Boulogne sur mer Notre-Dame de Boulogne

Boulogne sur mer 
Notre-Dame de Boulogne
ou Notre-Dame du grand retour


Boulogne sur mer
Par lettres du mois de février 1319, le roi Philippe V le Long donne aux habitants de Paris et autres, qui ont été en pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, la permission de faire construire une église au village de Menus-lez-Saint-Cloud qui dépendait de la paroisse d’Auteuil, et d’établir une confrérie entre eux. Ils avaient choisi cette place, à l’extrémité du bois de Rouvray, dont le fief appartenait, depuis 1134, à l’abbesse de Montmartre, parce que deux notables bourgeois, Girard de la Croix, scelleur au Châtelet, et son frère Jean, leur offraient là cinq arpents de terre.
Après que l’abbesse de Montmartre eut délivré les lettres d’amortissement (le dimanche après l’Ascension 1320), l’église dont le Roi s’était réservé l’honneur de poser la première pierre, fut construite en moins de dix ans et, dès 1329, le pape Jean XXII lui accorda des indulgences et reconnut la confrérie dont Philippe V (mort en 1322) s’était inscrit comme premier membre.
Charles IV le Bel (1322-1328) qui s’était lui aussi inscrit à la confrérie et avait veillé à la construction, n’en vit pas l’achèvement qui se fit sous Philippe VI de Valois (1328-1350) ; l’évêque de Paris, Hugues Michel de Besançon (1326-1332), bénit l’église qui, sans être paroissiale, avait tout de même des fonts baptismaux et un cimetière réservés aux habitants des alentours.
Elle hérita d’une partie du renom de Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, cette image miraculeuse que les flots avaient apportée, tenant sur son bras l’Enfant-Jésus et à la main un cœur. Le pèlerinage des Menus était moins difficile par temps de guerres et de troubles civils, tout au plus risquait-on d’être dévalisé aux abords du bois de Rouvray, devenu depuis, le bois de Boulogne. 
Par l’intercession de la Mère de Dieu, des mirasles s’opèrent journellement dans la nouvelle église de Notre-Dame de Boulogne. On y voit grossir le concours des populations pieuses et en même temps le produit des offrandes, legs et autres donations. Les ressources et les biens de cette église, croissant de jour en jour, permettent de donner plus d’éclat au service divin, et font naître l’espoir qu’on pourra bientôt y fonder des chapellenies.
L’église devint paroissiale, en 1343, par décision de l’évêque de Paris, Foulques de Chanac (1342-1349) ; on la reconstruisit sans doute à cette époque et elle fut consacrée, par l’évêque de Paris, Guillaume Chartier (1449-1472), le dimanche 9 juillet 1469, date dont on célébrera dès lors l’anniversaire le second dimanche de juillet.
Il existait, en France, d’autres endroits consacrés à Notre-Dame de Boulogne, comme Boulogne-sur-Gesse, près de Saint-Gaudens, Montdidier, Boulogne-la Grasse, près de Compiègne, Rigny-le-Ferron, en Champagne, Voreppe, près de Grenoble, le prieuré Notre-Dame de Boulogne, près de Blois, Saint-Saëns, en Normandie.
Vers l'an 636,  au temps de Dagobert, St Omer était évêque de notre région. Vers la tombée du jour, le peuple de Boulogne était rassemblé dans une chapelle  couverte de joncs et de genêts, située dans la partie haute de la ville lorsque la Mère de Dieu apparut et dit aux fidèles de se rendre au rivage où les attendait une visite merveilleuse.
Ils coururent vers le lieu désigné, et trouvèrent une barque sans voile, sans rames et sans matelots, sur laquelle était posée une Vierge en bois, d’environ 1m de hauteur, tenant l’enfant Jésus sur son bras gauche. Tout ceci répandait une lumière extraordinaire, une impression de paix, de calme, de bonheur. 
L'image fut transportée avec respect dans la petite chapelle. (voir le tableau de Tattegrain, artiste berckois. Le tableau a été découpé pendant la dernière guerre mais très bien restauré.
En savoir plus :


Notre-dame de Boulogne
(Berck, église Notre-dame des sables)


Notre-Dame de Boulogne fut plus privilégiée que Notre-Dame des Ardents ; elle n'attendit point jusqu'en 1860 la reconstruction de son temple.
Dès 1827, elle trouva un autre Néhémie pour la relever de ses ruines.
C'est qu'en effet sa gloire est incomparable et remonte à une bien plus haute antiquité.
Vers l'an 633, dit une tradition douze fois séculaire, les fidèles de Boulogne étaient assemblés dans une chapelle de la ville haute, pour y faire leurs prières accoutumées, lorsque la Vierge leur apparaît et leur dit de se rendre sur le bord de la mer, pour y recevoir son image que les anges leur amènent, de la placer dans cette chapelle qu'elle s'est choisie, et de lui construire, sur le même emplacement, une église convenable, avec l'argent qu'ils trouveront dans un lieu qu'elle leur désigne.
Aussitôt on accourt au port, et que voit-on ? ô prodige ! un navire sans rames et sans matelots, voguant sur la mer la plus calme, entouré d'une lumière aussi douce qu'éclatante, portant une image de Marie avec l'Enfant Jésus sur son bras gauche, sculptée en bois, haute d'environ trois pieds et demi, et portant sur son visage une empreinte de majesté et de douceur qui inspirait le respect et l'amour.
On prend, avec un religieux tremblement, la sainte image ; et on la transporte dans le lieu même où elle est encore aujourd'hui honorée.
De là ces quatre vers qui se lurent, pendant des siècles, au frontispice de la principale porte de la cathédrale :
Comme la Vierge à Boulogne arriva
Dans un bateau que la mer apporta,
En l'an de grâce, ainsi que l'on comptoit,
Pour lors, au vray, six cents et trente trois.
On ne sait au juste d'où venait cette image ; plusieurs ont pensé qu'elle avait été transportée d'Orient en Occident, à la suite des ravages que firent alors les Sarrasins à Antioche et à Jérusalem.
Quelques-uns même sont allés jusqu'à supposer qu'elle pouvait bien être l'œuvre de saint Luc, comme celle de Lorette, à laquelle elle ressemble par la grandeur et la matière.
Ce que l'on sait, c'est que la chapelle où elle fut placée d'abord n'était qu'une pauvre église champêtre couverte de joncs marins, et dont la triste figure s'est conservée longtemps dans les anciennes tapisseries qui servaient à la cathédrale.
Rebâtie ensuite en bois, comme presque toutes les églises, même cathédrales, d'avant l'an 1000, elle fut plusieurs fois incendiée, et toujours relevée, comme siège épiscopal, d'abord de saint Omer, puis de tous ses successeurs pendant le dixième siècle.
Enfin, vers l'an 1104, la mère de Godefroy de Bouillon, la bienheureuse comtesse Ida, fit bâtir la crypte et la cathédrale, telles à peu près qu'elles ont subsisté jusqu'en 93 ; et ce temple eut la gloire de recevoir saint Bernard en 1131.
Malgré sa belle église, Boulogne était dépouillée alors de son ancien titre épiscopal ; ce n'était plus qu'une collégiale desservie par des chanoines séculiers. Néanmoins, enrichie, par les comtes et les seigneurs, de plusieurs belles terres, elle reçut encore de Godefroy de Bouillon les reliques les plus précieuses de Jérusalem.
Plusieurs de ces reliques, dit-on, étaient enchâssées dans la couronne d'argent qu'on présenta à Godefroy, quand il fut proclamé roi de Jérusalem ; et, s'il refusa de la porter, parce que, dit-il, le Roi des rois n'en avait porté qu'une d'épines en ce lieu-là même, il fut heureux de l'offrir à sa ville natale, comme gage de son affection toute spéciale, quâdam prœro gativâ spcciatis amoris.
Le clergé de Notre-Dame alla au-devant de ceux qui apportaient ces saintes reliques, parmi lesquelles, dit-on, se trouvait une relique du précieux sang ; il les rencontra au faubourg de Brecquerecque, et, là même, il fonda une chapelle dite du Saint-Sang.
A une époque qu'on ne saurait préciser, l'église Notre-Dame devint, de collégiale de chanoines séculiers, une abbaye régulière ; et, a peine érigée en abbaye, elle voulut, en 1159, ressaisir l'honneur de son ancien siège épiscopal; mais si elle n'y réussit pas, elle reçut un ample dédommagement dans toutes les gloires dont les siècles suivants l'entourèrent.
En 1212, raconte Jean d'Ypres, abbé de Saint Bertin, il se fit dans la ville de Boulogne, à la louange et gloire de Jésus-Christ et de sa très-glorieuse Mère, de nombreux miracles, qui y attirèrent un grand concours de peuple de tous les points du royaume ; et, de cette époque, ajoute l'abbé de Saint-Bertin, date l'origine du pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne, qui subsiste toujours depuis lors. »
En 1213, nous voyons Philippe-Auguste, venu à Boulogne avec une puissante armée, pour aller, de là, porter la guerre en Angleterre, offrir à Notre-Dame, comme témoignage de sa dévotion, non-seulement une double croix garnie de plusieurs reliques de divers saints, et enrichie de quantité de pierreries, mais encore une très-belle image de Marie de vermeil doré, avec un cœur d'or.
Nous voyons, en 1228, Jeanne de Flandre y fonder, comme souvenir de son pèlerinage, une rente perpétuelle pour le luminaire, le vin et le pain de toutes les messes qui se diront à jamais dans cette église.
Nous voyons les comtes de Boulogne fonder cinq chapelles dans l'église Notre-Dame, et Mahaut de Boulogne, épouse de Philippe de France, non-seulement en fonder trois, mais faire l'église héritière de la meilleure partie de son patrimoine, et vouloir être inhumée à l'entrée du saint temple ; ce qui lui valut tous les ans, jusqu'à la révolution, le double privilège d'un service solennel, le jour anniversaire de sa mort, et d'une aumône publique faite en son nom, indistinctement à tous ceux qui se présentaient.
Enfin nous voyons le saint-siège, non moins dévoué que les laïques à l'église Notre-Dame, lui garantir toutes les propriétés qu'elle avait reçues et qu'elle recevrait dans la suite, en les prenant sous sa protection : Prœfatam ecclesiam sanctœ Dei genitricis et Virginis Mariœ Doloniensis sub beati Petri et nottrù protectione suscepimus.
La seconde moitié du siècle répondit à la première.
En 1254, Henri III, roi d'Angleterre, revenant du midi de la France, visite Notre-Dame de Boulogne.
En 1254, le légat du saint-siège, accompagné de saint Louis, y vient tenir un concile des évêques d'Angleterre, pour arranger les différends des barons anglais avec leur roi. Les juges envoient les criminels déférés à leur tribunal demander grâce à Notre-Dame de Boulogne, et imposent ce pèlerinage à titre d'amende ou de pénitence.
Le sire d'Harcourt, ayant eu une querelle avec le chambellan de Tancarville, la cour du roi, qui était la première cour de justice du royaume, le condamna au pèlerinage de Notre-Dame de Boulogne : preuve évidente que l'opinion publique, dont ce tribunal était l'interprète, classait ce pèlerinage parmi les plus célèbres ; et le saint-siège jugeait en ceci comme les tribunaux civils : Clément V n'accorde à Guillaume de Nogaret l'absolution de l'excommunication encourue pour ses attentats envers Boniface VIII, qu'à la condition d'un pèlerinage à Notre-Dame de Boulogne.
En 1286, les comtes de Saint-Pol, vassaux des comtes de Boulogne, fondent à perpétuité deux cierges destinés à brûler jour et nuit devant l'image de Notre-Dame.
En 1293, Jacques de Boulogne, évêque de Térouane, fonde une messe, chaque semaine, à l'église de Notre-Dame, pour loi et ses parents.
Voilà les gloires de Notre-Dame de Boulogne au treizième siècle. Le quatorzième n'est pas moins remarquable.
En 1304, Philippe le Bel, qu'une invocation à Marie avait sauvé d'un danger imminent de mort, à la bataille de Mons-en-Puelle, offre à Notre-Dame de Boulogne, avec plusieurs rentes et portions de terre, pour accroître la splendeur de son culte, un beau reliquaire de vermeil doré, où d'un côté était un crucifix, et de l'autre des parcelles de la vraie croix, sous un magnifique cristal, enchâssé dans un émail d'or.
En 1308, l'église Notre-Dame voit réunies dans ses murs toutes les splendeurs de deux grands royaumes, pour le mariage qui s'y célébra entre Isabelle, fille du roi de France, et Édouard II, roi d'Angleterre, et reçoit à cette occasion des présents dignes de si hauts personnages.
Robert VI, comte d'Auvergne, Marguerite de Dampierre, épouse de Gaucher IV de Châtillon, Guillaume XII, comte d'Auvergne et de Boulogne, son épouse Marguerite d'Évreux, et Marie d'Espagne, mère de celle-ci, l'enrichissent de dons et de fondations.
Jean de Namur, sauvé des mains de ceux qui l'avaient fait prisonnier sur le champ de bataille, se prosterne à ses pieds, protestant qu'il lui doit la liberté, peut-être même la vie ; et les chevaliers français, au retour de leur expédition d'Angleterre, pour soutenir les droits de la reine Isabelle, viennent en pèlerinage la remercier de les avoir protégés.
Chaque année, les Parisiens font le pèlerinage de Boulogne ; et, s'ils créent Boulogne sur-Seine, ce n'est que comme succursale ou supplément de Boulogne-sur-Mer, quand leur position, leurs devoirs d'état, ou la guerre, ne leur permettent pas d'aller visiter aussi loin le sanctuaire qui leur est cher.
En 1360, le Dauphin Charles vient à Notre-Dame de Boulogne, sans doute pour hâter la délivrance du roi Jean, son père, captif des Anglais, mais bien plus encore, comme il le dit lui-même, pour rendre ses hommages à Marie, par qui, ajoute-t-il, « Dieu opère de nombreux » miracles, à sa louange, dans toutes les parties du monde, mais principalement dans le royaume de France, et, entre autres lieux, à Boulogne-sur-Mer, en l'église qui y est dédiée en son honneur, et où se rend, à cause de cela, en grande affluence, le concours incessant de tous les peuples, concursus omnium populorum conflait incessanter ».
Surpris de ne point trouver d'autel spécial à l'endroit même où était érigée la statue de la sainte Vierge, et où se faisaient chaque jour d'innombrables miracles, in quofiuiit quotidie innumerabilia miracula, il donne un autel digne de sa munificence royale, veut assister en personne à la consécration qu'en fait l'archevêque de Reims, et y fonde une messe chantée, pour tous les jours de l'année, avec l'addition, pour les samedis, d'un diacre et d'un sous-diacre, d'un préchantre et d'un sous-chantre.
Il y fonde également une stalle, qu'on appela, depuis cette époque, la stalle du roi ; et, pour faire face aux charges qu'il impose, il dote l'autel Notre-Dame d'un revenu annuel de cent livres parisis, à prendre sur cent vingt-trois journaux et demi de terre arable, sur toutes les redevances dont ces terres étaient grevées, et sur tous les droits de douane dans le port d'Étaples.
Le roi Jean, délivré par la protection de Marie, qu'on avait tant invoquée, n'eut rien de plus pressé que de venir en pèlerinage à Boulogne, remercier sa libératrice ; et, en vrai pèlerin, il fait à pied tout le voyage de Calais a Boulogne, lui et les princes qui l'accompagnaient. Là, il acquitte ses vœux, ratifie tout ce qu'avait fait son fils et y ajoute plusieurs dons et privilèges.
Pendant les trente dernières années de ce siècle, nous voyons des présents magnifiques offerts à Notre-Dame de Boulogne par le cardinal de Dormans, évêque de Beauvais et légat du saint siège ; par Jean Ier, comte d'Auvergne et de Boulogne, et son épouse Jeanne de Clermont ; par le comte de Flandre, Louis II ; par le comte de Saint-Pol, Walleron de Luxembourg ; par les seigneurs du Plessis, de Béthune, de Nesle, de Dampierre, de la Trémouille, de Croï ; par les ducs d'Autriche, de Savoie et de Lorraine ; par Rome enfin, par l'Espagne, et jusque par le roi de Chypre.
Les uns offrent des chasubles, des calices, des vases d'or, des statues d'or de Notre-Dame ; les autres, des cœurs d'or, des représentations en or ou en argent d'un homme à genoux devant Notre-Dame ; tous enfin s'étudient à témoigner leur respect et leur amour pour la Vierge de Boulogne.
Nous voyons encore, vers le même temps, Jean de Boucicaut, Renaud de Roye et sire de Sempey, après avoir, pendant trente jours, défié tous les chevaliers d'Angleterre, de Hainaut et de Lorraine, de jouter avec eux au tournoi de Saint-Inglevert, après avoir mis en défaut les meilleures lances d'Angleterre, venir, aussi pieux que braves, présenter leurs chevaux avec leurs harnais à l'église de Notre-Dame de Boulogne, en y joignant un fermail d'or, en forme de sautoir, enrichi de perles et de pierreries, au milieu duquel était un éléphant portant un château.
Et ce n'étaient pas seulement les riches et les grands seigneurs qui faisaient ce pieux pèlerinage ; les petits et les pauvres n'y étaient pas moins empressés.
Aucune difficulté de la route ne les arrêtait ; et cependant ces voyages étaient loin de se faire avec la rapidité et la sécurité des communications modernes.
C'était une expédition hardie et périlleuse, d'accomplir un vœu dans un sanctuaire aussi éloigné, de traverser des provinces souvent ennemies, sans autre abri le soir que la voûte du ciel ou l'hospitalité douteuse d'une famille étrangère ; de cheminer le bourdon à la main, la panetière a la ceinture, vivant d'aumône et buvant l'eau du torrent ou de la fontaine solitaire.
Tels étaient les dangers de ces voyages lointains, que la charité chrétienne se fit un devoir d'y apporter quelques remèdes.
Il s'établit des chevaliers pour escorter les pèlerins, des religieux pour leur donner l'hospitalité, et même des dames de haut parage les accueillaient dans leurs châteaux.
Abbeville éleva un hôpital pour les loger, et y ajouta des frères hospitaliers pour pourvoir à tous leurs besoins.
A Saint-Nicolas d'Audisque, près de Boulogne, on créa, à leur usage, un autre hôpital, et Boulogne même leur ouvrit l'hôpital Sainte-Catherine.
Les pèlerins, au retour de leur pèlerinage, tenaient à en conserver le souvenir comme une douce et salutaire pensée.
De là, l'érection de diverses chapelles de Notre-Dame de Boulogne ; les marins en avaient une à Cremarest, dans l'arrondissement de Boulogne ; les habitants d'Arras, à Notre-Dame-en-Chastel : les habitants de Montdidier, à la porte de leur ville, dans un lieu qu'on appelle encore aujourd'hui le clos de Boulogne. Enfin, jusqu'aux environs de Toulouse, de Blois et de Compiègne se trouvaient des églises de Notre-Dame de Boulogne.
Ce n'était pas encore assez pour les pieux pèlerins ; ils conservaient, comme un trésor, les médailles représentant leur divine protectrice ; et il s'en débitait à Boulogne une telle quantité, que la plupart des orfèvres et ouvriers n'étaient guère occupés à autre chose.
On a retrouvé, de nos jours, plusieurs de ces médailles, dans les ruines de Térouanne, et à Paris, lors des travaux de draguage exécutés dans la Seine.
Les types en sont variés, avec ou sans légende.
Les numismates les désignent sous le nom d'enseignes de pèlerinages ; et un d'eux, M. Jules Rouyer, en décrit une en ces termes : « Cette enseigne, dit-il, est faite en forme de sachet ; elle est creuse, et les bords, bien que rapprochés, n'en sont pas soudés ; ce qui ne laisse guère douter de l'intention que l'on a eue en les confectionnant, de ménager ainsi au futur acquéreur les moyens d'insérer dans le corps de l'enseigne, soit un souvenir de pèlerinage, comme quelques gouttes de la cire d'un cierge conservé devant la sainte image, soit tout autre objet pieux.
On voit d'un côté la sainte Vierge dans un vaisseau flottant, avec cette légende en caractères gothiques : Ste Marie De Bovloingne. De l'autre côté, est l'effigie de la Vierge, portant l'Enfant Jésus sur le bras gauche, et recevant les vœux d'un personnage qui prie à ses pieds ; et autour est inscrite la même légende. »

Telles furent les gloires de Notre-Dame de Boulogne pendant le quatorzième siècle : elles se soutinrent pendant le quinzième.
Alors Charles Vll, qui n'était encore que Dauphin, donna au célèbre sanctuaire une grande statue de vermeil doré, qui avait sur la tête une couronne enrichie de perles et de pierreries, et qui tenait une relique en sa main ; elle était posée sur un piédestal d'argent à six pans, sur l'un desquels étaient gravées les armes du Dauphin.
Le duc de Berry, son grand-oncle, avait fait mieux encore. Non content d'enrichir le trésor de Notre-Dame d'un magnifique reliquaire étincelant d'or et de pierreries, il avait élevé, à ses frais, un grand portail, qui fut détruit pour bâtir le petit séminaire, et où il avait fait placer une grande statue de la Vierge dans un bateau, accompagnée de sa représentation et de celle de sa femme.
Excitée par ces exemples, toute la noblesse de France, de Bourgogne et du Boulonnais s'empresse d'orner les autels de Notre-Dame.
Le duc de Bourbon lui offre une grande émeraude dans un anneau d'or ; Charles de Savoisy, un tableau d'or de l'Annonciation émaillé de saphirs, de rubis et de perles ; Witart de Bours, un fermait d'or enrichi de trois saphirs et de douze grosses perles ; d'autres seigneurs, de magnifiques reliquaires, des cœurs, des anneaux et des croix de grand prix.
Les seigneurs étrangers ne montrèrent pas moins de zèle que les Français ; le comte de Talbot donne une robe de toile d'or parsemée de têtes de lion d'or en relief ; le comte de Warvick, une statue de la Vierge de vermeil doré, tenant le démon sous ses pieds ; un marchand anglais, une turquoise de grandeur extraordinaire, qui formait le principal ornement de la croix qu'on nommait la belle croix, à raison des grandes richesses qu'elle contenait ; Philippe, duc de Bourgogne, une lampe d'or avec les revenus nécessaires pour la faire brûler, jour et nuit, devant la sainte image, une statue de vermeil doré du poids de trente-six marcs, appelée la grande Notre-Dame de Boulogne, avec une couronne d'or parsemée de pierreries, et un grand vase d'or bordé de cinq rubis, de six saphirs, de deux améthystes et de cinquante grosses perles, renfermant des cheveux de la sainte Vierge, le tout posé sous un arbre de vermeil, et soutenu par deux anges de même matière ; et quand ce même prince eut soumis les habitants de Gand révoltés, il fit déposer à Notre-Dame de Boulogne la moitié des bannières des corps de métiers de la ville.
Son fils, Charles le Téméraire, imite sa piété envers Notre-Dame de Boulogne ; il s'y fait représenter à cheval, en or massif, lui et son père ; il y offre son anneau ducal à quatre tables de diamant, qu'on pose dans le pied de la croix d'or appelée la belle croix ; il fait don à l'église de quantités d'ornements précieux ; et quand il eut mis à la raison les habitants de Gand révoltés comme sous son père, et les habitants de Saint-Omer et du Haut-Pont en guerre les uns contre les autres, il les oblige tous à aller à Notre-Dame de Boulogne, les uns pour déposer à ses pieds toutes les bannières des corps de métiers ; les autres pour lui offrir un cierge de trois livres chacun, au moins les principaux habitants.
A la mort de Charles le Téméraire, tué sous les murs de Nancy, Louis XI, après avoir mis la main sur la plus grande partie de son héritage, fonde deux messes par jour, à perpétuité, devant l'autel de la sainte Vierge ; et à genoux à ses pieds il lui consacre la ville, par un vœu solennel ; il lui en cède la propriété, déclarant que Boulogne n'appartiendra plus désormais qu'à Notre-Dame de Boulogne ; qu'elle en sera la comtesse, la souveraine ; qu'il ne reçoit d'elle cette ville, que comme son homme-lige et son vassal ; et qu'enfin lui et ses successeurs lui feront hommage, chaque année, par l'offrande d'un cœur d'or de treize marcs ; et cela, dit-il, pour la grande et singulière dévotion que nous avons à la glorieuse Vierge Marie et a son église collégiale, fondée en ladite ville de Boulogne, en laquelle, par l'intercession de ladite Dame, se font, chacun jour, de beaux et grands miracles ».
Par cet acte, Notre-Dame de Boulogne reçut donc une véritable investiture féodale ; le roi de France devint son vassal, et à elle durent être payées toutes les amendes, les confiscations et les exploits de justice : magnifique donation, puisque ces amendes pouvaient s'élever annuellement à dix mille livres ; mais les clauses n'en furent pas longtemps exécutées ; les hommes de justice aimèrent mieux relever du roi que de la Vierge, et verser les amendes dans le trésor public que de les donner à l'Église.
Couronnée ainsi du diadème royal et suzeraine des rois de France, Notre-Dame de Boulogne vit augmenter sa puissance et la gloire de son nom.
On releva l'hôpital Saint-Nicolas d'Audisque, qui, dévasté par les malheurs de la guerre, ne conservait plus seulement un lit pour les pauvres pèlerins.
Charles VIII alla en pèlerinage, à Boulogne, offrir un cœur d'or du poids de treize marcs, et son chambellan, le maréchal de Crèvecœur, donna quatre lampes d'argent, pesant autant que lui tout armé, avec quatre-vingts livres de rente pour les faire brûler jour et nuit devant la sainte image.
Aussi ce pieux seigneur fut-il enterré avec grande solennité dans l'église, comme il en avait exprimé le désir.
A l'imitation de ces grands exemples, l'amiral de Graville donna un calice de vermeil doré, du poids de six marcs, et un chef d'argent à demi-corps où étaient enchâssées des reliques ; le seigneur de Piennes offrit son effigie à genoux, d'argent, comme témoignage de sa vénération ; Antoine de la Fayette, une chasuble et deux tuniques ; le maréchal du Biez, une double croix fleurdelisée, avec une crosse abbatiale, émaillée d'or, enrichie de plusieurs figures, et toute en vermeil ; François de Melun, deux lampes d'argent et une d'or au milieu.
Les têtes couronnées continuèrent de joindre leurs vœux à ceux de leurs sujets : Charles VIII, Louis XII, François Ier, payèrent exactement chaque année à la Dame souveraine du Boulonnais leur hommage d'un cœur d'or de treize marcs ; et la sœur de Henri VIII, fiancée à Louis XII, ne fut pas plutôt débarquée à Boulogne, qu'elle se rendit à Notre-Dame pour prier, et y laissa en offrande un bras d'argent, émaillé des armes de France et d'Angleterre, qui pesait huit marcs.
Peu après, la reine Claude, épouse de François Ier, donna un manteau de drap d'or pour Notre-Dame, avec deux robes de même matière, l'une pour la Mère, l'autre pour l'Enfant Jésus.
Et qu'on ne croie pas que nous ayons tout dit sur les richesses de Notre-Dame : outre les présents dont nous avons parlé jusqu'ici, l'inventaire qui en fut fait vers la fin du quinzième siècle mentionne près de cent reliquaires d'or ou d'argent, dix-huit grandes statues d'argent, onze cœurs, un grand nombre de bras et de jambes, également d'or ou d'argent, vingt robes et douze manteaux d'étoffes précieuses à l'usage de la sainte image, une quantité prodigieuse de diamants, rubis, saphirs et autres pierreries, le tout placé en ordre sous treize arcades et renfermé en des armoires.
La chapelle n'était pas moins riche.
C'était, dit un auteur, un lieu des plus saints et des plus augustes.
Sept lampes, dont quatre étaient d'argent et trois d'or, brûlaient incessamment devant l'image de la sainte Vierge ; et les colonnes qui environnaient l'autel étaient toutes revêtues de lames d'argent.
Mais le seizième et le dix-septième siècle arrivèrent, époques doublement malheureuses, puisque Notre-Dame eut à y subir et la cupidité des ennemis du dehors, et la rage haineuse des ennemis du dedans.
La guerre se ralluma entre Henri VIII et François Ier ; le monarque anglais vint avec cinquante mille combattants mettre le siége devant Boulogne.
La ville, forte de sa confiance en sa patronne, résista près de deux mois ; mais les mercenaires italiens qui formaient une grande partie de sa garnison la trahirent et ouvrirent les portes à l'ennemi.
Aussitôt, les soldats cupides se précipitent sur l'église Notre-Dame, où ils savent que sont entassés de grands trésors ; ils s'emparent des richesses des siècles, outragent l'image miraculeuse et l'emportent dans leur île avec toutes les dépouilles du sanctuaire, après avoir renversé de fond en comble sa chapelle pour élever sur ses ruines un boulevard avec un arsenal.
Cet état de désolation dura cinq ans et demi, pendant lesquels une peste terrible et vengeresse décima plusieurs fois la garnison chargée de la garde de la ville ; enfin la France reprit Boulogne le 15 mai 1550 ; le roi Henri II y fit son entrée avec une cour nombreuse ; et accomplissant un vœu qu'il avait fait deux ans auparavant, il donna une grande statue de Notre-Dame en bateau, faite d'argent massif, du poids d'environ cent vingt marcs, pour être mise en place de l'image miraculeuse emportée en Angleterre.
Précieux témoignage de la piété de Henri II, qui se conserve encore aujourd'hui, avec l'inscription sur une lame d'argent : Henricus secundiu, rtx Franc. Chrhtianhs., Bononià ab hostc receptà. divœ Mariœ Virgini Deiparœ suo» honores restituit ann. 1550.
Mais qu'étaient tous ces présents pour les Boulonnais ? Il leur fallait leur statue miraculeuse.
Henri le comprit ; il la fit demander au roi d'Angleterre, et celui-ci la renvoya.
Le clergé de Boulogne alla processionnellement la recevoir sur le rivage, et la porta en triomphe dans son ancienne demeure, au milieu d'une foule de peuple, pleurant de bonheur.
Les pèlerinages aussitôt recommencèrent, ainsi que les offrandes ; Henri II donna quatre grandes lampes d'argent, cent chênes de ses forêts du Boulonnais, pour être employés aux plus pressantes réparations du sanctuaire, avec une somme de mille écus sols, et une autre de douze cents livres tournois.
A l'hommage du cœur d'or qu'il offrit comme ses prédécesseurs, il ajouta une couronne impériale avec une chaîne de dix-sept anneaux d'or et ces mots gravés tout autour : Henricus II, rex cliens, patrocinio Dei Matris Virginia, koeoppido recepto a Deo, 7 kalendas maii, an. 1550.
La reine Catherine de Médicis, imitant son pieux époux, donna une chapelle d'or complète, une lampe d'argent d'une pesanteur extraordinaire, plusieurs chapes, chasubles, tuniques et parements d'autel ; la duchesse de Valentinois, une grande lampe d'argent ; la marquise d'Elbeuf, un riche tableau d'argent massif ; le duc de Guise et le cardinal de Lorraine son frère, le connétable Anne de Montmorency et le maréchal d'Albon Saint-André, donnèrent chacun une belle lampe d'argent ; l'évêque d'Avranches, un calice de vermeil doré ; enfin de toutes parts les offrandes arrivèrent si nombreuses, que cinq ou six ans après le rétablissement de la sainte image dans son sanctuaire, ses richesses montaient déjà à une valeur de deux cent mille livres.
D'autres seigneurs donnèrent des vitraux, un autre six mille francs pour la toiture.
Sur ces entrefaites, Thérouanne, le siège du diocèse dont Boulogne faisait partie, ayant été rasé par Charles-Quint en 1553, les vicaires généraux et les chanoines du chapitre se retirèrent à Boulogne, qui fut proposée par Henri II au souverain pontife comme nouveau siège.
A l'annonce de cette gloire nouvelle qu'allait recevoir Notre-Dame de Boulogne, le concours des pèlerins devint plus grand que jamais : quoique presque toutes les maisons servissent d'hôtellerie, on trouvait à peine à se loger en ville et les offrandes croissaient dans la même proportion.
Les protestants s'en alarmèrent, et feignirent d'y voir un danger pour la France ; mais on les laissa dire, et les pèlerins continuèrent d'affluer à Boulogne.
Ce fut bien mieux encore lorsque, le 3 mars 1567, Pie V ayant donné la bulle d'érection, l'église de Boulogne devint cathédrale, en demeurant sous l'invocation de la Mère de Dieu.
Plus furieux que jamais, les protestants ourdirent, sur toute la France, un vaste complot, connu sous le nom de Michelade.
Un grand nombre d'entre eux s'introduisirent à Boulogne ; et, le matin du dimanche 12 octobre 1567, on s'aperçut que l'image miraculeuse avait été enlevée de son autel ; ce n'était là que le commencement de leurs desseins impies.
Le jour des Morts, pendant qu'on chantait l'office des trépassés, de nombreuses décharges d'arquebuses éclatent tout à coup dans l'église ; une grêle de pierres est lancée à travers les fenêtres, et les chanoines, forcés d'interrompre le service divin, ne trouvent de salut que dans la fuite.
Les protestants, maîtres du champ de bataille, se ruent sur la cathédrale et sur l'abbaye Notre-Dame ; ils brisent les fonts baptismaux, les autels, les verrières, les stalles, les pupitres et les bancs, dépavent l'église, et en font tomber les combles, rien n'y demeure intact ; c'est un pillage, un bris universel, accompagné de massacres de prêtres et de religieux, et suivis de la dilapidation des finances de la ville.
Ces désordres restèrent impunis, et les perturbateurs demeurèrent maîtres de Boulogne jusqu'au 25 avril suivant.
Alors seulement, les catholiques purent rentrer dans leur église.
Leur premier soin fut de se mettre à la recherche de l'image miraculeuse ; mais les fouilles qu'ils firent de toutes parts furent sans résultat.
Ils voulurent réparer les dégâts, mais les finances de l'État étant épuisées par les guerres civiles, le roi ne put leur donner que quelques arpents de bois des forêts du Boulonnais pour rebâtir les combles de l'église abattus, et particulièrement celui du chœur, auquel on travailla avant tout ; il y ajouta seulement la maîtresse vitre au-dessus du grand autel, où il se fit représenter à genoux, ainsi que sa femme Élisabeth d'Autriche, devant l'effigie de Notre-Dame de Boulogne en bateau.
Henri III, en montant sur le trône, fit pour la réparation de la cathédrale une concession considérable de chênes ; mais le mauvais vouloir des agents en ayant limité le nombre à cinquante pieds d'arbres, les particuliers s'efforcèrent d'y suppléer.
François de Chaumeil et Antoine d'Estrées, l'un et l'autre successivement gouverneurs du Boulonnais, Claude Dormy et Adrien Bertrand, méritèrent d'être représentés dans les verrières, comme bienfaiteurs insignes de l'église.
Parmi les autres bienfaiteurs, les uns se chargèrent des voûtes et autres ouvrages de la nef ; les autres du rétablissement des chapelles ; d'autres, comme le cardinal de Créquy, à son retour de Rome, vinrent y apporter leurs vœux et leurs offrandes, pour les besoins qu'on jugerait les plus urgents ; et, par là, l'église se trouva, au bout de peu de temps, dans un état de décence convenable pour le service divin.
Mais, au milieu de ces réparations, une chose affligeait tous les cœurs, c'est qu'on n'avait point encore retrouvé l'ancienne statue. La Providence la fit bientôt reparaître.
Vers la fin de l'année 1588, un soldat catholique, nommé de Wismes, entendit, un jour, un de ses camarades protestant se vanter d'avoir enlevé la statue de Notre-Dame, d'avoir essayé de la brûler, sans pouvoir y réussir, d'avoir voulu la couper par morceaux avec une hache, sans pouvoir y faire entrer le fer, de l'avoir tenue longtemps enfouie sous un fumier, sans qu'elle en fût endommagée, et enfin de l'avoir jetée dans un puits, d'où il espérait bien qu'elle ne sortirait jamais.
A ce récit, le soldat catholique est vivement ému : il ne lui restait plus qu'à savoir où était ce puits ; la Providence le fit encore bientôt connaître.
Un vieux gentilhomme, autrefois protestant, raconta un jour à un ermite de ses parents que la vieille image de Notre-Dame de Boulogne, enlevée de son autel par ses anciens compagnons d'armes, avait été jetée dans le puits de son château, que sa femme l'en avait retirée, et que, s'il la voulait, il la lui donnerait.
L'ermite accepte cette offre avec bonheur ; et, prenant avec lui un prêtre de Boulogne, nommé Antoine Gillot, il se rend au château du gentilhomme.
Antoine Gillot reçoit de ses mains la sainte image, la prend sur ses épaules, et se dirige vers Boulogne.
Arrivé à un monticule, d'où il aperçoit le clocher de l'église Notre-Dame, il y pose l'image, et, tombant à genoux à ses pieds, il supplie Marie de lui donner la force de la porter jusqu'à la ville ; il chante avec l'ermite plusieurs hymnes et cantiques à sa louange, et, réconforté par la prière, il porte jusqu'à Boulogne son précieux fardeau, qu'il dépose chez un ancien mayeur de la confrérie, Guillaume Mouton.
Cette nouvelle se répand bientôt dans la ville ; tout le monde accourt, et l'on vient prier avec joie devant l'antique statue.
Mais là se rencontrait une grave difficulté ; l'autorité ecclésiastique, toujours prudente et sévère dans ses jugements, pour ne pas se laisser tromper, voulut que l'authenticité de la statue lui fût parfaitement constatée, avant d'en autoriser l'exposition.
Les informations commencèrent ; on fit les enquêtes les plus minutieuses ; tout, jusqu'à plusieurs miracles obtenus par des prières devant la statue, proclamait l'authenticité ; et cependant, qui le croirait ? on ne la prononça qu'au bout de vingt-trois ans ; tant l'Église met de réserve dans tout ce qui touche au culte de Dieu et des saints.
En attendant, les pèlerinages continuaient, les travaux de restauration de l'ancienne basilique se poursuivaient ; évêques, chanoines, particuliers, tous, depuis cinquante ans, travaillaient à cette pieuse tâche.
Toutefois, on était arrivé à l'an 1620, et l'on n'avait rien fait pour la chapelle de Notre-Dame, qui formait l'abside.
L'herbe poussait à loisir sur cette terre de miracles, et le pèlerin lui-même en avait perdu le souvenir.
L'évêque fit appel, par une lettre pastorale, à la piété de ses diocésains.
On entendit sa voix ; entre autres bienfaiteurs, le maréchal de Chaulnes donna neuf cents livres, avec deux chandeliers d'argent du poids de neuf marcs ; et, au bout de trois ans, l'autel et la chapelle furent consacrés par l'évêque.
Il ne restait donc plus qu'à y réintégrer dans son trône la statue antique.
On fit encore de nouvelles enquêtes, on les soumit à la Sorbonne ; et, sur son avis favorable, le 30 mai 1630, l'évêque Jean le Bouthillier rétablit la statue dans ses anciens honneurs.
Depuis ce moment, Marie sembla vouloir justifier le jugement si longtemps médité, et les miracles devinrent plus nombreux que jamais.
On tailla en petites statuettes les parcelles de bois détachées de la statue par l'artiste appelé à corriger les difformités résultant des mauvais traitements des Anglais et des protestants ; et la prière faite devant ces statuettes obtint grand nombre de miracles.
On en obtint bien davantage encore devant la grande statue elle-même ; et on ne saurait dire combien de malades guéris, d'enfants rendus à leurs mères, de pères conservés à leurs enfants, de cœurs désolés remis dans le calme, relevèrent, chaque jour, de plus en plus, la gloire de Notre-Dame de Boulogne.
Les archives et les innombrables ex-voto, mis en cendres par la révolution, nous en cachent la nomenclature ; mais l'affluence toujours croissante des pèlerins nous la dit assez.
L'historien de Notre-Dame de Boulogne, le chanoine Antoine le Roy, souvent cité dans notre récit, raconte, dans le plus grand détail, les miracles opérés de son temps, c'est-à-dire de 1630 a 1658.
On y voit un muet qui recouvre la parole, un navire et beaucoup de marins sauvés du naufrage, deux paralytiques qui recouvrent l'usage de leurs jambes, un enfant mort rendu à la vie, des guérisons diverses obtenues, la peste conjurée ; et l'historien nomme les personnes sur lesquelles se sont opérés ces prodiges, avec toutes les circonstances des faits.
Cependant les rois de France, au milieu des tempêtes civiles que le royaume avait traversées, avaient négligé l'hommage annuel du cœur d'or fondé par Louis XI envers Notre-Dame de Boulogne, comme la suzeraine du comté ; Louis XIV paya royalement cette dette : il fit faire, pour le chœur de la cathédrale, une clôture de marbre, et pour le sanctuaire, un bel autel de même matière, derrière lequel il voulut être représenté avec Louis XIII, à genoux, offrant chacun un cœur à Notre-Dame de Boulogne.
A l'exemple du roi, les grands seigneurs, les particuliers, la reine d'Angleterre elle-même, Henriette-Marie de France, accumulèrent les donations aux pieds de Notre-Dame de Boulogne ; les uns lui offrant des ornements sacrés, des robes de soie brodées d'or et d'argent; les autres des calices, des ciboires magnifiques, des lampes de grande valeur.
Le maréchal d'Aumont fit construire un jubé de marbre à l'entrée du chœur ; après lui, son fils et sa belle-fille embellirent l'église et revêtirent les autels d'ornements précieux.
Au milieu de tous ces dons, les miracles se continuaient, la confiance en Notre-Dame de Boulogne croissait, la reine mère la faisait prier pour Louis XIV, tombé malade à Calais ; les échevins, en 1658, faisaient placer au-dessus de la principale porte de la ville la statue de Marie, dans un bateau dont les anges étaient les pilotes, et le clergé venait la saluer, en procession solennelle, sous ce beau titre : Patrona nosira singularis, notre patronne spéciale.
Le dix-huitième siècle vit la même affluence de pèlerins, les mêmes donations, les mêmes offrandes, et aussi les mêmes miracles.
Quand Marie Leczinska, épouse de Louis XV, devint enceinte, l'évêque de Boulogne fit célébrer quatre cents messes à l'autel Notre-Dame, pour obtenir la délivrance de la reine ; et, le 4 septembre, elle accoucha d'un prince qui devait être le père de trois rois, Louis XVI, Louis XVIII et Charles X.
Louis XV, pour acquitter l'hommage annuel du cœur d'or, envoya six mille livres, et alla lui-même visiter la sainte image, le 6 juillet 1744.
En 1778, Marie-Antoinette étant enceinte, Mgr de Pressy, évêque de Boulogne, célébra, devant l'autel de Notre-Dame, une messe solennelle, qui fut suivie d'une neuvaine ; et l'enfant qui naquit fut la noble princesse, si célèbre par ses malheurs, qui devint la duchesse d'Angoulême.
Quelques années après, la révolution éclata ; on décréta l'abolition de la propriété ecclésiastique ; et, malgré la protestation solennelle du chapitre, on fit, en 1791, l'inventaire du mobilier de l'église de Notre-Dame.
Puis on proscrivit le culte, et l'on brûla, sur l'esplanade de l'église Saint-Nicolas, les images des saints avec une grande partie des archives de la ville et des communautés religieuses.
La statue de Notre-Dame fut épargnée pour cette fois, et transportée dans une des salles de la sous-préfecture, appelée alors le district.
Elle y resta nue et dépouillée de tous ses ornements.
Mais les révolutionnaires de Boulogne, accusés de modérantisme, se hâtèrent de réfuter une telle imputation ; un mois après, dans les derniers jours de décembre 1793, ils brûlèrent la statue qu'avaient vénérée les siècles ; la main seule fut soustraite à leur haine impie.
Ils vendirent la cathédrale avec la chapelle de la Vierge ; bientôt l'une et l'autre disparurent sous le marteau des démolisseurs ; et les révolutionnaires de Boulogne furent dignes de leurs confrères.
Heureusement, cet esprit d'impiété ne dura que peu d'années : par le concordat qui signala le commencement du dix-neuvième siècle, l'église se releva de ses ruines, mais non pas le diocèse de Boulogne, qui fut supprimé et incorporé au nouveau diocèse d'Arras.
Le rétablissement du culte de Notre-Dame ne pouvait donc se faire que par les curés de la ville ; c'est ce qui eut lieu en effet.
On éleva un autel de la sainte Vierge dans l'ancienne chapelle intérieure des Annonciades ; on y plaça une statue faite, d'après les souvenirs, sur le modèle de l'ancienne, et on inaugura le culte de Notre-Dame par une neuvaine expiatoire.
Aussitôt la paroisse de Samer y accourt en procession ; les Moriens y viennent prier et suspendent les ex-voto, gages de leur reconnaissance.
Une pieuse dame, madame Haffreingue, donne un ciboire de vermeil ; et la confrérie de Notre-Dame de Boulogne reparaît.
Le 26 avril 1814, Louis XVIII, passant par Boulogne pour remonter sur le trône de ses pères, se fait conduire aussitôt à l'église paroissiale de la haute ville, pour y offrir ses hommages à Notre-Dame ; arrivé à Paris, il rétablit l'évêché de Boulogne, et y nomme un titulaire.
La joie de Boulogne était au comble ; mais, malheureusement, l'opposition parlementaire n'approuva pas le projet, et le gouvernement timide l'ajourna.
Plus courageux contre les difficultés, jaloux de ressusciter le pèlerinage séculaire de Notre-Dame, en donnant à Marie un temple digne d'elle, du haut duquel elle dominerait la France catholique et la protestante Angleterre, M. l'abbé Haffreingue acheta, le 18 août 1820, l'enclos de la cathédrale, dont restaient encore quelques pans de mur, quelques tronçons de colonnes brisées, ainsi que le palais épiscopal qui lui est contigu. Maître du terrain, le prêtre de foi médite les plans de reconstruction du nouveau sanctuaire, et prie la Providence de lui envoyer les fonds nécessaires à un si grand dessein.
Bientôt une offrande de quarante-huit mille francs lui arrive, et, quelques mois plus tard, une pareille somme est remise dans ses mains.
Les travaux marchent rapidement, et, le 8 décembre 1829, M. Haffreingue peut offrir le saint sacrifice dans la chapelle achevée du chevet de l'église.
Les travaux, suspendus eu 1830, repris en 1832, se continuèrent sans interruption ; la première pierre de la nef fut posée le 8 avril 1839 ; la nouvelle chapelle de Notre-Dame fut bénite le 29 mai 1840 ; enfin les offrandes arrivant providentiellement de toutes les parties de la France et surtout de toutes les contrées du Boulonnois, le prêtre, tout-puissant par sa foi, put couronner de la statue de Marie le grandiose édifice, un des plus beaux monuments religieux de France, une de ces œuvres dont on croyait un gouvernement seul capable et que le zèle privé a su réaliser.
Cependant, tandis qu'on élevait Notre-Dame de Boulogne, de nouvelles gloires éclataient sur elle.
Lorsqu'en 1849 le choléra vint faire en France de si nombreuses victimes, Marie en préserva les paroisses de Boulogne et des environs qui étaient venues en pèlerinage réclamer sa protection.
Le prince romain Charles Torlonia, estimant que la plus belle offrande pour un tel monument devait venir du centre même de la catholicité et du chef-lieu des beaux arts, promit à Notre-Dame de Boulogne un magnifique autel.
A sa mort, son frère, le prince Alexandre Torlonia, confirma cette promesse et en garantit l'exécution.
Le roi des Deux-Siciles, Ferdinand de Bourbon, fit construire à Naples, sur le Môle, une église de marins, dont une des plus belles chapelles est dédiée à Notre-Dame de Boulogne.
Le souverain de la France visita lui-même le sanctuaire qui s'élevait à la gloire de Marie, et y déposa une offrande de dix mille francs.
Une station de quinze jours prêchée par les plus célèbres prédicateurs de France s'y ouvrit a l'époque de l'Assomption, et non-seulement toutes les paroisses des environs, mais Calais, Abbeville, Amiens, Paris même, y vinrent en pèlerinage.
Ce premier essai fait en 1853 fut si heureux, que, depuis cette époque, chaque année voit se renouveler et la même station et les mêmes pèlerinages.
A tant de titres de gloire, nous pourrions ajouter encore et la belle cloche donnée à la basilique de Marie, et les chants sacrés qui lui furent offerts par le maître de chapelle du Vatican, et les indulgences nombreuses que lui accorda Pie IX, et les évêques de France et de Belgique se complaisant à venir relever par leur présence l'éclat des fêtes de Notre-Dame de Boulogne, et les processions incomparables qui parcourent la ville pendant les jours de la station ; mais tout ce que nous pourrions dire demeurerait au-dessous de la réalité. Qu'on y aille soi-même en pèlerinage, et l'on sentira au fond du cœur combien est bonne Notre-Dame de Boulogne envers ceux qui l'aiment et qui l'invoquent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire