Bellancourt Chapelle Notre-Dame de Monflières

Bellancourt
Chapelle Notre-Dame de Monflières


Découverte de la statue
Des inscriptions sont tracées sous les deux peintures murales qui décorent la nef de la chapelle.
Au-dessous de la peinture qui se trouve sur le mur situé à gauche du pèlerin qui entre dans la chapelle, on lit ces mots :
"Suivant une pieuse tradition, un berger gardant son troupeau près de l'arbre qui faisait anciennement la séparation des terroirs de Bellencourt et de Vauchelles, trouva dans cet arbre l'Image de la Sainte Vierge révérée en cette chapelle depuis un temps immémorial".
Au-dessous de la peinture murale de droite, on voit ce qui suit :
"Un pieux débat s'élève entre les habitants de Bellencourt et de Vauchelles : chacun prétend à la possession de l'Image vénérable, mais un évènement extraordinaire décide à qui le Ciel destine ce précieux trésor".
Cette double légende, malgré sa concision, forme cependant toute l'histoire des origines du pèlerinage de Monflières.
La statue de Notre-Dame



La statue de Notre-Dame de Monflières est en bois de chêne : elle représente la Sainte Vierge assise tenant l'Enfant Jésus sur les genoux ; elle mesure quatre-vingts centimètres de hauteur ; debout la Madone aurait un mètre de taille.
La statue a été sculptée assise sur un siège qui a disparu : le tout a été travaillé dans le même morceau de bois.
La Madone et son divin Enfant sont vêtus d'une robe : la Vierge a de plus un manteau ; les plis de ce vêtement sont distribués avec un certain art, et témoignent du goût de l'artiste.
Comme la plupart des Vierges miraculeuses, la Madone de Monflières était enveloppée d'une longue robe bleue, de forme triangulaire, et qui ne laissait voir que la tête de l'Enfant Jésus et de sa Mère. Mais aujourd'hui une heureuse restauration du sanctuaire a restitué à la statue sa forme première, en la présentant assise sur un trône, conformément à l'idée du pieux entailleur d'images qui l'a sculptée.
L'arbre de Monflières
Au sujet de l'arbre, à l'aspect majestueux, qui se trouve en avant de la chapelle, il existe une opinion erronée : beaucoup de pèlerins pensent que c'est sur cet arbre même que la statue de Notre-Dame de Monflières a été découverte.
Il n'en est rien ; car la tradition elle-même dit que l'arbre de l'apparition se trouvait à la limite des deux terroirs de Vauchelles et de Bellancourt ; elle ajoute que le chariot fut emmené dans la direction de ce dernier village, et que la chapelle fut bâtie à l'endroit où le chariot s'arrêta.
Cette même tradition place cet arbre auprès du sentier qui conduit de Vauchelles à Monflières et à peu de distance du hameau.
Un document authentique confirme cette tradition : on peut voir "l'arbre orme, appelé Bucquet Nostre-Damme" indiqué clairement sur un plan figuratif dressé en 1748, par un arpenteur juré de Saint-Riquier, pour régler un différend survenu entre le chapitre de Saint-Vulfran d'Abbeville et l'abbaye de Saint Riquier au sujet du dîmage de Vauchelles et de Bellancourt.
Au reste, à la fin du XVIIIe, on voyait encore le tronc de l'arbre de Notre-Dame dans la chapelle où on l'entourait d'une sorte de culte qui alla même jusqu'à la superstition, à tel point qu'on dut le faire disparaître.
La chapelle
Si la joie fut grande au pays de Monflières, elle ne le fut pas moins dans la célèbre abbaye de Berteaucourt-les-Dames, qui possédait entre autres terres le champs sur lequel le chariot s'était arrêté.
La Très Sainte Vierge voulait donner un témoignage particulier de son amour aux religieuses de l'abbaye royale de Notre-Dame de Berteaucourt, en leur demandant l'hospitalité sur leur domaine de Monflières.
La tradition rapporte que Madame l'Abbesse, du consentement de son chapitre, donna le terrain nécessaire pour la construction d'une chapelle. Nous regrettons de ne pouvoir citer la charte de donation, document qu'il serait si intéressant de conserver ; malgré cette lacune, il n'y a pas de doute possible sur le fait rapporté par la tradition, car une bulle du pape Alexandre III, en date du 24 avril 1176, dénomme la chapelle de Monflières parmi les biens appartenant à l'abbaye de Berteaucourt ; et, d'un autre côté, Flandrine II, en l'année 1184, donne à cens, à Simon, prêtre, l'église de Monflières et la terre que ladite église a eue par la donation d'Enguerrand, sénéchal de Ponthieu.
D'où il suit que la chapelle de Monflières était la propriété de l'abbaye de Berteaucourt.
Aux frais de qui fut construite la chapelle ? Il serait difficile de le dire, en l'absence de documents sur cette question. On peut bien croire qu'il y eut pour cette œuvre de généreux concours venus de toutes parts, et que, confondus dans un même sentiment de foi et de dévotion filiale, seigneurs et gens du peuple ont travaillé, chacun à leur manière, à élever un abri à la statue de la Reine du Ciel qui voulait bien devenir la Reine du Ponthieu.
La chapelle de Monflières n'est pas sans intérêt au point de vue archéologique. Sans entrer dans les détails d'une description complète, bornons-nous à dire qu'elle offre, malgré des restaurations successives, des traces du style roman, employé à l'époque de sa construction.
En l'examinant extérieurement, on remarque deux anciennes portes, aujourd'hui condamnées, à la hauteur de la grille du sanctuaire : la porte située du côté de l'épitre servait au chapelain qui habitait la maison voisine, l'autre porte était destinée aux pèlerins.
L'intérieur de la chapelle offre un spectacle agréable à la vue : la nef, avec sa fraîche décoration, montre deux peintures murales qui racontent l'une la découverte, l'autre la miraculeuse translation de la statue de Notre-Dame.
Le sanctuaire a reçu une décoration beaucoup plus riche, mais ses nuances sombres et sévères lui donnent un caractère mystérieux. Faisons remarquer que la nef et le sanctuaire de la chapelle n'ont pas le même axe : le sanctuaire s'incline un peu du côté de l'épître, ainsi qu'on peut le constater en comparant les panneaux des lambris à droite et à gauche. La chapelle de Monflières est placée sous le vocable de l'Annonciation. On sait qu'au XIIe siècle le peuple chrétien avait une grande dévotion au mystère de l'Incarnation du Verbe.
Le trône de Notre-Dame
Le trône de Notre-Dame est placé dans un édicule en hors-d'œuvre construit derrière l'autel, et mis en communication avec la chapelle par une baie ogivale.
Cette sorte de petite abside ne ressemble aujourd'hui en rien à l'ancienne : la statue de la Madone, appendue au mur du fond, était abritée sous un porche un peu lourd et dépourvu de style.
La décoration de l'abside produit une illusion dont on ne se rend pas bien compte au premier coup d'œil. Des peintures artistement traitées simulent un sanctuaire gothique avec vitraux d'un caractère antique ; une perspective parfaite donne une profondeur pleine de mystères à l'abside, dont la statue de Notre-Dame occupe le centre ; on ne saurait rendre l'impression que cause cette vision empreinte d'un charme tout céleste.
La Madone de Monflières est placée sur un trône sobrement décoré ; ce trône est une chaire gothique du XIVe siècle, sur laquelle est assise la statue de la Sainte Vierge sculptée dans cette attitude, nous l'avons dit. Le dossier comprend cinq panneaux sur lesquels sont peints les écussons qui résument à grands traits l'histoire de Monflières : les écussons de l'évêché d'Amiens, de l'abbaye de Berteaucourt, du comté de Ponthieu, de la ville d'Abbeville et de la reine Marie-Antoinette.
Oh ! qu'elle est gracieuse à contempler sainte Marie de Monflières sur son trône, dans sa belle et riche parure de drap d'or ! Elle rappelle la parole du saint roi David : "Une Reine est assise à votre droite, parée d'une robe d'or". Que sa physionomie est douce et bonne sous son diadème royal aux reflets chatoyants ! Sa main droite tient un sceptre terminé par une fleur de lys. Par une curieuse coïncidence, la Madone de Monflières rappelle le sceau du chapître de Sainte Marie de Berteaucourt, où l'on voyait : la Vierge assise, tenant à droite un sceptre terminé par une fleur de lys, et l'Enfant Jésus assis sur ses genoux.
Pèlerinages à Monflières
Depuis le jour à jamais béni où la Sainte Vierge a manifesté sa puissance au pays de Monflières, il s'est établi à la chapelle de ce hameau inconnu une série non interrompue de pèlerinages.
Les foules y sont venues de tout le Ponthieu implorer la protection de Notre-Dame, qui se plaisait à prouver par des miracles son amour plus encore que sa puissance.
"Vers l'an 1263, dit M. Louandre, auteur de l'Histoire d'Abbeville, les Vierges de Lheure et de Monflières étaient surtout célèbres par les nombreux miracles qu'on leur attribuait, et le concours de peuples qui venait les invoquer".
Nous aimons à évoquer parmi les pèlerins de Monflières les nobles figures des pieux comtes de Ponthieu, des vaillants chevaliers de nos contrées revenus de Terre Sainte, des mayeurs d'Abbeville, et surtout de messire Jean de Maupin, seigneur de Monflières.
Les moines de Saint Riquier n'ont pas manqué assurément d'offrir leurs hommages à la Madone qui honorait leur métairie de sa précieuse présence.
Mais nous aimons surtout à saluer cette foule inombrable de pèlerins de toutes conditions qui se sont acheminés vers le sanctuaire aimé où l'on trouve la paix et la consolation.
Des documents certains établissent qu'à partir de l'an 1599, un pèlerinage s'accomplissait à Monflières, le dimanche qui précédait l'Assomption, en exécution d'un vœu fait à la suite de la cessation d'un fléau qui avait fait périr 4000 personnes dans la seule ville d'Abbeville, et 8000 dans les campagnes environnantes : ce pèlerinage se faisait sous la conduite d'une Confrérie érigée en l'honneur de Notre-Dame de Monflières sous le titre de Confrérie du quartier du roy David, et qui subsista jusqu'après la mort du roi Louis XVI, comme le prouve le dernier procès-verbal de la Confrérie, en date du 11 août 1793.
La paroisse de Limeux venait également à Monflières chaque année pour le même motif que les Abbevillois.
Le P. Ignace Sanson, historien d'Abbeville, écrit ces lignes en l'année 1646 : "Il y a aussi plusieurs endroits remarquables dans l'archidiaconé de Ponthieu, où sont des images miraculeuses de la Très Sainte Mère de Dieu, comme à Monflières, à Bray, à Canchy, et en d'autres lieux".
En 1693, pour faire cesser un nouveau fléau, les tanneurs d'Abbeville promettent de donner chaque année à la Madone de Monflières un cierge : ce vœu s'accomplit fidèlement le jour de saint Laurent jusqu'à la Révolution.
Une épidémie de suette désolait, en 1718, une rue de la même ville. A la suite d'un vœu fait à notre chère Madone, un pèlerinage annuel s'accomplit, jusqu'à l'année 1790, à Monflières où l'on offrait un cierge comme ex-voto.
Il existe à la bibliothèque d'Abbeville une image imprimée à Lille, en 1777, et représentant Notre-Dame de Monflières entourée de divers emblèmes qui attestent sa puissance en même temps que sa célébrité.
Au même endroit, nous avons relevé des renseignements intéressants à ce sujet, sur des cartes de Picardie dressées à différentes époques, en 1709, 1710, 1738, 1757, 1760, 1790 ; il convient de remarquer que toutes ces cartes désignent Monflières par une petite chapelle ; plusieurs portent cette mention : Monflières, pèlerinage.
Nous pouvons donc conclure que, depuis le XIIe siècle jusqu'en 1793, Notre-Dame de Monflières a été l'objet de pèlerinages non interrompus.
Il serait difficile d'établir que le XIXe siècle a continué la tradition des siècles passés.
Aujourd'hui le sanctuaire de Notre-Dame de Monflières est fréquenté d'une manière assidue.
"A-t-on une grâce à solliciter, dit un pieux auteur, a-t-on un malade à recommander, une larme à essuyer, on pense à Monflières, on court à Monflières : en sorte qu'on a pu dire : 
A Monflières, même au cœur de l'hiver, pas un jour sans pèlerins".
Les enfants au lendemain de leur première communion, les nouveaux époux, les familles en deuil, les âmes qui sont dans la peine, viennent au sanctuaire de Monflières et demandent à la Sainte Vierge de bénir leurs résolutions, de protéger leur avenir, de consoler leurs douleurs de quelque nature qu'elles soient.
Le second lundi de chaque mois, on chante pour les pèlerins une messe fondée à perpétuité dans la chapelle de Monflières par Mgr Demandoix, évêque d'Amiens le 5 mai 1809.
Toutes les paroisses d'Abbeville accomplissent chaque année leur pèlerinage à notre chère Madone ; beaucoup de paroisses des environs suivent cet exemple.
Parmi les pèlerinages des maisons d'éducation, signalons celui que le Petit-Séminaire de Saint Riquier a accompli pendant plus de 60 années avant sa fermeture en 1906.
Donnons aussi une mention particulière au pèlerinage que l'école Saint Stanislas faisait chaque année depuis sa fondation, imitant ainsi le tendre amour de son aimable Patron pour la Mère de Dieu : cette école est également fermée depuis 1906.
Le sanctuaire de Monflières ne cesse donc pas d'être le rendez-vous de toutes les joies et de toutes les douleurs, et nous pouvons en toute vérité adresser à Notre-Dame ces belles paroles du prophète Isaïe : "Levez les yeux et regardez autour de vous. Tous ceux que vous voyez assemblés ici viennent pour être à vous ; vos fils viendront de bien loin, et vos filles viendront vous trouver de tous côtés".
Source : Livret "Notre-Dame de Monflières"


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