Françoise Barthel (Andlau)

Françoise Barthel (Andlau)

Elle est née en février 1824 dans une famille de très modestes ouvriers.
Après une enfance calme et pieuse, elle entra d'un coup dans la voie des plus terribles souffrances, précoce préparation à toute une existence d'expiation et de réparation, qui se précisa au fil des ans et des grâces mystiques les plus étonnantes qui jalonnèrent toute sa vie.
Elle fut suivie et soignée par le Dr. Taufflieb pendant près de 20 ans.
Ce médecin nota tout ce qu'il observa en elle, et conclut au caractère inexplicable et exceptionnel de toute la vie même de sa patiente. Il avouait n'avoir jamais vu en sa carrière une personne souffrir autant, et de maux aussi divers et graves.

En janvier 1851, elle fit une luxation subite de la cuisse, maladie incurable alors, qui lui fit garder le lit de longs mois ; elle s'affaiblit considérablement et son dos se couvrit d'escarres, si larges et profonds que son entourage était atterré et n'osait plus la toucher.
Elle souffrit beaucoup jusqu'au mois de mars. A cette époque, sans avoir rien demandé, elle fut favorisée d'une très longue apparition de saint Joseph, qu'elle vénérait d'une façon particulière. Ce saint lui annonça sa proche guérison, le 14 mai suivant, à la crypte du réputé sanctuaire d'Andlau.

Le 14 mai, se traînant sur des béquilles et à peine capable d'avancer en étant portée par quatre personnes, Françoise se rendit à la crypte où elle s'adressa avec confiance à la Vierge Marie.
La Vierge Marie lui apparut et la guérit, à la stupéfaction des personnes présentes, qui crièrent au miracle.
Dès lors, la jeune fille reçut souvent des communications surnaturelles lui donnant progressivement des lumière sur les desseins de Dieu, sur les souffrances, les tribulations et les croix qu'elle aurait à subir pour la gloire de Dieu.
Ces premières visions furent accueillies avec défiance par le curé à qui elle les communiqua.
Le dioscèse, en effet, était en effervescence depuis un certain temps à cause d'une extatique de Niederbronn, dont on parlait beaucoup : Elisabeth Eppinger, devenue, en 1849 Mère Marie-Alphonse, fondatrice des Filles du Divin-Rédempteur.

Il apparut toutefois bien vite que les faits, tels que les rapportait Françoise, pouvaient avoir une origine surnaturelle.
Pendant sa maladie, des témoins nombreux avaient pu voir souvent une belle lumière d'un grand éclat apparaître dans sa maison juste au-dessus de son lit, tantôt sous forme d'un soleil, tantôt comme une flamme ou une colonne aux rayons étincelants. Cela était arrivé pour la fête du saint Nom de Jésus, le 17 janvier, et avait été depuis ce jour souvent observé.

Le 17 mars 1852, Françoise eut une appartion de l'Ecce Homo : cette vue lui occasionna une telle douleur qu'elle s'écria: "O mon Dieu, si pour l'amour de vous je puis souffrir avec vous et être huée, méprisée, souffletée et traînée comme vous à la Passion, me voici..."
Le Seigneur l'encouragea alors à Le suivre et lui accorda la terrible grâce des stigmates, etc, le lendemain, elle souffrit les tourments de la Passion pour la première fois.
Dès cette époque, elle connut de souffrances inouies, si fréquentes et si horribles qu'on ne peut penser une seconde à la fraude ou la simulation.

Les extases de la Passion se produisaient sur un rythme tel que l'on put compter en cinq mois de temps que Françoise subit 38 fois la Passion, dont 18 fois avec la flagellation ! Et elle subit encore, de surcroît, plus de 50 fois les tourments de la couronne d'épines....

Françoise avait des plaies vives et profondes aux mains, aux pieds et au côté, qui s'ouvraient à l'occasion des extases pour se refermer ensuite en un instant, ne laissant nulle trace. La douleur de ces plaies était constante.

Les extases commençaient invariablement de la même façon, par la flagellation.
Alors que toute la personne de Françoise se tordait de douleur, en spasmes effroyables, les témoins voyaient paraître sur sa peau de longues meurtrissures linéaires, et de véritables plaies sanguinolentes. La peau était parfois arrachée, des ecchymoses se produisaient à une cadance inouie, les tissus enflaient. Souvent, de profondes empreintes de cordes apparaissaient à ce moment aux poignets de la stigmatisée. Plusieurs personnes ne pouvaient soutenir un tel spectacle. Elles quittaient la pauvre chambre en hâte.
Le couronnement d'épines éait tout aussi impressionnant : tandis que Françoise baissait toute la partie supérieure du corps, le sang commençait, lentement, à couler d'une série de piqûres énormes qui dessinaient comme un bandeau sur le front, les tempes, et dans les cheveux. L'hémorragie devenait de plus en plus abondante, au point de couler jusqu'à terre, et parfois de jaillir avec force, tout en détrempant complètement la chevelure. Françoise gémissait douloureusement pendant ce couronnement.

Venait ensuite la mise en croix : elle était, au dire des témoins, d'une beauté et d'une force à peine concevables. Françoise était comme étirée et ses bras tendus frémissaient et se raidissaient en spasmes douloureux qui faisaient craquer le torse. Les pieds se plaçaient l'un à côté de l'autre, les pointes l'une sur l'autre et comme rivées ensemble par le même clou. Le visage s'altérait, Françoise, d'un coup, poussait une longue plainte déchirante, qui s'afffaiblissait peu à peu pour faire place aux sursauts de l'agonie, puis à la mort mystique. Les plaies saignaient souvent beaucoup.

Il arrivait parfois que la stigmatisée fût de tout son long projetée par terre, pour être clouée sur le sol : on ne pouvait ni la soulever, ni même déplacer d'un millimètre ses mains ou ses pieds.
A la fin de la crucifixion, les mains se détachaient d'elles-mêmes, puis les pieds, et l'extase se terminait par l'apparition du Christ ou de la Vierge, qui venaient réconforter la pauvre jeune fille. Et c'était enfin le réveil, instantané, qui survenait souvent sur un ordre mental du curé. Françoise, en revenant à elle, était brisée de fatigues.

Tous ces faits suscitaient une vive émotion à Andlau et dans le diocèse entier.
D'autres signes, plus éclatants peut-être, passionnèrent les foules et divisèrent les espirts.
Au mois d'août 1852, il fut décidé par Mgr Raess, évêque de Strasbourg, et protecteur de Mère Marie-Alphonse Eppinger, qu'une commission médicale examinerait Françoise, pour que l'on pût statuer sur le cas.

Les esprits étaient déjà très divisés au sujet de Mère Marie-Alphonse, et plusieurs personnes très influentes et opposées au surnaturel n'avaient pas, depuis 1848, pardonné à Mgr Raess de reconnaître le caractère providentiel de l'œuvre de la fondatrice de Niederbronn, et la marque du surnaturel divin en ses révélations. De surcroît, certains tenaient dès l'origine contre Françoise Barthel, ne voulant rien voir d'autre que Niederbronn, comme si l'extatique, d'une part, à la tête de sa fondation, et la pauvre stigmatisée, d'autre part, en son humble chaumière, devaient rivaliser et être concurrentes... C'est là une réaction malheureusement bien fréquente, et que l'on connaît aujourd'hui entre tenants de telles ou telles apparitions contre telles autres...

Françoise fut donc conduite chez les sœurs de la Charité, à Strasbourg, pour y être examinée. Les médecins donnèrent des conclusions vagues et purent simplement se mettre d'accord sur le fait que toute fraude était catégoriquement exclue. Ils voulaient, avant tout, faire cesser le "scandale". Finalement, ils réussirent à faire dire à la pauvre fille toute simple et qui ne savait ni lire ni écrire ce qu'ils voulaient lui faire dire, menaçant de la garder là, sans lui donner la possibilité de revoir jamais son humble maison, sa pauvre mère malade et son frère : celui-ci était paralysé et Françoise le soignait en l'entourant de toute sa sollicitude.

Le Dr. Taufflieb et le curé d'Andlau tentèrent en vain d'obtenir un jugement objectif. Ils purent, plusieurs fois, voir Mgr Raess, mais celui-ci, tout en les recevant avec bienveillance, donnait la même réponse invariable: aucune décision ne pouvait, en ce domaine, être prise sans l'avis du conseil épiscopal... Et le conseil était très opposé à Andlau!
Plusieurs rapports furent adressés, en vain - malgré l'intervention de personnes influentes - au conseil épiscopal. Finalemet, Françoise fut prise pour une hystérique (on mettait bien des choses et surtout bien des phénomènes mystiques au compte de l'hystérie à cette époque!) et renvoyée à Andlau, avec défense de recevoir les sacrements, sinon par dérogation spéciale, en dehors de Pâques ou du cas de grave maladie.

Renvenue chez elle, Françoise regretta sa faiblesse devant les médecins, mais le Seigneur cessa ses grâces pendant trois mois, pour que le silence pût se faire sur les événements, et pour que Françoise expiât ainsi sa "lâcheté". Elle l'expia avec humilité, et de façon curelle.

En novembre 1852, la stigmatisée put recevoir de nouveau les sacrements.
Dès ce moment, tous les phénomènes reprirent avec une intensité renouvelée et une fréquence plus grande.
Françoise rétracta à ce moment tout ce qu'elle avait dit à Strasbourg ; elle fit demander pardon de sa faute à Mgr Raess à qui elle fit écrire par son confesseur, M. Deherne curé d'Andlau. Cette rétractation ne fut cependant pas admise. Plus tard, elle demanda que ses plaies fussent toujours invisibles, ce qui lui fut donné, sauf pour la plaie du côté. Jésus lui dit :

- "Tu garderas ouverte la plaie de mon Cœur, car c'est le signe de ma Miséricorde !"

De fait, cette plaie resta constamment ouverte, saignant abondamment et répandant parfois dans toute la maison un suave parfum.

Françoise jouissait également de la présence, chaque jour, de son Ange Gardien, qui lui demandait des prières pour telle ou telle intention, qui lui faisait réciter le chapelet et lui enseignait tous les secrets de l'oraison : il lui apparaissait dès minuit, sous la forme d'un adolescent lumineux qui la faisait veiller en prière et la préparait à des extases de la Passion si impressionnantes.

Françoise bénéficiait également de nombreuses apparitions de la Vierge Marie et de saint Joseph, qui souvent multiplia les vivres de la maisonnée : la stigmatisée, sa mère et son frère invalide disposaient seulement de soixante centimes par jour! Quand elle le pouvait, Françoise faisait de petits travaux qui lui permettaient de vivre et de vaquer à l'entretien de sa famille. Elle ne demanda rien, ne se plaignit jamais, connut l'indigence et reçut tous ses inconvénients comme des grâces de Dieu.

Quand elle était valide et pouvait se rendre, ce qui arrivait rarement, à l'église paroissiale - où elle passait des heures prosternée, en présence du Saint-Sacrement - le démon la maltraitait, avec une rage effarante : il lui jetait des pierres, la giflait, la jetait par terre, lui envoyait poutres de bois et détritus etc. ... devant témoins. Elle ne se plaignait pas, continuant à prier sereinement !
Lorsqu'il lui était permis de recevoir - bien rarement - les sacrements, des parfums suaves, par effluves, remplissaient sa pauvre chambre et toute la maison parfois.

Mais la grande mission de Françoise fut avant même la souffrance expiatrice par la Passion cette mystérieuse participation au mystère du Purgatoire et le partage du sort des âmes qui s'y trouvent et qui venaient solliciter sa prière. Cela avait pris son départ avant même la stigmatisation, au moment où son père mourut: le 23 février 1852. Elle vit, dans un tourbillon de feu, l'âme de son père venue solliciter sa prière. Ayant accepté avec empressement, elle fut conduite par son Ange Gardien, qui l'encourageait, dans le Purgatoire, où alle subit, pendant cinq minutes, l'épreuve du feu: elle faisait des gestes comme pour se débarrasser d'un feu qui l'eût enveloppée, se tordait de douleur, et sa bouche largement ouverte aspirait avec avidité une atmosphère qui semblait la suffoquer. Revenue à la conscience, elle croyait avoir passé un an dans ce lieu d'expiation. Le fait se reproduisit souvent à partir de ce jour, plus ou moins longtemps: étant parfois touchée par les âmes du Purgatoire, qui la suppliaient de rester encore auprès d'elles et lui demandaient ses scours, elle fut brûlé, de façon visible; des signes s'imprimaient sur sa peau, des brûlures en forme de croix, de couronne d'épines à la joue, des brûlures dans la bouche, parfois même les noms de Jésus et Marie. Une fois, son fichu et un mouchoir prirent feu sur elle, comme pour faire la preuve de ces mystérieux phénomènes.

Par deux fois, le saint curé d'Ars fit écrire à Françoise et son confesseur pour les assurer des secours de sa prière et leur donner des conseils: quand il mourut, le 4 avril 1859, il apparut, dans une lumière éclatante, à la stigmatisée qui ne put le fixer, tant il était éblouissant. Elle l'avait, au cours de sa vie même, souvent vu à ses côtés, à prier avec elle.

Françoise Barthel fut une de ces âmes saintes qui passent et meurent sans laisser de traces mais dont Dieu se sert pour le rachat du monde. Sa vie, depuis 1852, ne fut qu'un tissu de souffrances, de douleurs, d'humiliations courageusement acceptées. Elle offrit tout, s'offrit entièrement, et mourut, ignorée de beaucoup, suspectée et abandonnée de la part de la hiérarchie, soutenue seulement par deux amis: son confesseur et le Dr. Taufflieb.
Françoise Barthel est morte le 4 avril 1859 à Andlau, sa ville natale, elle était âgée de 54 ans.



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