Bienheureuse Delphine de Sabran
Tiers-Ordre séculier de saint François
(† 1360)
Delphine
de Sabran (1283 – 1360), née à Puimichel, dans les Alpes provençales,
était la fille de Guillaume de Signes et de Delphine de Barras.
Son père, hors mariage, avait eu deux autres filles Sibylle et Alayette.
Adolescence
Orpheline dès l’âge de sept ans, Delphine entra à l’abbaye de Sainte-Catherine de Sorps, qui eut son apogée entre 1255 et 1437.
Elle était située à Bauduen, à la sortie des gorges du Verdon.
La famille de Sabran possédait un château à Baudinard, proche de l'abbaye.
Puis son éducation fut confiée à sa parente la moniale Sibylle de
Puget qui lui donna le dégoût du mariage et une totale répulsion face à
la maternité en lui lisant les différentes vies des saints et des
saintes « vierges ».
La noble béguine
Aussi ce fut elle qui, en 1299, imposa à son jeune époux Elzéar de Sabran le mariage virginal.
Cette notion incongrue fit même écrire à un de leurs thuriféraires Surius, auteur de leurs Vies occitanes : « En vérité ces choses là sont plus à admirer qu’à imiter ».
De
nos jours, Paul Amargier, dans l’étude qu’il leur a consacrée, en se
basant sur les textes d’époque, a pu constater que ce fut « un exploit qui, tout au long de la première moitié du XIVe siècle, plongea la Provence dans une stupéfaction admirative ».
Veuve
en 1323, Delphine continua à vivre à la cour de Naples où pendant
dix-sept ans elle fut la confidente de la reine Sancia, la seconde
épouse de Robert d’Anjou, qui depuis 1319 s’était vouée en intention à
la vie monastique.
Durant
toute cette période les deux femmes furent sous l’influence des
franciscains spirituels, en particulier de Philippe de Majorque, le
propre frère de la reine.
À sa demande, Delphine prononça, en 1331, ses vœux de pauvreté.
Pour
réaliser sa promesse elle dut vendre les seigneuries et le patrimoine
foncier que lui avait légué, en 1317, son époux dans son « testament
de Toulon ».
Ces biens avaient été rachetés par le frère cadet d’Elzéar, Guillaume de Sabran.
La famille, qui gardait avec Louis le comté d’Ariano, dut s’endetter pour reconstituer son patrimoine.
Elzéar,
le fils de Guillaume, une génération après devait encore rembourser
difficilement les prêts consentis à sa famille par les Bodoqui et les
Esquirolis.
Elle
ne revint en Provence qu’un an après la mort du roi Robert, en 1344,
quand la reine Sancia désignée par son époux, sur son lit de mort, comme
régente du royaume en attendant les vingt-cinq ans de majorité de
la reine Jeanne, marqua l’anniversaire de ce décès, le 20 janvier, en
trahissant son engagement et en entrant à Santa-Croce, dont on disait
que c’était le couvent des enterrées vives (sepolte vive). Elle s’y éteignit un an plus tard.
Mendiante et recluse
Cette
même année 1345, Delphine se fixa à Apt, et bien qu’atteinte
d’hydropisie, elle y continua « les exercices de mendicité publique »
qu’elle avait commencé à Naples.
Son attitude choqua. Beaucoup d’Aptésiens considérant cette mendicité comme une « démarche artificielle et ostentatoire », on la traita de « béguine rassotée ».
Après sa mort, on rapporta même la réflexion de deux (vrais) mendiants sur le parvis de la cathédrale d’Apt : « Vise-moi cette vieille au gros ventre qui mendie.
À elle on donne deux bons pains, alors qu’à nous on donnera des clopinettes ».
Mais son attitude lors de la peste noire de 1348 lui valut tous les suffrages.
Peu après, en 1350, la comtesse allait accomplir son dernier acte de dame noble.
Elle s’en fut, à Cavaillon, réconcilier ses deux cousins des Baux et d’Agoult.
Raymond 1er d’Agoult,
comte de Sault, venait en effet de succéder comme sénéchal de Provence à
Hugues des Baux, comte d’Avellino, et ce passage de pouvoir avait été
source de conflit.
Elle était déjà devenue aux yeux de tous la sainte comtesse et la dispensatrice de consolation.
Cinq ans plus tard, elle se retira, près de Cabrières-d'Aigues, à Roubians, le pays natal d’Elzéar.
La chronique dit qu’elle distribua alors aux femmes du village ses vêtements de vair et de violet.
Puis
elle se cloîtra pendant un an dans un reclusoir jouxtant la chapelle de
Saint-Jean de Roubians. Seule une lucarne lui permettait de communiquer
et une autre de recevoir sa pitance (10).
Ce
fut sans doute dans sa cellule que se place l’épisode de la vision
prémonitoire de la mort du comte de Sault, qui décéda effectivement
en 1355.
Consolatrice des affligés
Emplacement de la maison Delphine de Sabran,
près du couvent des cordeliers d'Apt
De retour à Apt, la recluse s’installa dans un pauvre oustaou, près du Calavon.
Elle
prit alors comme confesseur un jeune cordelier du nom d’André Durand
qui allait tomber dans la séduction fascinante (ce sont ses propres
termes) qu’elle exerçait sur son entourage.
Grâce à lui nous savons qu’elle se vêtît de bure grossière – de pétasse – et qu’elle continuait à quêter de porte en porte.
La comtesse se flagellait régulièrement avec une discipline et était sujette à des crises continuelles de larmes.
Pour se mortifier, elle lavait les pieds de ses servantes et baisait ceux des lépreux, à l’exemple de son époux.
Le
cordelier nous a aussi appris qu’elle prêchait et réunissait autour
d’elle « un groupe de vierges et de veuves continentes » et avec elles
la comtesse « prenait plaisir à parler de la conservation de la
virginité ».
Le
mépris du corps était chez elle une obsession puisqu’elle confessa un
jour « Je suis une viande destinée aux vers, un réceptacle d’iniquités
et de péchés ».
Le
groupe de filles et de veuves qui l’entourait finit par partager toutes
ses journées. Le matin était consacré à la messe et aux oraisons,
l'après-midi l'étant aux visites, aux travaux de couture ou au ménage.
Et la comtesse força l’admiration de ses servantes en participant avec elles à ces taches.
Son entourage béguinal commençait à parler de ses miracles et à répandre vers l’extérieur les reliques de la comtesse.
Ses linges, ses cheveux, ses eaux d’ablution et ses fioles de larmes
étaient considérés comme de véritables talismans aux vertus
thaumaturgiques.
Un dossier « qui sentait le fagot »
Le milieu des franciscains « spirituels » qui l’entourait participa largement à la création de sa légende dorée.
Il avait, en particulier, bien soin de rappeler « qu’elle avait
toujours demandé de ne pas fréquenter ceux qui disaient du mal du
pape Jean XXII ».
Précaution élémentaire pour ces religieux qui, après sa mort, à Apt, le
jeudi 26 novembre 1360, présentèrent immédiatement une demande de
canonisation.
Mais celle-ci n’eut jamais lieu.
On enterra même la requête, car selon la formule d’André Vauchez, le dossier sentait le fagot.
Pourtant
sa virginité et sa pauvreté avaient fait l’admiration du
cardinal Anglic de Grimoard, vicaire général d’Avignon et cousin de son
époux, ainsi que celle du Patriarche de Jérusalem,Philippe de
Cabassolle, l’évêque de Cavaillon, qui avait connu Delphine quand il
avait été Chancelier du royaume de Naples.
Ce prélat, ami et protecteur de Pétrarque, devait garder en mémoire l'affirmation du Docteur Angélique Thomas d’Aquin qui dans sa Somme Théologique expliquait : « Le mariage où les époux gardent une continence parfaite n’en est que plus saint ».
Mais
ce ne fut point l'avis de tous les Auditeurs du Tribunal de la Rote qui
depuis le pontificat de Jean XXII s’occupait des cas de canonisation.
Ils virent derrière les déviances spirituelles de la comtesse mendiante une possible influence cathare.
Et puis, peut être un seul saint était-il suffisant dans ce couple ?
Pourtant,
entre 1372 et 1376, Louis d'Anjou, futur comte de Provence et frère du
roi Charles V, décida de financer de ses propres deniers les frais de
procès en canonisation.
Il fit instruire celui de son beau-père Charles de Blois, du défunt pape Urbain V et de la « femme de saint Elzéar, comte d’Ariano ».
Ce fut, à nouveau, un échec.
Ce
n’était pas pour satisfaire le bon peuple, toujours admiratif pour ce
qu’il ne veut – ou ne peut – pas faire et qui réunit encore les deux
époux virginaux sous le vocable de saint Elzéar et sainte Delphine.
L'apparition de la Vierge
La Vierge Marie serait apparue au mari de Delphine : Eleazar de Sabran.
En savoir plus :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire