, notamment en saint Augustin, en saint Bernard, en saint Antoine de Padoue, en saint Alphonse-Marie de Liguori, dans les bienheureux Jean-Baptiste de la Salle et Benoît-Joseph Labre, dans le très-saint archidiacre d'Evreux, Boudon ; dans sainte Catherine de Sienne, dans sainte Madeleine de Pazzi, dans sainte Thérèse, dans la bienheureuse Marie Alacocque, qui ne vivaient plus que de cet aliment divin et qui ne pouvaient s'éloigner même corporellement de ce vrai paradis des âmes. Il le visitait souvent et récitait ces admirables formules que nous a laissées le grand docteur pacifique saint Liguori, le prince des amants de Jésus au Saint-Sacrement, dans son délicieux petit livre des Visites ; il engageait ses paroissiens à faire la même chose et leur composa même pour cela quelques prières. Vers la fin de sa vie, il ne se servait plus de livres pour cette pratique, mais il tirait de son fond de ces prières suaves que les anges recueillaient avec délices pour les présenter au divin Roi Jésus. Son bonheur le plus sensible, en ce monde, était de parler de Jésus dans l'Eucharistie qu'il appelait des noms les plus doux et les plus tendres. Quant il traitait ce sujet, ont déposé les témoins, son cœur se fondait de reconnaissance et d'amour, son front s'irradiait, ses yeux lançaient des étincelles, son âme se manifestait par l'expression de ses traits, et des larmes et des sanglots s'échappaient de sa voix : « Oh ! mes enfants, disait le Saint, que fait Notre-Seigneur dans le Sacrement de l'autel ? Il nous aime avec son bon Cœur, de ce Cœur divin il sort une transpiration de tendresse et de miséricorde pour noyer les péchés du monde. »
On peut, d'après cela, se faire une idée du respect et de l'attention avec lesquels il célébrait les divins Mystères. C'est alors qu'il était le plus favorisé des lumières surnaturelles. Souvent les anges, quelquefois, disent les témoins non suspects, la Vierge Marie lui apparaissaient, ce qui ne nous étonne pas. Il était si pur, si aimant et partant si humble ! C'était une opinion accréditée que le saint Curé voyait de ses yeux corporels Notre-Seigneur à l'autel. Le fait est qu'il s'y tenait avec une piété vraiment séraphique et que sa seule vue opérait des conversions. Il imitait les Anges qui, dit le docteur saint Basile, tiennent compagnie à Notre-Seigneur à l'autel, surtout pendant le sacrifice de la Messe, avec une grande vénération et qui le viennent visiter par milliers. Du reste, saint Jean Chrysostôme témoigne, après les y avoir vus sous des formes sensibles, qu'ils y sont dans l'attitude de l'adoration la plus respectueuse.
Source :
Livre "Vie nouvelle du vénérable curé d'Ars [st. J.M. Vianney] et de sainte Philomène" Par Jean François F. Darche

Rien ne peut donner une idée de la dévotion que M. le Curé d'Ars avait à l'adorable Eucharistie. Il l'appelait des noms les plus suaves et les plus tendres ; il inventait des expressions nouvelles pour en parler dignement : c'était son sujet favori, et il y revenait sans cesse dans ses catéchismes. Alors son cœur se fondait de reconnaissance, de bonheur et d'amour ; son front s'irradiait, ses yeux lançaient des étincelles ; son âme de saint se répandait sur ses traits ; les larmes étouffaient sa voix : « 0 mes enfants, s'écriait-il, que fait Notre Seigneur dans le sacrement de son amour ? Il a « pris son bon cœur pour nous aimer ; il sort de ce cœur une transpiration de tendresse et de miséricorde pour noyer les péchés du monde.
Il appelait la sainte communion un bain d'amour... «Quand on a communié, l'âme se roule dans le baume de l'amour, comme l'abeille dans les fleurs. »
Il lui est souvent arrivé de dire :
« Après la consécration, quand je tiens dans mes mains le très-saint corps de Notre-Seigneur, et quand je suis dans mes heures de découragement, ne me voyant digne que de l'enfer, je me dis : « Ah ! si du moins je pouvais l'emmener avec moi ! « l'enfer serait doux près de Lui, il ne m'en coûterait pas d'y rester toute l'éternité à souffrir, si nous y étions ensemble... « Mais alors il n'y aurait plus d'enfer ; les flammes de l'amour éteindraient celles de la justice. »
« Que c'est beau ! Après la consécration, le bon Dieu est là comme dans le ciel !... Si l'homme connaissait bien ce mystère, il mourrait d'amour. Dieu nous ménage à cause de notre faiblesse.
« Lorsque Dieu voulut donner une nourriture à notre âme pour la soutenir dans le pèlerinage de la vie, il promena ses regards sur la création et ne trouva rien qui fût digne d'elle. Alors, il se replia sur lui-même et résolut de se donner... 0 mon âme ! que tu es grande, puisqu'il n'y a que Dieu qui puisse te contenter ! La nourriture de l'âme, c'est le corps et le sang d'un Dieu ! Oh ! belle nourriture ! Il y a de quoi, si l'on y pensait, se perdre pour l'éternité dans cet abîme d'amour !... Qu'heureuses sont les âmes pures qui ont le bonheur de s'unir à Notre-Seigneur par la communion ! Dans le ciel, elles brilleront comme de beaux diamants, Parce que Dieu se verra en elles, Notre-Seigneur a dit : « Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, « il vous l'accordera. » Jamais nous n'aurions pensé à demander à Dieu son propre fils. Mais ce que l'homme n'aurait pu imaginer, Dieu l'a fait. Ce que l'homme ne peut pas dire ou ne peut pas concevoir, et qu'il n'eût jamais osé désirer, Dieu, dans son amour, l'a dit, l'a conçu et l'a exécuté. Eussions-nous jamais osé dire à Dieu de faire mourir son fils pour nous, de nous donner sa chair à manger et son sang à boire ? Si tout cela n'était pas vrai, l'homme aurait donc pu imaginer des choses que Dieu ne peut pas faire ; il serait allé plus loin que Dieu dans les inventions de l'amour. Cela n'est pas possible.
« Sans la divine Eucharistie, il n'y aurait point de bonheur en ce monde, la vie ne serait pas supportable. Quand nous recevons la sainte communion, nous recevons notre joie et notre bonheur.
« Le bon Dieu voulant se donner à nous, dans le sacrement de son amour, nous a donné un désir vaste et grand que Lui Seul peut satisfaire. . A côté de ce beau sacrement, nous sommes comme une personne qui meurt de soif à côté d'une rivière : elle n'aurait cependant qu'à courber la tête ;... comme une personne qui reste pauvre à côté d'un trésor : elle n'aurait qu'à tendre la main.
« Celui qui communie se perd en Dieu comme une goutte d'eau dans l'océan. On ne peut plus les séparer.
« Au jour du jugement, on verra briller la chair de Notre Seigneur à travers le corps glorifié de ceux qui l'auront reçue dignement sur la terre, comme on voit briller de l'or dans du cuivre ou de l'argent dans du plomb.
« Quand nous venons de communier, si quelqu'un nous disait : « Qu'emportez-vous dans votre maison ? — Nous pourrions répondre :  "J'emporte le ciel. " Un saint disait que nous étions des Porte-dieu. C'est bien vrai ; mais nous n'avons pas assez de foi. Nous ne comprenons pas notre dignité. En sortant de la Table sainte, nous sommes aussi heureux que les mages, s'ils avaient pu emporter l'Enfant-Jésus.
« Prenez un vase plein de liqueur et bouchez-le bien, vous conserverez la liqueur tant que vous voudrez. De même, si vous gardiez bien Notre-Seigneur dans le recueillement, après la communion, vous sentiriez longtemps ce feu dévorant, qui inspirerait à votre cœur un penchant pour le bien et une répugnance pour le mal.
« Quand nous avons le bon Dieu dans notre cœur, il doit être bien brûlant. Le cœur des disciples d'Emmaüs brûlait rien qu'à l'entendre.
« Je n'aime pas, quand on vient de la sainte Table, qu'on se mette tout de suite à lire : Oh ! non ; à quoi bon la parole des hommes quand c'est Dieu qui parle ?... Il faut faire comme quelqu'un qui est bien curieux et qui écoute aux portes. Il faut écouter tout ce que le bon Dieu dit à la porte de notre cœur.
« Quand vous avez reçu Notre-Seigneur, vous sentez votre âme purifiée, puisqu'elle se baigne dans l'amour de Dieu.
« Quand on fait la sainte communion, on sent quelque chose d'extraordinaire, un bien-être qui parcourt tout le corps et se répand jusqu'aux extrémités. Qu'est-ce que ce bien-être ? C'est Notre-Seigneur qui se communique à toutes les parties de notre corps et les fait tressaillir. Nous sommes obligé de dire, comme saint Jean : « C'est Le Seigneur ! » Ceux qui ne sentent tout à fait rien sont bien à plaindre ! »
Le Curé d'Ars aimait à raconter le trait de saint Jean d'Avila et de sainte Thérèse. Quand celle-ci recevait la communion de son père spirituel, l'amour de Notre-Seigneur, allant de l'un à l'autre, faisait fondre leur cœur au point que saint Jean d'Avila tombait d'un côté et sainte Thérèse de l'autre, noyés dans le baume de l'amour...»
« Lorsque M. le Curé, dit Catherine, annonçait la procession de la Fête-Dieu et les bénédictions de l'octave, il semblait que son cœur nageait dans l'amour et la tendresse pour ce divin Sacrement. Il disait : « Ah ! si nous voulions, nous obtiendrions tout cette semaine ! Deux fois par jour le bon Dieu va nous bénir... O mon Dieu, que c'est dommage que nous ne soyons pas pénétrés de votre sainte présence !... Quand vous parcourez les chemins qu'a suivis la procession,  vous pouvez dire : Le Bon Dieu a passé là !
Que je regrette que vous n'ayez pas été à Ars pendant ces quarante heures, écrivait-on en 1857, notre bon Saint nous a parlé de l'adorable Eucharistie avec des lèvres que le charbon du prophète semblait avoir purifiées. On a de la peine à supporter un pareil langage : car il est trop divin pour la terre. Dans ses catéchismes, pour parler comme lui, son cœur débordait de toute part ; il en sortait une transpiration d'amour qui nous inondait tous.
La dévotion de M. le Curé envers le Saint-Sacrement, rapporte encore Catherine, est admirable. Avant qu'il y eût tant de monde, il disait toujours son office à genoux, prosterné sur le pavé du chœur, sans aucun point d'appui ; souvent il faisait des pauses et regardait le tabernacle avec des yeux où se peignait une joie si vive, qu'on aurait pu croire qu'il voyait Notre-Seigneur. Lorsque le Saint Sacrement est exposé, il ne s'assoit pas, excepté quand il y a quelque prêtre étranger, pour ne pas faire autrement que lui. Alors il se tourne du côté de l'autel avec son sourire extatique. Un de ses confrères, le surprenant un jour dans cette attitude, porta instinctivement ses regards vers le tabernacle, comme s'il avait dû voir quelque chose. Il ne vit rien ; mais l'expression du visage de M. Vianney l'avait tellement frappé, qu'il dit : « Je crois qu'il viendra un temps où le Curé d'Ars ne vivra que de l'Eucharistie. »
L'opinion que le saint Curé voyait Notre-Seigneur à l'autel, qu'il le voyait de ses yeux, qu'il le reconnaissait à la fraction du pain, venait à tous ceux qui ont eu le bonheur d'assister à sa messe. Il n'était pas possible de contempler une figure exprimant mieux l'adoration, ou s'illuminant à un si haut degré de cet éclat céleste qui manifeste l'action du Saint-Esprit. On aurait dit qu'il tombait sur lui un rayon de la gloire divine. Le cœur, l'esprit, l'âme et les sens semblaient également absorbés, et ils l'étaient effectivement. On ne pouvait saisir une seconde de distraction dans sa prière. Au milieu de la foule, et sous l'influence de tant de regards attachés sur lui, il communiquait avec Notre-Seigneur aussi librement que s'il avait été dans la solitude de sa pauvre chambre. Il répandait en sa présence des pleurs d'amour; il arrosait ses pieds divins d'une abondante effusion de larmes saintes. Ordinairement ses larmes ne tarissaient pas, tout le temps que duraient les saints mystères.
M. Vianney n'était ni trop lent ni trop prompt à l'autel ; il consultait plutôt l'utilité de tous que son attrait et sa piété En lui servant la messe, dit un pèlerin, j'avais l'occasion de remarquer le seul moment où il était plus long que les autres prêtres : c'était avant la communion. Les prières liturgiques étant terminées, il y avait un colloque mystérieux, qui se trahissait au dehors, entre Notre-Seigneur Jésus-Christ et son serviteur. M. Vianney regardait la sainte hostie avec amour. Sa bouche proférait des paroles ; il s'arrêtait, il écoutait, il reprenait, et par un effort visible de l'ami qui se sépare de son ami, après un instant d'hésitation, il consommait les saintes espèces.
Le Curé d'Ars avait reçu à un degré suréminent le don d'oraison. Son âme était plus unie à Dieu qu'à son corps. S'il désirait la solitude, ce n'était que pour livrer son cœur et toutes ses facultés à cette conversation intérieure qui commence le ciel sur la terre. Au milieu des plus grands travaux, il ne se relâchait point de la sainte contemplation, demeurant toujours en la présence de Dieu et le regardant avec une tendresse amoureuse en toutes ses créatures. Son esprit dégagé des vapeurs qui obscurcissent l'intelligence et lui ôtent sa lucidité, recevait, au lieu des notions bornées et incomplètes de la science humaine, des clartés transcendantes, qui lui permettaient de comprendre le rapport de toutes choses avec le Créateur et leur destination dans l'ordre admirable de ses desseins. De cette pénétration lumineuse des secrets du ciel, découlaient une multitude d'autres privilèges qui le rapprochaient de l'état béatifique, où sont les élus qui jouissent de la vue de Dieu. Perdu dans cette contemplation continuelle, qui transportait sa pensée dans une région supérieure à la terre, il ne se servait de ses sens, purifiés par l'effusion divine de la grâce, que pour la pratique des vertus. Sa volonté tendait uniquement vers le Bien suprême ; mais tout restait enfermé dans le sanctuaire invisible de l'âme ; la partie sensible n'y avait point de part. Aucun signe ne révélait ordinairement les opérations de la grâce, si ce n'est un maintien pieux et recueilli, qui annonçait une grande concentration intérieure, sans avoir rien d'affecté. « Il n'avait pas l'air de vouloir épouvanter le bon Dieu par son air triste ou sévère ; il lui donnait ce qu'il pouvait, gaiement et de bon cœur. » Il était loin de toute exagération extérieure et ne l'aimait pas dans les autres. « Un jour, nous a dit un prêtre, en me confessant il me recommanda de ne pas prendre à l'église une posture qui attirât l'attention sur moi. Il avait sans doute observé que ma tenue était trop saillante et que je m'inclinais profondément devant l'autel. « Mon ami, ajoula-t-il, ne nous faisons pas remarquer. »
Source : Livre "Le Curé d'Ars...Jean-Baptiste-Marie Vianney" Par Alfred Monnin

Amour du vénérable curé d'Ars pour la sainte Eucharistie.
Voici dans les belles paroles de M. l'abbé Monnin, l'historien du curé d'Ars, un témoignage pour ainsi dire officiel de l'amour de ce saint prêtre pour l'adorable Eucharistie :
« Rien ne peut donner une idée de l'ardente dévotion que M. le curé d'Ars avait au saint Sacrement ; il l'appelait des noms les plus suaves et les plus tendres ; il inventait des expressions nouvelles pour en parler dignement ; c'était son sujet favori, et il y revenait sans cesse dans ses catéchismes. Alors son cœur se fondait de reconnaissance, de bonheur et d'amour; son front s'irradiait, ses yeux lançaient des étincelles, son âme de saint se répandait sur ses traits, les larmes étouffaient sa voix : « O mes enfants, s'écriait-il, que fait Notre-Seigneur dans le Sacrement de son amour ? Il a pris son bon Cœur pour nous aimer ; il sort de ce Cœur une transpiration de tendresse et de miséricorde pour laver les péchés du monde. » Il appelait la sainte communion un bain d'amour : « Quand on a communié, l'âme se roule dans le baume de l'amour, comme l'abeille dans les fleurs. » Il lui est souvent arrivé de dire : « Après la consécration, quand je tiens dans mes mains le très-saint corps de Notre-Seigneur, je sens que je voudrais pouvoir l'emmener avec moi en enfer : l'enfer serait doux près de lui ; il m'en coûterait peu d'y rester toute l'éternité souffrir, si nous y étions ensemble. »
Un autre écrivain apprécie aussi dignement le saint prêtre :
« Un jour, un célèbre poète vint voir le vénéré curé d'Ars : « Monsieur, lui dit-il en le quittant, je n'ai « jamais vu Dieu de si près.
— En effet, répondit le curé d'Ars, il n'est pas loin ; » et il montrait le tabernacle.
Par cette forte et simple réponse, le curé d'Ars livrait tout le secret de sa vie, tout le secret de son âme, tout le secret de son éloquence : le tabernacle. Souvent, en parlant, il s'interrompait tout à coup, détournait la tête, joignait les mains, regardait fixement du côté de l'autel, comme s'il eût contemplé dans l'hostie même la parole qu'il allait prononcer.
« On peut dire de lui comme on l'a dit de saint Martin, que le Christ ne manqua jamais à ses lèvres ; se faisant tout à tous, il méritait que le Christ se fit tout à lui. »  
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